Gardiens de l'Harmonie T.1 : La mélodie de vie de Malak

Un duel à mort opposait Dakon Varnellan, le chef de la Garde Gouvernementale de Nathan, à Spam et Spyware. Ils s'étaient déjà affrontés sur l'une des îles d'Esbroff. Spam et Spyware n'avaient eu la vie sauve qu'en fuyant. Mais cette fois, pas de fuite possible, ils le savaient. Ils avaient eux-mêmes attaqué sur les terres du Triumvirat. Désormais, c'était vaincre ou mourir. Autrefois, Spam aurait considéré une telle option comme une aberration. En tant que chef de la Team Malware, il était un homme de science, un homme de logique, de réflexion. Il ne se serait jamais lancé dans une bataille qu'il avait de fortes chances de perdre sans issue de secours. Mais se battre au péril de sa vie était apparemment un truc typique des Gardiens de l'Harmonie, et en un an, Spam était devenu plus Gardien qu'il n'aurait voulu l'admettre.

Il voulait vaincre Varnellan. Il ne l'aimait pas, et ce type était un fanatique de Dialine, qui ne pourrait jamais être reconverti comme le reste des soldats normaux. De plus, son pouvoir d'Agent du Chaos le rendait meurtrier. Spam n'avait aucune idée de l'intensité de ses éclairs noirs, mais il avait pu constater leur puissance. S'il s'en prenait un de plein fouet, c'en était fini de lui. Pour se protéger, il avait donc son Mostima avec lui, sa fière création, sous sa forme unique Logiciel, qui lui permettait de s'infiltrer dans n'importe quel engin électrique pour le contrôler. Hélas, en ce moment, il n'y avait rien en vue de ce type. Alors Spam se servait de son Motisma de façon plus classique, comme un Pokemon normal. Son type électrique lui permettait d'attirer à lui et d'encaisser facilement les éclairs de Varnellan, et il pouvait contre-attaquer avec des attaques psy, propre à sa forme Logiciel. Spyware, elle, avait appelé son Electrode, lui aussi un Pokemon électrique.

Mais il devint bien vite évident que les deux Pokemon ne faisaient pas le poids face à l'Agent du Chaos. Ils résistaient, ils encaissaient les éclairs pour protéger leurs dresseurs, mais ne tiendraient pas longtemps. Spam tentait de les couvrir en tirant avec ses pistolets lasers de Don. Ils avaient l'avantage d'avoir des munitions illimités, du moment que Spam avait encore du Don à offrir. Mais ils étaient loin de pouvoir tirer comme une mitraillette, et Varnellan contrait tous les rayons avec ses éclairs noirs. Spyware avait toujours son brassard de la Team Malware qui lui permettait de tirer des rayons d'énergies verts, mais ils étaient encore plus longs à charger que les pistolets magiques de Spam. Et Varnellan ne semblait avoir aucune limitation de vitesse ou de pouvoir. C'est comme si lui-même était devenu un de ses éclairs noirs.

Après avoir réussi, tant bien que mal, à stopper une nouvelle salve d'éclairs, Spam abandonna un temps la défense et demanda à son Motisma de contre attaquer. Son attaque Psycho stoppa momentanément les mouvements de Varnellan, mais l'Agent du Chaos pouvait utiliser ses éclairs sans bouger les bras ; ils en devenaient alors moins rapides, mais toujours aussi puissants. Pour en esquiver en en encaissant, Motisma dut abandonner le contrôle de son attaque Psycho. Un des éclairs fusa vers Spyware, et son Electrode s'interposa avec une attaque Mur Lumière pour le dévier. Prenant un air interrogatif, Varnellan baissa les bras et cessa ses attaques.

- Je me demande pourquoi... murmura-t-il presque pour lui-même. Pourquoi vous deux, d'anciens antisystèmes notoires, vous battez vous pour l'Harmonie ?

