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Entre deux mondes de Xabab



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Informations

» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 09/07/2014 à 02:15
» Dernière mise à jour le 09/07/2014 à 02:15

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Chapitre 22 : Keluyah
Le Gorah s'avança d'un pas décidé au beau milieu de la fête qui régnait dans la clairière. Il ne fit pas attention une seconde aux regards menaçants des hommes des montagnes, se contentant de regarder celui qui avait trahit le village en fuyant la nuit de son exécution.
Dès qu'il quitta l'ombre des arbres deux de ses opposants s'armèrent de lances et tentèrent de lui faire face. Ils se souvenaient parfaitement de lui et des hommes qu'il avait tués par dizaines sur le champ de bataille une semaine auparavant. Et il était hors de question qu'il ôte de nouveau la vie de l'un d'entre eux.

« Stop ! »
Kunra n'avait qu'eut besoin de crier cet ordre des plus simple pour interrompre leur élan de vengeance. Interloqués ils se tournèrent dans sa direction, l'interrogèrent du regard avant de faire un pas en arrière sans attendre de réponses. Les ordres du chef n'avaient pas à être remis en question, qu'importe leur légitimité.

Sous le couvert des arbres Keluyah se tassa de peur d'être remarqué. Cela faisait longtemps que Kunra avait fui loin des Tortarshs et elle ne savait si son allégeance était toujours aussi forte que dans le passé.
L'homme avait changé. Il était plus robuste et chacune de ses cicatrices semblaient témoigner des souffrances qu'il avait endurées au cours de cette vie sauvage. La jeune femme pouvait voir dans le fond une cabane à moitié faite de branchage qui témoignait du maigre abri qu'il avait trouvé dans sa solitude. Mais le véritable changement se trouvait dans son regard.

Il était grave, triste et révulsé à la fois. Elle sentait de la haine monter en lui alors que son père avançait en sa direction, une colère injustifiée et pourtant plus puissante que tous les autres sentiments qu'il pouvait avoir. Ses doigts se crispaient autour de son bâton, il mordait ses lèvres en un rictus et chacun de ses muscles se tendaient à l'approche du Gorah des Tortarshs.
Et, quand ce dernier s'arrêta de marcher et se retrouva face à lui, Kunra se leva d'un bond de son trône de fortune et se dressa de toute sa hauteur face à lui.

« Que vient faire un Tortarsh seul dans la forêt du sud ? lui lança-t-il le premier en l'empêchant de parler. Je pensais que jamais vous ne mettiez les pieds dans cette région qui se situe hors de votre territoire.
– Tu pensais juste, répondit calmement le Gorah. Si j'étais venu ici avant et que je t'avais trouvé cela ferait longtemps que tu aurais payé ta dette envers les esprits et notre village. »
Ces mots provoquèrent durant un instant un silence gênant avant que Kunra ne se mette à rire à gorge déployée.

« Ma dette ? Pour avoir tué tes stupides guerriers ? reprit-il en pointant d'un doigt insultant le crâne fixé au bout de son bâton. Tu penses vraiment que j'ai quoi que ce soit à devoir au village alors que je n'en fais plus partie depuis des années ?
– Les esprits réclament ton corps, répondit le second intransigeant.
– Aucun n'est venu le chercher en trois ans. Pourtant je suis resté ici, sans me cacher, livré à moi-même. Les esprits savent voir au travers des feuilles, ils savent où je suis. Me tuer était une chose aisée ; ils ne l'ont pas fait. Et maintenant je suis chef d'une nouvelle tribu ! Car oui ils ne m'ont pas tué mais favorisé. Que dis-tu de cela ? »

Cette réponse crispa intensément le père de Keluyah qui sentait que malgré son calme apparent, son cœur commençait à s'emplir d'une immense colère. Elle explosa.
« Je demande un combat de chef. »
Et Kunra se contenta d'un simple sourire, comme s'il avait attendu ce moment avec la plus grande impatience depuis qu'il avait été fait prisonnier chez les Tortarshs. Cette nuit cet homme lui donnait la possibilité de prendre sa revanche et de laver son honneur. Lui pensait simplement rendre aux esprits ce qu'il leur devait avec l'âme de son ennemi.

D'un signe de main il ordonna à ses hommes de donner une lance au Gorah et en saisit une de son côté. Les guerriers des montages s'éloignèrent aux orées de la clairière pour laisser la place nécessaire à l'affrontement.
Tapis dans les buissons les deux jeunes Tortarshs s'enfoncèrent un peu plus pour ne pas se faire prendre. L'un des géants de la montagne avait reculé dans leur direction et n'était qu'à quelques pas de leur position. Keluyah tenta de calmer son cœur qui battait de plus en plus vite, craignant qu'il ne trahisse leur présence.

