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Duel au sommet de olyn



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» Auteur : olyn - Voir le profil
» Créé le 07/06/2014 à 21:34
» Dernière mise à jour le 07/06/2014 à 21:34

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Chapitre 35 : Jamais deux sans trois
Chaleur. Bonheur. Bien-être.

Je nageais dans un océan formé de ces trois concepts, complètement et totalement à l'aise. Sur un petit nuage, même. D'abord parce que j'étais en train de faire la grasse matinée, ce qui est toujours méga appréciable, ensuite parce que le lit était d'un confort absolu, et enfin parce qu'il y avait Zack dans le lit en question. On avait passé la nuit plus ou moins collés l'un à l'autre, et c'était encore le cas ce matin, nos corps entremêlés sous les draps. Je me blottis davantage contre lui en respirant son odeur. Mon mouvement dut le réveiller car il émit un grognement content. J'y répondis de mon propre grognement satisfait.

Puis ne bougeai plus, parce que j'étais au paradis. Bonheur suprême, félicité totale. Je restais ainsi à moitié somnolente, savourant la situation. Mes pensées ne vagabondaient même pas, j'avais l'esprit vide et me contentais simplement d'apprécier le calme, la sérénité, et la justesse de l'instant.

Je devins consciente à un moment qu'une main me caressait les cheveux. Faisant l'effort suprême d'ouvrir les yeux et de redresser la tête, je croisai le regard de Zack.

- Bonjour, fit-il avec un sourire amusé.

- Bonjour, lui répondis-je à voix basse, sur le même ton que je lui aurais dit "Je t'aime".

Ça y était, j'étais en train de devenir niaise. Mais j'étais bien trop heureuse pour m'en soucier.

- Bien dormi ? s'enquit Zack.

- Mmh-mmh, acquiesçai-je. On t'a déjà dit que tu faisais un très bon oreiller ?

- Non, je crois que c'est une première celle-là. Mais j'accepte tous les compliments, quels qu'il soient. Quoique je sois un peu déçu du "très bon". Même pas "meilleur oreiller au monde" ?

- Toujours aussi modeste...

Nous échangeâmes un sourire. Voilà, c'était ça que je voulais. En ce moment, tous les problèmes se trouvaient au-dehors, loin, oubliés, et il n'y avait que nous deux dans ce lit, en parfaite harmonie. Pourquoi on avait mis tellement de temps avant d'en arriver là ? Plus de deux mois de mensonges et de faux-semblants... J'avais vraiment été bête de refouler mes sentiments. Si j'avais été honnête dès le début, on aurait pu avoir ça tout le long de ces huit semaines et quelques de quête.

- Va falloir songer à se lever, déclara ensuite Zack, ses yeux s'orientant vers la porte de la chambre.

- Ah non. Encore dodo, lui opposai-je avec conviction en reposant ma tête contre son torse.

Je le sentis soupirer, sa cage thoracique se gonflant puis se vidant d'un coup. Il devait être en train de chercher un argument pour m'inciter à me lever. Durant un instant, je craignis qu'il ne mentionne Mewtwo : je n'avais vraiment pas envie de penser à ça maintenant. Je voulais rester dans le présent, et non me projeter vers un futur inévitable qui allait venir bien trop tôt. Zack devait se trouver dans le même cas car il frappa sur un tout autre point faible.

- Si on paresse encore, on va manquer le petit dèj.

Ouh, comme c'était fourbe de s'attaquer à mon estomac ! Mais je disposais moi aussi d'un arsenal considérable. Relevant la tête, je gigotai et me déplaçai de façon à ce que mon corps recouvre celui de Zack, le bloquant sous moi. Je ne me faisais pas d'illusions sur sa capacité à renverser la situation vu les quinze bons kilos qu'il avait de plus que moi, mais il se laissa gracieusement faire. Ça avait sans doute quelque chose à voir avec le fait que j'étais toute nue.

- On peut encore rester au lit... lui murmurai-je. Et tant pis pour les croissants.

En d'autres circonstances, de tels mots sortant de ma bouche auraient été impensables. La Léa était très friante de croissants, c'était bien connu. Mais là, il s'agissait d'un cas exceptionnel : ce n'était pas tous les jours que j'avais un Zack dans mon lit.

La première et la dernière fois, en fait.


- Pas que j'objecte, fit Zack en plissant les yeux, mais...

Je l'interrompis d'un baiser. Tactique très efficace qu'il avait d'ailleurs déjà utilisé contre moi, et que je retournais à présent contre lui. Haha, vengeance. Une vengeance très agréable au demeurant... Zack se prêta bien volontiers à ma punition et sa langue ne tarda pas à venir jouer avec la mienne. Je souris contre sa bouche, mon cœur se mettant à battre plus rapidement dans ma poitrine. Parfait...

Rien n'aurait pu gâcher ce moment.

Sauf la porte qui s'ouvrit soudain à la volée.

Rompant le baiser, je sursautai et poussai un cri mi-surpris mi-outré, tandis que Zack lâchait un juron.

- Faudrait apprendre à frapper avant d'entrer, gronda-t-il à l'adresse de la blonde qui venait de nous déranger.

- Pardon, pardon ! s'excusa Claire en refermant aussitôt la porte. J'ai rien vu ! hurla-t-elle ensuite depuis le couloir.

- Elle a tout vu, hein ? grommelai-je en m'affaissant contre Zack avec un petit couinement misérable.

- Probable.

Il y eut un silence malaisé. Je me contentai d'écouter les battements du cœur de Zack en cherchant quoi dire.

- Il vous en aura fallu du temps ! cria à nouveau Claire.

Je regrettai que la chambre ne soit pas davantage insonorisée, car le silence n'en fut qu'encore plus malaisé. Le moment de perfection d'il y avait quelques instants semblait à présent bien loin, chassé par la blonde et sa gaffe. Disparu, mon bonheur. Il avait éclaté comme une bulle de savon en pleine tempête. En un sens, l'irruption de Claire avait servi de rappel de ce qui nous attendait, et, au-delà de ça, de ce que nous allions perdre, du passé que nous avions gâché par notre stupidité et du futur qui n'aurait jamais l'occasion de se réaliser.

Je laissai échapper un soupir.

- Léa...

Zack referma ses bras sur moi sans rien ajouter de plus. Je lui rendis son étreinte. Nous restâmes ainsi un long moment, sans parler, puisant du réconfort dans la simple présence de l'autre. Puis nous nous levâmes d'un commun accord et nous habillâmes pour descendre rejoindre les autres. Il y avait déjà tout le monde dans la salle à manger, constatai-je en arrivant. Claire, Vivian, et même Léo, tous attablés et occupés, respectivement, à se beurrer une tartine, à fixer le vide sans ciller, et à... racler le fond d'un pot de confiture avec une fourchette ?

À peine Zack et moi étions-nous entrés que la quatrième occupant de la salle, l'Hypnomade qui nous avait accueillis hier au soir, nous bloqua le passage.

Il est 10h35, le petit déjeuner est servi jusqu'à 10h30 uniquement
, nous apprit-il.

