L'histoire des Armonger
Ce fut avec un détachement quasi robotique que John Armonger sortit la petite statuette héritée de son ancêtre, un soldat de la guerre de Sécession.
On disait beaucoup de choses sur cet homme. Une partie des Armongers le dépeignait comme un individu cruel et fou qui utilisait tout les moyens possibles pour rendre misérable la vie des autres et qui n'avait participé à la guerre de sécession que dans le but de tuer le plus d'individus possibles, n'ayant qu'un avis neutre sur l'esclavage et les droits du Pokémon en général.
Une autre partie le dépeignait plutôt comme une figure tragique qui avait subi un terrible choc suite aux horreurs d'une guerre qui avait vue des frères se déchirer et qui, même dans ses moments de démence totale, aimait sa famille du plus profond de son cœur. Aucun des Armonger vivants n'avaient connus cet homme, pas même Harry, qui avait participé à la première guerre mondiale.
John n'avait aucun intérêt pour son ancêtre qui avait passé la fin de sa vie dans un asile et dont les rares reliques léguées à sa fille n'étaient guères que des moyens de se souvenir de la guerre de sécession. En réalité, Harry s'était demandé si jamais on avait touché à ça depuis la fin de la guerre en question, au vu de la quantité impressionnante de poussière qui s'y trouvait.
Il ne savait pas pourquoi il l'avait pris, ni même pourquoi c'était le premier objet qu'il avait cherché dans cette vieille commode qui semblait assez fragile pour s'écrouler si la pointe d'un crayon venait la transpercer par hasard, il se souvenait vaguement que sa femme lui avait demandée d'apporter un objet à amener pour le bébé. Ses mémoires étaient bouleversées, même celles détaillant des discussions les plus récentes.
La statuette n'avait rien de bien spécial, détaillant juste un Étouraptor prêt à s'envoler, entièrement gris à cause du temps passé et du manque d'attention délivrée à son égard. C'était glauque et moche mais c'était sans doute le dernier objet que John pourra voir et toucher avant très longtemps, autant en profiter.
Il redescendit machinalement vers la salle à manger et donna sans concession la statuette à Mary, l'Étourmi très récemment née avant de s'asseoir à côté de sa femme, Marianne. Une Hélédelle Française qui était partie aux Amériques pour une raison qu'elle n'avait pas expliquée, pas même à son mari. La famille entière était rivée sur la télé.
« En dépit de tout les efforts fournis par notre gouvernement pour trouver une solution pacifique. Les Zoviet refusent de faire reculer les missiles installés sur Cuba. Le… le président confirme qu'une guerre nucléaire devient de plus en plus envisageable. »
Le Zororak présentateur TV semblait horrifié et il lisait ses lignes avec un mélange d'horreur et de refus à admettre la réalité. La guerre nucléaire, ce mot tabou qui effrayait les masses depuis 1945, cette arme à double tranchant qui ne devrait jamais être déchaînée sur un ennemi allait être utilisée par les deux camps sans aucun doute.
Plusieurs millénaires pour créer la planète, plusieurs autres pour que de la vie s'installe et y évolue, plusieurs siècles pour que l'espèce dominante construise une civilisation, quelques années pour que tout ça finisse par disparaître, quel gâchis.
John voyait déjà les familles courir dans la rue tout en suppliant un pokémon légendaire d'arrêter cette folie, il voyait déjà les missiles traverser des pays et des océans pour atteindre des villes et les atomiser en un instant, il voyait la riposte fatale qui infligeait le même sort à l'attaquant et donc les radiations et autres effets négatifs suffisaient pour que d'autres pays n'ayant rien à voir avec, remplis d'innocents.
« Le bunker tiendra ? »
« Hé bien, on peut que voir là, hein ? Allons y et prions pour le mieux. »
Ils se levèrent sans émotions, s'engageant de manière faible vers le bunker. Comme prédit par un John moribond qui été parti plus tard que les autres, certains couraient dans la rue tout en maudissant le gouvernement avec toute la force possible. Des désespérés faisaient amendes avec des voisins en possession avec des bunkers alors que la famille de l'Étouraptor ouvrait le bunker, étant seulement distraite par les pleurs de Mary. Marianne se pencha vers son enfant qu'elle tenait par son aile et se tourna vers John.