Les deux hommes se jetèrent l'un contre l'autre, rugissant comme des bêtes tandis que le bois de leurs lances se brisait. Le père de Keluyah entama l'épaule de son adversaire de sa pointe, faisant en premier couler le sang dans la terre de la clairière. Il relança ses assauts effrénés alors que son opposant restait sur la défensive, parant un à un les coups de l'autre. Avec maladresse il trébuchait, se relevait avec peine et le Gorah entamait un peu plus sa chair à chaque faux pas de sa part.
Il brisa d'un seul tour de bras l'arme de Kunra tandis que de l'autre il le saisissait par une jambe et l'envoyait valser dans les airs. Le sauvage roula contre le sol, son corps atterrissant au cœur du feu dressé pour la fête. Les flammes lui léchèrent la peau un moment et il hurla, se roulant dans la terre pour l'éteindre.

Quand il se releva il était blessé et presque incapable de tenir debout. Sa lèvre saignait, tous ses muscles étaient noircis et ses multiples blessures délivraient un pourpre mortel. Et face à lui se dressait le Gorah, plus en forme que jamais dont le sourire déformait entièrement son visage. Il avait sa vengeance.
Lâchant sa lance pour se retrouver à arme égale avec son adversaire il se rua sur lui, usant de ses poings pour le faire chanceler toujours plus. Un coup dans le ventre, dans l'abdomen, dans le dos, sur le menton… Kunra hurlait, tombait, rampait… Et le Gorah en riait.

Keluyah regardait avec horreur la scène devant elle, ne parvenant à comprendre toute la cruauté dont son père faisait preuve. Dans sa tête elle lui demandait d'achever Kunra et d'en finir avec ce combat. Elle priait pour qu'il ait cette lucidité d'esprit.
Mais il se contentait d'avancer et de se dresser face à celui qui était à terre, se tordant de douleur.

« Comment un gringalet comme toi a été capable de vaincre le chef de cette tribu ? rugit-t-il en s'amusant.
– Exactement comme maintenant. Il croyait que j'étais faible, j'en ai profité. »
Il ne laissa pas le temps au Gorah de réagir. S'emparant de la pointe de sa lance brisée, il fit de façon rapide le tour de son adversaire afin de la planter dans sa cuisse et de le jeter à terre. En un quart de seconde il inversa la tendance. Il prit cette fois l'arme du Gorah, la brisa et planta une seconde pointe dans sa deuxième cuisse, l'empêchant de se relever.

Keluyah vit son père tomber à genoux face à elle, ce dernier regardant stupéfait dans sa direction sans ne pouvoir rien faire. Derrière lui Kunra demandait une autre pointe à l'un de ses hommes qui la lui envoya.
Il se dressa au-dessus de son ennemi et frappa deux fois dans son ventre, propulsant une marée de sang au centre de la clairière. Töko se précipita vers Keluyah, la prit dans ses bras et plaqua sa main devant sa bouche tandis que l'homme qu'elle avait sauvé dans le passé coupait avec plaisir les longs cheveux de son père, invaincu depuis sa naissance.

Cela fait, il se pencha vers son oreille et parla distinctement afin que tous puissent l'entendre : « C'est ta fille qui m'a sauvé il y a trois ans. »
Et, jetant un regard vers l'endroit où se tenait Keluyah, il passa lentement la pointe sur la gorge du Gorah dont les chairs se séparèrent. Et dans un ultime regard il parla à sa fille, transmettant par ses yeux un amour sans précédent, voulant lui témoigner un pardon pour ce qu'elle avait fait.

Mais Keluyah, prenant la fuite à la chute du corps de celui qui lui avait donné la vie, secondée par Töko, ne parvenait à l'accepter.
Dans son dos elle entendit Kunra ordonner à ses hommes de la laisser fuir. Elle l'entendit parler, lui adresser une parole tandis qu'elle écorchait ses genoux contre les branchages : « Sache que je ne ferai pas exception. Je te tuerai aussi à notre prochaine rencontre. »
Il réutilisait des mots qu'elle avait employés trois ans auparavant sur la berge de la rivière et son cœur fit un bond dans sa poitrine. La culpabilité la rongeait.

Et sans savoir elle suivait le chemin d'un autre homme, sans en avoir conscience elle ressentait la même honte que celui qui se tordait de douleur dans son lit à l'autre bout du monde. Chacun entendait en boucle les mêmes paroles, celles d'un ami ou d'un ennemi. Et sur ces êtres fragiles pesait une responsabilité hors du commun.