Chapitre 37 : Meminyar, Sifulis et Peine
Ma nouvelle épée rayonnait d'une noirceur conforme à ce que devait être mon esprit. Je savais ce que je faisais en faisant ce marché avec ces trois Pokemon. Ils n'avaient d'autre but que de corrompre les gens. Pourquoi ? Je n'en savais rien. Mais en l'occurrence, mieux valait la corruption que la destruction pure et simple du monde.
*****
Adam avançait dans les ténèbres, avec sa seule épée au poing et son courage. Une belle image qu'il aurait voulu croire. Mais en réalité, il était effrayé, et sans la présence mentale de Castel, il aurait filé vite fait bien fait, et tant pis pour sa vengeance. Cette pièce dégageait une aura si maléfique et sombre qu'Adam ne pouvait cesser de trembler, et avait presque envie de vomir. La raison à cette pression terrible était sans nul doute l'énorme rocher noir qui siégeait au fond.
La météorite qui avait servi de maison au Trio des Ombres. Celle dans laquelle avaient été forgé les trois épées et les anneaux de transferts. Celle qui aspirait l'énergie négative et l'énergie vitale des Pokemon pour provoquer des désastres. La bombe d'Uriel pour détruire Cinhol. La météorite se trouvait au centre d'un triangle formait par trois flambeaux, un rouge, un bleu et un jaune. Adam pouvait voir, autant qu'il pouvait sentir, les trois Pokemon spectres de Ryates dans ces flammes, qui observaient sa venue d'un air moqueur. Ryates était là aussi, et fit un geste de bienvenu en direction d'Adam.
- Te voici donc, Castel, comme il se devait. Le temps est venu de la réunion des trois épées devant la météorite. Le temps est venu pour que le Seigneur Uriel revienne à la vie et fasse disparaître ce monde de mensonges.
Adam réprima sa colère du fait que Ryates ne faisait même pas attention à lui et ne s'adressait qu'à Castel. C'est comme si Adam n'existait pas.
- C'est bizarre, car je ne vois pas trois épées ici, dit-il. Il n'y en a qu'une ; celle que je tiens dans ma main. Celle grâce à laquelle je vais te faire payer ce qui est arrivé à Ylis et Padreis par ta faute !
Ryates regarda Adam d'un air presque ennuyé.
- Castel, pourquoi laisses-tu ce... cette chose parler à ta place ? Tu n'en a pas assez de te cacher ?
Son ton méprisant acheva de faire céder les dernières brides de maîtrise d'Adam, et le jeune homme laissa libre cours à sa haine. Ryates était désarmé, il n'avait pas Peine. Sans elle, ses pouvoirs n'étaient pratiquement rien. Pourtant, il ne bougea pas, se contentant de regarder Adam approcher avec ce même air condescendant. Peut-être comptait-il que le Trio des Ombres intervienne ? Mais non, les trois Pokemon spectres restaient dans leurs flambeaux, observant la scène avec attention. Au moment où Adam abattit Meminyar sur Ryates, l'épée dorée rencontra une lame noire. Tenue par Nirina. Adam recula, se maudissant de ne pas l'avoir vu.
- Je suis venu te rendre ton épée, Ryates, déclara la reine. Je repars immédiatement. Bonne chance contre ce demeuré enragé.
- Pourquoi tant de hâte, ma reine ? Ceci est votre combat.
- Je dois retrouver Alroy et le mettre en sécurité.
- Le prince est déjà en sécurité, Majesté. Rien ne lui arrivera, je vous le promets. Gardez donc Peine en main, et affrontez celui qui veut vous déchoir de ce qui vous appartient. Tel est le souhait du Seigneur Uriel.
- Le souhait d'Uriel, répétèrent les trois Pokemon spectres. Oui, il veut voir les Haldar s'entretuer ! Il veut !
Nirina haussa les sourcils, et pointa Peine vers Adam.
- Pourquoi te mets-tu en travers de mon chemin ? Grinça celui-ci. C'est Ryates que je veux, pas toi !