« Elle a fait tomber la statuette, il faut la récupérer car elle n'aura probablement pas de quoi s'amuser dans cet age sombre qui s'annonce. »
John soupira puis se tourna, espérant qu'elle vivra assez longtemps pour voir autre chose qu'un monde dévasté par les erreurs d'une génération pas adaptée. Elle ne pourra pas écouter la musique des Beatles, les Rolling Stones, et elle ne pourra probablement jamais connaître une vie normale. Quand à John, ses os seront poussières quand la nouvelle génération sortira des bunkers.
Ce fut en ramassant la statuette et en constatant qu'elle brillait que l'attitude de John devint plus curieuse. Il l'avait toujours été dans sa folle jeunesse, c'est grâce à ça que Marianne avait finie par l'épouser, il pouvait aussi faire des trucs stupides à cause de ça, comme, prendre la pierre rouge qui sortait de la statuette pour la prendre.
« Tu vi… »
Le temps s'arrêta, les cris, les pleurs, tout venait de se taire. La télé ne faisait aucun bruit et même les nuages semblaient s'être arrêtés, la poussière elle même n'était plus en mouvement, tout semblait immobile. Ce qui aida notre cher oiseau à se concentrer sur l'espèce de serpent fantomatique minuscule qui était sorti de la pierre.
« Hoouuaaaaahhhhh ! »
« Tu réagis comme l'autre ! Amusant ! Ça va sinon ? Suis en quelle année ? »
John lâcha la pierre et envisagea de reculer, ce qui échoua, la faute à une main fantomatique entourée d'une aura bleue qui se dépêcha de fermer la porte.
« On ne peut pas m'échapper, je sais où tu habites… »
« Mais comment ? »
« Parce que JE SUIS là où t'habites, crétin ! »
« Ah… hé bien, tu viens me tuer ? »
« Hahaha. Nan, j'ai juste remarqué que la pierre émettait une activité, ton ancêtre a fait un bon choix en la plaçant dans cette statuette en sachant que personne n'y fera attention, mais, ça à échoué. »
Le regard du pokémon étrange se tinta de malice alors qu'il pencha la tête pour regarder l'oiseau qui semblait prêt à avoir une attaque à n'importe quel moment.
« Alors, je répète. En quelle année suis-je ? »
« 1962 ! »
« Ho, t'as l'air stressé, pourquoi ? C'est cool les sixties. »
« On va tous disparaître ! Ces… ces salauds du gouvernement, ils vont détruire toute vie avec leur guerre froide de merde ! J'aimerais tellement qu'ils aient une conscience, qu'ils reculent… Ils doivent déjà se cacher, là, en ignorant notre sort. »
« Tu veux donc qu'ils reculent ? »
Un air ressemblant à de l'espoir apparut sur le visage de John alors que Giratina se mit à ricaner.
« Tu peux le faire ? »
« Je peux tout faire, gamin. J'ai changé le destin de bien des empires en claquant un doigt. »
« Hé bien, tu… tu peux changer tout ça ? »
« Ho oui. J'ai pas envie d'avoir trop de monde, mes services sont un peu débordés et c'est dur de passer le jugement à un seul mec, alors plusieurs… »
« Hein ? »
« T'occupes, un autre souhait ? »
John réfléchit pendant 6 secondes. L'assurance dans la voix du pokémon assurait qu'il savait ce qu'il faisait et c'était un pokémon sans aucun doute doué de talents spéciaux, mais fallait t-il le croire ? Après tout, il avait l'air louche et rien ne disait que c'était le Diable, connu pour faire des marchés qui tournent toujours à son avantage.
« Je peux avoir un poste dans le gouvernement, une voiture cool et des lunettes de soleil ? »
« Boarf, c'est mainstream ça. »
« Hein ? »
L'inconnu se concentra un moment puis fit apparaître deux autres serpents spectraux de la taille de John. Sans un mot, ils filèrent vers des directions opposées.
« Biieenn, remets la pierre dans la statuette et enterre là après en évitant d'attirer de l'attention. Le processus va commencer plus tôt que prévu, ce Zavome à fait un truc pas prévu. »
« Zavome ? L'industriel Alusien qui à passé à tabac un travailleur car il voulait une augmentation ? »
« Oui. »
« Ça… ça explique bien des choses. »
« Bon, bisous ! On se revoit dans 43 ans ! Merci pour les deux pays au passage, ça compensera la connerie de Zavom !»
