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Destins liés ~Nouvelle Aube~ de fan-à-tics



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» Auteur : fan-à-tics - Voir le profil
» Créé le 19/07/2014 à 23:39
» Dernière mise à jour le 19/07/2014 à 23:39

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Episode Pilote - Destins Liés, vers une nouvelle Aube.

Voici le deuxième prologue de cette histoire, normalement, les lecteurs de Destins Liés saison 1 ont déjà du le lire dans les trailers, aussi je vous invite, cher lecteur à patienter encore un tout petit peu, le chapitre inédit devrait arriver sous peu.

Bonne lecture.

Episode Pilote - Destins Liés, vers une nouvelle Aube.


« Il existe en ce monde de nombreuses choses que l'on ne peut expliquer. L'univers n'est finalement compris, défini que grâce à des croyances, théories et légendes de tout âge. Mais le plus grand mystère, la plus fabuleuse légende, qu'aucune théorie ne peut expliquer, et en laquelle on ne choisit que de croire, c'est celle du monde féerique des Pokémon ! »

Voilà ce qu'on pouvait lire au dos de la couverture du livre dans la vitrine bien garnie de la librairie de Carmin-sur-Mer. La jeune femme aux longs cheveux châtains contempla d'un œil critique ces quelques phrases alignées, perplexe. Elle retourna d'un mouvement sec du poignet l'ouvrage, pour contempler l'illustration qui l'avait d'abord attirée. Deux enfants se tenaient dans un couloir sombre, et leurs ombres s'entremêlant l'une à l'autre dans leur dos formaient un Darkrai menaçant.

Un sourire taquin lui étira les lèvres et ses deux prunelles d'un bleu électrisant brillèrent d'amusement une seconde. Elle sembla se faire une réflexion dans l'intimité de son esprit, puis reposa le recueil sur l'étalage colorée.

-Je déteste quand les résumés ne révèlent rien à l'histoire, sérieux à quoi que ça sert ?

Personne dans ce sanctuaire dédié à la langue ne releva la faute dans le discours de la jeune inconnue, les rares clients se contentèrent de darder un œil sévère sur elle, bien plus gênés par le fait qu'elle se parlait haut et fort à elle-même plutôt que par l'agression envers leur dialecte natal.

Le bruit d'un bateau résonna dans la baie, et l'étrangère tourna brusquement la tête en direction du port. Ses gestes se précipitèrent, d'une main elle piocha dans un sac de papier recyclé un beignet, qu'elle fourra à moitié dans sa bouche, avant de reposer la pile de manga (principalement des yaoi), de BD et autres lectures faciles un peu n'importe comment sur les présentoirs. Elle se ficha éperdument que ses doigts collants laissent des traces, ou même qu'elle ne respectât par l'ordre préétablis par les libraires. De toute façon ces choses ne l'intéressaient que pour l'accessibilité qu'ils lui offraient, permettant de lire gratos. En revanche, d'un pas rapide et d'une main experte elle dénicha ce qui avait poussé ses pas jusque dans la boutique en premier lieu. Rapide comme l'éclair elle tira le sixième tome d'une série de roman parlant de loup garous et de coyotes. Un œil avisé n'aurait même pas eu le temps de lire « Mercy Thompson » qu'elle l'avait déjà glissé dans son sac.

Ni une ni deux, elle sortit, l'air innocent comme un ange. Le vol n'est interdit que si on se fait prendre, après tout.

-Dites donc mademoiselle, vous vous croyez où ?

La voix du vendeur retentit dans son dos et elle sentit une poigne lui serrer l'épaule. Du genre musclé en plus. Elle arqua un sourcil, alors qu'on la tirait à nouveau à l'intérieur du local. L'image fugace de son être se refléta une seconde dans la vitrine et elle grimaça.

Evidemment, à quoi pensait-elle ? Vêtue de ses habituels habits de cuir noir, son blouson aussi usé que son pantalon, son débardeur moulant et flashy, impossible de passer inaperçu. A rhodes, encore, elle se serait fondue dans la masse, mais ici, ils semblaient tout droit sortis du cul du seigneur.

D'ailleurs drôle d'expression car généralement, ce qui sort de cette partie anatomique n'est jamais vraiment propre.

« Mais là n'est pas le problème ! » se corrigea-t-elle intérieurement.

Le vendeur, baraqué comme un surveillant d'aéroport, la toisa avec mépris, son regard semblait lui dire qu'elle avait bien besoin d'un peu d'éducation, et de lecture, pour corriger ses manière et son langage, mais pas dans son établissement. Généralement elle croisait souvent ce genre d'attention spécifique à son égard. Elle se demandait bien pourquoi.

-Mademoiselle, pouvez vous me montrer ce qu'il y a dans votre sac ?

L'intéressée leva les yeux au ciel, et fouilla, au milieu de la nourriture graisseuse, le fruit de son larcin, se baissant bien exagérément, non pas pour montrer à son opposant la chaine autour de son cou d'où pendait quelques reluisantes pokéball, mais bien entendu son décolleté. L'effet fut habituel lui aussi.

A tel point que le regard du vendeur mit très longtemps à passer de sa « gorge » jusqu'au livre volé. L'effet de la surprise de voir la couverture dérobée devant ses prunelles écarquillées, le fit vaciller et relâcher sa poigne une seconde. Une seconde qu'une personne comme elle ne pouvait laisser passer. Elle envoya un sourire ravissant à sa future victime.

-Merci pour le livre.

Elle fit volte-face et dans une accélération acquise par des années d'entraînement elle s'enfuit à toute vitesse. Bien entendu elle perçut le bruit d'une course, mais elle le sema bien vite. Elle ne connaissait peut-être pas encore bien la ville, mais elle avait repéré à l'aller quelques cachettes utiles.

« A droite ! »

Elle contrôla difficilement son dérapage et d'un bond roula jusque sous le tas de marchandises que les marins empilaient les uns sur les autres en attendant leurs clients, sur les quais. Elle resta tapie là plusieurs minutes, le souffle court, ses articulations fragiles l'élançant légèrement.

-C'est pas vrai ? Où elle est cette sale...cette fois ça suffit je me convertis aux plaques d'Arcéus ! Rugit sa victime avant de s'éloigner.

Elle patienta le temps que son pas disparaisse, puis étant sûre qu'elle était hors d'atteinte, sortit de son abri.

Personne.

Ils n'étaient pas très attachés à leurs marchandises dans ce pays.

« Ca change. »

L'envie lui prit d'observer ce ciel, bleu azuré, où les nuages s'écoulaient librement gorgés par les embruns de la mer. Elle ne voyait guère de différence entre cette voûte là, et celle qu'elle pouvait admirer dans sa petite chambre à Rhodes.

« Cette aventure dans la librairie t'aurait-elle rendue poétiquement philosophe ? »

Nan. Juste, elle s'étonnait de si peu de différences alors qu'elle avait si longtemps rêvés de ces contrées. Mais même si elle cela la peinait un peu et brisait ses illusions, chaque récit et songes qui en découlaient dépendaient du conteur. Elle était tombée sur le plus merveilleux des conteurs, voilà tout.

« Bon, c'est pas tout ça, mais je dois retrouver Betsy, si je veux voir du pays. »

Détendue, elle récupéra ses affaires, enfourna dans sa bouche un nouveau beignet et s'élança dans le dédale malodorant propre à tous les ports. Pour son œil inculte, tous les bateaux se ressemblaient, et elle ne se repérait qu'à leurs noms peints en grosses lettres rouges sur la coque plus ou moins en bonne état.

Elle trouva rapidement ce qu'elle cherchait, entre le fier et valeureux « Arcéus Crépusculaire » et le tout aussi bien entretenu « Jugement». L' « Errhodes », beaucoup moins brillant, avait vécu nombre de traversées, et on ne comprenait toujours pas comment il pouvait encore naviguer. Mais il fonctionnait bien, malgré toutes les mauvaises langues qui prétendaient à chacun de ses trajets que ce serait bien le dernier.

Comme elle s'en doutait le son strident qui était parvenu de la baie jusqu'à la petite librairie où elle patientait provenait bien de lui. Ce son atypique qui lui avait brisé les...oreilles pendant toute la traversée, elle le reconnaissait. Et comme elle s'en doutait il signifiait que le chargement était entièrement déposé sur les quais, les marins s'occupaient déjà de remonter les passerelles menant aux cales, trop occupés par leur labeur pour prêter une véritable attention à la petite femme insignifiante qu'elle était. Les chargements étaient là, à attendre les clients, sans surveillance ni même sécurité, à la vu et à la su de tous, et plus particulièrement la sienne.

Existait-il vraiment un pays si naïf ? Elle s'était attendue à bien plus de défi.

« Mais on ne va pas cracher sur la facilité, c'est bien de temps en temps. »

Elle jeta un coup d'œil aux différentes caisses et jeta son dévolu sur une des plus grosses, marquée d'un X gravé discrètement sur l'une des planches principales. Elle s'appuya discrètement sur lui, et siffla :

-Motisma, à toi de jouer.

Elle s'éloigna de quelques pas, à raison, car un crissement timide stria l'air. L'atmosphère sembla s'oppresser, se tordre, se concentrant en un point précis. Ses cheveux, déjà fourchus se soulevèrent sous l'effet de l'électricité statique qui s'accumulait, lui arrivant généralement aux reins, elle les vit presque léviter, ce qui aurait surement fait jubiler l'auteur de dragon ball Z.

Un son, douloureux, comme une craie qui hurle contre le tableau noir, résonna tout autour d'elle et d'un coup toutes les visses de la boîte en bois sortirent de leurs gongs, propulsés, aussi dangereuses que des balles de révolver.

Les quatre panneaux de bois tombèrent un à un, celui faisant office de plafond aurait pu écraser le chargement qu'il avait protégé autrefois mais l'électricité statique l'envoya balader plus loin. L'inconnue sourit, aucune trace du motisma, elle avait devant les yeux, une bécane, une belle moto noire, qui elle aussi avait vécue, si l'on en jugeait par sa carrosserie cabossée. Mais elle était belle tout de même à ses yeux. Après tout, elle l'avait durement gagnée sa Betsy.

« On a bien failli finir en taule ce jour là, et froissée, la taule. »

Ah-ah, quel magnifique jeu de mot. Elle leva les yeux au ciel et enfourcha son véhicule. Les poignées un peu usées s'imbriquèrent parfaitement aux cales de ses mains sèches. Sans casque, sans protection outre ses vêtements de cuirs, elle fit vrombir le moteur.

Le bruit attira les marins, et l'agitation se fit autour d'elle, sans pour autant qu'un héros du dimanche n'ose s'interposer. De toute façon pour faire quoi ? Cette moto était à elle, même si elles avaient toutes les deux voyagés clandestinement jusqu'ici, ça ne changeait pas ce fait. D'un geste, elle rangea son sac rempli de nourriture et son livre dans un petit coffre attaché à cet effet dans son dos, qui tenait là-dessus par l'opération du saint esprit, mais qui tenait quand même, c'était là l'important !
Voyant un matelot à la mine bourrue qu'ont tous les imbéciles voulant être des justiciers elle attacha ses cheveux en une queue de cheval, et lança en se remettant en position :

-Motisma, Betsy...

Le moteur ronronna de plaisir, le matelot lui, grogna d'indignation alors qu'il se dirigeait vers la voleuse.

-Toi ! Eut-il à peine le temps de hurler en la pointant du doigt.

Trop tard, elle démarra sur les chapeaux de roues.

Usant des planches qui avaient autrefois constituée la prison de sa Betsy comme tremplin, elle sauta par-dessus la foule, et se rétablit encore une fois sur le bitume par on ne sait quel miracle, avant de s'enfuir à nouveau. La route avait beau être pavée et les rues encombrées de gens, elle avait appris en autodidacte sur les sables vicieux de rhodes. Aussi anarchique que pouvait être sa conduite, elle maitrisait son engin.

Elle vit rapidement une sorte de barrage humain se former devant elle dans le but de l'arrêter, quelques uns qui ressemblaient à des policiers. Elle arqua un sourcil, et sans même hésiter, saisit une des pokéball accrochées à sa chaine qui voletaient, malmenées par le vent.

-A toi de jouer Mocheté ! J'attends à Safrania !

Et sans véritable considération elle fit un tournant en épingle pour n'écraser personne et en profita pour balancer sa sphère sur son passage. Le temps que les gens réalisent qu'un Drattak puissant se trouvait dans leur rang et ne s'éparpillent elle avait de nouveau effectué un virage en épingle et fendu la foule pour continuer sa route.

Carmin-sur-mer n'avait plus été secouée ainsi depuis quelques années. Au moins depuis l'attaque de la Team Opale huit ans auparavant !

« Vraiment Fang, qu'est-ce que j'ai raté avec toi ? » Grommela une voix au fond de son crâne, désespérée.

Occupée, concentrée plus ou moins sur la route, la jeune femme ne prêta pas attention à cette remarque intérieure. Au lieu de ça, elle envoya :

-Motisma, radio.

Un petit éclair bleuté parcourut la carrosserie et un poste de radio accroché entre le frein et le rétroviseur grésilla un bon moment, avant de se régler tout seul sur une fréquence. Un chant, une sorte de présentation de la chaine dont le nom lui échappa, couvrit le bruit du vent et l'arrivée tonitruante de son fidèle Drattak à ses côtés. Elle se contenta de le rappeler dans sa pokéball après l'avoir rapidement remercié pour son intervention.

Maintenant elle n'avait plus besoin de lui, elle se doutait qu'on ne la poursuivrait plus sur les petites routes de campagnes, et ma foi, elle saurait éviter les petits jeunots et délinquants qui parcouraient les routes au hasard.