- Justement parce qu'on est des antisystèmes, comme tu dis, répondit Spam. Le Triumvirat est le système, et nous nous battons avec ceux qui veulent le renverser.

- Même si vous gagnez, un autre système va naître, celui qu'auront créé vos alliés de l'Harmonie. Et je doute qu'ils adoptent votre idéologie de confier la gouvernance des hommes à un ordinateur géant.

- Aucun système n'est parfait, admit l'ancien boss. Car les hommes sont imparfaits. On ne peut alors essayer que de le rendre le mieux que nous pouvons. Il y aura toujours matière à protester et à se battre pour défendre le système que l'on souhaite. Je respecte cela. En revanche, ce que je ne respecte pas, c'est le système qu'utilise le Triumvirat. Vous ciblez des civils et prenez votre propre population en otage. Vos dirigeants sont sous la botte d'un Pokemon qui ne rêve que de l'anarchie généralisée.

- Quand l'ordre devient trop rigide, l'anarchie devient nécessaire pour repartir sur de nouvelles bases. N'est-ce pas ce que vous défendiez dans la Team Malware ?

- Non, protesta Spyware en se mettant à côté de son ancien chef. Nous n'étions pas anarchistes. Nous nous battions pour l'ordre, au contraire. Pour que les humains évoluent dans une société strictement ordonnée par une intelligence supérieure, grâce aux nouvelles technologies. Ne comparez pas vos assassins d'Agents du Chaos à la Team Malware !

Spam lui répondit en un grand sourire. Décidément, cette femme était son âme sœur. Quel dommage que Spam n'ait fait attention qu'aux machines et pas assez aux êtres humains. Mais il s'était amélioré, cette année durant. Grâce à Archangeos et aux autres Gardiens. Le monde n'était pas seulement qu'une base de données qu'on pouvait interchanger pour qu'il aille mieux. Le monde était le reflet des émotions humaines, de leurs vécus et de leurs pensées, aussi imparfaites soient-elles. Aucun super ordinateur ne pourrait remplacer cela. Les Agents du Chaos prétendaient vouloir exalter les émotions des hommes en les libérant des chaînes de la société. Pour Spam, ça revenait à les changer en bêtes sauvages.

- Si la nature véritable de l'humain est la destruction et le chaos, eh bien, ainsi soit-il, dit Spam. Si c'est l'harmonie et l'ordre, eh bien tant mieux. Leur choix devra être respecté. Mais les hommes devront alors le montrer par eux même, montrer ce désir d'échapper à tout contrôle pour faire ce qu'ils veulent. Or, c'est ce que vous tentez de provoquer. Par vos agissements, vous amenez de plus en plus le peuple vers le désespoir et finalement vers la violence. Vous manipulez leurs émotions. Vous leur forcez la main en pensant que c'est ainsi que ça doit être. Je dis que non, ce n'est pas ainsi que ça doit être. Les hommes, tout comme les Pokemon, ont le droit de choisir par eux-mêmes. Nous vous empêcherons de choisir pour eux.

Spam croisa alors ses deux pistolets, et leurs tirs simultanés se rassemblèrent en un gros laser de Don. Ce tir le vida beaucoup de son Don, mais au moins était-il puissant. Varnellan dut à son tour invoquer un puissant éclair pour le contenir, et ça laissa le temps à Motisma et à Electrode d'attaquer. Motisma utilisa sa Cage-Eclair pour paralyser l'Agent du Chaos. Bien que Varnellan se servait de la foudre, il n'avait rien d'un Pokemon électrique, et donc la paralysie marchait sur lui. Ce fut au tour d'Electrode de préparer son attaque. En le voyant briller dangereusement, Spam sut ce qu'il allait utiliser. Il recula prestement en entraînant Spyware avec lui et en la poussant à terre. Alors, Electrode utilisa Explosion.