- Et mon trône aussi, ajouta Nirina. J'ai horreur qu'on me prenne mes jouets. Ryates compris.
- C'est plutôt toi qui es son jouet, répliqua Adam. Uriel et lui se servent de toi, ma pauvre vieille. Tu n'es qu'une marionnette qui danse à leurs fils. Tu n'es rien pour eux !
- Tant mieux, car ils sont aussi rien pour moi. On se sert de l'autre mutuellement. C'est un partenariat. Nos raisons sont différentes, mais nos objectifs les mêmes. Pas vrai Patriarche ?
- Assurément, Votre Majesté, dit Ryates en s'inclinant. Le Seigneur Uriel vous a choisi pour porter son épée car il sait qu'il peut compter sur vous.
Il n'aurait servi à rien de tenter de convaincre Nirina. Si Adam voulait atteindre Ryates, il devrait se débarrasser d'elle tout d'abord. Il voulut se convaincre qu'elle ne représentait rien pour lui, mais c'était faux, il le savait. Adam n'avait jamais eu de frère ou de sœur. Il avait toujours été seul, sans connaître sa famille. Il avait toujours espérait qu'il existait, quelque part, quelqu'un de son sang. Il en avait deux devant lui aujourd'hui. Ryates, son cher oncle, il pourrait le tuer sans problème, et même avec joie. Mais il ne se voyait pas loger Meminyar à travers sa grande sœur. Et il y avait aussi la promesse qu'il avait faite à oncle Astarias. Nirina n'attendit pas qu'il fasse de l'ordre dans ses idées pour attaquer. Elle maniait son épée avec toute la dextérité de quelqu'un qui a passé sa vie à s'entraîner, et Adam, totalement largué, ne put que contrer les coups en catastrophe en reculant et en s'affalant presque par terre.
- Allez, en garde, bâtard de Rushon. Lève-toi, lui ordonna Nirina. Toi qui es si fier de ton nom de Haldar... Il ne suffit pas de le porter, il faut aussi le mériter. Qu'est-ce que vaut ta prétention au trône si tu ne sais même pas manier Meminyar comme il faut, bâtard ?
- Arrête de m'appeler comme ça, siffla Adam se relevant avec hargne.
- C'est pourtant ce que tu es, dit tranquillement Nirina. Une erreur. Une faiblesse de la part de notre père. Tu n'aurais jamais dû venir au monde. Et maintenant, tu comptes m'arracher l'héritage qui me revient de droit ?
- Tu n'en as rien à foutre de ce royaume ! Tu le maltraites assez pour l'avoir prouvé !
- C'est vrai, mais il est quand même à moi. Je le fais souffrir parce que j'en ai le droit, et que tel est mon bon plaisir. Je suis la reine ! Et toi, tu n'es rien, bâtard !
Nirina fendit l'air avec Peine, et Adam se concentra pour entrer en résonnance avec l'esprit de Castel et s'imprégner de ses réflexes et de son expérience à l'épée. Il put alors se défendre, mais il était loin d'être Castel. Nirina ne ferait qu'une bouchée de lui, elle qui avait l'agilité de quelqu'un qui était né une épée à la main.
- Laisse-moi prendre le contrôle, souffla Castel dans son esprit.
- Non, pas encore ! Je ne veux pas revivre ça !
- Tu vas mourir, jeune idiot, et moi avec toi !
- N'interviens pas. C'est mon combat !
Adam fit de son mieux pour compenser sa faiblesse dans le maniement par sa force, mais même là il se fit dépasser. Nirina, bien qu'étant une femme, semblait bien plus forte que lui, et parvenait à chaque fois à baisser Meminyar dans les duels de force. Elle pouvait tenir Peine à une seule main, alors qu'Adam n'aurait pas pu soulever Meminyar sans ses deux mains. De plus, Nirina se battait avec la main droite autant qu'avec la main gauche, changeant de main au milieu d'une prise pour le perturber. Et ça marchait. Adam se retrouva rapidement avec un gros effilage sanglant sur le bras.