La musique s'arrêta, et à nouveau une voix d'hôtesse chantonna le nom de la radio.

« Elle me saoule celle-là avec sa voix de cruche. » grommela Fang entre ses dents.

-Bonjour, ici Lula, voici l'heure des Lula Chroniques, en direct de Doublonville, comme toujours. Voici les informations de ce matin. On m'informe qu'il y a quelques minutes à peine à Carmin-Sur-Mer une voleuse aurait dérobée une Moto sur les quais. La fugitive aurait les yeux bleus très clairs et les cheveux châtains foncés, longs. Si jamais vous la croisez, veuillez appeler la ligne d'Urgence de Twilight propre à votre région.

Fang ignorait ce qu'était Twilight, mais elle se fit la réflexion qu'elle ferait mieux de changer de territoire. D'après le guide qu'elle avait survolé dans la librairie, Safrania avait un train qui partait toutes les heures pour Doublonville, à Jotho. On n'irait pas la chercher jusque là. En plus, elle faisait d'une pierre deux coups et pouvait s'occuper de la voix de la cruche.

-Pour le moment nous recherchons actuellement, Arthur Anthonin, Gaëlle Morris, Nathan Wilder, Guy et Natalia Cresent. Quiconque apercevra ces personnes est prié d'avertir Twilight aux numéros propres à leurs régions. Nous avons également la liste non-exhaustive des recherchés pour Dérogations aux Plaques D'Arcéus, disponible en direct sur le site de notre chaîne, n'hésitez pas à le visiter ! Vous y trouverez également toutes les décisions prises à l'encontre de Rosalia ; en direct. Continua la concernée sans se douter des hypothétiques préparations de plan visant à la faire taire. – Notre Actualité scientifique à présent. Bonjour professeurs chen.

-Bonjour Lula. Rétorquèrent deux timbres distincts mais similaires en un sens, l'un ayant simplement l'air beaucoup plus jeune que l'autre.

-Alors, professeur, dites-moi comment avance vos recherches ?

-Et bien ma chère Lula, -Commença le plus vieux- nos recherches sont les mêmes depuis 5 ans déjà, nous recherchons toujours ce qui permet au monde de tourner depuis la léthargie des Légendaires, afin que nous puissions agir si jamais un cataclysme comme celui des îles oranges ne nous frappe à nouveau.

-Ce cataclysme avait été causé par l'enlèvement des oiseaux légendaires de kanto, si je me souviens bien ?

-En effet, les oiseaux légendaires ont un rôle très important dans la régulation de notre climat, aussi il est étonnant que depuis 5 ans, nous n'ayons subi aucun déluge, alors que ces mêmes oiseaux sont bien à l'abri au Qg de Twilight.

-Professeur Régis Chen, vous êtes un représentant de Twilight, pouvez-vous nous en dire plus ?

-Et bien, pour ma part j'ai accès aux légendaires que l'organisation a récupéré et mis en lieu sur, et je peux vous affirmer que s'ils dorment, leurs fonctions sont toujours optimales mais pas du tout capables d'endosser leurs rôles respectifs. Ainsi notre hypothèse reste qu'Arcéus régule le climat depuis lors à leur place.

-Il est amusant de noter que pendant longtemps avant le jugement d'Arcéus nous subissions de graves troubles météorologiques, alors que depuis le jour du jugement, plus rien.

-Cela peut s'expliquer par le fait que...

-Motisma, radio.

La discussion s'interrompit en son milieu, dans un grésillement et laissa place à un divertissement purement musical. Tout ce sérieux exaspérait la conductrice, d'autant plus qu'elle n'y comprenait goutte. Twilight ? Jugement ? Du charabia. Elle devrait s'arrêter pour glaner quelques renseignements sur sa nouvelle terre. Histoire de savoir au moins quelles lois elle transgresserait à l'avenir.

Le trajet ne lui prit pas très longtemps, elle s'arrêta pour déjeuner et commencer son bouquin vers midi, puis le lâcha à contre-cœur pour reprendre la route. Elle n'avait pas besoin de faire le plein, fonctionnant à l'électricité. Bientôt les hauts buildings de Safrania furent en vue. Bien moins glamour que ses citées voisines, elle incarnait bien l'expansion de l'industrie, centre névralgique et artère principale du continent, elle était bien laide, même si elle restait assez propre. Cela tranchait radicalement avec les paysages que Fang connaissait à Rhodes, et elle ne comprenait pas cette volonté d'ajouter de la couleur aux bâtisses. Cela aurait put être beau, tous les toits avaient des tuiles cirées, d'un bleus nuit ravissant, mais quelqu'un avait eut l'horrible idée de peindre les murs et les boiseries décoratives en rose. Elle n'y connaissait pas grand-chose à l'architecture, mais elle voyait bien le contraste entre les vieux bâtiments aux balcons de fer forgés, aux façades stylisées et les immeubles à but purement utilitaire. Ce mélange de vieux et de jeune, de rose et de bleu, de propre et de sale, d'utile et d'agréable donnait une identité bizarre aux rues. Entre conservation et innovation. On ne s'y sentait pas à sa place, comme si tout poussait chaque habitant à choisir un camp.

Fang ne s'attarda pas bien longtemps ici. On la recherchait déjà sur ce territoire, elle ne connaissait aucun gang, aucun quartier mal famé où s'abriter, elle ne ferait donc que passer avant de trouver son petit nid. Elle se mit en quête de la gare.

Les oreilles grandes ouvertes, elle capta plusieurs conversations inutiles et quotidiennes, allant de la femme au foyer qui cherchait les légumes dont elle avait besoin pour le diner de ce soir, jusqu'au petit dealer du coin qui se croyait discret en revendant sa poudre de rafflésia.

Une discussion capta tout de même son attention et elle ralentit l'allure de sa moto, faisant croire à des difficultés motrices à la foule.

-Tu te rends compte au moins ? Avec ce qui s'est passé à Rosalia on n'a plus de nouvelle de la famille Sarl. Ils y étaient tous au moment du jugement, le grand père, le chef, sa femme, et même leur gosse. S'ils ont été pris entre la résistance, Scarlet et Twilight...
-Merde ça fait longtemps que y-a pas eu de clash comme ça. Depuis Bonville c'est ça ? Twilight a rendu sa décision ou pas ?
-Aucune idée, la ville a été totalement coupée, on sait pas ce qui s'y passe. Je suppose qu'il y a un tri pour le moment pas de nouvelle de jugement.
-Mais ça risque de tomber ?
-Peut-être qu'est-ce que j'en sais ? Mais en tout cas on est dans la merde si les Sarl sont touchés, qui va gérer nos emplois ? Ces couillons du comité ? Je préfère encore qu'on soit rachetés par la Devon, leur chef Pierre Steven Rochard est un peu mou, mais au moins il nous virera pas.
-Ouais mais non, on risque de se délocaliser à Hoenn, ça fait chier quoi.

Fang ne put rester plus longtemps sous peine de faire du surplace et d'attirer l'attention, aussi passa-t-elle son chemin de toute façon la conversation stagnait et finissait par s'embourber dans une suite de complaintes de plus en plus grossières, donc sans intérêt. Elle connaissait assez d'injures comme ça.

Finalement, elle déboucha sur l'avenue principale, et près des arènes se trouvait la gare, bondée. Passer avec sa bécane ne serait pas simple, mais elle venait juste en repérage, histoire de voir si elle pouvait passer par un autre côté et monter à l'arrière du train ni vu ni connu. Malheureusement, quand elle s'approcha, elle constata que les modèles de trains étaient bien plus modernes que dans son pays natal. Pas de petite estrade sur lesquelles pouvaient s'agripper les parasites et les retardataires.

Inutile de chercher plus longtemps, elle était bonne pour longer les voies à la vue, sur Betsy.

-Il va falloir que je fasse des pauses régulières pour économiser Betsy et Motisma.

Elle avait tellement l'habitude de se parler à elle-même qu'elle avait prononcé ces mots à haute voix, et plusieurs têtes obliquèrent dans sa direction, ce qui leur permit à tous de rater les actions qui suivirent.

Fang avait parcourut vite fait la foule des yeux, sans prêter grandes attentions aux visages, exceptés un seul. Pour la simple et bonne raison qu'un tout jeune type semblait en uniforme, tout vêtu de noir, il arborait une veste simple mais chaude avec un sigle au dos ressemblant à une pokéball mais avec un V en guise de coque du dessous. Mais le plus remarquable chez ce type ténébreux jusqu'à la racine des cheveux, c'était qu'il arborait un masque immaculé. Et personne ne semblait trouver cela incongru. Ce n'était pourtant pas le Carnaval de ce qu'elle pouvait en juger, personne à part lui était déguisé.

Quoiqu'il en soit, fang avait repéré cet étranger rapidement, pour l'oublier tout aussi vite, mais alors qu'elle attirait toute l'attention des passants, elle remarqua que le type, immobile, les bras croisés en position contemplatives jusqu'alors, venait de se lever. En quelques pas il s'approcha d'un jeune homme, celui-ci ne sembla pas voir son assaillant lui tournant le dos.

Fang avait toujours vécu dans le danger constant, elle savait reconnaitre une menace, une aura meurtrière et encore plus le profil d'un homme s'apprêtant à commettre l'irréparable. Ce garçon masqué était de ceux-là. Aussi, quand elle vit la pauvre victime basculer sur les rails, même si elle n'avait pas vu le geste assassin, elle sut.

Immédiatement.

Le crissement des freins s'éleva sur la voie, et il y eut comme un hurlement avant qu'un bruit épouvantable de viande écrasé ne jette une chape de plomb sur la gare. Quelques regards effrayés obliquèrent, réalisant péniblement ce à quoi ils venaient s'assister plus ou moins. Il y eu quelques cris apeurés, beaucoup de regards blafards peinant à réaliser, des rires nerveux même, et des femmes enlaçant leurs enfants pour les protéger du drame. Mais personne n'accusa le garçon au masque.

« Voilà un endroit bien logique, on me poursuit parce que je récupère ma moto, mais à lui on dit rien ? »Constata fang simplement.

Celui-ci, loin de fuir, fit face à la foule et déclara, d'une voix bizarre, saisissante de jeunesse :

-Cet Homme se prénomme Nathan Wilder. Il avait consciemment choisi de suivre la voie D'Arcéus et a refusé son jugement. Les plaques lui avaient dicté son destin et il s'y est refusé, préférant s'y soustraire il a bouleversé le destin tissé par Arcéus. A cause de lui, et de son refus de mourir dans un accident de circulation, un pédophile ne sera pas arrêté, et nous ignorons combien de victimes il fera encore avant qu'à nouveau son destin ne croise celui préétabli par les plaques.

Fang resta confuse, mais elle vit une jeune mère étreindre son enfant, ses yeux remplis d'effrois, comme si le tenir ainsi protégerait sa progéniture d'être le prochain sur la liste du pédophile dont parlait ce type. Mais ça n'avait aucun sens ! Quelques mots furent prononcés, aux alentours, des indignés, mais surtout, des têtes approbatrices. Qu'est-ce que c'était que ce coin ?

-Tant mieux, il avait lui-même choisi sa voie, Arcéus ne peut pas donner un destin heureux à tous, quand on signe il faut être prêt à être un martyr.
-Ouais, quel idiot, maintenant on a un criminel dans la nature.

Fang aurait put être choquée de tel propos, mais elle ne le fut pas, elle avait entendu pire. Seulement elle ne suivait pas la logique. Enfin, ce type avait été imprudent, s'il avait prêté attention à ce qui l'entourait il aurait évité une telle fin, tant pis pour lui. Elle, elle ne se serait pas fait avoir.
Le garçon masqué s'inclina légèrement, dans une révérence inappropriée.

-Twilight s'excuse pour la gêne occasionnée et le retard que son jugement entraînera sur les voies. Vous serez tous dédommagés pour vos billets.

Et il disparut, comme ça d'un coup, une sorte d'ombre une coque ténébreuse le recouvrit avant de s'évaporer purement et simplement. Sûrement l'œuvre d'un Pokémon, même si Fang n'avait jamais vu une pareille utilisation de ces créatures. Mais encore une fois, personne ne sembla surpris.

-Dit maman, c'était qui le monsieur ? Demanda une petite fille à côté de Fang.
-C'est Thanatos, un des membres de la Légion de Twilight. Répondit cette dernière, avec une drôle d'expression.
-Pourquoi il a poussé l'autre monsieur ? Il va bien ? Le train lui est passé dessus, il a mal tu crois ?
-Ma chérie, le monsieur il est mort.

La petite écarquilla des yeux, et Fang s'attarda une seconde, se disant que si une mère devait expliquer cela à son enfant, elle comprendrait bien assez l'explication elle aussi. En attendant des agents de la gare s'affairaient pour dégager les voies. Sans enquêtes On évacuait les passagers pour éviter qu'ils profitent du spectacle.

-Pourquoi L'agent de Twilight il a tué le monsieur ? Je croyais qu'ils étaient gentils ! Demanda la petite.

La mère s'accroupit devant son enfant et chercha quelques secondes ses mots, après une intense réflexion elle prit enfin la parole, son visage dénué de toute crainte, comme profondément convaincu de ce qu'elle disait.

-Tu vois ma chérie, quand tu es née, nous t'avons baptisée. Nous t'avons donc soumis au jugement d'Arcéus. Arcéus est le dieu des Pokémon, Dieu du monde. Il peut voir le futur. Dans une certaine mesure, il peut même le façonner. Donc quand quelqu'un se baptise, Arcéus façonne un futur pour lui.

La petite de cinq ans, tripatouilla une de ses bouclettes blondes, à moitié concentrée sur les paroles de sa mère, à moitié ailleurs déjà. Mais Fang ne perdit pas une goutte du discours.