Le bruit assourdissant eut un effet néfaste sur les tympans des deux humains. Et vu qu'Electrode avait explosé juste à coté de Varnellan, ce dernier avait du prendre cher. Motisma aussi était à coté. Sous sa forme Logiciel, il perdait son type Spectre naturel pour prendre le type Psy, et était donc vulnérable aux attaques normales comme Explosion. Mais Spam ne s'inquiétait pas pour lui. Il l'avait lui-même conçu. C'était un Pokemon artificiel qu'il pourrait réparer, voir recréer. Il s'inquiéta plutôt pour Spyware, juste en dessous de lui.

- Tu vas bien ?

Bien que légèrement sonnée, Spyware hocha la tête.

- On l'a l'eu ?

Spam se releva pour contempler l'endroit de l'explosion, transformé en un véritable cratère fumant. Motisma était à terre, apparemment vivant mais hors de combat. De même pour Electrode, bien sûr. Chaque utilisation d'une attaque Explosion le mettait proprement K.O. En revanche, pour Varnellan...

- Impossible... murmura Spam.

Pourtant, si. L'Agent du Chaos se tenait debout, sans dommage réel. Il avait formé, autour de lui, une sphère d'électricité noire qui l'avait apparemment protégé du choc de l'explosion. Il n'avait subit que les ondes, ce qui expliquait sa façon de marcher hésitante et irrégulière. Par contre, son regard n'avait rien d'hésitant, lui. On y lisait clairement son envie de meurtre. Et sans plus un seul Pokemon debout pour les protéger, les deux Gardiens de l'Harmonie étaient sans défense. Varnellan le savait, aussi prit-il son temps pour préparer son prochain éclair, un sourire torve sur son visage.

- Une dernière parole de défi, Boss Spam de la Team Malware ? Demanda-t-il alors qu'il invoqua son éclair.

Spam lui fit face, la tête haute, en retirant ses lunettes.

- Mon nom est Lazard Rideus, Gardien de l'Harmonie. Je n'ai pas à me cacher face à quelqu'un comme toi.

Varnellan haussa les épaules.

- À ta guise. Eh bien, Lazard, avant de te tuer, je veux que tu apprécies le spectacle de la mort de ta putain.

Et il lança son éclair. Mais au lieu de le tirer sur Spam, il visa Spyware. Spam avait deviné son geste avant même qu'il n'ait terminé sa phrase, et il fut plus rapide que l'éclair. Il s'interposa entre la foudre et Spyware. Cette dernière hurla, et reçu Spam dans ses bras alors qu'il s'effondrait, l'abdomen troué et brûlé. Spam parvint quand même à lancer un rictus à l'adresse de Varnellan.

- Je te l'ai dit... nous ne te laisserons pas... choisir pour nous.

- MONSIEUR ! Hurla Spyware. Vous... ne... Pourquoi ? C'était... inutile... illogique.

- Parce que... je t'aime, répondit faiblement Spam. J'emmerde la logique. Toi... tâche de survivre.

- Je ne peux pas ! Pleura la jeune femme. Pas sans vous ! Qu'est-ce que je pourrai devenir... sans vous, monsieur ?

- Je t'ai déjà dit... de ne plus m'appeler comme ça.

Il leva la main pour lui caresser la joue. Déjà, ses yeux se voilaient.

- Je ne suis plus Spam, ton chef. Je suis... Lazard Rideus, ton compagnon Gardien de l'Harmonie. Et si... je ne suis plus Spam, toi... tu n'es plus Spyware.

Il lui donna la tablette numérique qu'il portait toujours sur lui, l'endroit d'où son Motisma sortait à chaque fois.

- Prends-le... Mon dernier héritage...

Quand Spyware lui prit la tablette des mains, celle de Spam retomba au sol, inerte. Tandis que Spyware pleurait sur son cadavre encore chaud, Varnellan ne fut pas loin d'éclater de rire.

- Par Diavil, quelle mort ridicule ! Cet homme était vraiment un perdant, jusqu'à la fin ! Mais ne t'en fais pas, Spyware. Tu vas vite le rejoindre.