- Pauvre Adam, ricana Nirina en imitant une voix absurde de bébé. Plus de papa. Plus de maman. Plus de maison. Plus d'épouse. Il est tout seul, le pauvre bébé Adam.
- Il n'est pas seul, la contredit une voix à l'entrée de la pièce.
Deornas avança, Sifulis au poing. Le sourire de Nirina s'élargit.
- Et voici le cousin qui s'invite aux festivités ! Un beau duo que vous faites, tous les deux. Un bâtard Haldar et un Haldar qui n'a de Haldar que le nom. Que vous puissiez manier ces épées de légende me rend malade. Mais c'est ainsi que ça doit être, parait-il.
Elle se tourna vers Ryates. Celui hocha la tête, apparemment très excité.
- Oui ma reine. Les épées sont attirées par l'endroit d'où elles viennent, fit-il en indiquant la météorite. Cette rencontre des trois devant la météorite permettra au Seigneur Uriel de revenir en ce monde.
- Pas si on détruit Peine avant ! Contra Deornas. Avec Meminyar et Sifulis réunies, on en est capable. Mon roi, permettez que je combatte à vos côtés.
Souffrant en silence de sa blessure, Adam acquiesça. Il s'était mal conduit envers Deornas depuis le décès d'Ylis. Il avait ignoré ses conseils, et fait fi de sa propre douleur. Après tout, il connaissait Ylis et Padreis depuis bien plus longtemps que lui, et avait été très proche d'eux. Pourtant, Deornas était peut-être l'homme le plus loyal d'Adam. Et il était de sa famille également.
- Il n'y a personne que j'aimerai plus avoir avec moi en ce moment... cousin, dit Adam.
- Comme c'est touchant, se moqua Nirina. Allez, montrez-moi donc la force de vos liens. Peine les tranchera comme elle tranchera votre chair !
Les deux hommes s'élancèrent d'un pas commun, et les trois épées se rencontrèrent dans un choc qui fit vibrer la salle entière. Adam connut alors un sentiment bizarre, et incroyable. Deornas connut le même. Comme si les deux jeune hommes s'étaient toujours battus ensemble, leurs gestes devinrent spontanés, harmonieux, comme si c'était un seul homme qui dirigeait deux épées. Adam n'était pas devenu plus fort, mais il fonctionnait de pair avec Deornas. Il savait ce qu'il devait faire, quand il devait le faire. Il savait quand il devait protéger Deornas tandis qu'il feintait, il savait quand prendre des risques alors que Deornas le couvrait.
Il n'y avait aucune erreur dans leur prestation, comme s'ils s'étaient exercés ensemble pendant des années. Nirina le remarqua bien vite, et ses yeux s'agrandirent de surprise, et même de peur, quand elle vit qu'elle ne contrôlait plus le combat. Adam ne comprenait pas ce qu'il se passait, mais il en profita au maximum. Et en peu de temps, il parvint à rendre la monnaie de sa pièce à sa sœur en lui infligeant la même blessure qu'il avait reçue d'elle.
- Impossible ! S'exclama-t-elle en regardant sa blessure au bras. Je suis bien plus forte que vous deux réunis ! Qu'avez-vous fait ?!
Adam n'aurait pas su le dire, mais Castel le lui apprit :
- Ce sont les épées. Meminyar et Sifulis. Elles sentent qu'elles combattent à nouveau ensemble. Et elles transmettent toute l'expérience de leurs prédécesseurs à leurs nouveaux porteurs. Uriel et moi, quand nous combattions ensemble, nous étions invincibles.
Adam acquiesça mentalement, mais se garda bien de révéler quoi que ce soit à Nirina, qui, se voyant peu à peu acculer sans moyen de contre attaquer, commença à paniquer.
- Ryates ! Que se passe-t-il ?!
Le Patriarche secoua la tête.
- Je n'en ai aucune idée, Majesté. Je vois seulement que vous vous faites battre d'une façon des plus lamentables.