-Arcéus a promis de façonner un futur qui amène au bonheur pour tout le monde. Mais tout le monde n'est pas baptisé tu comprends ? Donc Arcéus est obligé, pour que tout le monde soit heureux, d'utiliser certains baptisés pour arrêter les méchants, et parfois, le seul moyen pour qu'on arrête le méchant, c'est qu'il tue un baptisé. On appelle les baptisés qui servent à ça : les martyrs.

Cette fois l'attention de la fillette revint sur sa génitrice.

-Mais pourquoi Arcéus il arrête pas les méchants sans tuer des gens ?
-Parce que les méchants ne sont pas baptisés, donc Arcéus ne contrôle pas leur futur. Tu vois ? Il ne sait pas où ils vont frapper, ni comment, il ne le sait que si un de ses baptisés croise le chemin d'un méchant.

La petite fronça les sourcils, saisissant mal le concept. Au bout d'un long moment, elle finit par articuler, peu sûre de sa question :

-Alors pourquoi on baptise pas tout le monde, comme ça plus personne ne meurt ?
-Parce que tu comprends ma chérie, les gens qui se baptisent ont choisi cette voie. Ils savaient ce qu'ils encouraient. Donc Twilight a le droit de les sanctionner quand ils ne suivent pas le destin que leur dicte Arcéus et mette le bazar dans ses plans. Mais on ne peut pas forcer tous les gens à faire pareil. Si on forçait les gens à se baptiser et que l'un d'eux refuse d'être un martyr, Twilight serait obligé de commettre un vrai meurtre cette fois. Twilight préfère éviter de tuer les gens.

La petite n'eut aucun mal à saisir la nuance entre meurtre « bien » et meurtre « pas bien » bizarrement.

-Et pourquoi là, ça a pas marché ? Pourquoi on a pas arrêté un méchant ? Pourquoi Twilight a du tuer le monsieur si elle veut pas ?
-Parce que, tu vois, les baptisés ont le droit à leurs anniversaires d'aller voir l'interprète d'Arcéus, qui leur lit leur plaque, là où est marqué le futur façonné par Arcéus pour chacun.
-Donc j'ai une plaque moi aussi ?
-Oui ma chérie, tu as une plaque, et maman aussi. Et donc, tu vois, quand un baptisé va voir Arcéus, on lui dit son avenir pour l'année à venir, donc, le baptisé sait s'il va mourir. Et certains refusent de mourir, comme le monsieur là-bas. Donc ils se cachent.
-Mais c'est pas bien ! Comment on va arrêter le méchant s'il se cache ?

La vitesse avec laquelle la fillette avait ingéré l'information, accepté, déduit et conclut à la mort d'un homme étonna Fang.

« Une gamine a une capacité d'adaptation incroyable, tu le sais pourtant. » Murmura amèrement la voix dans son crâne.

-Exactement ma chérie, et c'est pour ça que Twilight a trois membres qui s'occupent de chasser les martyrs qui refusent leurs avenirs. Là tu viens de voir Thanatos, mais il y a aussi Atropos une fille aux cheveux rouges, et Hypnos qui ressemble à Thanatos mais est beaucoup plus grand. Ces trois-là forment les Anges de la mort.

La petite ne tressaillit même pas devant ce surnom. Fang quant à elle, s'éloigna, ayant assez entendu d'âneries pour aujourd'hui, avisant la voie ferrée encombrée, elle décida de faire un détour pour éviter le spectacle et enfourcha de nouveau sa moto.

Au moins une chose était sûre, elle n'intègrerait pas la religion du coin. Trop glauque à son goût.

C'est sur ce serment qu'elle reprit son chemin : elle, au moins, elle n'avait pas à attendre que le train reparte, elle pouvait très bien continuer seule ! Sur le chemin du retour, son Drattak, la rejoignit et le voir voleter à coté d'elle lui permit de passer le temps. Plus que la foutue radio qui avait l'air d'être aussi religieuse que le reste du monde.

Doublonville ressemblait énormément à son double de Kanto. Fang ne lui trouvait donc qu'un intérêt tout limité. Epuisée et sale après un voyage un peu trop long de plusieurs heures, elle secoua ses articulations gravement endolories, puis leva la tête. Outre la tour radio qui s'élevait, noire et pointue, comme menaçant de vouloir éventrer le ciel, Fang n'avait pas l'habitude des grattes-ciels. A Rhodes, les rares immeubles qui perçaient la voûte se composaient de tôles usées et de bouts de métaux branlants, aussi, il était impossible de faire des architectures vertigineuses. Même si, elle avait entendu dire que certains groupes de bandits avaient tenté le coup dans le désert, elle n'avait jamais rien vu de tel de ses propres yeux. Et Fang ne croyait que ce qu'elle voyait.

-Bon, maintenant, je vais où ?

Elle gardait l'habitude de se parler toute seule, et ma foi, ici ou ailleurs, cela ne dérangeait personne. Elle se trouvait juste derrière la voie ferrée, le genre de coin qui est toujours en chantier, entre les wagons à l'abandon et les différents matériaux de rechanges en cas de réparation. Le coin lui plaisait assez. Les endroits trop propres la rendait mal à l'aise. Il fallait être maniaque et donc pas bien dans sa tête pour tout ranger.

« Dit la fille skyzo. »

Fang ricana, et sortit de son sac une bouteille d'eau pour y boire directement au goulot. N'empêche, qu'elle ne savait toujours pas où aller à présent. Elle tâcha de regrouper ses vagues connaissances sur la région ; mais tout ce qu'elle avait entendu sur Jotho, elle le tenait de Daniel, le doux étranger d'un soir, qui lui avait conté ses aventures. Il lui semblait que ce dernier avait parlé d'un village, Acajou. Comme le bois ? C'était pas plutôt Alca boule ? Peu importe, un nom dans ce genre là.

-Bon !

Elle se redressa, mais en jetant un regard à sa chère Betsy, sa belle moto recouverte de boue, et des faibles étincelles violacées qui parcouraient son capot de manière nerveuse, elle prit pitié. Motisma avait besoin d'une pause.

-T'as une heure. Concéda-t-elle, simplement, avant de tourner des talons.

Après tout, elle, on ne lui accordait pas de pause quand elle avait du travail. Maintenant, il ne lui restait plus qu'à trouver un coin où l'écouler tranquilloute. Elle songea une seconde à son estomac. Depuis qu'elle était partie, la veille, ils ne s'étaient accordé qu'un quart d'heure de repos. Elle avait faim. Ses Pokémons aussi, sûrement.

Apparemment elle était de corvée de course, par la force des choses.

Fang s'aventura donc à travers les rues de Doublonville, célèbre pour son centre commercial d'ailleurs. Inutile de dire qu'elle fut rapidement dépassée par la foule. Elle n'aurait jamais cru qu'autant de gens puissent se coller les uns les autres, sans craindre les pickpockets. Ils brandissaient même fièrement leurs achats dans des sacs colorés. Ces idiots n'auraient pas tenus plus d'une demi-seconde à Pyrites.

« Pas de sentiment ! »

Grâce à ses doigts particulièrement collants, elle arriva à voler un portefeuille plutôt bien garni, sans se faire prendre. Pas besoin d'argent en voyage, en ce qui la concernait, elle trouvait tout sur place.
Elle finit par trouver une sorte de fast-food tout à fait respectable, où il n'y avait absolument AUCUN menu végétarien. Le pied total quoi.

Elle entamait son premier hamburger, le reste destiné à ses Pokémons, déjà emballés dans un coin, quand un grognement attira son attention. Elle regarda trop tard pour découvrir l'origine du bruit, en revanche elle vit un petit blondinet tendre le cou tout comme elle. Elle lui envoya un regard interrogateur, et il lui répliqua par un sourire lumineux, ses yeux gris brillants.

Apparemment, il restait encore des gens aimables sur la planète.

Le garçon d'en face éternua alors brusquement, et le pot de fleur rouge qui faisait office de séparation entre les tables l'aspergea de pollen.

Risquait-elle de se sentir coupable, en assassinant un des derniers représentants du genre humain aimable ?

-Ah-ah, je vous ai aspergé on dirait ! Désolé.

Il se gratta la tête rendant sa coiffure déjà digne de quelqu'un ayant confondu bigoudi et pétard, puis lança à une femme occupée à prendre les commandes des gens.

-Madame, les fleurs là, c'est quoi ?

Déjà, la madame ne sembla pas ravie d'être vieillie de plusieurs années et mariée sans son consentement. Il est vrai qu'elle faisait tout juste 20 ans, ils devaient d'ailleurs avoir tous les deux à peu près le même âge à bien y regarder. Ce gamin était peut-être souriant mais pas diplomate.

-Vous êtes pas du coin. Ce sont des Scarlet. Siffla cette dernière, méchamment.

Le garçon ne s'en offusqua pas mais il pencha la tête sur le côté dans une expression que même elle aurait qualifié de mignonne. Le genre d'attitude, que font les filles se sachant belle, quand elle penche le buste pour que l'interlocuteur ait une vue plongeante sur la poitrine. En l'occurrence, et même si le blondinet était un mec, cela eut le même effet.

-Tu ne sais pas ce que sont les scarlet ? S'inquiéta la serveuse, avec une mine cette fois, attendrie.

Il fit un non, penaud du crâne. Il était fort le gamin.

« Tu es sûrement plus jeune que lui, et tu le traites de gamin. » Fit remarquer la voix dans son crâne.

-On les appelle aussi les Crimson à Hoenn ? Tenta la jeune serveuse serviable.

Le blondinet ricana de sa propre ignorance, stimulant la part maternelle de la victime.

-Les fleurs du Jugement ? Les Larmes d'Arcéus ? Les fleurs vampiriques ? Tenta-t-elle de nouveau.

Certes, tous ces noms définissaient la même plante, mais la discussion devenait bien trop végétale au goût de Fang, qui commença à emballer ses affaires. C'est alors que du coin de l'œil elle capta un mouvement, si infime, si peu à sa place dans cette ville de naïfs, qu'elle en resta pétrifiée en plein mouvement.

« Le blondinet n'est pas un ange. » Constata-t-elle avec un sourire. Ah ; il cachait bien son jeu.

De son côté la serveuse avait totalement craqué, et s'était assise à la table, traitant le jeune homme comme elle l'aurait fait avec un gamin demeuré.

-Ces fleurs sont apparues lorsqu'Arcéus a porté son jugement sur l'humanité, et elle a poussé à tous les endroits où il y a eu des morts. Un seul suffit, quand on croise ces fleurs dans la nature, c'est qu'on sait qu'Arcéus a jugé un individu, a pris sa vie, pour en créer une nouvelle.

Elle se trémoussa un peu, et saisit l'infecte plante dans sa paume.

-J'adore leur rouge carmin.

Elle caressa de la pulpe du pouce les doux pétales légèrement courbés, tombant, d'un beau carmin, on pouvait suivre de simples veinures d'un rose plus clair. Le cœur ouvert de la plante laissait entrevoir un nid de pollen parsemé de pistils d'argent. L'or vif du pollen se mêlait sans problème aux embouts cotonneux des tiges, couleur lune. En revanche le végétal n'arborait aucune feuille.

Ouais, si on avait demandé à Fang son avis, ce truc était glauque et morbide, qui admirait la verdure qui poussait sur une terre gorgée de sang ? Sérieusement. Rhodes lui apparût soudain comme particulièrement civilisée et morale.

-Oh, merci beaucoup. S'exclama le blondinet avec un grand sourire.

La serveuse rougit et encore plus quand elle reçut un joli billet en pourboire. Fang sourit. Ce gamin avait un culot monstrueux. Elle le vit partir du fast-food, attrapa ses affaires le suivit discrètement. Elle attendit d'être assez éloignée du lieu du crime, puis chopa l'angelot par le col. Ce dernier, plus petit qu'elle, pivota, déséquilibré et il se retrouva face à elle.

Il lui envoya le même sourire qu'à la serveuse, on lui aurait sûrement le bon dieu Arcéus sans confession. Quoiqu'elle n'était pas sûre de l'expression ? En tout cas, cela ne fonctionnerait pas avec elle.

-Saluuuut. Dis-moi, t'es plutôt gonflé de piquer les pourboires de cette serveuse et de la payer pour ses explications avec un des billets que tu lui as chouré dans son dos.

Et particulièrement stupide, non seulement il perdait de l'argent avec son geste, mais en plus en voulant ranger son dû, la victime risquait de remarquer le vol plus rapidement.

Le garçon haussa des épaules, et Fang remarqua que la peau du garçon n'était pas si belle que ça, il avait du se gratter pas mal durant ses crises d'acnés. De près c'était évident, de loin, moins. Elle le jugea plutôt pas mal globalement. Pas un premier prix, mais l'effet petit ange conférait des avantages certains. Dommage qu'il n'ait pas d'yeux bleus, au lieu des deux billes grises qui le fixaient en cet instant.

Il ricana, et chose étrange, lui tendit son butin sans même chercher à nier ou à le sauver. Spontanément.

-Bon, tu m'as eu, t'es forte ! Rigola-t-il.

Quand elle pris les billets, elle eut l'impression d'avoir racketté un de ces gosses de riches qui s'aventurent stupidement là où ils ne doivent pas puis abandonnent tout au premier venu, terrifiés. Enfin, pour le coup, le blond n'avait pas l'air apeuré pour un sou. Elle sourit pour détendre l'atmosphère.

-Bah, je t'en veux pas d'avoir essayé, moi c'est comme ça que je me suis payée le repas.

Grâce à ses doigts qui collent. Le blondinet écarquilla des yeux, puis sourit à nouveau, à croire qu'il ne savait faire que ça : sourire. C'était assez sympa.