Il invoqua un autre éclair qu'il pointa sur Spyware. Varnellan pensait qu'il devrait la tuer sans qu'elle ne bouge, atterrée par son chagrin, mais Spyware releva les yeux, et Varnellan hésita un instant. Les yeux de la femme brillaient d'une telle lueur de rage et de détermination qu'il pu voir le Don exploser en eux.

- Je ne suis pas Spyware. Je suis Noémie Farron, Gardienne de l'Harmonie !

Presque effrayé par sa voix, Varnellan lâcha son éclair. Mais entre temps, Noémie avait laissé couler son Don dans la tablette que lui avait donné Lazard. Tout ce Don fut transféré dans le corps de Motisma. Et ce Don plein d'amour pour son défunt créateur et de haine pour son meurtrier le lia à Noémie. Il se remit immédiatement de ses blessures et intercepta l'éclair noir de Varnellan. Après quoi, il fit quelque chose à laquelle ni Noémie ni Varnellan ne s'attendirent. Il transforma son corps en données informatiques, comme quand il s'infiltrait dans un système à manipuler, et plongea dans le corps de l'Electrode de Noémie.

Alors, il y eut une explosion. Une explosion de Don, et de foudre. Tout comme à la fin, Spam et Spyware furent liés, Motisma se lia à Electrode. Grâce à sa forme Logiciel, il apporta plusieurs modifications dans le corps d'Electrode. Il changea en quelque sorte son code électrique, son ADN. Et quand la lumière se dissipa, en même temps que la foudre, Electrode avait totalement changé.

Noémie ne reconnut pas son Pokemon. C'était comme si son corps s'était ouvert en deux, révélant une boule plus petite à l'intérieur, entièrement blanche, avec des milliers de petits éclairs bleus qui la parcouraient. Aux deux extrémités de son corps, il y avait deux pointes, d'où s'échappaient un flot continu d'électricité qui maintenait en lévitation deux petites boules, l'une rouge et l'une blanche. Ayant passé longtemps en compagnie des Pokemon foudres et des machines, Noémie pouvait sentir toute la puissance électrique qui se dégageait de ce Pokemon. Une puissance incommensurable, et déchaînée.

- Que... balbutia Varnellan. Que s'est-il passé ?!

Noémie sut que ce n'était pas une simple évolution. Elle sut ce que c'était.

- La méga-évolution...

- Absurde ! Cracha Varnellan. Il faut une méga-gemme pour qu'un Pokemon puisse méga-évoluer !

- Une méga-gemme ne sert qu'à transmettre la force et les sentiments du dresseur pour son Pokemon, contre la jeune femme. Motisma s'en est chargé. Il a transmit à Electrode nos sentiments combinés, à Lazard et à moi. Ce sont eux que tu vas affronter à travers lui, Dakon Varnellan !

- Qu'importe qui ou quoi j'affronte ! Aucun Pokemon foudre ne dépasse la puissance de mes éclairs ténébreux !

Comme pour l'affirmer, il leva les deux bras pour faire pleuvoir un déluge de foudre noire sur Noémie. Méga-Electrode fit tournoyer ses deux noyaux d'énergies, et produisit un rayon d'électricité tellement puissant qu'il devait sans doute être d'origine nucléaire. Il balaya la foudre de Varnellan avant qu'elle n'ait touchée le sol. Alors, Noémie invoqua son casque de Don, et elle se connecta à l'esprit de son Pokemon.

- Entends-moi, Méga-Electrode. Entends ma voix, mes pensées. Lie-toi à moi. Nous le battrons ensemble.

Puis, à Varnellan, elle fit :

- Tiens toi prêt, Agent du Chaos ! Après ce combat, il ne restera de toi que quelques atomes libres !