Le ton qu'il avait employé était sévère, comme si nous avions commis une infraction majeure en nous présentant cinq minutes en retard.

- C'est bon Théodore, laisse-les passer, lui ordonna Léo en levant le nez de son pot de confiture.

Aussitôt, l'Hypnomade s'écarta. Je lui jetai un dernier regard suspicieux - j'étais de plus en plus méfiante ces derniers temps, surtout vis-à-vis des psy -, puis m'approchai de la table centrale qui croulait littéralement sous les victuailles et souhaitai le bonjour à tout le monde. Claire m'adressa un sourire d'excuse alors que je m'asseyais en face d'elle. Elle était habillée d'une jolie robe jaune, et avait disposé ses deux tresses habituelles de façon à former une couronne sur sa tête, si bien qu'elle me faisait penser à une mannequin sortie tout droit d'un magazine, fraîche et pleine de lui renvoyai un regard qui montrait que je ne lui tenais pas rigueur de l'incident de tout à l'heure. En vérité, ce n'était pas tout à fait exact : j'étais toujours un peu énervée, mais ça aurait été puéril de demeurer rancunière dans de telles circonstances.

- Merci de nous avoir hébergés pour la nuit, fit Zack à l'intention de Léo en s'asseyant à son tour. Je sais qu'on a débarqué un peu à l'improviste...

- Pas de problème, lui répondit le scientifique avec un petit haussement d'épaules. Vous êtes toujours les bienvenus. J'ai tout le temps des chambres de libres de toute façon, cette maison est dix fois trop grande. Je ne sais pas à quoi mon père pensait lorsqu'il l'a fait bâtir... Sans doute s'imaginait-il que j'allais me marier avec une jolie blonde et avoir toute une tripotée d'enfants.

- Pas ton genre, hein, remarqua Zack alors que je scannais la table à la recherche des croissants.

- Qu'Arceus m'en garde, non.

Ce fut finalement Claire qui me mit le panier de viennoiseries sous le nez. Mmh, les bons croissants... Ils avaient l'air encore meilleurs que ceux de hier matin. J'en chipai trois et décidai de les tartiner de beurre en plus. Je misai sur le fait que mon vrai corps n'aurait pas pris un gramme de plus lorsque je reviendrais dans le monde réel, donc j'avais le droit de me goinfrer. Ce que j'entrepris de faire avec enthousiasme.

- Qu'est-ce qui vous amène à Azuria cette fois ? s'enquit Léo.

Je m'immobilisai dans mon masticage. Nous n'avions pas préparé de réponse à cette question pourtant évidente. Et dire la vérité n'était sans doute pas la meilleure option... Quoi que, Léo avait l'air digne de confiance. Je cherchai le regard de Zack pour obtenir son opinion, mais avant que nous ne puissions enclencher le mode "communication à distance", Vivian, qui était resté immobile jusque là et semblait complètement sourd à notre conversation, prit soudain la parole :

- Une jeune amie de Léa dispute son match contre Ondine aujourd'hui. Nous sommes venus l'encourager.

Incroyable, il avait dit la vérité. Ou du moins une partie.

- Hé bien, j'espère qu'elle obtiendra son badge Cascade, sourit Léo.

- Y a pas de doute, déclarai-je, la bouche un peu pleine de croissant. Eilie est très déterminée et sa Bulbi a l'avantage du type, alors ça devrait faire comme pour moi et Salade.

- Ah, cette gamine ! fit le scientifique en claquant des doigts. Eilie De Bellevue... On ne parle que d'elle dans les journaux... Cette histoire de dérogation spéciale pour une fillette de six ans, ce n'est pas légal bien sûr, et la presse gronde. En vain vu qu'on ne peut pas lutter contre suprématie de la Sylphe, avec un père comme président de l'entreprise la plus puissante de Kanto, la gamine ne se heurtera a aucune porte fermée... et ce n'est pas comme si la Ligue allait lever ne serait-ce que le petit doigt, ils sont de mèche.

Je retins un grimace face à un tel exposé des faits. Toute heureuse que j'étais pour Eilie, cette histoire de suprématie de la Sylphe ainsi que de la Ligue ne me disait rien qui vaille.

- C'est si terrible que ça ? voulus-je savoir.

Une alarme stridente se mit soudain à sonner, et Léo bondit sur ses pieds.

- Mince, le labo ! s'exclama-t-il. Désolé, il y a urgence, dit-il ensuite, mon ordinateur doit avoir pris feu, ça arrive des fois, je le pousse vraiment à bout... On en reparlera un autre jour ! Oh, et il me faut des provisions...

Puis il s'empara d'une dizaine de tartines en même temps, choppa dans un même mouvement un autre pot de confiture, et dut demander à son Pokémon de le téléporter car les deux disparurent l'instant d'après dans un flash violet.

- Euh, d'accord, répondis-je dans le vide.

- Léo travaille toujours ses sorties, s'amusa Zack tout en se découpant un quartier de pomme qu'il porta à sa bouche.

- Aucune importance de toute façon, intervint Vivian. Rien de tout ça n'est réel.

Waouh. Comptez sur mon frère pour mettre l'ambiance.

- Peut-être pas, répliqua Zack en pointant son couteau vers Vivian, mais tu vas fermer ta gueule jusqu'à ce qu'on soit face à Mewtwo.

- Là, je suis d'accord, renchérit Claire. On a chacun nos opinions et ça sert à rien de les rabâcher comme ça pour un rien. Ou de chercher à rabaisser les autres personnes.

Vivian lui retourna un sourire hautain. Je fourrai ma bouche de croissants pour contenir les remarques désobligeantes qui me montaient aux lèvres et ne feraient qu'envenimer la situation. Le reste du petit-déjeuner se passa en silence, excepté pour les demandes de nourriture du type "Passe-moi les pains au chocolat s'il te plaît" (la plupart venant de moi). Vivian se leva en premier, disparaissant ensuite je ne sais où, puis Claire, annonçant qu'elle devait absolument nourrir ses Pokémon avant qu'ils ne se transforment en boules de poils affamés. Ne resta donc plus que Zack et moi.

- Il a toujours été comme ça ? me demanda-t-il de but en blanc, jouant avec le couteau dont il s'était servi pour découper la pomme, sans même sans rendre compte à mon avis.

- Non, répondis-je avec un soupir. Ce Vivian-là est grosso modo l'antithèse du Vivian de quand on était gamins. C'est le jeu qui a tout foutu en l'air... Je ne sais pas trop ce qui lui est arrivé durant ces dix années coincé dans la cartouche, mais ça l'a rendu aigri, obsédé par la victoire, et dédaigneux de toute autre chose. Bref, tel qu'il est maintenant.

Zack hocha la tête. Ses sourcils se plissèrent, il avait l'air de réfléchir à un truc important... avant que son expression ne devienne lisse à nouveau et qu'il ne déclare d'une voix beaucoup plus légère, en se levant :

- Bon, plus qu'à nourrir nos Pokémon et on sera parés.

- J'ai juste un truc à faire avant, l'informai-je. Une petite entrevue avec l'Alakazam de Léo, je te rejoins dans le jardin ensuite.