-Moi c'est Sho !

Il lui tendit la main, puis, après réflexion, l'essuya contre son blouson pour en ôter toute graisse de la mal-bouffe, avant de la lui remontrer en invitation. Fang hésita un instant, puis jaugeant le gars d'un regard, elle haussa les épaules. Tant pis, de toute façon elle n'était que de passage ici.

-Fang.

Ils se serrèrent les paumes, elle lui lâcha le col et il retrouva son équilibre. Elle apprécia le fait qu'il ne cherche pas à ajouter un nom de famille derrière son prénom. Mais maintenant qu'elle songeait, il n'en avait pas donné lui non plus.

-Tu fais quoi ici toi ?

Elle haussa des épaules, l'air de dire qu'elle vagabondait. Et c'était vrai, en un sens. Elle désirait juste quitter Rhodes et voir ces fameuses contrées dont son étranger avait décrit les merveilles, quelques années plus tôt.

-Ouais, moi pareil. Ma mère m'a foutu dehors, elle a dit : « Ca suffit tu comptes me coller jusqu'à quel âge ? Dégage et apprend la vie, moi j'vais m'faire quelques filles ! » Puis ensuite Bernie il a démarré, et j'me suis retrouvé comme un couillon là où je savais pas que j'étais.

Elle ricana. Simplement parce que Sho reproduisait les mimiques de sa mère au fil du récit.

-Du coup je cherche un pote. Il est parti définitivement de notre vann il y-a un an, un an et demi. Il doit pas être bien loin. Il faisait encore des allers-retours avec nous avant, de temps en temps.
-En gros tu changes juste de personne à parasiter.

Sho sourit et croisa les bras derrière la tête et avoua sans aucune honte :

-Ouais !

Elle l'appréciait bien celui-là. Cette rencontre avait bien éclairé sa journée, mais il était temps pour elle de partir. Elle fit un signe d'au revoir de la main, puis avança d'un pas.

-Bon courage alors dans ta recherche. Salut.

Elle fit un autre pas, Sho l'imita. Elle s'arrêta, se retourna. Il lui sourit.

Bizarre.

Elle reprit sa marche, lui de même. Elle accéléra la cadence, il tint la distance mais ne la perdit pas.

Flippant.

D'un coup de talon, elle sprinta de toutes ses forces et s'engouffra dans un dédale de petites ruelles. Il la rattrapa sans problème et tint même plus longtemps que lui puisqu'il lui tapota sur le dos alors qu'elle agonisait, sans souffle, contre un mur après sa course.

Okay, elle était foutue. Elle venait de tomber sur un parasite super méga résistant.

-Excusez-moi, vous savez où se trouve le centre de rééducation ?

Fang releva la tête, pâle, vers le passant qui les abordait. Sho secoua la tête :

-C'est par là.

Il pointa du doigt leur direction originelle. Fang était persuadée qu'à part des boutiques et le fast-food à la vendeuse dépouillée, ce type ne trouverait pas de centre médical. Mais celui-ci, bonne poire, les remercia avant de s'en aller. Comme elle s'en doutait, Sho lui demanda :

-Hey, tu sais ce que c'est le centre qu'il cherchait ?
-Bah, un truc de rééducation...Genre, t'as eu un accident craignos, tu dois apprendre à rebouger les bras quoi. Marmonna Fang, dont la gorge renâclait un peu plus à chaque mot.
-Mince alors, doit y-avoir vachement d'accidents dans la région alors, parce que c'est la sixième fois qu'on me demande ça depuis que je suis ici.

Ah ouais quand même. Donc en plus il n'avait strictement aucune idée de l'endroit où il avait envoyé ce touriste. La peste.

-J'en ai rien à foutre. Lâche-moi. Va où tu veux et laisse moi aller du mien.

Elle tâcha de se redresser et de paraître en meilleure forme qu'en vérité. Tracer la route et voir son poursuivant doubler, c'était non seulement démotivant, mais en plus épuisant.

-J'peux pas venir avec toi ?

Il fit la bouille de caninos battu qui avait marché sur la vendeuse. Mais Fang n'était pas ce genre de fille.

-Nan, pas de place, je suis en moto.

Cela aurait du suffire comme argument ; mais le jeune homme saisit son sac, fouilla dedans et en extirpa une chaine munie d'un crochet à un bout, et des menottes à l'autre. Woa. Woa, ça devenait super glauque et flippant là, il se tapait un trip SM ?

C'était bien sa veine ça, quitter rhodes pour une ville apparemment plus sûre et tomber sur le seule psychopathe de la région !

En plus, à y regarder de plus près, son sac paraissait rempli de ce genre de ferrailles. Cela devait être super lourd ce machin, et il l'avait pris de vitesse quand même ! Le petit con. Fang n'avait pas assez d'ego pour être blessée par sa défaite évidente, en revanche sa confiance en son instinct de survie et en ses jambes pris un sacré coup de latte. S'il voulait la tuer, il y arriverait !

-Pas grave tu n'as qu'à utiliser ça pour m'accrocher ! Ma mère faisait souvent ça avec moi quand je l'emmerdais ! Lança le blondinet en lui tendant ses outils.

Fang vacilla, interloquée. Mais ce ne furent pas les questions logiques de la sécurité, qui la secouèrent. Ce n'était donc pas un timbré ?

« J'ai toujours rêvé de faire ça ! »

Ses yeux brillèrent de malice. Sérieux ? Sérieusement ? Il y avait quelqu'un sur terre d'assez idiot, mais d'assez aimable pour lui laisser faire ça ? Ce gamin devait être maso. Génialement maso. C'était trop cool. Elle allait faire comme la mafia.

« Fang, bon sang, tu vas le tuer si tu fais ça ! » Murmura la voix dans son crâne.

Une pierre deux coups, en plus elle se débarrasserait du parasite en s'amusant comme une petite folle.

« Qu'est-ce que j'ai loupé avec toi ? »

Rien à foutre. Une idée lui traversa l'esprit, mûe par toutes les idées préconçues qui tournent autour de ce thème, et accentuée en plus, par l'environnement dans lequel elle avait grandi :

-Est-ce que tu es gay par hasard ?

Elle eut du mal à camoufler son expression de ravissement devant cette simple hypothèse. Le garçon écarquilla des yeux, puis lui envoya un sourire, mystérieux cette fois. Il ne répondit pas.

Bon au moins, même si le gosse n'était pas gay, elle pouvait le traîner derrière sa moto. Elle le conduisit à sa bécane, toujours bien en place, nourrit Motisma uniquement, les autres étant dans leurs pokéball, ils pouvaient se contenter d'un repas par jour, voire pas du tout, elle n'avait pas les moyens de faire plus. Puis elle rangea ses affaires pour le voyage. En attendant, derrière elle, Sho avait installé son dispositif. Il n'avait pas l'air terrifié du tout, comme habitué à ce genre de folie. Alors c'était peut-être vrai, cette histoire avec sa mère ?

-Oh, je ne sais toujours pas où je veux aller...Se rappela-t-elle alors qu'elle prenait place et faisait ronronner son moteur et motisma.

Tant pis, elle allait se contenter de suivre la route. Un regard vers Sho insouciant, et un sourire sadique se dessina sur ses lèvres. Ca allait être trop fort. Elle démarra au quart de tour.

Son seul regret dans cette petite expérience, ce fut que Sho ne cria pas des masses, au début il se rétama largement et se fit trainer sur plusieurs mètres, avant de profiter d'un ralentissement de sa part –elle ne savait pas quand il avait trouvé le créneau vu qu'elle n'appuyait quasiment jamais sur les freins, même pas dans les virages, histoire de crever sur le coup en cas d'accident- pour se relever et courir. Ses chaussures s'étaient révélées camoufler des roulettes, et il avait passé le reste du voyage peinard. Même si quelques fois il avait manqué de se manger un arbre en ne contrôlant pas dans les courbes.

Il n'empêche que ça avait été trop cool, les visages conducteurs de véhicules sur leur passage, valait bien le coup. Ils ne devaient pas voir ça tous les jours.

« Tu as juste eut de la chance qu'ils n'aient pas appelé les flics. »

D'un autre côté, si les poulets s'étaient ramenés, elle leur aurait balancé Sho dessus, il faisait un parfait bouclier. Mieux valait fuir plutôt que de s'expliquer dans ces cas là, comme il vaut mieux demander pardon plutôt que la permission. Il y a des règles universelles si on désire survivre.

-Tu te diriges vers Rosalia ? Lui demanda Sho, le soir-même, au moment d'établir un camp. Il se massait les poignets, rouges, mais à part ça semblait aller plutôt bien. Fang ne savait pas si ça lui plaisait ou l'embêtait : son parasite avait tenu la route.
-Où ?

Sho ricana manière bizarre.

-Rosalia. –Il pointa la route qu'elle comptait prendre du doigt. – La ville est fermée d'après ce que je sais. Tu ne pourras pas y rester. Tu vas être obligée d'aller soit à Acajou soit à Oliville.

Le nom fit tilt dans l'esprit de l'originaire de Rhodes. Acajou ! La ville dont lui avait parlé Daniel. Voilà, elle avait sa destination.

-Moi j'irai à Acajou. Mais toi...

Elle laissa sa phrase en suspend, pour bien lui faire comprendre qu'elle en avait rien à foutre de ce qu'irait faire, mais que ce serait sans elle. Sho lui envoya encore un sourire en guise de réponse, elle commençait sérieusement à flairer l'embrouille. Brusquement, alors que le blondinet étendait son sac de couchage sous l'ombre d'un arbre, un promeneur déboula des buissons, l'air perdu, carte en main.

-Excusez-moi, bafouilla-t-il...

Fang commençait à trouver les routes de ce pays relativement trop bondée à son goût. C'est vrai quoi, elle avait passé sa journée à croiser des gamins en chemin, d'à peine 10 ans. Personne ne craignait les kidnappings, les pédophiles ? Cette région était à ce point naïve ? Aucun pays ne prospérait autant, la paix avait toujours tendance à être superficielle.

Le promeneur lança un regard déboussolé à la troupe, puis s'avança vers celui qui lui inspirait le plus confiance : Sho. Il est vrai qu'avec sa tenue de cuir, ses cheveux en bataille, son collier et ses bottes cloutés, Fang ne représentait pas le cliché du bon samaritain. Contrairement à bouille d'ange.

Tss.

Fang était sûre d'être plus fiable que l'autre là, au moins quand elle ne savait pas, elle ne mentait pas.

« Menteuse. »

Roh, la ferme la voix.

-Excusez-moi, jeune homme, on m'a envoyé vers une autre adresse quand j'ai voulu rendre visite à mon frère au centre de Rosalia. Vous savez où se trouve-celui-là ?

Encore une histoire de centre...

Sho hocha simplement du chef.

-Oui, vous continuez jusqu'au parc naturel, vous ne l'atteindrez pas avant la nuit, mais il y a toujours des hôtels par là-bas, parce que c'est près du pokéathlon. Le centre est juste à côté de la pension, un peu au sud de Doublonville. Vous ne pouvez pas vous tromper, c'est un super large bâtiment.

Le randonneur le remercia vivement, puis s'en alla en courant, comme si en se pressant il pourrait tromper le temps qui filait et arriver à destination plus tôt qu'estimé. Fang le regarda partir avec consternation, puis un long silence s'installa.

-Je croyais que tu ne savais pas où était ce centre ?

Son ton le plus sec et suspicieux ne fit même pas tressaillir le blondinet. Il ramassa du petit bois et de la mousse sèche, avant de lui envoyer un autre sourire, plissant des yeux.

-Non, je voulais juste savoir, si TOI, tu savais ce que c'était.

Fang entendit presque le déclic dans sa tête.

-Tu savais aussi parfaitement ce que c'était que cette fleur.
-Mais toi tu as écouté la conversation bien attentivement, tu ne le savais pas. Rit le petit diable à la bouille d'ange.

Il cherchait une petite nouvelle qui ne connaissait rien au pays.

-Puis quand je t'ai proposé le truc de me tirer avec la chaîne, c'est devenu évident. N'importe qui ici aurait refusé tout net, sauf si les plaques d'Arcéus leur avaient prédit mon acte. Pas toi. Toi, tu viens de Rhodes, non ?

Merde, ce gamin était époustouflant. Elle était totalement tombée dans le panneau, finalement sa frimousse d'ange idiot avait fonctionné sur elle, de la même manière qu'avec la serveuse. Elle aurait du se sentir insultée, voire même blessée de s'être fait avoir de long en large comme ça, mais c'était plutôt l'admiration un peu secouée qui l'envahit. Rare étaient ceux qui réussissaient à l'avoir comme ça. Il cachait bien son jeu.

Maintenant restait à savoir ce qu'il lui voulait. D'après ses connaissances, seuls trois types de personnes repéraient les nouveaux de la sorte, et les suivaient/éloignaient des villes. D'abord, les tueurs. Mais Fang doutait qu'on veuille déjà la tuer alors qu'elle venait à peine d'arriver, c'est vrai elle n'avait encore rien fait qui mérite...

Elle se retint et son nez se barra d'une ride contrariée.

Bon d'accord, elle avait probablement fait beaucoup de choses qui méritent que certains esprits tordus veuillent la tuer. Même si c'était un peu exagéré comme châtiment. Mais pas sur ce continent !

L'autre groupe de personne à agir de la sorte, il s'agissait des Teams, ou plus communément de la Mafia. Ces groupes organisés cherchaient les pigeons à racketter ou à faire chanter, les encore-sans-identités à recruter.

Mais en l'occurrence, Fang avait foi en son aura, elle ne dégageait pas l'allure d'un roucool qu'on pouvait plumer facilement, et encore moins d'une personne à engager.

