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Entre deux mondes de Xabab



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Informations

» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 17/06/2014 à 12:49
» Dernière mise à jour le 17/06/2014 à 12:49

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Chapitre 4 : Keluyah
La chasse est un art. Ce n'est pas seulement une simple mise à mort qui se fait dans d'odieuses conditions. Il faut traquer le pokemon, suivre sa trace pendant des heures et se livrer avec lui à un jeu dont il n'y aura qu'un seul vainqueur. Si c'est à la proie de gagner alors elle peut fuir et son agresseur chantera le soir venu ses louanges, glorifiant son courage face aux pointes des flèches et au fer de la lance. Les indigènes s'agrouperont autour d'un feu, le ventre vide, et danseront pour celui qui leur échappa car il eut la faveur des esprits.
En revanche si le chasseur parvient à blesser le pokemon alors ce dernier se doit de le sacrifier en priant les esprits de lui venir en aide. Ce n'est pas une mise à mort servant à récupérer un morceau de viande ; Keluyah n'avait jamais mangé dans le seul but de se nourrir. Recevoir en l'ingurgitant la force de la proie était un besoin supérieur à celui du ventre.

Keluyah chevauchait Turkya ce jour-là. Son compagnon ne l'avait jamais abandonné malgré les années. La fillette avait simplement grandit en même temps que le lien entre elle et l'équidé s'était renforcé.
Il la portait néanmoins avec plus de difficulté qu'auparavant. Ce n'était pas parce qu'elle était en surpoids ou quoi que ce fut, bien au contraire car la fillette était svelte, de taille moyenne et sa silhouette commençait juste à s'affiner au niveau des hanches et de la poitrine. En revanche si la petite de onze ans se développait rapidement ce n'était pas le cas de sa monture qui gardait son apparence initiale.

« Keluyah, concentre-toi sur le vent et écoute bouger les pierres. Chaque son qu'ils portent te renseignera sur la position du troupeau. »
Son père savait quand elle rêvassait et la fillette ne pouvait absolument rien lui cacher. Il était le guerrier après tout, celui qui pouvait d'après les esprits défendre tout le clan par la seule force de son bras. En comparaison deviner que sa fille regardait les nuages s'agglutiner dans le ciel au lieu de se focaliser sur la chasse ne relevait pas du miracle, surtout quand on connaissait son caractère.

Elle secoua la tête et se redressa sur le dos de Turkya, faisant face au dos musclé de son père qui observait les grandes plaines sans bouger. Son corps semblait de marbre, identique à ceux des montagnes qui s'élevaient au-dessus de leurs têtes. Aucun homme du village n'était aussi musclé que lui, ne possédait une chevelure si longue et donc ne pouvait se sentir en droit de lui succéder.
La chevelure d'un homme était représentative de sa force au combat. Quand quelqu'un venait prétendre au rang de guerrier, il se devait d'abord de vaincre l'actuel en une lutte à main nue sous le regard de l'astre de nuit. Le perdant se faisait couper la chevelure en symbole de son échec pendant que l'autre gardait ou prenait la place de gardien du clan. Le père de Keluyah n'avait encore jamais perdu un seul combat.

« Quand ils apparaîtront je veux te voir courir et chasser, lui lança son père qui se dressait sur le dos d'un immense oiseau.
– Vous n'allez pas m'aider ? demanda innocemment la jeune fille, anxieuse.
– Ce n'est pas mon rôle. Tu es ma fille, celle à qui je veux confier le clan à ma mort et en cela tu te dois d'être prête à faire face aux hommes qui voudront cette place. Tu dois imposer du respect, leur montrer que tu es digne. Cette chasse est l'une des étapes qui te guideront vers la lumière. »

Elle savait que ce moment viendrait mais l'avait toujours redouté. Le moment de tuer pour les esprits, pour gagner un peu de force mais aussi celui de passer au rang de femme. C'était l'une des épreuves qu'elle aurait à passer durant sa onzième année et elle en avait peur. Elle ne se sentait pas de mettre fin à la vie d'un être vivant et pourtant c'était bel et bien le rôle de l'arc qui tombait dans son dos, celui des flèches rangées dans un carquois de cuir.
« Entend les pierres, lui demanda de nouveau son père sans même lui accorder un regard. »