- Pour te faire prédire ton avenir ? demanda Zack en haussant un sourcil.

Mince, il m'avait percée à jour. Bon, en même temps, je lui avais donné un gros indice... et ce n'était pas comme si c'était un secret après tout.

- ...ouais, acquiesçai-je donc.

Zack afficha une moue sceptique.

- Qu'est-ce que tu penses qu'il va te révéler ?

- J'en sais rien... admis-je. C'est justement pour ça que je veux lui parler.

- Quoi qu'il te dise, ça ne réalisera ptet même pas, avança Zack. Et ça servira à que dalle à part te donner de fausses craintes ou des espoirs frustrés. S'il te dit qu'il voit un de tes Pokémon mourir face à Mewtwo, tu voudras toujours y aller ? Et s'il te dit que tu restes ici finalement ? Tu le ferais ?

Je le connaissais trop bien pour ne pas percevoir, dans sa voix, le fil du désespoir sous la nonchalance qu'il essayait d'afficher.

- J'en sais rien, répétai-je, les autres mots me faisant défaut. J'ai juste besoin de... J'en ai besoin, c'est tout.

Un genre de grognement bizarre monta de la gorge de Zack. Ça ressemblait à un bruit de dédain, mais j'ignorais si c'était par égard aux capacités de l'Alakazam à véritablement prédire mon futur, ou à la nécessité que je semblais éprouver pour une telle prédiction, ou bien par rapport à tout autre chose.

- D'accord, finit-il par dire. On se retrouve dans le jardin.

- Ça marche.

Je lui souris, il me rendit la pareille, et je partis ensuite à la recherche de Présage. L'Hypnomade m'avait affirmé hier soir qu'il s'attendait à ma venue, mais il ne m'avait pas du tout dit où le trouver. Poussée par l'intuition, je décidai d'aller voir dans la même salle que la dernière fois. La porte s'ouvrit avec un doux cliquetis, et...

Bingo.

Bienvenue à nouveau, jeune Léa
, m'accueillit Présage.

Comme la fois précédente, il flottait au-dessus du sol, dans une posture de méditation. Deux cuillères d'argent tournoyaient autour de lui dans une sorte de danse hypnotique. Je ne me laissai cependant pas distraire par leurs mouvements, ni par les yeux d'or de l'Alakazam qui s'étaient plantés dans les miens, et j'allai droit au but.

- J'ai besoin d'une autre vision.

Les paupières du Pokémon psy s'abaissèrent une seconde, me cachant son regard, avant qu'il ne les rouvre à nouveau, des paillettes dorées tourbillonnant au fond de ses prunelles.

De façon si rapprochée ? Ce n'est pas nécessairement une bonne idée.


- Pourquoi ? voulus-je savoir.

Les futurs sont trop proches, et si tu les écumes à nouveau en quête de réponses, ta récolte sera peut-être identique à celle de ta première vision.

Donc moi sur le point de jeter la Masterball sur un Mewtwo qui m'y encourageait ? Non, il devait s'être trompé. Ce n'était pas ce qui allait se passer, j'allais vaincre Mewtwo. Après tout il s'était déjà trompé à deux reprises : Salade n'était pas mort à la Sylphe SARL et Zack ne m'avait pas haï lors de notre duel pour le titre de champion. Je devais cependant reconnaître qu'il avait eu raison concernant l'incident avec Missingno dans la Grotte Sombre, ainsi que pour le début de ma confrontation face à Giovanni à Céladopole. 50% de prédictions devenues vraies. Avais-je donc une chance sur deux de me retrouver à capturer Mewtwo ? Une chance sur deux de devenir la Chieuse ? Pas très encourageant comme probabilité...

Mais :

- Vous avez dit "peut-être". Donc c'est possible que ce soit différent.

Pourquoi demandes-tu à nouveau la vision, jeune Léa ? m'interrogea Présage de sa voix mentale au timbre si particulier. Penses-tu vraiment en avoir besoin ? La première t'a-t-elle aidé dans ta quête ?


- Je... balbutiai-je, sans vraiment trouver de réponses satisfaisantes à ses questions. J'ai besoin de savoir, s'il vous plaît.

Besoin de savoir quel choix tu vas faire ? Si tu n'as pas encore pris ta décision, la vision ne pourra pas te la montrer. Le futur est encore en suspens, les possibilités dansant dans l'onde au rythme des propres vagues que ton être génère.


Je fronçai les sourcils, cherchant à déchiffrer ce que tout ça voulait dire exactement.

- Alors la vision me montrera des options à la place ? Plusieurs versions du futur ?

C'est possible
, répondit Présage. Toutefois, au vu des circonstances, je ne saurais me prononcer sur son contenu. Je sens que tu désires obtenir une clarification sur un événement qui arrivera bientôt, mais il se peut que la vision que tu obtiennes se déroule dans un lointain futur.

Au moins, je serai fixée : soit je me verrais dans le monde réel, soit entourée de Pokémon. Et ensuite quoi ? Prendre une décision par rapport à ça ? Zack avait raison, c'était peut-être totalement inutile en fin de compte... sauf si je me voyais dans le monde Pokémon, plus de dix ans dans le futur, et que je n'étais pas la Chieuse. Oui. C'était la seule vision que je voulais vraiment voir. Et puis même, il fallait que je sache.

Aussi suppliai-je à nouveau Présage :

- S'il vous plaît...

Ses yeux étincelèrent brusquement, les paillettes d'or qui les parsemaient s'enflammant, et le monde autour de moi disparut pour être remplacé par une grotte. Je reconnus l'endroit, je l'avais déjà aperçu dans la première vision. Sauf que cette fois, nulle trace de Mewtwo. Non, ce qui s'offrait à mon regard était bien pire.

Des cadavres.

Des cadavres et du sang, partout.

Vivian, couché sur le dos, la poitrine déchiquetée et brûlée. Zack, sur le côté, crispé autour d'une plaie au ventre. Claire, le corps intact mais les yeux vacants. Et puis tous nos Pokémon, éparpillés ça et là sur l'îlot rocheux, carcasses brisées et mutilées, certaines en plusieurs morceaux. Salade, masse verte immobile, lianes sectionnées, Plouf, mort la gueule ouverte, Pleind'Soupe, à trois endroits différents, Vésuve, tête explosée contre terre, Fulgure, os saillants en de multiples fractures, Néréa et Crabouille, la première affalée sur le second comme dans une ultime tentative de le protéger, toute l'équipe de Zack, réduite à six choses désarticulées... Tous là, ils étaient tous là, constatai-je alors que mes yeux cherchaient un endroit où se poser, un endroit où ils ne rencontreraient ni mort ni sang ni horreur, mais en vain.

Mon dieu...

Je fermai les yeux, sentant une vague nauséeuse me frapper comme un coup de massue. Non, non, non. Je ne voulais pas voir ça. Jamais plus voir ça.

- Stop ! m'exclamai-je d'une voix éraillée alors que les larmes me montaient aux yeux. J'ai changé d'avis, je ne veux plus savoir !