Les yeux écarquillés par l'appréhension, Dakon Varnellan expérimenta la véritable peur pour la première fois. Et après même pas cinq minutes d'échange de foudre, la prédiction de Noémie se vérifia. Balayé par l'énergie illimitée de Méga-Electrode, puis frappé par une autre attaque Explosion, cinq fois plus puissante que la dernière, il ne resta au final plus rien de Varnellan.


***


Dans un état de semi-conscience, encore dans la cellule où elle était attachée, Madison sentait que tout le monde se battait dehors. Elle sentait aussi bien la Souillure que le Don. Par son esprit, elle suivait les combats en temps réel, sans qu'elle ne puisse se l'expliquer. Elle avait senti plusieurs Dons arriver, puis ensuite, celui d'Adélie, brûlant et chaleureux, comme un soleil. Pourtant, elle avait cru qu'il avait disparu il y a quelques jours. Sentir la présence bien vivante de sa cousine autrefois tant haïe l'avait immensément soulagée. Elle ne s'était pas prise d'affection pour elle entre temps, mais s'il y avait bien quelqu'un pour stopper Nathan, c'était elle. Et puis... Madison se sentait liée à elle, depuis tout récemment. À son Don. Elle ne comprenait pas pourquoi, mais c'était une sensation des plus étranges.

Elle avait senti la Souillure de Charlus Akenvas disparaître, puis, il y a quelques instants, celle de Dakon Varnellan. Tant mieux. Deux Agents du Chaos en moins était bon à prendre. Mais elle sentait toujours celle de Nathan, froide et destructrice, comme un trou noir qui voulait aspirer toute la lumière. La présence de Nathan resplendissait à la fois dans la Souillure et dans le Don. Madison ne savait pas comment elle faisait pour ressentir le Don, qu'elle n'avait pas, mais une chose était sûre : Nathan Dialine maîtrisait parfaitement les deux. Madison savait qu'Adélie ne pourrait pas le battre en l'état. Et même si elle y parvenait, il restait Odion, qui lui était immortel.

La victoire des Gardiens était impossible. Cet état de fait, combiné à sa propre Souillure qu'elle sentait toujours, acheva de la plonger dans le désespoir. Comme elle était sale, avec ce pouvoir infâme en elle ! Comme elle avait été stupide de suivre Nathan ! Tout cela pour espérer devenir meilleure qu'Adélie. Une jalousie absurde qui avait aboutit à une situation encore pire pour elle. Elle était une moins que rien. Cette certitude lui fit verser les larmes que même les dernières tortures de Nathan et d'Odion n'avaient pas pu provoquer.

Mais en même temps, il y avait cette présence en elle, une présence réconfortante qu'elle n'avait remarqué que très récemment, mais qui, elle en était sûre, était en elle depuis toujours. C'était comme si quelqu'un la prenait dans ses bras en lui murmurant de ne pas renoncer. Une présence qui était similaire au soleil de Don que projetait Adélie dans son esprit, mais qui n'était pas Ad pour autant.

En revanche, Ad, elle la sentait. Elle s'approchait, de plus en plus. Pourquoi ? Et pourquoi la sentait-elle ? Madison ne comprenait plus rien. Tout n'était peut-être qu'un rêve, ou alors elle s'était retrouvée plongée dans une de ses propres illusions. Oui, c'était ça. Se sentant seule, et voulant se défendre si Nathan revenait, elle avait créé dans la pièce plusieurs gardes fantômes, qui tournoyaient autour d'elle. Etant des manifestations de sa propre Souillure, ils la répugnaient, mais elle avait la certitude illusoire qu'ils pourraient la protéger. Ce qui était faux, bien sûr. Ils n'étaient que des illusions.

