I knew you were trouble - Taylor Swift- Zeus t'a attaquée ?
- Oui.
- Avec Poséidon ?
- Oui.
- Et ils voulaient te tuer ?
- Exactement.
Yohanna était assise sur le lit de Cassy tandis que celle-ci, emmitouflée dans un peignoir en velours, séchait ses cheveux noirs à l'aide d'une serviette-éponge. Elle gardait encore sur elle la trace de son petit plongeon dans la mer.
- Je suis inquiète... S'ils commencent à se déplacer en personne...
- Allons, tu n'as pas à t'en faire, coupa catégoriquement la dresseuse en venant se laisser tomber à côté d'elle. Je sens... Non, je sais que je touche au but. L'humain légendaire que je recherche, il s'agit en réalité d'une femme. Toujours est-il que j'ai bluffé, tout à l'heure, en leur laissant croire que j'allais m'allier avec Elle. Apparemment, il s'agit d'une personne très puissante, car même Zeus a paru au moins aussi effrayé que Lilith.
- Penses-tu que ce doit vraiment une bonne idée ? Je veux dire par là que si les plus puissantes divinités ont peur de cette inconnue, as-tu raison de chercher à La retrouver. N'est-ce pas un peu trop dangereux ?
- J'ai eu aujourd'hui une démonstration des pouvoirs des fidèles bras droits d'Arceus. Si je n'étais pas parvenue à semer la discorde avec Poséidon en mentionnant Lamia et l'élixir de longue vie, je serais morte à l'heure qu'il est. Je ne suis même pas sûre que Satan soit de taille face à eux, alors nous nous retrouvons à présent dans une situation où il ne faut plus rien laisser au hasard.
- Je comprends.
- Ce que je redoute, c'est que d'autres choisissent de partir, exactement comme Esméralda. Elle a semé le doute dans les esprits de tout le monde. Marion et Chloé, par exemple, n'ont jamais bien approuvé mes actions.
- En tout cas, moi, je promets d'être là le moment venu. Je te suivrais jusqu'à la fin.
- C'est gentil de ta part, cependant je ne suis pas certaine que cela suffise. Nous sommes déjà en sous-effectif. Si je ne fais rien, nous serons massacrés les une après les autres, or pour avoir l'esprit libre de toute autre contrainte lorsque nous affronterons Arceus, je dois d'abord me débarrasser de mon frère. Le point noir, dans l'histoire, c'est que je ne sais toujours pas comment m'y prendre.
- Tu trouveras, j'en suis certaine. Et puis, Lilith réfléchit aussi de son côté, non ?
Cassy acquiesça, puis consulta le réveil sur sa table de nuit. La maisonnée n'allait pas tarder à se lever. Heureusement, son apparence ne devrait pas trop susciter de questions : ils penseraient simplement qu'elle venait de prendre une douche matinale et qu'elle en avait profité pour se laver les cheveux.
- Je pense que nous devrions aller préparer le petit-déjeuner pour les autres. Ils en font assez comme cela, autant leur offrir un en-cas consistant avant de nous rendre à l'Arène.
La religieuse l'approuva et elles quittèrent la chambre dans laquelle elles se trouvaient. Elles s'immobilisèrent néanmoins, à l'approche de la cuisine, lorsqu'elles entendirent des coups frappés de l'autre côté. Aussitôt, elles passèrent leurs gants de combat, et ouvrirent la porte à la volée.
- Sven ? Qu'est-ce que tu fais là ? s'exclamèrent-elles en choeur.
Le jeune homme, dont la compagnie n'était guère apprécié par le reste de la Confrérie et réciproquement, ne vivait dans aucun des appartements mis à leur disposition, mais demeurait la plupart du temps avec les humains légendaires, en compagnie desquels il se plaisait davantage, sauf lorsque Cassy lui ouvrait sa fenêtre pour l'inviter à passer la nuit avec elle.
Une chaleur accablante régnait dans la pièce, probablement à cause du four allumé à pleine puissance, dont le battant n'était pas fermé. Le porteur du glyphe ténèbres les observa, une paire de tenailles à la main.