Mais Présage devrait être insensible à mes plaintes, ou alors il ne m'entendait pas, car lorsque je rouvris les yeux en espérant me trouver à nouveau chez Léo, en sécurité, ils rencontrèrent encore la scène de dévastation et d'horreur que je ne pouvais supporter. J'allais m'en détourner et fixer résolument mes yeux sur la voûte rocheuse loin au-dessus de ma tête quand un mouvement près du corps de Plouf attira mon attention.

Quelqu'un.

Il y avait quelqu'un d'agenouillé là, quelqu'un que je n'avais pas remarqué car la personne était couverte de sang des pieds à la tête et ne portait plus que des habits brûlés, noirs au point de servir de camouflage dans la semi-pénombre de la grotte. La personne en question se leva tout à coup, puis se tourna vers moi, et je pus voir qu'il s'agissait de... moi. L'expression de la Léa-de-la-vision était torturée, à la limite de l'agonie : j'avais peine à reconnaître mes propres traits. Ses larmes avaient coulé abondamment et laissé des sillons sur le noir de ses joues. Et dans son poing droit, serré à s'en faire éclater les jointures, elle tenait la Masterball. J'avais l'étrange sentiment qu'elle était pleine.

Tout à coup, derrière moi, retentit un bruit d'applaudissements. Juste quelques claps, très posés. Délibérément... quoi ? Moqueurs ? Je me retournai pour voir qui...

La porte.

La porte de la pièce de chez Léo.

Mon dieu merci, ce cauchemar avait pris fin. Un cauchemar auquel je n'avais rien compris. Qui... commençai-je à me demander, avant de m'interrompre aussitôt. Non, non. Pas d'analyse de cette vision d'horreur, pas de questionnement, pas de "et si". J'allais la purger de mon esprit sur-le-champ et faire comme si je n'étais jamais venue parler une seconde fois à Présage.

Je t'avais prévenue
, me suivit la voix mentale de ce dernier, un brin triste, alors que je sortais dans le couloir, prenant la fuite.

Les jambes flageolantes, je m'appuyai contre le mur en soufflant, m'efforçant d'évacuer toute trace de la vision de ma tête.

- La prochaine fois, j'écoute les conseils de Zack, résolus-je dans un murmure.

- Ne jamais se fier aux PNJs, me répondit la voix de Vivian.

Je m'aperçus alors seulement qu'il se trouvait dans le couloir, à quelques pas de là. Manquait plus que ça.

- Laisse-moi tranquille, soupirai-je.

Je n'avais pas la force de m'engager dans l'une de ces conversations mentalement épuisantes dont il avait le secret. Pas la force d'endurer ses piques et ses pièges tordus.

- Tu es pâle comme un linge, petite sœur. J'en déduis que la vision du Pokémon psy n'a pas été à ton goût.

Je répliquai d'un simple grognement et me levai pour échapper à son discours, mais il me bloqua le passage lorsque je voulus partir. Je portai une main à ma ceinture de Pokéballs, m'emparant instinctivement de celle de Teigne avant de me souvenir que non, ça n'allait pas marcher. Cette vision m'avait foutu un sacré coup...

- Léa... reprit-il alors, et sa voix avait changé, il y avait beaucoup plus de tension dedans, et aucune trace du ton sarcastique précédemment employé. Il faut que tu partes. Dès aujourd'hui, sans attendre. Sinon tu vas finir par rester ici, à te faire vénérer par des programmes et à perdre ta vie à les sauver, à leur venir en aide parce que le jeu aura toujours besoin que tu joues le rôle d'une héroïne. Ton combat contre la Team Rocket, ce que tu as fait pour la gamine avec son Pokémon fantôme, hier, et même pas plus tard qu'il y a quelques minutes lorsque Léo a parlé de la suprématie de la Sylphe... Tu ne peux pas t'empêcher de répondre présente à chaque fois qu'une quête se présente à toi, mais ce n'est pas ça, la vie. Il y a tellement plus qui t'attends en dehors. Tellement plus que la cartouche ne pourra jamais t'offrir. Et c'est ce que je veux pour toi. Une belle vie.

Je restai sans bouger face à cette déclaration. On aurait presque pu croire que mon frère s'inquiétait vraiment pour moi, qu'il tenait réellement à mon bonheur. Mais c'était sans doute une énième de ses ruses destinées à me manipuler d'une façon ou d'une autre. Et je n'étais franchement pas d'humeur pour ça.

- Bla bla bla, répondis-je donc.

Il cilla, avant de sourire d'une façon que je ne lui avais jamais connu, quelque chose de doux-amer, presque résigné.

- Quand tu seras sortie, vis pour moi, OK ? demanda-t-il à voix basse. Vis pour deux et compense tout ce que je n'aurais jamais.

Ça, c'était... sincère ? En tout cas, ça sonnait comme tel. Cherchant à trancher, je regardai Vivian dans les yeux. Ses yeux bleus qui n'avaient pas changé, qui étaient toujours ceux de l'enfant de dix ans dont je me souvenais... et peut-être bien qu'en cet instant-là, je le vis à nouveau. Le gamin insouciant et heureux, le grand frère qui m'avait appris à faire du vélo, qui m'avait consolé à chaque chute et qui m'avait aidé à surmonter mes peurs...

Alors, en son souvenir, je souris au Vivian adulte et prononçai un unique mot :

- OK.

Il hocha lentement la tête, de façon quasi-solennelle, comme si nous venions de sceller un pacte, puis il réitéra son sourire triste, celui qui ne faisait pas du tout Vivian. Avant de finalement s'éloigner sans rien ajouter. Je le regardai partir, ne sachant quoi penser, puis je me souvins que j'avais fort à faire pour la journée. D'abord, nourrir mes monstres de poche...

Zack m'avait attendu pour la grande distribution de croquettes, et nous mîmes à profit les réserves mises à notre disposition par Léo pour offrir à tout le monde un énorme petit-déjeuner, dressant rapidement une sorte de banquet où chaque Pokémon pouvait venir se servir à sa guise des différentes croquettes. Il y avait encore plus de saveurs disponibles que ce que j'avais vu hier au restaurant, dont certaines bien loufoques (saveur chewing-gum, qu'est-ce que c'était que ce truc ?), mais nos bestioles avaient l'air d'apprécier. Je m'approchai de Salade alors qu'il se baffrait et le grattouillai derrière les oreilles.

- C'est bon, hein mon gros ?

- Florizarre ! réussit-il à me répondre en dépit de sa bouche plutôt pleine.

M'appuyant contre son flanc, je surveillai les autres du regard. Pleind'Soupe empoignait les croquettes à pleines pattes et les engouffrait dans son énorme gueule avec une étonnante rapidité, Plouf avait entièrement plongé la tête dans l'un des bacs si bien qu'elle semblait ensevelie sous les croquettes, Vésuve lui mangeait sans se presser, tandis que Fulgure ne faisait que picorer. Je grimaçai en constatant ce dernier point. L'oiseau ne montrait jamais un grand enthousiasme lorsqu'il se nourrissait, mais là ça me semblait encore pire que d'habitude.