Le dernier, proche des bandits traités plus haut, étaient les moins pires du lot. Ils se contentaient de trouver les petits nouveaux et de les escroquer en leur faisant faire le tour du continent à un prix vraiment trop élevé. Parfois ce genre d'escorte se terminait en un traquenard fatal pour le touriste.

Fang ne savait pas ce qu'elle préférait dans le lot. Et ses préférences ne changeraient rien à ce que le blond était vraiment. Il valait mieux savoir tout de suite à quoi s'attendre, et agir en conséquence. (C'est-à-dire s'il le fallait, le tuer dans son sommeil) Aussi joua-t-il sur la franchise :

-Tu m'veux quoi ?

Sho s'assit sur son sac, paisible, et il ricana. Mais sa bonne humeur permanente apparut soudain aux oreilles de Fang, comme une feinte perpétuelle.

-Moi ? Rien, juste un taxi. Je t'l'ai dit, j'me balade. Le problème c'est que vois-tu, je n'ai pas de Pokémon, et pas du tout envie d'en avoir. Alors pour me déplacer rapidement là où je veux, c'est ennuyeux.

Fang se tût. Sho rigola.

-Tu as une tenue de moto, je t'ai tout de suite repéré, c'est plus simple à voir que ceux qu'ont des arcanin.

Il se pencha.

-J'te propose un truc. Moi j'connais la région, j'suis paumé là-dedans depuis deux mois. J'te renseigne, et tu me déposes là où je te le demande. Si ça te dérange, je paye l'essence.
-Je suis à l'électrique.

Elle détestait ce genre de chantage, mais pour le moment, le gamin semblait appartenir au troisième type, donc il était plus simple de se débarrasser de lui. Au moins elle n'aurait pas une team à dos.

-Les Teams n'existent pas ici.

Fang tressaillit, les prunelles écarquillées. Comment... ?!

« Dark ! » Rugit-elle intérieurement, se mettant sur la défensive.

Sho posa un regard sur elle, plutôt triste, mais il se dépêcha de remettre un sourire sur son visage.

-On s'en fout comment. Je t'informe, c'est tout. C'est bien ce que j'ai dit que j'allais faire. Les Teams ici, c'est fini, le jugement d'Arcéus en a trucidé pas mal il y a 5 piges. Y-en a quelques uns qui ont survécus, mais ce sont ceux qui étaient manipulés, où qui n'ont jamais tués des gens en le voulant. Pas du genre à reconstruire pour se venger.

Fang se mordit la lèvre. Quand bien même, elle n'aimait pas le sentiment qui prenait forme sous son crâne.

-C'est quoi cette merde ? Grinça-t-elle.
-Quelle merde ? Twilight a promis un monde sans bandit. Un monde qui n'existait avant qu'en Idéal.
-Ouais, justement, le truc avec l'Idéal, c'est que c'pas réel.

Sho se détendit, laissant une évidente ouverture qui pouvait bien lui être fatal si on savait s'y prendre. Mais il l'avait déjà tellement mené en bateau qu'elle hésitait.

-Bah, tu penses, c'est malin en fait. Les gens ont tendance à choisir c'qu'est facile. Là, la religion d'Arcéus leur lit l'avenir et leur dit le choix qu'ils ont à faire...Avec la certitude qu'à force, ils parviendront au bonheur.

Sho leva les yeux vers elle et son sourire lumineux s'atténua pour devenir un rictus ironique :

-La certitude.

Fang ne dit rien. Parce que pour elle la certitude n'avait jamais été possible en ce monde. On pouvait un jour être une petite fille pourrie gâtée comme les autres, avoir le malheur de dormir au mauvais endroit, puis le lendemain se réveiller dans un endroit sombre, inconnu, entouré de bandits. La vie était faite ainsi, il n'y avait rien à faire.

-Justement, le truc, c'est que les plaques d'Arcéus, proposent deux choses qui étaient pas possible : la lecture du futur avec certitude, et le bonheur.
-Mais cela fonctionne... ?

Sho ne bougea pas d'un pouce, aussi fut-il étonnant de l'entendre dire sans hésiter :

-Ouais.

Fang fronça les sourcils. Il haussa des épaules.

-Me regarde pas comme ça, mais c'est vrai. Même si y-a des sacrifices en cours de route, les gens disent qu'l'économie du pays se porte super bien, alors que Rhodes et les états Ranger sont en pleine crise. En plus les inventions aboulent. D'après ce que je sais, quand on est baptisé, soit on finit très heureux en réussissant tout ce qu'on entreprend, soit on finit très malheureux, voire mort. Mais y-a genre, quoi ? 3% des baptisés qui ont pas d'bol ?

Etrange. Cette histoire finit par l'intéresser. Pas parce qu'elle désirait se convertir : le mec qui gérait le karma la haïssait, elle en était persuadée, alors s'il fallait miser sur sa chance elle pouvait tout aussi bien commander le cercueil. Le blondinet retrouva le sourire en la voyant se détendre.

-Super ! Tu veux donc bien m'emmener là où j'te demande si j'joue les guides touristiques ?
-Où tu veux aller d'abord ? Grommela Fang.
-Chais pas !

Le pire, c'est qu'elle était incapable de dire s'il mentait ou non, avec son expression joyeuse continuelle.

-Tu plaisantes ?
-Qui sait ?

D'accord, là ça devenait énervant. Elle se leva. Sho pencha la tête sur le côté.

-Tu veux pas savoir c'qu'est le centre dont tout le monde parle ?
-Non j'vais dormir. J'en ai ras le bol.

Le blondinet sourit, sortit une clope de sa poche, puis se mit à la fumer tranquillement dans son coin. En silence. Fang elle, se mit à lire son bouquin, trépignant d'impatience. Elle s'en fichait des autres, elle voulait juste que le couple secondaire, gay, se pointent. Elle désirait savoir ce qu'ils avaient bien pu fabriquer dans une camionnette, avec du matos de camping et une glacière remplie de viande fraîche, dans le dernier tome. Le reste avait peu d'importance.

Surtout si ça la faisait penser à autre chose que de s'être fait lamentablement avoir par le blondinet. Elle regrettait la pointe d'admiration qu'elle avait eu à son égard et envisageait sérieusement de le buter dès qu'il s'endormirait.

« Plutôt que de l'étouffer avec son oreiller, pourquoi ne pas utiliser l'hypnose... »

Ah ouais, pas bête ! Répliqua-t-elle à la voix.

Ca évitait de commettre un meurtre, vu qu'apparemment dans ce pays Arcéus le voyait très très mal.

-Je te déconseille de faire ça.

La voix de Sho sonna dans son dos, légèrement moqueuse. Bon sang, il lisait dans ses pensées ou quoi ? Elle eut quelques jurons intérieurs et particulièrement inventifs. Il rigola discrètement.

Cette fois ça suffisait. Elle détacha sa pokéball de son collier de chaîne. Dans un rayon rouge, un batracien vert paume à l'air de clown couina de contentement. Mais au lieu d'attaquer le tarpaud sauta jusqu'au blondinet et s'assit face à lui, le fixant de ses yeux globuleux.

Les Bajoues de tarpaud se gonflèrent et il croassa rauquement.

Il y eut un énorme blanc.

Sho poussa soudain un hurlement strident et se redressa tout tremblant. Tarpaud lui trouva ça très amusant et essaya de grimper sur le jeune homme terrifié, qui ne souriait plus du tout pour le coup.

-Beurk Beurk Beurk Beurk Beurk Beurk Beurk Beurk Beurk Beurk Beurk Beurk Beurk Beurk Beurk -Beurk Beurk Beurk Beurk Beurk Beurk Beurk Beurk Beurk Beurk Beurk ! ENLEVE-MOI CA !

Coincé entre tarpaud et l'arbre qui était censé l'abrité, il était piégé. Et Fang trouva sa vengeance –bien qu'hasardeuse- très agréable. Elle s'assit et admira le spectacle. Le blondinet semblait vraiment, vraiment terrorisé, il faisait des mouvements saccadés pour échapper à l'étreinte du Pokémon, dont elle n'était même pas sûre qu'ils soient possible physiquement. Juste pour rire, elle imita le croassement de sa grenouille chérie.

Sho devint tout blême et essaya de grimper à l'arbre.

Huhuhuhu. Finalement voyager avec lui serait bien drôle, décida fang. Elle ne risquait rien si le petiot là avait peur des Pokémons. Rien que pour le plaisir de le voir ainsi soumis, lui qui l'avait pourtant bien eu, elle s'avança, caressa son tarpaud histoire d'avoir bien la main enduite de mucus, puis tapota la bouille d'ange en parsemant chacun de ses contacts d'un petit « Chcouic ! Chcouic ! ». A chaque contact les cheveux du blondinet se dressaient sur sa nuque.

Et cela l'occupa toute la soirée.

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Il avait froid, et surtout, surtout, il avait faim. Faim comme jamais. Le petit garçon renifla bruyamment, mais si son nez était encore gorgé de pleurs, ses larmes, elles ne coulaient plus sur ses joues rougies. Chaque goutte d'eau comptait depuis qu'il avait terminé l'unique bouteille que contenait son sac. Il jeta un regard morne à ses vêtements de soie déchirés. Ils ne lui tenaient plus chaud et maintenant entravaient plus ses mouvements qu'autre chose. Il essaya de déchirer son pantalon de velours dont l'ourlet tout entier s'enroulait autour de sa cheville et de son pied. Il n'y parvint pas ses doigts ripèrent sur le tissu. Ils tremblaient rouges, autant à cause du froid que sous la fatigue et les nerfs qui lâchaient un à un.

Le petit garçon finit par n'en plus pouvoir, agacé, il chouina, pesta contre tout ce qui allait de travers et plus particulièrement son pantalon qui avait autrefois été son préféré et était maintenant foutu.

Il aurait bien aimé céder à l'envie, et se recroqueviller dans un coin, bien à l'abri, près d'un arbre. Mais...

Il se retourna et admira un point invisible qu'il savait caché derrière quelques arbres seulement. La bile lui remonta le long de la gorge, il écrasa encore une larme avant qu'elle ne s'écoule. Non. Non. Son père lui avait expliqué ce qu'il devait faire. Il devait avancer tout droit, trouver une ville. Sa prise se raffermit sur les lanières de son sac en forme de couverdure.

Il n'arrivait pas à quitter des yeux ce qu'il laissait derrière lui. Il n'aurait jamais du regarder en arrière, il le savait. Mais il n'arrivait pas à s'en empêcher. Il avait peur. Il était tout seul, dans la forêt, et il avait peur. Il désirait juste rentrer chez lui, sentir l'odeur de sa maman, se nicher dans les bras de son papa, et avaler une bonne dose de chocolat chaud.

Il allait revenir en arrière quand un bruissement le fit sursauter. Il sentit chaque muscle en lui se tendre et la tristesse se désagrégea instantanément pour laisser place à une terreur tout aussi grande. Il eut le réflexe de se jeter par terre sous un buisson.

Personne ne devait le trouver ici. Pas dans cet état. Pas maintenant, son père et sa mère le lui avaient dit. Personne ne devait le trouver tant qu'il n'avait pas atteint une ville.

Pourtant, pourtant...

L'irrésistible envie d'être secouru, d'avoir un contact humain après avoir passé des jours à tourner en rond ici, le prit.

Il n'eut pas le loisir de choisir. La masse de feuille qui le couvrait se souleva légèrement. Le sang du gamin se glaça dans ses veines. Au dessus de lui, un visage masqué venait de faire son apparition. Une peau plutôt basanée encadré par des mèches noires fourchues, mal entretenues, coupé au niveau de la mâchoire. c'est tout ce qu'il distingua chez l'étranger. Un chapeau étrange couvrait le haut de son crâne, des écouteurs se chargeaient de ses oreilles, et une visière camouflait toute la partie du visage allant du bout du nez aux sourcils. Le petit remarqua une sorte de micro pendouillant au niveau des lèvres.

-C'est un gamin. Maugréa l'inconnu à un interlocuteur invisible.

Le cerveau du gamin enregistra des tonnes d'information superflues sous l'action de la peur. D'abord, sûrement à cause du micro, la voix de son sauveur avait deux tonalités, une féminine, et une masculine, ce qui lui conférait un aspect assez robotisé qui ne rassurait pas du tout et cachait sa vraie nature. Ensuite, il arborait un costume aux couleurs bleus et rouges, une tenue qui laissait envisager que cela pouvait être une femme, tant la corpulence qu'il laissait entrevoir paraissait mince. Celle-ci lui tendit la main, et le garçon entendit un cliquetis significatif : l'inconnue portait quelques bracelets en plaqués or autour des poignets.

-Ca va petit ? Murmura-t-elle simplement en ôtant un des écouteurs de son casque, sûrement pour pouvoir entendre sa réponse.

Le garçon ne parvint à émettre qu'un cri de bête blessée en réponse, et se recroquevilla, d'un seul coup se fichant éperdument de la boue, de la poussière qui maculerait ce qui restait de ses vêtements.

L'inconnue ne s'en offusqua pas et le prit simplement au creux de ses bras. Le petit entendit le murmure grésillant de la musique que son sauveur écoutait en cet instant. Il lui sembla qu'il la connaissait, du moins ses accords principaux, et le contact d'un sujet qu'il maîtrisait un tant soit peu le rassura. La tétanie qui secouait ses muscles se calma.

-Bien, bien. Murmura la jeune femme avec sa voix altérée. –Comment tu t'appelles ?

Le petit se raidit à nouveau dans ses bras.

-Allons, je ne vais pas te manger...

