Chapitre 1 - L'Éveil
Octobre 2667, ville de Vermilava à 03h34. Le ciel prenait un magnifique ton orangé tandis que l'atmosphère devenait lourde, suffoquante. Les sources chaudes s'évaporaient dangereusement vite et l'oxygène commençait à manquer. La plupart des habitants s'étaient réveillés et se rassemblaient, intrigués, sur la place commune en face de l'arène. Les pokémons s'agitaient dans leurs Balls mais personne n'y prêtait vraiment attention. Le spectacle était trop captivant. Les étoiles brillaient de plus en plus fort et les plus jeunes étaient fascinés par ce phénomène. Totalement absorbés, hypnotisés. Pourtant personne ne comprenait vraiment. Fallait-il s'inquiéter ? Les plus grands scientifiques de Vermilava ne pouvaient rien expliquer. Ils enchainaient des hypothèses plus farfelues les unes que les autres sans que personne ne soit convaincu. Eux-même ne l'étaient pas mais leur réputation était en jeu, résoudre l'énigme pourrait éventuellement propulser leur carrière. Mais ils ne réalisaient pas ce qui était entrain d'arriver. Personne ne réalisait.
Octave, le doyen, sortait enfin de chez lui. Chaussons aux pieds, robe de chambre mal ajustée, il s'avança vers les habitants. Tous se ruèrent sur lui en quête de réponses un peu plus probantes. Il était réputé pour ses connaissances sur la Génèse, le Jardin et sur ces phénomènes mystiques. Elles étaient sans conteste les plus approfondies de tout Hoenn. Le vieil homme était harcelé de questions.
« Pourquoi tant d'agitations à une heure pareille ? ... Le vieil homme que je suis a besoin de repos, retournez chez vous s'il vous plait... dit-il en se frottant les yeux.
- Grand père ! Regarde comme le ciel est beau ce soir ! » Cria un enfant.
Octave enfila sa paire de lunette, leva les yeux et contempla. Son expression changea et son corps se mit à trembler, comme s'il venait de voir le Malin.
« Impossible...Mes enfants... Les Dieux ! Les Dieux sont déçus, ce que vous voyez ce soir n'est autre que leur colère ! Partez tous vous cacher !» s'exclama-t-il d'une voix branlante.
L'air devenait de plus en plus oppressant, les citadins commençaient à paniquer sérieusement et voulaient quitter Vermilava sans plus attendre. Le doyen ne se trompait jamais. Un puissant cri les tétanisa, un hurlement si puissant que le village tout entier se mit à vibrer. Les fenêtres explosaient, les villageois se roulaient au sol en bouchant les oreilles, mais rien n'y changea. L'air tremblait, les bâtiments s'effondraient... La vie paisible des vermilavois était révolue. Alors qu'ils rampaient tant bien que mal en direction de l'arène, le sol s'effondra sous leurs corps. Une large faille sépara la ville en deux. Beaucoup y tombèrent, les autres hurlaient, pleuraient. Les pokémons avaient forcé l'ouverture de leur Balls et laissé leur instinct de survie prendre le dessus. Les plus puissants et loyaux portèrent secours aux blessés tandis que les autres courraient vers les bois. La plupart des pokémons de Vermilava était habitué à de fortes températures. Mais cette fois-ci, c'était différent. L'atmosphère les écrasait. Chaque pas devenait un combat de volonté... Avalés par la Faille, ensevelit sous les gravas, ou bien consumés par la chaleur... Beaucoup se sacrifièrent.
Cette nuit là l'espoir avait quitté Vermilava, laissant place au chaos, à l'apocalypse. Au dessus de la faille, la chaleur déformait l'air. De gigantesques flammes en jaillirent, noires, engloutissant les pauvres malheureux qui s'accrochaient pour ne pas tomber. Octave comprit immédiatement et se laissa tomber sur ses genoux, désemparés.
« Il arrive...Nous sommes perdus... »
Une ombre s'envola, produisant une bourrasque qui envoya valser le vieillard. On peinait à discerner correctement la forme de la bête mais il était facile d'imaginer sa taille à travers le feu qui couvrait son corps. Enorme. Tétanisé et fasciné à la fois, le doyen ne bougeait plus. Il restait là sur le sol délabré et regardait le monstre avec autant de terreur que de respect.