- Tu n'as pas faim ? lui demandai-je en m'avançant vers lui.

Je ne tentai pas de la caresser, j'avais désormais bien intégré qu'il n'aimait pas ça.

- Pic, répliqua-t-il en ébouriffant ses plumes, me toisant d'un air sévère.

- Mmh, qu'est-ce qui ne va pas ? fis-je tout en réfléchissant.

Ce n'était pas le moment d'avoir de la discorde dans l'équipe : face à Mewtwo, être soudés serait crucial, j'en étais certaine. Fulgure ne semblait cependant pas énervé par l'un des autres Pokémon, vu qu'il me fixait, moi. Tout à coup, son corps entier parut frissonner, il ouvrit ses ailes et les referma sèchement, le courant d'air claquant contre ma peau.

- Pic ! répéta-t-il, ses yeux perçants me fixant durement.

Non, plus précisément, ils fixaient... Ah ! Je venais de comprendre la nature de son problème. M'équipant du Scope Sylphe, je découvris Teigne occupée à bondir au travers du Rapasdepic avec enthousiasme, ce qui devait causer à l'oiseau des picotements du genre désagréables.

- Teigne, la grondai-je gentiment, laisse ton co-équipier manger tranquille. Il aura besoin de toutes ses forces pour vaincre Mewtwo.

La Colossinge termina un dernier bond, puis émit un "Singe !" retentissant et vint se placer face à moi. Fulgure ne perdit pas de temps avant de se mettre à engloutir ses croquettes bien plus vite qu'auparavant.

- Tu t'ennuies, ma grande, hein ? soufflai-je en observant la Colossinge.

- Singe, Colo ! confirma-t-elle en serrant les poings.

- Ça ne durera plus très longtemps. On va se battre contre Mewtwo cet après-midi. D'ailleurs, si tu pouvais l'embêter de la même façon que tu embêtais Fulgure à l'instant, je pense que ça pourrait nous aider...

- Singe ! approuva-t-elle, sautillant vigoureusement.

Je lui souris. Puis, jetant par habitude un coup à l'horloge de mon Pokédex, je constatai que nous n'avions plus beaucoup de temps.

- Le match d'Eilie est dans un quart d'heure ! annonçai-je à la cantonade. Vous avez tous cinq minutes pour finir de manger et ensuite on y va !

- Faut pas dix minutes pour y aller, protesta Zack en délaissant ses propres Pokémon avec qui il avait dû comme moi échanger des paroles.

- Non, un peu plus, mais en courant ça devrait le faire, admis-je.

- Ou alors on pourrait s'y rendre instantanément avec Alakazam.

- Hum. Effectivement. Toujours à frimer avec ton Pokémon psy, hein ? rajoutai-je alors qu'un sourire satisfait s'épanouissait sur le visage de mon ancien rival.

- J'en connais une qui est jalouse parce qu'elle n'en a pas attrapé... se moqua-t-il, une étincelle dans les yeux.

- C'est même pas vrai, Igor est à moitié type psy, me défendis-je avec brillance.

Zack fit la grimace habituelle à chaque fois qu'il entendait pour la première fois le surnom d'un de mes Pokémon.

- Quel pauvre petit Pokémon doit supporter de s'appeler Igor ?

- Un Ramoloss, lui révélai-je.

- Ah, ça va, il doit être trop con pour se rendre compte qu'il a un nom pourri alors.

- Un peu comme toi, donc, rétorquai-je du tac au tac, sans vraiment le penser mais désireuse de défendre l'honneur de mon Ramoloss.

L'interpellé croisa les bras.

- Tu peux toujours m'appeler Zachary si tu préfères.

Cette phrase-là m'occasionna une pause. Lorsque j'avais choisi le prénom de mon rival alors que je venais à peine de débarquer dans le jeu, j'avais simplement pensé Zack. Certainement pas Zachary, quoiqu'à présent que je me penchais sur la question, ça paraissait logique que Zack puisse en être une abréviation.

- C'est ton prénom officiel ? demandai-je tout de même, m'efforçant de camoufler mon étonnement.

- Zachary Samuel Hector, récita Zack avec un hochement de tête.

La cartouche avait une sacrée imagination, dis donc... Ou peut-être que c'était une manifestation de ce dont m'avait parlé la Chieuse, cette autre dimension supposée du simple jeu Pokémon. Après tout, malgré ce qu'en disait Vivian, je savais que Zack et Claire n'étaient pas juste des PNJs. Je n'étais pas encore sûre de ce que ça signifiait, mais j'imaginais que la réponse viendrait lorsque j'aurais vaincu Mewtwo. Très prochainement, donc.

- Je vais rester sur Zack, répondis-je finalement.

- Drôle de phrase, ça ! jugea Claire en débarquant soudain dans le jardin. Tu vas rester sur Zack ?

Décidément, cette fille avait un don pour surgir de nulle part...

- T'arrives toujours au bon moment, toi, grogna le Zack en question.

- On parlait des prénoms, informai-je la blonde, rien à voir avec ton insinuation...

- Ouh, d'accord, d'accord, dit rapidement Claire. C'était une blague. Vous êtes un peu tendus, non ?

Zack et moi échangeâmes un regard.

- Y a de quoi, tu crois pas ? lâcha Zack.

- Non, décréta la blonde en retour. Tant qu'on est pas face à face avec ce Mewtwo, pas de raison de se torturer à l'avance. Alors souriez ! Comme ce matin, quand... enfin vous voyez.

Sa remarque me tira un sourire. Mais dans le même temps, je me demandai si Claire n'affichait pas une façade, dissimulant elle aussi ses craintes : après tout, je l'avais vu pleurer il n'y avait pas plus tard qu'hier, et je ne pensais pas que ce soit uniquement à cause des remarques de Vivian. Je m'abstins cependant d'émettre mes pensées à voix haute.

- Bien, c'est mieux ! approuva la blonde alors que Zack souriait lui aussi, juste un peu. On y va ? interrogea-t-elle ensuite en faisant les gros yeux à ses Pokémon qui s'étaient jetés sur les croquettes restantes, bien qu'ils aient déjà mangé tout récemment. Avant que Crabouille et Néréa ne vident les réserves de bouffe de Léo ?

Aussitôt dit, aussitôt fait (pas le vidage des réserves, mais le départ de chez Léo). Je rappelai mon équipe tandis que mes deux amis faisaient de même, puis j'indiquai à Teigne où nous retrouver et Alakazam nous transporta à l'arène d'Azuria. Sans Vivian, réalisai-je un peu trop tard lorsque le flash violet eut déjà fait disparaître le monde. Tant pis, de toute façon ce n'était pas comme si voir Eilie l'intéressait, et je ne doutais pas qu'il nous rejoigne lorsqu'il serait temps.

J'avais crains un instant qu'Alakazam ne foire son coup et nous fasse atterrir dans une des piscines, mais ce ne fut pas le cas et nous nous matérialisâmes sur le ponton, restant tout à fait secs. Nous n'étions apparemment pas les seuls à être venus assister au match d'Eilie, loin de là, car c'était même une petite foule qui se pressait sous le toit de l'arène. J'imaginais qu'une gamine de six ans qui se lançait dans la quête de la Ligue, ça devait attirer les curieux. Le Pokémon de Zack nous avait déposés en première ligne, je pus ainsi repérer Eilie et sa mamie qui semblaient occupées à discuter avec la championne.