Keluyah ne se fit pas prier une nouvelle fois et descendit de sa monture. Elle posa son oreille sur le sol, ferma les yeux et se laissa bercer par tous les bruits que transportait la terre. Perchée sur une colline elle pouvait entendre un vent déchaîné souffler autour d'elle, un son qu'elle se refusa d'écouter pour ne se concentrer que sur la course du troupeau qu'elle devait rejoindre.
Les rochers lui transmettaient sa position. Cela faisait des années qu'elle s'entraînait avec l'aide de Mamy à tirer des informations du sol. Le vrombissement des cailloux lui disait que les Turs n'étaient plus très loin, juste derrière les vallons à l'est. Ils venaient justement de se remettre en route.

« J'y vais immédiatement, lança-t-elle en devançant les conseils de son père et en remontant sur Turkya. »
Elle murmura ensuite quelques mots à l'oreille de sa monture qui partit au galop sans attendre son reste. La petite fille laissa son père seul sur sa colline, ce dernier ne se retournant même pas pour la voir partir. Elle savait néanmoins qu'il observait le moindre de ses faits et gestes dans cette chasse ; il le faisait simplement à sa manière.

Keluyah indiqua du doigt la direction du troupeau. Le pokemon qu'elle chevauchait descendit la pente de la colline en moins de quelques minutes et la cavalière lui demanda du doigt de se préparer à contourner celle qui se dressait maintenant devant eux. Si ses observations étaient exactes alors le troupeau devrait se montrer dans moins de cinq minutes, dès qu'ils seraient de l'autre côté.
Turkya suivit les ordres de sa maîtresse, courant de plus en plus vite. Il avait compris qu'attraper un Tur était important pour la jeune fille et il ne voulait pas qu'elle soit déçue. Ses pas furent plus rapides que la foudre et sa crinière battait le vent tant il allait vite.

Mais le pokemon alla trop vite contrairement à ce que sa cavalière avait prévu et ils furent en vue du troupeau bien avant que ce dernier ait dépassé la colline. Ainsi ils ne se retrouvèrent pas derrière mais devant.
Les Turs, de grands oiseaux sans aile à deux têtes, les regardèrent d'un air interdit, sentant le danger et rebroussant immédiatement chemin. Tout le troupeau reprit sa course vers l'endroit d'où il venait.

« Turkya, vite ! »
Keluyah flatta l'encolure du pokemon et ce dernier se lança à la poursuite des oiseaux. Avec un peu de chance ils pourraient facilement les rattraper, la distance n'était pas si grande et Turkya était seulement un peu moins rapide qu'eux. Le troupeau les distancerait facilement au bout de quelques minutes.
Pendant la course la fillette ôta l'arc de son dos et décocha une flèche du carquois. Tirer sans attendre était sa seule chance de parvenir au bout de sa chasse, l'erreur qu'elle venait de faire ne lui permettait pas de prendre son temps.

Heureusement la jeune fille était douée au tir à l'arc et elle avait ses chances de toucher sa cible et ce qu'importe la distance. Elle porta la flèche à hauteur de son œil, visa le dernier Turs du troupeau et tira. Le projectile fila, trancha le vent et se planta dans le corps de l'oiseau qui tomba à la renverse. Son corps roula sur le sol en soulevant un nuage de poussière pendant que le reste de sa troupe prenait la fuite.
Keluyah ne poussa aucun cri de victoire, se contenta de pousser Turkya vers la dépouille. La mort ne méritait aucune joie.

Elle descendit de sa monture et s'approcha une flèche en main de l'oiseau qui se tordait à terre, prit de douleur. Elle ferma les yeux, se retint de pleurer et prononça quelques mots : « Ichta ism Estra. »
La pointe de la flèche entre dans la gorge du Tur qui expira. Que l'esprit le guide, c'était sans doute le vœu le plus cher qu'elle avait eu à prononcer de toute sa vie.