Aussi, quand les bruits des combats vinrent directement à ses oreilles, puis que la porte de la pièce où elle était enfermée explosa, elle crut aussi à une illusion. Ça semblait être Adélie qui avançait vers elle, l'air soucieuse. Et puis... oui, il y avait tante Fastia, accompagnée d'un immense Pokemon feu à cornes. Dans l'état second où se trouvait Madison, elle prit tout ça pour une menace, et regroupa ses illusions autour d'elle, les rendant plus terrifiantes encore. Fastia, qui ne connaissait pas le pouvoir de sa nièce, fut effrayée par tous ces monstres imaginaires, mais Ad continua de s'approcher.

- Madison, c'est moi, fit-elle. Nous sommes venues te sortir de là.

Madison la regarda sans dire mot, et sans se départir de ses gardiens fantômes. La sortir de là ? Pourquoi voudrait-elle la sortir de là ? Ne l'avait-elle pas fait assez souffrir depuis tout ce temps ? Pourquoi se soucier d'elle ? Elle n'avait plus rien. Plus de parents, plus d'honneur, plus même de camp. C'est comme si elle avait été bannie de l'existence, demeurant en ce monde juste pour amuser Nathan. Sentant son désespoir et sa confusion, et n'osant pas imaginer ce que Nathan avait pu lui faire pour briser une fille aussi têtue, Ad se servit de son Don pour tenter de la rassurer. Elle avait pensé que le pouvoir obscur de Madison pourrait le repousser, mais non, le Don d'Ad enveloppa totalement Madison, et la jeune fille se laissa aller dedans.

- On a besoin de toi, poursuivit Ad. Pour arrêter Odion. Viens avec nous. Ta mère t'attend.

Sa mère ? N'était-elle pas morte sur l'île d'Ultan par la faute d'Odion ? Pourtant, en osmose avec le Don d'Adélie, Madison su que sa cousine ne mentait pas. Le Don d'Ad avait à la fois quelque chose de répulsif et de familier. Répulsif car la Souillure de Madison supportait mal le pouvoir des Gardiens de l'Harmonie. Mais familier car elle avait l'impression de toujours l'avoir eu près d'elle. Elle eut alors une certitude absolue. Ad n'avait jamais été son ennemi. Les seuls ennemis de Madison, c'étaient ses propres sentiments. Et Nathan. Et Odion.

- Arrêter Odion... répéta Madison. Impossible...

- Ce n'est pas impossible. On a une arme capable de le rendre mortel. Et toi seule peut l'activer. Viens.

Ad mentait rarement. Elle n'en éprouvait pas le besoin. Elle était d'une nature sincère qu'avait toujours jalousé Madison, elle qui cachait souvent ses sentiments par une façade de mensonge. Et puis son Don hurlait la sincérité... et aussi autre chose, une sorte de sentiment de tendresse. Elle décida de la croire, et fit disparaître ses illusions. Ad lui sourit et lui tendit la main. Avec hésitation, Madison la prit. Alors, elle sut. Tout le Don d'Adélie passa d'elle à Madison, et avec lui l'ensemble de ses sentiments. Pas besoin de mot pour expliquer la situation. Elle comprit les sentiments d'Ad et ses origines.

Apparemment, Madison et Ad avaient été plus liées par le sang qu'elles ne le pensaient. Madison en fut abasourdi, mais d'un autre coté, sa surprise n'en était pas une. Comme si quelque chose en elle l'avait toujours su. Elle se mit à pleurer. Ad se rendit compte que son Don avait fait des siennes. Elle n'avait pas eu l'intention de tout lui révéler maintenant, mais apparemment, son Don s'était mêlé à Madison sans qu'elle ne le veuille, lui expliquant tout. Cela signifiait que le Don d'Adélie aurait très bien pu être le Don de Madison, si les choses s'étaient déroulées autrement.

- Nous en discuterons plus tard, dit Ad à sa demi-sœur. Nous aurons beaucoup de choses à nous dire. Mais pour le moment, on a une région à sauver !