Je fis coucou à la fillette et elle se porta à ma rencontre, Bulbi la suivant avec empressement.

- Léa, t'es venue ! s'écria-t-elle en souriant, ses grands yeux chocolats pétillant de plaisir.

- Bien sûr. Je n'allais quand même pas manquer ça, lui répondis-je.

- T'as des conseils à me donner, dis ?

- Ça dépend, tu as d'autres Pokémon à part ta Herbizarre ? voulus-je savoir.

L'Herbizarre en question me considéra tout à coup du regard, ayant sans doute compris que je parlais d'elle, puis parut décider de se cacher derrière sa jeune dresseuse. Apparemment, il y avait trop de monde pour elle et elle était encore timide.

- Oui, deux, m'indiqua Eilie, une fierté non dissimulée dans sa voix. Caillou le Racaillou et Belette la Sabelette.

- Je crois qu'on t'a trouvé une concurrente au niveau surnoms, Léa, me glissa Zack.

- Arrête, à six ans t'aurais pas fait mieux, se chargea de lui répondre Claire, tandis que j'expliquais rapidement à la fillette blonde qu'il valait mieux qu'elle s'en tienne à Bulbi, et que Fouet Lianes pouvait faire des merveilles contre les Pokémon de type aquatique.

Après quoi ce fut l'heure du duel et un silence religieux tomba sur l'arène. La mamie d'Eilie avait rejoint les rangs de spectateurs, laissant la petite fille seule face à Ondine. Cette dernière souriait lorsqu'elle dégaina sa première Pokéball sur les deux qu'elle avait à la ceinture. Bulbi se campa sur ses quatre pattes pour affronter l'adversaire qui allait en sortir, et émit un "Herbizarre !" aux sonorités guerrières à l'intention du Stari qui émergea.

- Fouet Lianes, Bulbi ! s'exclama Eilie pendant qu'Ondine ordonnait un Météores au même instant.

La volée d'étoiles dorées fendit l'air en premier, s'écrasant sur l'Herbizarre et lui occasionnant de nombreuses coupures sanglantes, mais la Pokémon plante refusa de se laisser distraire et frappa à son tour. Sifflement strident. Puis claquement lorsque sa liane atteignit son but, touchant le Stari en plein sur son joyau.

- Joli coup, commenta Zack à mes côtés, tandis que les spectateurs encourageaient Eilie en criant et en applaudissant.

L'unique Fouet Lianes avait suffi pour mettre KO le Stari, Ondine eut donc recours à son second Pokémon, qui n'avait pas non plus changé depuis que je l'avais affronté moi-même. Eilie pointa un doigt vers l'étoile de mer violette en gonflant ses joues potelées, l'air déterminée.

- Vas-y Bulbi, recommence !

Mais avant que l'Herbizarre ait pu lever une liane, le Staross lui fonça dessus en tournoyant, percutant la Pokémon plante à pleine vitesse. L'impact envoya valser Bulbi sur le ponton encore mouillé, sans doute du fait des autres affrontements de ce matin, et elle glissa sans pouvoir se rattraper pour finir par butter contre les pieds d'Eilie.

- Bulbi ! s'inquiéta la fillette en s'accroupissant. Tu vas bien ?

- Bi ! répondit l'Herbizarre en se relevant avec énergie. Herbi !

Je vis Eilie hocher la tête, puis sa Pokémon se précipita à nouveau à la rencontre de son adversaire. Deux lianes sortirent de sous sa fleur et elle les projeta à l'assaut du Staross, mais ce dernier paraissait avoir anticipé le coup car il parvint à les éviter, se plaçant de profil de sorte que les appendices végétaux ne firent que le frôler. L'instant d'après, il ripostait d'une fournée d'étoiles scintillantes. Les projectiles écorchèrent davantage la peau de l'Herbizarre, qui émit cependant un "Bi !" déterminé et retenta son coup précédent. Cette fois-ci, l'une de ses lianes s'abattit avec succès contre la peau à l'aspect métallique du Staross, l'action lui valant quelques cris excités du public.

- Ça va pas suffire, constatai-je à mi-voix, me rappelant de mon propre duel contre Ondine où il avait fallu deux Fouets Liane à Salade pour venir à bout de son adversaire.

Et effectivement, l'étoile de mer qui s'était immobilisée une seconde lorsque la liane l'avait frappée se remit à tournoyer dans les airs. Son joyau central se mit soudain à pulser d'écarlate, le signe d'un Soin si je ne me trompais pas. J'espérais qu'Eilie réagirait avant qu'il ne fasse totalement effet, sans quoi elle aurait peut-être plus de difficultés que prévu à remporter ce duel, car Bulbi était déjà pas mal affaiblie.

- Encore ! s'écria la fillette à peine cette pensée m'avait-elle traversée l'esprit.

Tchac.

Une liane partit, claqua. En plein dans le mille. Le Staross vacilla et retomba, la lueur de la guérison qui avait commencé à l'envelopper plus qu'un simple souvenir à présent. Ondine le rappela avec un sourire à l'adresse de sa jeune adversaire tandis que les gens venus assister au combat applaudissaient, notre trio y compris.

- Bravo ma petite chérie ! s'égosilla la mamie d'Eilie sur notre droite.

La fillette accepta le badge que lui tendait la championne, souriant jusqu'aux oreilles, puis elle se pencha pour faire quelques caresse à sa Bulbi et la féliciter, avant de finalement courir dans les bras de sa mamie qui lui fit un câlin. Je souris à cette vision.

- Plus que six ! annonça ensuite la gamine en reculant un peu. Faudra que j'entraîne Caillou et Belette pour les prochaines fois...

- Les Sablaireau constituent une très bonne addition à n'importe quelle équipe, lui assurai-je, et bon, d'accord, peut-être que j'étais un peu biaisée parce que je n'avais jamais capturé de Racaillou.

Je remarquai ensuite qu'Ondine s'approchait de nous et la saluai d'un hochement de tête. Sa présence à proximité de notre groupe fit que les regards durent commencer à se focaliser sur nous, car je crus entendre quelqu'un prononcer mon nom parmi la foule. Zut. Je n'avais vraiment pas envie de passer par la case "séance d'autographes". La championne de l'arène dut capter mon malaise car elle demanda d'une voix claire au public d'évacuer l'arène, et la foule se dispersa assez rapidement. Ouf, sauvée.

- Léa, Zack, ravie de vous revoir, nous sourit Ondine. Je crois bien que c'est la première fois qu'il y a deux maîtres de la Ligue en même temps dans cette arène, tiens !

Lorsqu'aucun de nous deux ne répondit, moi parce que je me fichais du titre et que j'avais décidé de ne pas jouer la comédie, et Zack sans doute parce que la blessure que je lui avais infligée en lui volant sa place de champion était encore à vif, la rousse s'étonna :

- J'ai dit quelque chose qu'il fallait pas ?