Un enfant passa devant lui et marchait d'un pas assuré vers la bête, bien que son visage arborait un air effrayé. Octave plissa les yeux pour mieux le distinguer. Il reconnu son petit fils.
« Non ! Ne t'approche pas J... »
Une seconde bourrasque le propulsa contre les gravas de ce qui fut sa maison. « Crac » Plus rien. Il ne souffrait plus, ne sentait plus rien. Ses vertèbres étaient brisées, il savait qu'il n'en avait plus pour longtemps. Une violente pluie s'abattait soudainement sur Vermilava. Quand les gouttes coulèrent son visage, il ne pu retenir ses larmes d'en faire autant. Il avait perdu la foi et monde courait à sa perte, c'était immuable. Mais il ne voulait pas que son petit-fils connaisse le même sort. Dans un dernier souffle il marmonna des paroles indescriptibles. La créature se tourna vers lui et ils échangèrent un regard si intense qu'il eut l'impression que son âme était mise à nue. Un regard à la fois méprisant, omniscient, si fascinant... Ce fut sa dernière vision. Octave s'éteignait cette nuit là, laissant son petit-fils à la merci du démon.
Les journaux s'empressèrent de reporter ces faits à travers Hoenn. Les quelques survivants n'avaient même pas eut le courage de témoigner, tant le choc les avait traumatisé. Cette histoire marqua les mémoires, et le monde ne pu jamais vraiment s'en remettre. La pluie ne cessa jamais de s'abattre sur Vermilava et les survivants l'avaient déserté. On appelait désormais cet endroit « le Jardin Diluvien ».
Dix ans passèrent. Dans une bourgade isolée s'était installée une petite famille à la vie modeste. L'ainée, Iris, agée de 19 ans, se vouait corps et âme à sa passion pour les pokémons. Elle avait décidé de quitter le cocon familial peu de temps auparavant pour enfin découvrir le monde en compagnie de son compagnon, Goupix. Elle l'avait accueilli et soigné deux années de cela alors qu'il venait de subir l'attaque d'une meute de caninos sauvages. Après plusieurs mois de travail en tant qu'assistante dans le centre pokémon de Rosyeres, elle se rendit au centre commercial de Poivressel, l'un des plus grands de sa région, pour acheter sa tenue de voyage. Elle en essaya une multitude avant d'en trouver une convenable. Elle jeta un œil dans dans un miroir de la cabine : plutôt fine avec de jolies formes, du haut de son mètre soixante-cinq elle ornait une veste blanche à capuche, des mitaines blanches rayées bleu ciel, une simple jupe noire et de chaussettes blanches qui montaient jusqu'aux dessus des genoux. Son carré légèrement dégradé et son cheveu brun seyait parfaitement à son teint clair. Une mèche venait lui tomber sur le front pour adoucir les traits déjà fins de son visage. Une légère écharpe bleue ciel venait lui donner un air précieux et enfantin. Iris était une jeune femme qui arborait toujours un sourire sincère et inspirait la bonne humeur. De retour à Bourg-en-Vol, son père lui annonça :
« Le professeur Seko a répondu à ta lettre, il accepte de te rencontrer. Passe le voir quand tu voudras, mais ne tarde pas trop.
- Super ! Je vais enfin le rencontrer ! »
Toute excitée, elle eut du mal à trouver le sommeil. La jeune fille se blottisait contre son pokémon. La chaleur naturelle qu'il dégageait l'aidait à se calmer et à s'endormir. Ils dormaient assez souvent ensemble, pour le plus grand plaisir de Goupix qui n'appréciait pas tellement le "confort" de sa pokéball. Un bon lit douillet est bien plus appréciable. Les deux amis sombrèrent dans les bras de Morphée, rêvant ensemble d'un lendemain dont ils ne connaissaient rien.
Au petit matin, peu avant qu'Iris n'aille rencontrer le professeur, sa mère l'interpella :
« Amène ton frère avec toi, lui aussi aimerait avoir un pokémon tu sais.
- Mais... je voulais juste lui poser des questions moi...
- Ne discute pas, laisse le t'accompagner. »
Plus le choix. Elle devait s'encombrer de ce petit être ennuyeux et contraignant qui ne savait presque pas aligner trois mots sans bégayer.
