Chapitre unique
Je marche. Machinalement, comme absente. D'ailleurs, je le suis. La pluie mouille mes joues, cachant mes larmes. Pourquoi ? Comment c'est arrivé ? Je ne sais pas. Je ne sais plus.
Je te revois, tes yeux sombres qui me fixent. Si bruns, si beaux. Avec cette touche de mystère. Tu me regardes intensément, amoureusement. Tes doigts emmêlés aux miens. Nos corps si proches. Nos souffles si calmes. Cette sensation de protection lorsque je suis dans tes bras. Ta jolie voix, mélodieuse, quand tu me dit que tu m'aimes. Ça n'arrivera plus jamais. Alors je marche, encore, toujours.
Je repense à Nathan. Oui, Nathan, mon petit ange. Mon sucre d'orge. Mon petit papillon. Mon petit frère. Il me manquera. Est ce que je lui dirai ? Je ne sais pas. Je n'y pense pas. Et je marche, pour oublier.
Oui, ça me revient. Ton rire cristallin. Tes sourires en coin. Ton air angélique. Je me rappelle tous les détails. Mais je n'y pense pas. Je n'y pense plus. Et je marche, machinalement.
Toutes les nuits, je te revois. Tu me hantes, dans mes rêves comme dans mes cauchemars. Je vois tes cheveux blonds comme le blé. Je passe la main dedans, les larmes aux yeux. Et je me rendors malgré tout. Malgré le fait que je sois terrorisée. Mais je ne veux pas me souvenir. Je ne veux plus. Alors je continue à marcher, sans but précis.
Combien de fois j'ai voulu que tu sois à mes côtés ? Combien de fois j'ai regretté de ne pas t'avoir assez dit que je t'aime ? Que tu es tout pour moi. Que tes baisers sont mon souffle. Ton amour ma vie. Je repense à tes lèvres pleines, si douces contre les miennes. Je crois que je commence à oublier. Mais je ne veux pas. Alors j'arrête d'y penser. Et je marche sous la pluie, les gouttes masquant mes larmes.
Nathan. J'ai peur de lui faire ça. Il ne le mérite pas. Mais je sais qu'il est aussi spécial que moi. Je sais qu'il peut parler avec Griknot. Ils se consoleront l'un l'autre. Je leur rendrai peut-être visite. Je ne sais pas. Je ne veux pas y penser. Parce que je marche, seule, avec mes questions sans réponses.
Je m'arrête, regarde derrière moi. Qu'est ce que j'abandonne ? Ma vie d'avant. Ce ne sera plus jamais pareil. J'aimerais qu'il sache que je l'aime. Je sors mon portable et lui envoie un message : « Mon cœur, tu es mon petit frère. Je t'aime pour toujours. Ne l'oublie jamais. »
Mais je n'attends pas de réponse. Je me mets à courir.
Tu te rends compte de ce que tu me fais faire ? Je pense tout le temps à toi. A tes mains et tes yeux. A tes mots et tes cheveux. J'aurai voulu ne jamais te connaître. Et pourtant je t'aime. Mais je me force à ne pas penser à toi. A ne plus penser à nous. Et je recommence à marcher.
Je pense également à Griknot. Je le confierai à Nathan. Et je viendrai leur rendre visite. Le plus souvent possible. J'espère que je pourrais. Finalement, un sourire est en train de naître sur mes lèvres. C'est vrai, pourquoi suis-je aussi triste ? Je te rejoins. C'est ce que j'ai toujours voulu. Etre avec toi. Et cette fois ci, j'y pense. Je pense à ma nouvelle vie. J'arrête de marcher, car mes pas m'ont mené vers cet endroit où je suis allée si souvent. Ta tombe.
Je dépose quelques fleurs sur la pierre, et je sors un couteau aiguisé de ma poche. Je regarde une dernière fois le soleil en train de se coucher. Et je sens une présence près de moi. Je me tourne, et je vois un magnifique Noctunoir shiney. Il me regarde et esquisse ce qu'on pourrait appeler un sourire. Je lui rends. Il est celui qui m'a tenu compagnie pendant ces derniers mois.
Quand tu t'es fait renverser, quand tu as été tué, tout le monde a été bouleversé. Mais ils ont fini par s'habituer à ton absence. Il n'y avait que moi qui me souciait de toi. Enfin, moi et Noctunoir, car pendant que les autres oubliaient ta mort, il était le seul à partager ma souffrance. Car c'est le Gardien. Ce petit Skelenox, que nous avions adopté il y a des années de cela, est devenu le Gardien. Ton âme apparaît à ses côtés. Voilà pourquoi je suis là. Noctunoir nous remercie de s'être occupés de lui en nous faisant une faveur. Nous serons unis dans la mort. De plus, il veillera sur nos familles. Mais je ne pense pas à ça.
J'effleure ton âme du bout des doigts, et dépose un baiser sur tes lèvres fantômes. Tu me souris, comme tu le faisais avant. Mais plus rien ne sera comme avant. Alors je prends le couteau, le pose sur ma gorge. Et je me tue.
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Je me réveille, et j'ouvre les yeux. Ma première pensée est que le monde des âmes est bien similaire au notre. Puis je te regarde. Et je comprends. Tu es un magnifique Feunnec couleur blé, avec des yeux chocolats. En regardant mes pattes, je constate que je suis un Feunnec également, mais mon pelage est châtain clair. Tu me pousses alors du bout de la truffe, comme si tu voulais m'embrasser. Je n'ai jamais été si heureuse.
Car je suis vivante. Et tu es avec moi.