- Fais pas gaffe, la rassura Claire, ils se sont levés du mauvais pied ce matin. Moi c'est Claire, on s'est déjà vu y a deux ans mais peut-être que tu te rappelles pas de moi...

- Deux Férosinge, non ? s'enquit Ondine en plissant les yeux. J'ai bonne mémoire en ce qui concerne les dresseurs qui me défient et qui gagnent, ajouta la rousse lorsque Claire eut répondu par l'affirmative à sa question. D'ailleurs j'ai trouvé la victoire d'Eilie contre mon Staross étrangement similaire à la tienne, Léa...

- Parce que Léa m'a donné tout plein de conseils ! s'enthousiasma la fillette.

- Ah oui ? Tu as réussi à avoir la championne de la Ligue en mentor ? Dis donc, tu vas aller loin avec ça...

- Oui ! fit la petite fille, les yeux brillants.

Je fus obligée d'intervenir avant que ses espoirs ne s'enracinent davantage.

- Malheureusement Eilie, je ne vais pas pouvoir te faire profiter de mes conseils bien plus longtemps. Je... Je pars pour un long voyage cet après-midi.

- Oh... murmura la gamine alors qu'elle essayait de camoufler son évidente déception. Tu reviens quand ?

- Dans longtemps.

Je n'avais pas le cœur de complètement détruire ses attentes.

- D'accord... Je serai championne alors !

- Ça, je n'en doute pas un instant, dis-je en souriant.

Nous parlâmes encore un peu, puis quittâmes finalement l'arène après avoir pris congé d'Ondine. Une fois au dehors, je libérai Salade afin qu'il puisse discuter avec Bulbi, ce qui n'avait pas été possible à l'intérieur à cause des pontons trop étroits. S'ensuivit un concert de Zarres qui dura un bon moment, tandis que les deux Pokémon entremêlaient leurs lianes sous nos regards affectueux. Eilie proclama qu'ils avaient l'air de vraiment s'aimer beaucoup, et je lui assurai que mon départ tout proche n'empêcherait en rien Salade de continuer à voir Bulbi, ce qui tira un grand sourire à la fillette. J'attendis que Salade ait dit tout ce qu'il avait à dire - je l'avais rarement vu aussi bavard, elle devait énormément lui plaire cette Bulbi -, puis je le rappelai. Vint ensuite le moment de dire au revoir - ou adieu pour ma part -, après quoi nous repartîmes de notre côté tandis que la petite fille et sa grand-mère rentraient vers leur maison.

- Mais Mamie, la prochaine arène est à Truc-au-bord-de-la-mer, entendis-je Eilie protester.

- Oui, mais d'abord, on va manger, lui répondit sa grand-mère.

- Nous aussi, non ? s'enquit Claire, prouvant que je n'avais pas été la seule à tendre l'oreille alors que nous nous éloignions.

J'hésitai, prise entre deux options. D'un côté, je me serais bien remplie l'estomac une dernière fois, mais de l'autre, j'étais également pressée d'en avoir fini avec Mewtwo et de pouvoir mettre un point final à tout ça. Cette histoire qui avait commencé il y avait de cela deux mois et des poussières devait s'achever, en dépit du plaisir que j'avais pris à la vivre. Au final, je n'eus pas à répondre car Vivian venait tout à coup de se porter à notre hauteur, semblant surgir de nulle part.

- Il faudra se contenter de sandwichs, j'en ai bien peur, nous dit-il.

- Des sandwichs ? répétai-je. J'espérais un peu mieux pour mon dernier repas...

- J'ai pris la liberté d'en prélever quelques-uns dans le garde-manger de Léo, nul doute qu'ils seront tout aussi savoureux que ses croissants, rétorqua mon frère. Nous les mangerons dans la grotte lors d'une pause.

- La grotte ?

Cette fois, c'était Zack qui jouait à faire l'écho.

- Oui, la grotte, confirma Vivian d'un ton amusé. Un repère approprié pour un monstre, vous ne trouvez pas ?

- Ou pour un Pokémon voulant qu'on le laisse tranquille, murmura Claire, le regard baissé.

Personne ne releva sa remarque.

- Par ici, ce n'est pas très loin, nous enjoignit mon frère.

Nous le suivîmes à travers la ville, puis nous passâmes sur le Pont Pépite avant d'opérer un virage à droite, terminant sur la berge de la rivière qui bordait Azuria. Zack et moi fîmes appel à nos Léviator pour la traversée ; je choisis de prendre Vivian avec moi sur Plouf afin d'éviter tout incident. Même s'il était vrai que désormais je n'avais plus besoin de mon frère, car il m'avait révélé où se trouvait Mewtwo, je n'avais pas non plus envie qu'il lui arrive malheur. Ou du moins, si quelqu'un devait lui faire du mal, je voulais que ce soit moi. Pour autant, je ne le poussai pas non plus de la tête de Plouf pour le faire tomber dans l'eau. Peut-être n'avais-je tout simplement pas encore décidé de ce que je voulais qu'il arrive à mon frère. Il avait plusieurs fois sous-entendu qu'ils se fichait de ce qui pouvait bien se passer une fois que j'aurais vaincu Mewtwo, ce qui signifiait que... je n'en étais pas sûre. Qu'il allait se laisser mourir ? Ce n'était pas ce que je voulais non plus...

Notre voyage à dos de serpents des mer fut trop court pour que je puisse vraiment réfléchir au sujet en profondeur : nous mîmes pieds à terre au bout de quelques minutes à peine. Non loin du rivage, l'entrée d'une grotte se découpait effectivement dans la paroi rocheuse, un trou de ténèbres qui me fit frissonner. Je pris une grande inspiration. Voilà, on y était. Machinalement, je passai une main sur les six Pokéballs à ma ceinture, me rappelant mentalement les points forts et les attaques de chacun de mes Pokémon.

- Mewtwo se cache là-dedans ? émit Zack d'un ton sceptique, ce qui eut le mérite de faire baisser un peu ma tension. Une grotte à deux pas d'une grande ville ?

- Une grotte dans laquelle vivent des Pokémon terriblement dangereux, compléta Vivian. La plupart du niveau des Pokémon de Léa, certains davantage. La traverser ne sera pas une partie de plaisir pour nous, alors tu imagines bien qu'en règle générale, personne ne tend à s'aventurer dans cette particulière grotte.

Claire se racla la gorge. Sa voix était mal assurée lorsqu'elle s'exprima :

- Léa, tu sais, finalement je... dit-elle avant de s'arrêter et de pousser un soupir.

Ses yeux verts étaient brillants d'humidité tandis que sa lèvre inférieure tremblait. Elle se tenait très droite, presque figée, et semblait éviter délibérément mon regard. Mon cœur se serra en la voyant comme ça.

- Claire, c'est bon, m'empressai-je de lui assurer. Tu veux rester là, je le comprends parfaitement. T'as déjà fait un énorme bout de chemin avec moi et c'était déjà plus que ce je pouvais raisonnablement te demander en tant qu'amie.