Sans perdre un instant, la pierre redevint normale alors que John la déposa à nouveau dans la statuette. La télé changea de chaîne à ce moment, révélant le président, un Pingoléon qui semblait différent, particulièrement dû à ses yeux jaunes et sa grimace étrange.
« Citoyens d'Amérique… »
« Chérie ! Papa ! Maman ! Venez voir ! »
Les trois oiseaux apparurent au quart de tour, probablement en pensant que le malheureux avait pété les plombs, mais s'arrêtèrent tous en voyant la télé.
« J'ai… parlé avec le premier ministre Zoviet et nous avons décidé de ne pas provoquer une guerre nucléaire. »
John sentit les ailes de Marianne entourer son cou, la Française ayant déposée Mary dans les bras de Jeanne, sa belle mère.
« C'est stupide. Nous avons plutôt décidé de faire du Karting ! Le Karting est l'invention du futur ! Les conflits se résoudront désormais par du Karting ! Je vais de ce pas faire du karting avec mon homologue Russe pour régler ce problème de missiles sur l'île, je compterais aussi sur le séduisant John Armonger pour m'aider au gouvernement, avec d'autres ministres corrompus que personne n'aime !»
La joie était devenue confusion.
« Enfin. Je vais lui mettre la pâté à cet empaffé Zoviétique au KARTING ! Bonsoirs mes compatriotes, et vive le KARTING ! »
Le Pingoléon se leva et poussa le bureau, dévoilant une petite auto de karting sur laquelle il partit promptement vers de nouvelles aventures.
« Quoi ? »
« Qu'est-ce que… ho et puis zut ! On est libres ! »
John se tourna vers sa femme qu'il embrassa rapidement avec tout l'amour offert par son bec, sous le regard confus et embarrassé des deux vieux du coin. Les deux jeunes gens se tournèrent ensuite vers Mary qu'ils prirent dans leurs ailes.
« T'entends Mary ? Tu vas pouvoir connaître le nouveau monde ! Tu vas pouvoir avoir des enfants et tout ! Comment on pourrait nommer ses gosses, tiens ? »
« Jack, sans doute ? C'est un beau nom. »
« On verra quand elle aura l'âge pour ça, allons boire avant ! »
Le groupe oublia tout les problèmes d'il y a quelques minutes pour partir vers la cuisine. John se tourna alors vers la statuette qu'il prit.
Pourquoi son ancêtre l'avait t-il mis ici ? Qu'est-ce que ce pokémon était aussi ? Il ressemblait au Giratina de la légende mais impossible de le confirmer, les pokémons légendaires n'existent pas. Dans tout les cas, il allait falloir l'enterrer.
Prétextant une excuse bidon, John sortit presto de sa petite maison tout en ignorant les pokémons qui remerciaient leurs dieux et les voisins qui se battaient à nouveau. Utilisant rapidement une attaque pour creuser un trou profond, il jeta la statuette au fond avant de remettre de la terre dessus.
« Pourquoi jette tu cette statuette, voisin ? »
Le voisin Machopeur ennuyant avec une moustache, Vernon, venait de bondir en surprenant John.
« Huh, je suis totalement bourré, donc, je tiens à enterrer cette statuette pour faire des dégâts physiques à quelque chose sans que ce ne soit dangereux ! »
« Tu le fais mal voisin ! Regarde comment je fais ! AIEYAHEIAHEIZBDIAEHE ! »
Le Machopeur bondit pour frapper un poteau, profitant de la confusion probable de son voisin, John finit d'enterrer la pierre en essayant d'ignorer la lumière violette apparue peu avant qu'elle ne soit vraiment enterrée.
« Tu me laisses entrer dans ta maison, voisin ? J'ai aussi envie de boire ! »
« Oui ! Bien sûr ! Entre ! »
L'alcool devrait suffire à tout faire oublier, ce qui s'avéra vrai sachant que les cinq pokémons étaient déjà en voiture à geuler tout en écoutant de la musique très fort quelques heures plus tard.