Il devait à peine avoir 8 ou 9 ans ? Et il se trouvait dans un état pitoyable, ses yeux étaient rouges et tellement bouffis qu'on en voyait à peine la couleur. Ses cheveux noirs emmêlés ne formaient plus qu'une massez hirsutes et noueuses sur son crâne, et il était inutile d'essayer de découvrir si le garçon avait la peau sombre ou non : il était noir de boue de la tête aux pieds.

-E...E...

Le petit trembla de froid et avala de travers, avant d'être secoué par une quinte de toux assez violente. D'un geste précis et spontanée, la femme décrocha sa cape –qui avait connu des jours meilleurs- et l'enroula dedans avant de lui frictionner les membres à travers le tissu, pour le réchauffer. Elle attendit patiemment que le petit ait fini de pleurer tout son saoul, puis lui tendit une gourde, qui pendouillait jusque là à sa ceinture. Il but au goulot, et goulument.

-Alors, c'est quoi ton nom ? Redemanda-t-elle après coup.

Encore une fois, le petit garçon sembla hésiter, prémâcher et remâcher ses mots, avant de finalement balbutier :

-E...Lé... Léonn...

Le gamin se mordit la langue et baissa la tête, regardant ailleurs.

-Enchanté, moi on m'appelle Scarlet.

Elle lui serra la main comme elle l'aurait fait avec un adulte. Léonn remarqua que de près, sa bouche et ses mains, calleuses, n'avaient rien de féminines.

-Petit, tu viens d'où comme ça... ?

Léon secoua la tête, déglutit, puis pointa du doigt l'horizon, avant de se rendre compte qu'il ne savait pas du tout où il se trouvait et qu'il devrait donc parler de nouveau. Les mots lui raclèrent la gorge.

-Ros...Rosalia ?

Sa voix lui parvint, rauque et usée, il se demanda une seconde si elle allait rester comme ça définitivement.

-Tu y étais tout seul ? Demanda Scarlet, le timbre masculin sonna plus fortement tandis que son double féminin monta dans les aigus de manière non-naturelle.

Le garçon secoua vivement de la tête.

-Non, papa et maman, et papy...ajouta-t-il en sanglotant.

Scarlet ne tressaillit pas, au lieu de ça elle le reprit dans ses bras et le porta sans problème, avant de presser un bouton camouflé dans son casque.

-C'est moi. Je rapporte un gamin qui s'est sauvé de Rosalia. Tu peux le prendre ?

Léonn ne perçut aucune réponse, mais l'autre secoua la tête.

-Qu'est-ce que tu entends par incendie ?

Il se tourna pour observer le ciel au loin, un long panache de fumée noir, telle une colonne montait jusqu'aux nuages et éventrait le bleu azur. Léon sentit un frisson lui remonter l'échine et il jeta un regard éperdu à sa sauveuse. Mais à travers la visière grise il ne discerna pas la moindre émotion.

-Petit...

Elle se tourna de nouveau vers lui, et ses cheveux couleur aile de corbeaux lui apparurent aussi noirs que ce qui ravageait les cieux en cet instant. Elle le posa à terre et récupéra sa cape. La morsure du froid fut d'autant plus violente qu'elle l'avait épargné durant quelques longues minutes. Scarlet s'agenouilla pour être à son niveau.

-Est-ce que tu peux me dire à quoi ressemblent tes parents ?

Léonn écarquilla des yeux, et secoua la tête, perdu, avant de balbutier :

-J'ai...j'ai les cheveux de mon papa, tout noirs...

Il agrippa une mèche sur sa tête et se salit aussitôt la main.

-M-mais les yeux de ma maman ?

Il hoqueta. Il ne savait pas comment décrire les deux personnes les plus chères à son cœur. Scarlet soupira.

-Tu as une photo d'eux ?

De grosses larmes roulèrent sur les joues de Léonn qui fixa le sol et ses chaussures sales, penaud. Apparemment non.

-Tu sais à quelle adresse ils étaient ?

Le gamin sembla se concentrer de toutes ses forces pour mettre des mots et des nombres sur ses souvenirs, mais il secoua négativement du chef.

-M-Mais ! Mais on était au grand hôtel près du chemin avec les arbres oranges et rouges ! Se précipita d'ajouter le gamin. –Le super, grand beau hôtel ! Chambre 433 !

Scarlet se contenta d'approuver, puis elle posa ses mains sur ses épaules et son timbre se fit plus grave, bien que son effet s'en trouva amoindri par la couverture mécanique du micro.

-Ecoute-moi bien Léonn. Il va falloir que tu sois courageux, d'accord ?

Léonn ne voulait pas entendre la suite.

-Il s'est passé quelque chose de très grave à Rosalia, et peut-être que tes parents ne s'en sont pas sortis, tu comprends ?

Il n'avait pas envie de comprendre.

-Si jamais quelque chose leur est arrivé, il va falloir que je te rapporte quelque chose qui leur appartient.

Parce que sinon, sans corps, on passe sa vie à nier et son existence à s'inquiéter.

Léonn plissa les yeux et n'articula rien, il mit toutes ses forces pour ne pas gémir ou penser au pire.

-Mais...mais s'ils vont bien, tu les ramènes ici, hein ?

Scarlet hocha du chef, mais Léon vit bien qu'elle ne plaçait que peu d'espoir en cette possibilité.

Soudain, une chose noire et bruyante déboula sur le sentier, Léon se jeta au sol dans un réflexe, mais Scarlet elle se leva d'un bond et fit un large mouvement du bras. Les bruits s'arrêtèrent immédiatement. Le garçon osa jeter un regard par-dessus son épaule.

Une espèce de moto usée lévitait au dessus du sol, entourée d'un halot bleuté. Ses occupants, une grande gigue à la chevelure châtaine, grogna et insulta l'engin, alors que derrière elle, un petit blond ricanait.

Mais revenons un peu plus tôt dans la matinée.

Lorsqu'elle se leva, elle avait totalement oublié ses intentions de meurtres envers la personne de Sho. Elle ne risquait plus rien après tout, avec son tarpaud. Celui-là même batifolait joyeusement dans un courant depuis l'aube, il revint vers elle quand elle s'approcha de son sac : le signal du petit déjeuner.

-Désolée, mais on doit ratio...

Elle stoppa sa phrase en son milieu, son adorable grenouille avait tourné au gris-noir pendant la nuit. D'un pas précautionneux, elle s'approcha de la mare où le Pokémon avait barboté, et se figea. Des cendres. Le courant de la rivière charriait une énorme quantité de cendres, du bois flottés s'échouait sur la rive, et autres objets non-identifiés tant ils ne restaient plus d'eux que des masses calcinés informes, avaient été drainés jusqu'ici.

Quelque chose devait se passer en amont.

D'un pas rapide elle rappela Tarpaud dans sa pokéball, sans le nourrir, et rangea ses affaires. Elle jeta un coup d'œil au blondinet endormi dans son coin. Bien emmitouflé dans son sac, cela réduit sûrement le coup qu'elle lui envoya dans le ventre.

-Debout, on y va.

Il lui adressa un regard endormi, de toute évidence son mode « tout sourire » ne fonctionnait pas au pied du lit. Il bailla bruyamment et se gratta le ventre. Fang crut voir, durant son geste, un morceau de son ventre. Il avait des restes de bronzages, et sûrement la peau naturellement basanée, mais ce qui attirait son regard (outre les plaquettes de chocolats –dommage que le gamin ne soit pas gay) c'était un bout de cicatrice. Le genre de cicatrice pas belle en plus. Celles dont on écope après avoir failli clamser. Fang en connaissait un rayon à ce sujet.

-Grouille. Lança-t-elle à ce dernier, alors qu'il regroupait ses affaires.

Elle lui montra la place derrière elle, cette fois pas question de ralentir, même si c'était amusant de le trainer dans son sillage. Son instinct de survie lui criait de se barrer vite, et elle l'écoutait généralement.

« Mais moi tu ne m'écoutes jamais. » Grommela la voix dans son crâne, boudeuse.

Il parut s'étonner de son geste de sympathie, puis afficha son premier sourire de la journée. Même s'il ne fallait pas se fier à lui, et encore moins à sa bonne humeur, Fang apprécia de voir sur la première personne qu'elle croisait de la matinée, ce genre d'expression.

-Attends, tapette n'est pas là ?! S'exclama soudain le blondinet avant de s'installer lui aussi sur sa moto Betsy.

Tapette. En voilà un beau surnom pour son Tarpaud. Fang ne cautionnait pas ce surnom, étant une yaoiste jusqu'au bout des ongles, l'aspect péjoratifs du mot n'allait pas dans le bon sens de sa logique. Mais elle rigola tout de même.

-Non, dans sa pokéball, mais il est prêt à ressortir dès que je le lui demande et à te couvrir de bave !

Sho émit un couinement, mais prit tout de même place, à croire qu'il préférait affronter sa peur plutôt que d'avoir à faire le chemin à pied. Et bizarrement, Fang, en avisant les nuages noirs pas du tout naturels qui s'étendaient derrière le bosquet, le comprenait parfaitement.

Elle démarra, motisma gronda de mécontentement de se réveiller avec du travail mais obéit. En revanche, au bout de quelques minutes, ils perdirent la route de vue et durent passer à travers la végétation. D'habitude Fang se fiait à son intuition pour se diriger, mais là, entourée par autant de vert et d'arbres, de plantes en tout genre, elle se sentait mal à l'aise.

-Et si tu me servais à quelque chose, guide du dimanche, hein ? Puisque t'es là rend-toi utile.

Elle perçut le rire de Sho dans son dos. Elle fut tentée de le jeter en cours de route, surtout que ni lui, ni elle ne portait de casque, elle était donc un peu près certaine de s'en débarrasser définitivement s'il basculait à cette vitesse.

-Hey, c'est pas sympa !

Décidément, ce type était vraiment super bizarre. Elle éclaircirait ça plus tard.

-Bon sur quoi veux-tu que je te parle au juste ?

Fang se concentra, puis envoya celle qui lui tenait le plus à cœur, puisqu'il s'agissait de ce qui risquait le plus de lui arriver :

-Comment on gère les criminels ici ?
-Ca dépend du crime. Si c'est petit, t'as juste un casier, et au bout de 5 délits mineures, t'es irrécupérable, tu passes devant la coure de Twilight. Si tu fais de grosses conneries, ou que tu tues quelqu'un, tu y vas direct.
-Ah, et il se passe quoi dans cette coure de Twilis ?

Sho ricana face à la référence.

-D'après ce qu'on m'a dit, il est impossible de mentir. Ils ont les plus grands maîtres Pokémon psy à leur service et fouillent dans ton cerveau pour en extirper la vérité. Donc si t'es coupable de tout ce dont on t'accuse, et bien, t'es foutu. Sinon t'es libre. Aussi simple que ça.
-Et les droits des hommes alors, et la liberté de pensée quoi ? Respectez un peu l'intimité des autres !
-De telles choses n'existent pas. Ricana tristement Sho. – Enfin, pas pour les criminels selon Twilight. Si tu es accusé et que finalement tu es innocent t'as droit une indemnisation. Donc c'est cool.
-Quel genre d'indemnisation ? Demanda Fang, sa fibre vénale se réveillant d'un coup.
-Aucune idée !
-T'es nul comme guide.

Il ricana.

-En revanche si t'es jugé coupable, les maîtres psy effacent ta mémoire.
-Genre ?

Ca avait pas l'air bien méchant comme punition.

-Non Fang, ils effacent tout. Le criminel doit réapprendre à parler, à marcher, à être propre. Il est envoyé dans un centre de rééducation où des volontaires, des médecins et des membres secondaires de Twilight s'occupent d'eux pour qu'ils ne tournent pas mal encore une fois.

Fang déglutit.

« D'un côté ça te ferait pas de mal » Envoya la voix.

-Ca c'est pas sympa ! Ricana à nouveau Sho.

Fang se figea, elle allait se retourner pour le dévisager, mais la roue de Betsy glissa dans une mare de boue et ils dérapèrent violemment. Ils firent une embardé violente et traversèrent une barrière de buisson sans mal, pour découvrir une pente vertigineuse, presque à la verticale.

Fang sentit le poids de son estomac remonter le long de sa trachée, puis heurter sa gorge avant de redescendre sensiblement jusqu'au bout de ses orteils. Sho, moins sensible hurla simplement :

-ON VA TOUS CREVER !

Avant d'exploser de rire tandis qu'elle essayait de reprendre le contrôle de son véhicule. S'ils ne faisaient rien, c'était une certitude et pas besoin d'être baptisé à ces foutues plaques d'Arcéus pour le savoir !

Fang donna un coup de botte dans le sol pour essayer de stabiliser l'engin, ou tout du moins le ralentir et elle vit Sho faire de même, mais un nid de poule –elle détestait maintenant les poules ! décida Fang- rendit tous leurs efforts vains et ils traversèrent de nouveau une barrière de buisson.

Elle inventait des prières qui s'apparentaient plus dans sa tête à des insultes, quand tout s'arrêta brusquement.

Il fallut un peu de temps et quelques grognements à Fang pour réaliser qu'ils ne risquaient plus rien. Une malédiction à l'encontre de toutes les poules de la planète, pour comprendre qu'ils étaient suspendus dans le vide et que donc leur arrêt n'avait rien de normal. Et enfin, grâce à Sho qui salua les spectateurs de la scène, elle remarqua Scarlet et Léon.

C'était un peu irréaliste comme rencontre.

Surtout avec l'autre là –un mec ou une femme, difficile à dire, et pourtant Fang était yaoiste donc très portée sur le sujet. En tout cas la chose portait un uniforme bizarre, une cape, des écouteurs et une visière, tout en bleus et rouge. Il ne dévoilait qu'une petite parcelle de peau, le bout de ses doigts et le menton, et encore moins de ses cheveux, car un chapeau camouflait le haut de crâne. Elle ne voyait que quelques mèches noires coupés au carré.