La blonde eut un sourire soulagé. Ses épaules se relâchèrent, elle exhala à nouveau, plus profondément cette fois.

- Néréa sera furieuse d'avoir manqué cette bataille, mais... vaut mieux ça qu'autre chose, souffla-t-elle ensuite.

- Oui, acquiesçai-je, bien trop consciente de ce que l'"autre chose" impliquait.

Avant que je ne comprenne ce qui se passait, Claire m'avait prise dans ses bras et me serrait fortement.

- Bonne chance Léa... Tu vas me manquer...

- Pareil... répondis-je en lui retournant son étreinte, luttant pour ne pas laisser l'émotion me gagner, toujours coincée entre "elle n'est pas réelle" et "je vais perdre une amie", ces deux putain de pensées si opposées et pourtant si proches, proches au point que j'avais parfois l'impression de suffoquer, coincée entre les deux.

Pas le moment, pas le moment.


Claire recula, m'adressa un sourire qui me parut un rien hésitant, puis se tourna vers Zack et Vivian.

- Je vous attends ici alors, décréta-t-elle en posant ses mains sur ses hanches.

- Tu risques d'attendre longtemps, lui retourna Vivian.

- On sera de retour d'ici ce soir, déclara pour sa part Zack, confiant comme toujours.

Nous allions donc entrer dans la grotte à trois. Je fis un dernier check-up mental. N'avais-je rien oublié ? Potions et tout le tralala, j'en étais blindée. Quoi d'autre ? Avais-je résolu toutes les quêtes en suspens qu'il me restait, ne demeurait-il donc aucune question sans réponse mises à part celles que j'obtiendrai en battant Mewtwo ?

- Ah, mais je suis bête ! m'exclamai-je en me rendant compte que j'avais bel et bien oublié un truc, bien plus qu'un détail même.

- Léa, si tu commences à tendre des perches comme ça... se moqua Zack.

Je lui tirai la langue en guise de réponse et fis sortir Salade sa Pokéball.

- Re-coucou mon grand. Zack, je vais avoir besoin d'Alakazam pour me faire la traduction s'il te plaît.

Un deuxième rayon rouge jaillit aussitôt. Salade pencha sa grosse tête vers moi de façon interrogatrice. Je ne laissai pas planer le suspens plus longtemps.

- Salade, tu m'a dit hier que tu savais que Vivian n'était pas responsable du départ de Maraude. Je ne pense pas que tu puisses affirmer ça par rapport à mon frère, ça veut donc dire que tu sais pourquoi la Feunard a quitté l'équipe ?

- Zarre.

Il a dit oui
, m'indiqua inutilement Alakazam.

- Est-ce que tu peux me dire pourquoi dans ce cas ? demandai-je, mon cœur s'accélérant à l'idée que j'allais peut-être enfin connaître le destin de la Feunard.

Salade se lança dans une longue tirade de Zarre et de Flori, ponctuant son discours de petits mouvements de liane. J'attendis patiemment la traduction d'Alakazam.

Je ne pouvais pas te le dire avant, mais maintenant oui. La Feunard a eu un bébé avec le sage Sablaireau, une petite Goupix, et elle voulait la protéger du dangereux humain. Donc elle est partie. La Teigne a cassé sa boule pour brouiller les traces et la Feunard ne nous a pas dit où elle comptait aller. Mais je suis sûr qu'elle et la petite sont heureuses.


- Oh, c'est chou... fit Claire avec un sourire.

- Oui, murmurai-je, incapable d'en dire plus car le bonheur que je ressentais à cette nouvelle m'étreignait la gorge.

J'avais imaginé tellement de scénarios en ce qui concernait Maraude, et j'avais toujours craint le pire. Apprendre que non seulement elle allait bien, mais qu'en plus elle avait eut un bébé... avec Grignotte... c'était juste parfait. Une telle nouvelle me donna encore plus la force d'affronter Mewtwo, avec ça je me sentais comme invincible.

- Florizarre, grogna Salade en approchant une de ses lianes de moi.

- Merci, mon gros bulbe vert, soufflai-je en me laissant tomber contre lui, câlinant son énorme tête. Tu n'étais pas obligé de me le dire, mais merci de l'avoir fait.

Il me répondit d'un grondement grave qui résonna dans mes os. Je me redressai en passant une main sur mon visage pour essuyer mes larmes et me tournai vers Zack et Vivian.

- On peut y aller maintenant, leur indiquai-je.

- Je n'ai pas droit à des excuses ? quémanda mon frère. Être accusé à tort est une chose terrible...

- Pousse pas trop, lui répondis-je en rappelant Salade. Je suis de bonne humeur, mais pas à ce point.

Il inclina la tête sans insister. Quant à Zack, il m'adressa un hochement de tête puis se tourna vers l'entrée de la grotte.

- Je me demande ce que nous allons trouver à l'intérieur... s'interrogea-t-il à voix haute.

Ce fut seulement à cet instant que les mots de M. Fuji me revinrent en mémoire, comme une étincelle s'enflammant soudain dans mon esprit.

- Peut-être quelqu'un d'autre, révélai-je donc. L'existence de Mewtwo n'est apparemment pas si secrète que ça.

Je fus la cible de trois regards interloqués.

- Quand on a rendu visite à M. Fuji à Lavanville, leur expliquai-je, il m'a raconté qu'une autre personne était déjà venue lui demander des infos sur Mewtwo.

- Qu'est-ce qu'il t'a dit ? demanda Vivian en s'avançant et en me prenant brusquement par le bras.

Zack réagit en un éclair, posant sa propre main sur l'avant-bras de mon frère.

- Lâche-la, mec.

- Ça va, fis-je en me dégageant moi-même d'une secousse. Quelle importance ? demandai-je ensuite en regardant Vivian dans les yeux.

- Capitale. Ce qu'il t'a dit, exactement, exigea-t-il à nouveau.

Je ne voyais pas de mal à le lui révéler :

- Pas tellement grand chose de plus que ce que j'ai déjà expliqué. Quelqu'un était déjà venu lui demander des infos sur Mewtwo, mais il ne se rappelait pas des détails. "Comme un rêve", d'après lui.

La bouche de Vivian se tordit et il lâcha une sorte de rire mal timbré.

- Quoi ? le pressai-je.

- Comme un rêve, répéta-t-il. C'est l'expression dont se sont servis de nombreux PNJs pour qualifier les interactions que j'avais eues avec eux après que ta venue ait remis la cartouche à zéro. Ils se souvenaient que nous avions parlé auparavant, mais les détails leur échappaient.

- Oh... émis-je, commençant à comprendre.

- Et pour ma part je ne suis jamais allé demander des informations sur Mewtwo à M. Fuji, alors... continua Vivian, avant de s'arrêter net.

Nos yeux se rencontrèrent, chacun lisant la conclusion dans les yeux de l'autre.

Puis il laissa tomber une seule phrase, lourde et pleine de sens.

- C'était une cartouche d'occasion.

***

D'où le titre du chapitre. ^^ Prochaine fois, on verra Mewtwo, promis !



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