- Désolé, je pensais que j'aurais le temps de finir avant que vous ne vous réveilliez, mais malheureusement, ce n'est pas aussi pratique que dans une forge.
Il s'écarta pour leur laisser voir sur la table quantité de lame, avec un marteau posé juste à côté. Voila qui expliquait les coups qu'elles venaient d'entendre : il fabriquait de nouvelles armes afin de remplacer celles qu'il avait perdu au cours de ses diverses missions.
- Je peux peut-être t'aider, proposa la dresseuse tandis que Yohanna se dirigeait vers le garde-manger.
- En fait, j'ai presque terminé. J'ai juste à attendre que les couteaux de jet refroidissent et à insérer le poison dans les munitions de la sarbacane.
- Le poison ? Qu'est-ce que tu utilises ?
Il sortit une flasque en acier de sa poche et la lui tendit pour qu'elle inspire les effluves d'amande amère qui s'échappaient par le goulot. Elle mit quelques secondes à se souvenir qu'il s'agissait de la principale caractéristique du cyanure.
- Attends-moi ici, je reviens dans une seconde, indiqua-t-elle avec un sourire mystérieux. J'ai beaucoup mieux que cela.
Elle s'apprêtait à s'éclipser hors de la cuisine quand la religieuse revint, un paquet de farine dans une main et de sucre dans l'autre, prête à verser le tout dans la machine servant à la fabrication de brioches. Elle laissa alors les ingrédients choir sur le plan de travail pour s'approcher de petites sphères transparentes au mécanisme complexe.
- Oh, comme c'est joli ! s'exclama-t-elle, le regard brillant, en tendant les doigts vers les objets. On dirait des pokéball en verre.
- Non ! N'y touche pas ! hurlèrent les deux autres d'une même voix.
- Pourquoi ? De quoi s'agit-il ?
- Ce sont des grenades de vitriole, informa Sven en la forçant à reculer. Une seule goutte sur ta peau et elle sera rongée jusqu'à l'os. Ce serait dommage d'infliger cela à pareille beauté, non ?
Cassy leva les yeux au ciel. Elle n'avait jamais vu le jeune homme montrer un quelconque intérêt pour Yohanna, or voici qu'à présent il usait de son air séducteur à son égard. Elle n'était pas jalouse, du moins ne croyait pas l'être, mais la scène lui parut étrange, probablement parce qu'elle ne s'y attendait pas.
Elle savait à quel point le porteur du glyphe ténèbres pouvait être fourbe par moment et cela la gêna un peu de laisser la religieuse seule à sa compagnie, cependant elle savait qu'elle ne serait absente que quelques minutes, le temps pour elle de retourner dans sa chambre chercher le poison de Circé.
Quand elle revint dans la cuisine, la fiole laissée par Léa avant son départ à la main, elle fut soulagée de constater qu'aucun évènement fâcheux ne s'était déroulée. Son amie s'affairait simplement à la préparation du petit-déjeuner pendant que Sven vérifiait l'équilibrage de son nouveau poignard.
- Qu'est-ce que c'est ? questionna-t-il au moment où elle lui remit le petit flacon de verre avec maintes précautions.
- A ton avis ? Te souviens-tu de ce que Léa t'avait promis ?
- Oui, c'est...
- Exactement. Le poison de Circé. Maintenant, si tu m'expliques comment faire, je pourrais t'aider à en imprégner tes munitions.
Il l'approuva d'un signe de tête et ils se mirent à l'ouvrage. Cassy mit une fleur de Gracidée à bouillir sur le feu, histoire d'avoir l'antidote tout de suite sous la main s'ils venaient à s'infecter par accident.
Armée d'une seringue, ils prélevaient tour à tour quelques gouttes du liquide mortel qu'ils transféraient ensuite dans les minuscules fléchettes conçues pour une sarbacane. Enfin, lorsqu'ils eurent remplies la dernière, il leur restait encore la moitié du poison.
- Tu remercieras la petite de ma part, lâcha soudain le jeune homme qui ramassait son matériel.
La dresseuse fut surprise de l'entendre user d'un terme aussi délicat que "petite" pour qualifier Léa alors que de sa part, elle se serait plutôt attendue à "gamine" ou "mioche". Elle ne fit cependant aucune réflexion et se contenta d'acquiescer.