En gros, c'était un type (ou une type) louche. Quoique, elle avait un vague renflement au niveau de la poitrine. Mais c'était peut-être une sorte de gilet de protection.

L'inconnue elle, ne se soucia pas vraiment de ça et oublia même les présentations. Une fois le moment embarrassant écoulé Fang la vit se détendre, et elle rangea ce qui devait être une arme dans sa poche.

L'auréole bleutée qui les entourait se dissipa et la moto tomba lourdement dans la boue, soumise de nouveau à la gravité.

Cette fille avait de bons réflexes et surtout de drôles de pouvoirs si c'était elle qui avait fait ça à sa Betsy. Motisma grésilla étrangement sous le capot, accentuant ses doutes.

-Vous tombez-bien. Etes-vous baptisés ? Demanda soudain l'étrange inconnue.

La question surprit. D'abord parce qu'elle était prononcée par une voix pas vraiment humaine, plutôt mécanisée, dont deux tonalités dominaient, une féminine, et une autre masculine.

-Non, aucun de nous deux. Répondit Sho.

La voix du blondinet lui parut bizarre, comme un peu perdue. Il avait une main protectrice posée sur l'oreille droite, et plissait les yeux. Il avait du se faire mal durant la chute.

-Génial. Léon, tu es baptisé toi ? S'exclama la casquée.

Le gamin –dont Fang n'avait pas vraiment pris conscience de sa présence jusqu'à maintenant- sursauta, et fit non de la tête.

-Mais mes parents oui. Ajouta-t-il avec vigueur.

Fang entendit Sho murmurer quelque chose comme « Malin ». L'inconnue en uniforme, elle, hocha du chef avec appréciation.

-Je vais vous demander un service. Pouvez-vous emmener cet enfant à Acajou ? Une fois que vous serez là-bas, allez au restaurant qui surplombe le lac colère et dites au barman : « Nous apportons les fleurs ». Ensuite faites ce qu'il vous dit.

Hey, mais ma moto, c'est pas un taxi ! S'offusqua Fang quand l'autre déposa le garçon dans les bras de Sho, sans vérifier s'ils étaient d'accord ou pas.

-De toute façon je sais pas où c'est Acajou ! Grommela-t-elle, voyant que déjà le blondinet entourait le nouveau venu de ses bras, comme un bien précieux.

L'inconnue murmura :

-Ah oui...

Elle leva les yeux et scruta le ciel quelques secondes, en sortant un pistolet d'une poche du gilet de son uniforme. Fang recula instinctivement à la vision de l'arme. Mais l'étrangère pointa le ciel et tira. La balle fusa, mais Fang lui trouva une drôle de forme, trop étrange pour être totalement dûe à la déformation de l'image par la vitesse. Scarlet elle, tira sur son flingue et une toge de métal se détacha d'elle, comme une goupille, longue et fine, il la fit tournoyer comme une fronde, autour de lui.

-Un ranger ? S'étonna Sho dans son dos.

Fang leva les yeux vers le ciel, et eut à peine le temps de voir un cercle briller autour d'un Pokémon, avant que celui-ci ne se pose près d'eux. Un coxyclaque.

-Ce coxyclaque vous mènera jusqu'à Acajou. Déclara l'inconnue.

Le Pokémon et elle échangèrent un regard entendu, puis elle tourna fit un geste de la main, sec. Le pokémon coccinelle se posa sur son guidon et fit trembler la moto sous son poids. Le temps que Fangs secoue la tête pour se remettre du choc, l'inconnue avait disparue.

-Quelle gonflée celle-là ! Grommela-t-elle.

« Au moins, on ne risque plus de se perdre. »

Le petit garçon dans les bras de Sho retint un sanglot, et Fang senti t l'exaspération monter en elle. Trop c'était trop.

-Si tu veux rester sur la moto, tu chiales pas. Bon sang t'as passé l'âge de pleurnicher.

Le gamin se raidit.

-T'as quel âge d'abord ?
-9...ans. Balbutia le petit, intimidé.

Il avait l'air en mauvais état. Il n'empêche qu'on ne montait pas sur Betsy gratis.

-C'est quoi ton nom ?
-E...Léon.
-Ah ? Marmonna Sho en guise de réponse.

Mais il n'ajouta rien d'autre.

-J'te préviens, Léon, une fois arrivé à Acajou, tu payeras le taxi. Avertit Fang.

Le petit n'objecta pas. Fang appuya sur les pédales et suivit le coxyclaque, cette fois, à une allure bien plus modérée et en évitant les nids de poule. Elle commençait à en avoir marre de voyager et surtout des voyageurs indésirables, pour un peu, elle comprenait pourquoi les pirates jetaient les clandestins à la flotte.

-Pu...
-PATIN !

Fang jeta un regard furieux à Sho, elle était bien incapable de crier, sa voix partant littéralement en couille –comme elle le disait- dès qu'elle exagérait sur les octaves. Il en profitait, le petit, le sale...En plus ça voulait dire quoi patin à la place de putain ! Hein ? Elle voulait dire putain. Pas patin.

« Tu es de mauvaise humeur toi. » Constata la voix dans son crâne.

Fang ravala sa colère de justesse. Tout l'énervait, certes. Le blondinet l'énervait à rire tout le temps, le gamin l'énervait à se recroqueviller un peu plus à chaque son, sa moto Betsy chérie l'énervait aussi à s'embourber dans de la boue, et surtout, surtout, le saleté de restaurant qu'ils étaient censé trouver l'énervait. Il se cachait exprès, elle en était sûre.

« Un restaurant ne se ca... »

Oh toi la ferme la voix !

Sho siffla dans son dos, comme on le fait quand on assiste un spectacle particulièrement impressionnant. Lui, aussi, et sa drôle de façon de faire croire qu'il lisait dans sa tête l'énervait. Elle allait tuer quelqu'un. Elle n'était pas venue ici pour se traîner deux gros boulets et jouer les taxis !

-Hey, Léon a trouvé le café !

Fang se retourna au rire de Sho –parce que celui-ci ponctuait chacune de ses plus inutiles de phrases par un rire. TOUT. LE. TEMPS. Elle considérait sérieusement de lui faire avaler ses dents et de voir s'il en était toujours capable après coup : de rigoler.

En tout cas, le petit garçon que leur avait confié l'illuminée en cape avait bien trouvé le restaurant. Il pointait du doigt une échoppe assez rustique qui surplombait le lac colère. Fang choisissait bien son lieu pour perdre son calme légendai...

« C'est ça on va te croire. »

Elle avait dit ta gueule la voix !

Fang trouva un coin dans les buissons pour y cacher sa Betsy, parce qu'évidemment un truc pareil n'avait pas de parking. Sérieusement, les écolos devaient être aussi sectaire que la religion du coin pour qu'en ayant traversé tout une région elle n'ait pas trouvé un seul parking digne de ce nom. A rhodes y-en avait partout !

Oui enfin sauf dans le désert.

-Tu viens Fang ?

Sho lui tenait la porte d'entrée en verre d'une main, et soutenait toujours le gamin dans l'autre. Elle arqua un sourcil. Le blondinet avait plus de force qu'elle ne le pensait. Rien que pour la forme, elle lui envoya un grommellement, mais le suivit tout de même.

L'intérieur avait le même genre d'architecture que tout le reste de la ville d'Acajou en contrebas. Ca donnait un style campagnard à tout. Fallait aimer. Fang n'avait jamais vu cela chez elle, mais elle n'appréciait pas spécialement, tout cela avait l'attrait de la nouveauté, rien de plus. Puis mettre une poutre de soutien en plein milieu de la pièce restait plus encombrant à ses yeux que décoratif. Tout comme le toit en chaux et les murs de bois ne garantissaient en rien le confort et la chaleur.

Sho s'approchait déjà du comptoir. La pièce était presque totalement vide de monde, alors que vu l'heure, elle aurait du être remplis de salariés se pressant pour avoir de quoi déjeuner vite-fait pour repartir aussi vite bosser.

Instinctivement elle les compta et analysa leur potentiel –ce qu'ils pouvaient bien lui rapporter-
Le barman n'avait pas l'air de les voir du tout, un grand brun avec une coiffure complètement anarchiques, comme s'il venait tout juste de sortir du lit, il avait d'ailleurs, les cheveux noués en une queue de cheval basse typique du flemmard. C'est-à-dire que ce matin, devant le miroir, il avait eu le choix entre la brosse, et l'élastique, et il avait choisi celui qui nécessitait le moins d'effort.

L'homme nettoyait un verre, comme le veut le stéréotype, mais fixait totalement autre chose de ses yeux bleus ternes. Fang était bien incapable de trouver ce qui l'intéressait autant au point de priver client et vaisselle d'attention.

Mais enfin, pour le nombre de clients peuplant son bar, elle comprenait qu'ils ne fassent pas grand cas de quoique ce soit. Elle en dénicha deux. Tous tournés vers la télé vissée à un mur, à l'autre bout de la salle. Ils leur tournaient le dos. Elle décela un vieux tout enfoncé dans le fauteuil, les cheveux gris mais encore bien conservé si elle en jugeait par la largeur de ses épaules, et un homme, aux cheveux roux, presque rouges, s'arrêtant à sa nuque en une sorte de petite boucle qu'elle aurait put qualifier de mignonne. Mais elle attendait de voir l'autre côté du crâne pour utiliser un tel adjectif.

-Excusez-moi monsieur !

Déjà, Sho avait posé le gamin par terre –même si celui-ci s'agrippait à sa jambe comme s'il était son sauveur, et s'adressait au barman. Le blond avait besoin d'apprendre à observer. Quelque chose de louche se tramait ici.

Fang le sentait, à la façon dont tous les ignoraient, dont les deux autres se tenaient devant la télé avec des mines concentrées. La façon dont le barman leva la tête vers eux, sans expression, comme incapable de les voir.

« Ce mec est aveugle. »

Que fout un mec aveugle dans un bar... ? D'un autre côté, ce n'était pas comme si ce genre de lieux leur était interdit, mais tout de même, Fang ne pouvait contrôler l'appréhension qui montait dangereusement en elle. Ce fut une des raisons pour lesquelles elle sursauta un peu trop violemment quand quelqu'un enclencha le son sur la Tv.

« Ici Christelle, ceci est une exclusivité, je suis ici à Rosalia ! »

Léon, le petit, se détacha immédiatement de Sho et se planta au milieu de la pièce, les yeux écarquillés, rivés sur l'écran.

On y voyait une petite rouquine aux traits tellement grossiers qu'il était étonnant qu'elle soit journaliste. En tout cas à Rhodes on n'engageait que les blondes plantureuses aptes à porter un décolleté qui descendait jusqu'au nombril. Mais vu qu'il s'agissait d'une région de coincés du cul, plus rien n'étonnait Fang. Ils avaient quoi après, des talk-shows avec des prêtres comme présentateurs ?

« Comme vous pouvez le voir, la ville n'a pas été détruite durant le jugement qu'a rendu Twilight »

Elle pointa du doigt une tour entourée par des arbres aux couleurs irréelles. Et pendant une seconde Fang se remémora les récits de Daniel. On aurait dit que la forêt était faite de feu constamment ondulant sous la brise. Une magnifique tour de ferraille rouge s'élevait, élégante, ni trop immense pour avoir l'air de défier les dieux et pourtant ni assez petite pour qu'on puisse douter de son but divin.

Cependant, la ville ne paraissait pas du tout intacte, si les bâtiments typiques en pierre blanche et aux toits de tuiles cuivrées avaient l'air en état, l'un d'eux se consumait bien gentiment. Des dizaines de personnes l'entouraient et l'arrosaient copieusement avec leurs Pokémons eaux tandis que d'autres, dotés de créatures psychiques, établissaient un barrage pour empêcher les flammes de se propager.

« j'ai ici un émissaire de Twilight qui vous expliquera mieux que moi la situation présente. »

La jeune femme confia son micro à un des types masqués comme Fang en avait vu à Safrania, sauf qu'ici, il s'agissait d'une femme aux longs cheveux rouges.

« Ici Atropos, de la Légion de Twilight. Comme vous le voyez, dans le fond, il y a un incendie plus loin. Ceci n'est en rien dû à nos activités. Il avait été prédit par les plaques d'Arcéus : l'installation électrique de ce genre de vieux bâtiment a pris feu durant la nuit. Nous allons évacuer les personnes qui devaient s'en sortir. Néanmoins, il est injuste d'amoindrir le message de cet incendie à cause du blocus qui se déroule en cet instant sur la ville. Cet incendie fera 36 victimes, et a pour but de faire réfléchir tous les chefs de complexes hôteliers pour qu'ils vérifient leurs installations électriques. »

Qu'est-ce que c'était encore que ce charabia... ? Il était vraie que l'humanité ne se rendait vraiment compte de ses erreurs et du danger que quand des innocents en souffraient, voire en périssaient, mais...

« Excusez-moi » reprit la journaliste. « Mais pouvez-vous plutôt nous expliquer ce qui se passe dans la ville, je suis certaine... »

La dénommée Atropos soupira.

« C'est justement ce que je voulais éviter. L'incendie passe totalement à côté. Ne croyez-vous pas que le message qu'il transmet, de par ses victimes, a plus d'importance que l'expédition punitive sur Rosalia ? Vous voulez vraiment ignorer le sacrifice des personnes là-dedans ?»

Celle qui se nommait Christelle n'en démordit pas.