Madison la suivit, en croisant au passage tante Fastia qui n'avait apparemment pas saisi cet échange. Elle ne devait pas être au courant, et le regard que lui lança Ad le lui confirma. Elle la suppliait silencieusement de ne rien dire. Autrefois, dans le seul but d'être méchante avec Ad, Madison aurait tout dit à tante Fastia. Maintenant, elle n'en éprouvait pas le besoin. Pour sortir du Centre Général, Minolcan choisit un chemin plus court que pour entrer. Il prit les trois femmes dans ses bras, et sauta en explosant le mur de l'immeuble, pour se retrouver au milieu de la bataille qui faisait rage dehors.

Un bref coup d'œil suffit à Madison pour savoir que ça se passait mal pour le Triumvirat. Leurs forces étaient dans un désordre le plus complet, et plusieurs soldats se battaient maintenant aux côtés des Gardiens. Il ne restait plus que les Inhumains et les Pokemon qu'ils contrôlaient pour se battre, et ils étaient proprement balayés à la suite par Stratoreus, Silphuine et le jeune homme aux cheveux bleus clairs que Madison avait vu dans le temple du Verger avec Ad et Geran.

Leur destination était apparemment l'immense temple blanc qui survolait la ville. Ça aurait pu être facile, mais Nathan leur envoya ses derniers cadeaux. Une trentaine de mutant anti-Don, ces êtres difformes mi-homme mi-lézard qu'il avait créé grâce à l'alchimie noire de Diavil. Ils encerclèrent Minolcan. Ad savait que le Pokemon de sa mère était épuisé après avoir tant combattu. Et en plus, ces bestioles étaient coriaces. Mais c'est alors qu'Ad sentit un autre Don s'élever non loin, un Don qu'elle ne connaissait pas. Et en même temps, elle entendit le son d'une voix, comme une musique cristalline et inhumaine, qui elle lui était familière. C'était le son que produisait Artemilion, le Pokemon Merveilleux.

Provenant de plusieurs rues de la ville, une véritable armée de Pokemon entra en scène. Mais ce n'étaient pas des Pokemon sous contrôle d'Inhumains. Ils étaient menés par Narek Congois en personne, qui chevauchait son Pokemon légendaire. Ad comprit alors que le Don qu'elle avait senti venait de lui. Et pour cause : quand il leva le bras, des dizaines de boules lumineuses miniatures s'envolèrent sur le groupe des mutants. Comme ils étaient insensibles au Don, quand les boules les touchèrent directement, rien ne se passa. Mais ce n'était pas eux que Narek visait, mais le sol à coté d'eux. Et à chaque fois qu'une boule entra en contact avec le sol, elle explosa, telle une petite bombe.

Toutes ces explosions désorganisèrent bien vite les mutants, qui furent par la suite emportés dans une marée de Pokemon prêts à en découdre. Maître Narek s'arrêta près d'eux, offrant à Ad un sourire à la fois triste et heureux. Ad se souvint vaguement que la dernière fois qu'elle avait vu son visage - ou plutôt, que sa version du passé qui était morte l'avait vu - c'était sous la tenue et le masque des Agents du Chaos, après sa trahison.

- Vous ? Mais...

- Le Seigneur Archangeos m'a offert une chance de me racheter, expliqua Narek. Je ne demande pas votre pardon pour ce que j'ai fait, Lady Dialine, mais laissez-moi combattre pour vous.

Et il chargea avec Artemilion vers la prochaine vague de mutants, se servant de son pouvoir de Don qui semblait être le plus puissant qui existait. Ad décida de lui faire confiance. Si Archangeos lui avait offert le Don, ce n'était sûrement pas au hasard. Ad se servit de son Don pour pénétrer l'esprit de Stratoreus dans le ciel et l'appeler à elle. Fastia rappela Minolcan dans sa Pokeball pour qu'il se repose, et toutes les trois grimpèrent sur le Pokemon dragon, en direction du Temple de Vie. Ce qu'elles ne savaient pas, c'était que quelqu'un les avait précédé.






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Image de Méga-Electrode :