- Tu as terminé ? s'enquit-elle juste au moment où Tina et Chloé -celle-ci vivant désormais dans l'appartement de Cynthia depuis le départ d'Esméralda, de manière à pouvoir céder son ancienne chambre à Emily qui dormait jusqu'alors dans le canapé de Lucio- pénétraient dans la pièce.
- Presque, il ne me reste qu'une chose à faire.
- Quoi donc ?
- L'essayer.
Il porta sa sarbacane à ses lèvres et tira avant même que la jeune femme n'ait eu le temps de réagir. Le projectile, propulsé par son souffle, fendit l'air pour aller s'enfoncer directement de la gorge de la nageuse, dont le corps fut immédiatement parcouru de spasmes. Un filet de salive coula à la commissure de sa bouche.
- Tu es complètement malade ! s'époumona Tina en s'accroupissant sur le sol où sa consoeur venait de s'effondrer. Cassy, fais quelque chose !
- Oui, tout de suite. Yohanna, envoie-moi un verre, vite !
La religieuse lui lança l'un des récipients vides qu'elle s'apprêtait à remplir de jus de fruits juste avant que cet incident ne se produise et la dresseuse versa dedans une partie de l'eau dans laquelle la fleur de Gracidée infusait encore. Elle se précipita vers son amie, s'agenouilla si brutalement qu'elle s'en fit mal aux articulations et la força à boire l'antidote jusqu'à la dernière goutte.
L'effet fut immédiat. Chloé cessa aussitôt de trembler et ses yeux exorbités retrouvèrent une apparence à peu près normale. Elle toussa, crachota le surplus de salive provoqué par le poison, puis se redressa, haletante, une main sur la poitrine.
Elle secoua la tête afin de reprendre ses esprits, tandis que Tina l'aidait à se remettre debout. Son regard se posa alors sur Sven, puis sur la sarbacane qu'il tenait encore à la main. Son visage se voila d'une lueur meurtrière :
- Je vais le tuer ! hurla-t-elle.
Elle s'apprêtait à traverser la pièce en courant pour lui sauter dessus et l'étrangler, mais ses consoeurs la retinrent in extremis chacune par un bras. Elle se débattit avec force, heureusement l'endurance gagnée au fil des séances d'entraînement leur permit de tenir bon.
- Lâchez-moi, je vais l'assassiner ! Il m'a empoisonnée, ce salopard.
- C'est bon, pas besoin d'être insultante, répliqua nonchalamment l'intéressé. C'était juste une expérience. Concluante, d'ailleurs.
- Sven, n'en rajoute pas.
- Oh, ange noir, tu ne vas pas jouer les rabats-joie, si ? Elle n'est pas morte. Je savais que tu avais l'antidote sous la main. Réfléchis, c'est logique : si je n'étais pas sûr que tu la soignerais à temps, j'aurais testé mes munitions sur la Ranger, pas sur elle.
- Ça suffit ! tonna la nageuse. Esméralda n'avait pas tort, d'une certaine manière. Mais si je crois que je pourrais finir par m'habituer à la présence de Lilith et de Satan, lui, il n'en est pas question ! Soit il se tire, soit c'est moi !
Ce que Cassy craignait était justement en train de se produire. Elle redoutait que Marion ou elle ne suive l'exemple de la gitane, et cela semblait bien partie pour. Elle savait aussi que si Chloé partait à cause de Sven, la porteuse du glyphe vol l'imiterait. La Confrérie perdrait alors deux loyales combattantes.
- Fiche le camp, ordonna-t-elle en plongeant son regard dans celui du jeune homme.
- Quoi ? Tu n'es pas sérieuse !
- Je t'ai dit de ficher le camp ! Va te plaindre à Lilith, à Artémis ou à qui tu veux, je m'en moque. Sors de cet appartement, quitte la Ligue et disparais de ma vue. Si jamais je te revois à proximité de l'une de mes amies, je te le ferais regretter, c'est clair ? Peu importe les instructions que les humains légendaires nous ont donné, j'exige que tu laisses le groupe immédiatement et que tu n'y reviennes plus jamais. Maintenant, va-t-en.