« Nous comprenons parfaitement, mais les familles ici aimeraient...
-Rosalia a hébergé des membres de la résistance, en conséquence de quoi, Arcéus a porté son jugement sur eux, tout comme cela s'est produit à Bonville il y a un an et demi. Nous jugeons en ce moment même les villageois pour voir à quel point ils étaient impliqués dans la résistance, et chacun d'eux aura droit à un jugement, puis sera sanctionné ou relaxé en conséquence. »

Fang repensa à ce qui lui avait dit Sho, sur le jugement, comment un Pokémon fouillait dans la mémoire pour n'extirper que la vérité, et rien que la vérité à la victime. Elle frissonna. Elle espérait ne jamais avoir à subir pareil destin, elle craignait bien trop ce qu'on pouvait dénicher dans les recoins sombres de son âme.

« Nous avons déjà écarté le champion de l'arène de Rosalia, Mortimer n'avait aucun lien avec les résistants. »

Le vieux sur le canapé ricana bizarrement, alors qu'il susurrait :

-C'est ça, c'est ça. Crois-ce qu'tu veux, après tout t'es une c-bonne croyante !

Mais l'image pixelisée d'Atropos ne l'entendit pas, continuant à expliquer au micro de la journaliste :

« De même que les familles Cécil, Joëlle, K-you, Oswell, Sarl, Maxwell, Klein, Magnus, Hershell, Wilder et Scif-

Elle ne termina pas sa phrase, l'image trembla et se renversa brutalement alors qu'on poussait un cri hors-champs. Léon se tendit comme un arc, et plusieurs des spectateurs se levèrent –même si le Barman se contenta de tourner la tête en direction du téléviseur.

Le caméraman lui aussi, à des kilomètres de là, s'étaient ressaisi, et relevé, il pointa une fenêtre de l'hôtel en flammes, apparemment l'une d'elles avait explosé. Mais cela devait cacher autre chose, car il y eut un nouveau cri.

« SCARLET ! »

Cette fois les spectateurs de la salle se dressèrent tous sur leurs jambes. L'image grossit sous l'effet du zoom, et une masse indistincte sembla se relever en dessous des débris qui avaient comme giclés de la façade embrasée.

Fang reconnut sans problème –à son costume ridicule- la femme de ce matin qui leur avait confié Léon. Sho aussi du l'identifier car il siffla –d'une façon ironique plus qu'admiratrice. Ainsi donc, le super héros local portait le nom d'une fleur...C'était d'un kitsch !

-Hé bé. Elle fait pas dans la dentelle, celle-là. Constata-t-il.
-L'abrutie ! Siffla le mec aux cheveux roux de la salle, avant de se ruer vers une porte dissimulée derrière le comptoir et de disparaitre derrière.
-Qu'est-ce qu'elle a encore fait ? Souffla le barman, dans un simili d'inquiétude.
-Son intéressante, comme d'hab. Répondit le vieux.
-NON ! ELLE EST AL-

Sho réussit à faire taire Léon avant que celui-ci ne se fasse remarquer de manière dangereuse. Heureusement, car si le blondinet se contenta de lui plaquer la main sur la bouche et de le serrer contre lui en ricanant, Fang, elle, l'aurait tout simplement assommé. Le gamin pouvait s'estimer chanceux. On ne brasse pas d'air avant de voir ce que respirent les gens qui nous côtoie.

Sur l'image, la scarlet venait de passer à travers la barrière psychique des Pokémon psy, et Atropos, la fille aux cheveux rouges, venait d'abandonner le micro et la journaliste pour se ruer vers elle.

« CECI EST UN SCOOP ! UN SCOOP COUVERT PAR CHRISTELLE ! Babilla la journaliste, très professionnelle en temps de crise. Elle avait l'air particulièrement aux anges alors qu'elle fonçait droit vers l'action, poursuivant de sa caméra le membre de twilight. »

L'héroine de bas-étage, la scarlet fit une roulade, elle semblait tenir fermement contre elle un paquet de tissus, mais d'une main elle le plaqua un peu plus contre elle, et extirpa de sous sa cape un coutelas. Pas son pistolet de tout à l'heure ou de pokéball.

Elle était foutue. Encerclée par tous. Tous les spectateurs semblaient du même avis qu'elle.

-L'écremeuh, y-a Lucio dans l'tas et même Clément. Grommela le vieux. –J'parie qu'elle clamse dans la minute.

Fang ignorait qui étaient ces types, sûrement des gens vachement important, mais rien qu'avec l'atropos là, elle, dans la même situation, se serait considérée comme déjà morte.

Scarlet sembla hurler quelque chose à la caméra, et tous tournèrent la tête vers le brasier se consumant, libéré de toute entrave. La plupart des gens se remirent à combattre le sinistre, et elle vit le reste courir vers le hall, pour en revenir les bras chargés de victimes inconscientes et couvertes de suies.

« Ne crois pas que tu t'en tireras comme ça ! » Rugit Atropos en retour, sans quitter sa place, barrant le passage de la brune.

La caméra revint sur elles. Mais contrairement à son adversaire, la femme de légion sortit une pokéball. Le mouvement fut si rapide ; Scarlet lança son couteau et la sphère échappa des mains au membre de twilight. Celle-ci ne se laissa pas faire, elle allait sortit autre chose, mais Scarlet s'était rapprochée si près de son adversaire qu'elle mit moins d'une seconde à lui poser une main sur l'épaule.

Fang vit alors une figure qu'elle n'aurait crue possible que dans un cirque. Scarlet bondit, fit un looping ayant pour appuie son propre ennemie puis se rétablit derrière elle, sur ses pieds. D'un geste précis elle shoota dans la pokéball tombée plus tôt, comme dans un ballon de foot et l'envoya dans les buissons.

Atropos rugit et eut le réflexe incroyable de lui faire un croc jambe, mais elle frappa dans le vide. Scarlet avait les pieds au dessus du sol. Elle flottait littéralement et monta un escalier invisible aux yeux de tous pour disparaître dans la forêt.

Non mais sérieux, c'était quoi cette femme ?

La membre de Twilight parut furieuse, et se précipita à sa poursuite. Mais de l'avis de Fang elle ne l'attraperait pas. Les renforts s'acharnaient sur les blessés et domptaient l'incendie, et elle avait perdu sa pokéball.

-Ouah, celle-là, il vaut mieux être son amie que son ennemie. Commenta Sho dans son dos.

Et là, le barman sembla enfin réaliser leurs présences à tous les trois. Il fronça les sourcils. Fang réalisa qu'il était plus vieux que l'idée qu'on se faisait des barmans : peut-être la trentaine ? Il était pas mal malgré tout, si on oubliait ses yeux fixes.

-Qui êtes-vous ?

C'est les mots qu'il leur adressa. Fang comprenait mieux pourquoi il n'avait pas de client avec un accueil pareil : il était même étonnant qu'il en conserve deux !

-Nous venons livrer les fleurs. Répliqua Sho.

Léon le gamin, lui, se fichait bien du mot de passe, en bon petit ingrat, il observait encore la télévision, tremblant comme une feuille.

Le regard du responsable changea radicalement. Pas en bien, si on demandait son avis à Fang.

-Je vois. Apportez-les dans l'arrière boutique s'il vous plait.

Il leur désigna la porte par laquelle s'était enfui le rouquin de tout à l'heure. Fang prit Léon dans les bras, avec la ferme intention de l'envoyer là-bas avec un coup de pied au cul, puis de se barrer, quitte à ne pas être payé en bon taxi...

Taximan ? Comment on appelait les chauffeurs de taxi ?

Bref, peu importe, elle se fichait d'être payée elle voulait juste se tirer le plus loin possible. Mais quand Sho la laissa passer, ils débouchèrent dans une pièce très bien éclairée, du genre, une cuisine.

Ah. En même temps elle s'attendait à quoi dans un restaurant ? Fang s'en voulut d'être aussi parano. Elle avait cru déboucher sur une super cachette secrète du style celles de James bond, avec des ordinateurs partout et des gadgets ultra-secrets à volonté.

Maintenant qu'elle y songeait, c'était bien dommage, elle aurait volontiers piqué un gadget.

-Oh, oh ?

Sho appela à nouveau, à la recherche de quelqu'un, ne serait que du mec de tout à l'heure. Mais personne ne leur répondit pendant plusieurs secondes où ils se sentirent –et Fang ne mâchait pas ses mots- particulièrement couillons. Surtout quand Léon se remit à sangloter comme un bébé.

Fang était sur le point de lui envoyer une tarte, (Est-ce qu'elle pleurait elle ? Hein ?) quand, enfin, quelqu'un déboucha.

L'inconnue apparut comme un fantôme dans leurs dos. Sho fut le premier à se retourner, et à lui envoyer un sourire.

-Salut !

Fang elle, préféra lâcher le gosse qui s'écrasa sur le carrelage bruyamment et se plaquer contre un mur. Prête à couvrir ses arrières. Simple réflexe de survie.

Pourtant la femme qui se dressait devant eux n'avait rien de menaçante. Elle était tout simplement magnifique.

Elle aurait put faire une parfaite prostituée, selon les cadres de références de Fang.

Celle-ci savait qu'elle n'avait pour elle que les formes, et la couleur étrange, mystérieuse de ses yeux. Mais cette femme devant eux, n'avait en aucun cas besoin des lignes rassurantes des courbes féminines.

Son visage éclipsait bien cette lacune. Elle arborait une peau parfaitement laiteuse, comme faite de porcelaine, sans aucune impureté, et ce teint se voyait d'autant plus mis en valeur par ses cheveux longs et raides, sombres, aux reflets légèrement bleutés.

Sa carrure était frêle, fine, plate. Mais il émanait d'elle le genre d'aura qui plait aux hommes, celle qui chatouille leur instinct protecteur, qu'ont les filles insupportablement faibles à l'air d'ange. Mais, cette femme, aux yeux d'un bleu argent envoûtant, n'avait rien d'une faible femme. Sa posture le dénonçait, son air supérieur également.

Fang l'aurait attaqué à cet instant, elle n'était pas sûre de s'en sortir indemne. Loin des connaissances en combat des karatékas, elle reconnaissait tout de même quand quelqu'un laissait une ouverture béante dans sa garde. Cette femme était au repos, et pourtant, elle était aussi inébranlable et imposante qu'un mur. Personne ne lui échapperait, son regard de glace semblait lire en eux avec une aisance et une facilité déconcertante, prêt à anticiper le moindre de leur geste. Offensif, ou défensif.

-Alors, vous êtes venus livrer des fleurs ? Demanda l'étrangère.

Léon hocha du chef, il paraissait subjuguer par la beauté de la nouvelle venue. Celle-ci lui sourit, un sourire que Fang aurait presque put qualifier d'innocent et sincère si la situation n'était pas aussi glauque.

-Oui, c'est la femme qui est passée à la télé il y a cinq minutes qui nous envoie. Déclara Sho.

Il marqua une pause, et alors que l'inconnue affichait une moue étonnée ravissante, il ajouta :

-Scarlet, c'est ça... ?

Fang n'apprécia pas du tout l'expression de l'étrangère à l'entente de ce surnom. Quoiqu'il en soit, Sho prit Léon sous les aisselles et le tendit à la l'inconnue. Le petit garçon devint rouge comme un goupix et contempla ses chaussures toutes crottées, intimidé.

-Tenez, c'est pour vous.

La belle femme observa de haut en bas son présent et hasarda un :

-Merci ?

Auquel on n'aurait presque put rajouter le « je suppose... » tant elle le pensa fort.

Elle le garda toujours dans les bras et Fang sentit la jalousie pointer le bout de son nez : avec elle Léon se taisait, bien sage.

-Êtes-vous baptisés ?

Encore cette phrase, comme ce qu'avait demandé Scarlet, cela les obsédaient tous la religion ici ?

-Non. On vient juste d'arriver. Rétorqua Sho, innocemment.

Mais il est fou de balancer ce genre d'infos celui-là ! S'insurgea Fang mentalement. La réponse parut plaire à la femme qui relança :

-Je suppose que vous êtes là pour le test.

La question laissa Sho et Fang au dépourvu. Elle s'apprêtait à rétorquer un « Quoi ? » fort gracieux, mais le blondinet fut plus rapide qu'elle.

-Oui !

C'était officiel, elle le détestait. Qu'est-ce qu'il racontait encore comme connerie, lui ?! Quel test ? Il devait apprendre qu'on ne disait pas oui à n'importe quoi !

C'est alors que Fang remarqua un mouvement dans son angle mort, elle eut à peine le temps de se retourner, prête à agir, quand elle entendit un drôle de chant. Un peu comme le vent quand il parcourt les plaines et siffle à travers les hautes herbes. Aussitôt ses jambes ne la portèrent plus, tous ses membres parcourus de frissons et de fourmis.

Elle s'effondra sur le carrelage, suivi de Sho.

La tête lui tournait affreusement, et elle maudissait son manque de prudence –elle devait être particulièrement mal, car même la voix de son crâne s'était tût. Quand soudain, elle vit leur agresseur.

Un jeune homme accompagné d'un Phyllali –origine de l'attaque siffl'herbe. Mais ce ne fut pas ça qui lui glaça le sang dans les veines.

Ce garçon avait les cheveux en batailles, noirs comme des ailes de cornèbre, mais surtout des yeux vairons. L'un aussi marron que la boue et l'autre outremer comme l'océan.

-Daniel ! Siffla Sho faiblement.

Ce dernier tressaillit, interloqué.

C'est à cet instant que la magnifique femme s'accroupit à leur niveau et leur envoya un sourire angélique, tenant tout jour le petit Léon dans ses bras, terrifié.

-Bienvenus à la résistance.

Ce furent les derniers mots qui atteignirent leurs consciences avant que celles-ci ne glissent dans l'abysse.