Elle pénétra dans l'immense laboratoire et fut étonnée de n'y trouver que quelques scientifiques. Tous paraissaient très jeunes, les plus âgés frôlant à peine la trentaine d'années. Ils étaient penchés sur leurs machines et ne remarquèrent même pas les deux visiteurs. Ils décidèrent alors de s'enfoncer timidement dans les couloirs du bâtiment. La grande salle dans laquelle ils venaient d'entrer était presque vide, seules quelques écrans et ordinateurs habillaient les murs et on pouvait voir une demi-douzaine de pokémons jouer dans un coin de la pièce avec un homme. Visage fermé, allure chétive, il ne semblait pas se prêter à la bonne ambiance générale. Iris voulu s'en approcher et demander où elle pouvait trouver le professeur Seko. Elle n'eut pour réponse qu'un nonchalant signe de tête en direction d'une porte métallique au fond du laboratoire. Plutôt désagréable ce type. Vexée, elle voulu le lui faire remarquer :
« Vous pourriez-»
Il tourna tête vers elle. Iris pu deviner son regard derrière le reflet de ses lunettes. Le genre de ceux qu'on lance quand on nous dérange. Glacial. Elle n'insista pas et se dirigea vers cette fameuse porte en soupirant.
« C'est quoi son problème ?! marmonna-t-elle
- Tu dois être Iris... et c'est sans doute ton frère ? Peu importe, venez vite voir ! Je viens de recevoir ces trois pokémons d'un ami scientifique. Ils sont très rares tu sais ?!
- Euh... Bonjour..?
- Salut ! Excuse-moi, je suis le professeur Seko. Alors qu'en penses-tu ? Ils sont très petits mais très puissants ! Tu peux en choisir un, celui qui te plaira mais tu ne dois pas prendre ça à la légère hein ! »
Seko était véritablement passionné par ces nouveaux pokémons, il n'avait pas détourné les yeux de ces créatures et n'écoutait presque pas ses invités. Elle s'avança légèrement tout en le dévisageant : il était sans doute le plus âgé du complexe scientifique. Elle lui donnait la quarantaine, peut-être un peu moins. La barbe qui dessinait sa mandibule le vieillissait certainement. Mais il semblait ceci plus humain que les autres employés. Vêtu d'une simple blouse blanche et d'un pantacourt, on comprenait que cet homme avait une personnalité beaucoup plus souple que ses collègues. L'ayant remarqué, Iris se permit de l'interrompre :
« Professeur, je ne suis pas venu pour ça ! Je m'apprête à partir en voyage et je me demand-
- M...moi je... J'en veux un ! Coupa le petit garçon d'une voix hésitante.
- Martin ça ne se fait pas ! Réagit-elle, agacée qu'on lui coupe la parole encore une fois.
- Mais non, ne t'inquiète pas pour ça jeune homme ! Prend celui que tu veux mais à une condition ! Tu dois le traiter correctement et l'aimer de toutes tes forces, compris ? S'exclama Mr. Seko, toujours aussi enjoué.
- D'a..D'accord ! »
Il prit dans ses bras le petit Poussifeu et le renvoya dans sa pokéball. Seko avait l'air plutôt content de lui confier. Puis il fixa Iris pendant un long moment, songeur.
« Tiens, prend ça petite.
- C'est quoi ?
- La nouvelle génération de Pokédex ! Une véritable merveille technologique. Ca coûte une fortune tu sais ?!
- Pourquoi vous m'en donnez un dans ce cas ?!
- Tu pars en voyage non ? Alors tu vas rencontrer plein de pokémons ! Ca m'aiderait dans mes recherches si tu pouvais en scanner quelques uns !
- Mais...
- Sois cool petite ! C'est pas tous les jours qu'on te prêtera du matos aussi pointu ! Et puis je suis un vieillard maintenant, j'peux plus voyager comme ça tu sais...
- Bon... C'est d'accord. »
Elle n'aimait pas qu'on lui force la main mais le résultat n'était pas si dérangeant finalement. Bien qu'elle n'ait même pas eu le temps de lui poser de question. Tant pis, elle repasserait le lendemain.
De retour chez elle, Iris se jeta sur son lit. Avant de s'endormir, elle marqua d'une croix son calendrier :
« Le départ, c'est demain ! »