Nirina le foudroya du regard. Puis, sa fierté mise à mal, elle se relança à l'assaut d'Adam et de Deornas, avec une fureur inégalée. Adam vit la faille dans sa garde en même temps que Deornas. Et comme s'ils avaient les esprits liés, ils réagirent en même temps, chacun connaissant son rôle. Deornas parvint à bloquer et immobiliser une seconde Peine avec Sifulis, et se fendant vers la gauche, Adam en profita pour toucher le poignet de Nirina, puis repousser Peine, qui retomba plus loin. Nirina cria de douleur, puis tomba à genoux, vaincue.
- Eh bien eh bien, ricana Ryates. Voilà une issue dont je n'ai pas douté. Peine est peut-être aussi forte que Meminyar et Sifulis réunies, mais voilà ce qui arrive quand elle est maniée par un Haldar.
Le Patriarche s'avança, sans tenir compte de Nirina qui gémissait au sol. Il regardait Adam avec bienveillance.
- Ne veux-tu pas l'achever, mon garçon ? Elle est autant que moi responsable de la mort de ta chère Ylis. Elle m'a donné son autorisation pour que j'utilise Padreis comme je voulais pour t'assassiner.
Adam fronça les sourcils, cherchant une ruse dans les paroles de Ryates, mais il n'y en avait aucune. Il souhaitait vraiment que Nirina meure de sa main. Il n'en avait plus rien à faire d'elle. Le regard que jeta Nirina à Ryates exprimait toute l'étendue de la trahison qu'elle ressentait. Un mélange de colère, de peur, de pitié. Quel que soit les griefs qu'Adam pouvait lui reprocher, il ne pourrait sûrement pas tuer quelqu'un d'aussi pathétique. Il baissa son épée, et affronta Ryates du regard.
- Mon oncle Astarias m'a appris que Nirina m'avait sauvé de vous, alors que je venais de naître, en lançant un anneau de transfert à ma mère tandis que vous la pourchassiez. Quant au mal qu'elle a pu faire, je le mets sur votre compte, Ryates. Vous m'avez assez arraché d'être chers. Je ne vais pas tuer ma sœur pour vos beaux yeux.
Ryates se tourna alors vers Deornas.
- Et vous, prince Deornas ? Songez à tous les crimes que Nirina a pu commettre, à tous ces gens qu'elle a pu faire souffrir. Ne voulez-vous pas rendre justice ?
- Ce n'est pas à moi de rendre la justice, Ryates. Je laisse cela à mon roi. Et je pense que sa justice sera bien plus prompte et tranchante à votre égard qu'à celle de Nirina.
Ryates soupira, comme déçu.
- Pas de Haldar qui en tue un autre alors ? Dommage. Cela aurait été un spectacle plaisant aux yeux du Seigneur Uriel.
Ryates tendit la main, et attira Peine dans sa main comme un aimant. Adam et Deornas se précipitèrent, mais ils furent stoppés par une prison de foudre qui s'abattit tout autour d'eux. Puis vint la glace, et enfin les murs de feu. Encerclés par les éléments, les deux Haldar ne purent rien faire. Le responsable de ceci, le Trio des Ombres, ricana en flottant à côté de Ryates.
- Pas bouger, fit celui qui se nommait Glauquardant. Juste regarder.
- Oui, regardez donc, acquiesça Ryates. Pour honorer votre victoire, vous serez les invités de marque au prélude du retour du Seigneur Uriel.
Ryates leva Peine, et alors, des espèces de serpents de brumes noires s'échappèrent de la météorite pour venir s'enrouler autour de Meminyar et Sifulis, les arrachant à la poigne d'Adam et Deornas, pour les coller, croisées entre elle, sur la météorite, qui prit alors une teinte bronze.
- Meminyar, Sifulis, et Peine, fit Ryates. Chacune de ces trois épées provient de la météorite, et chacune d'entre elles possèdent une partie du Seigneur Uriel, ou plus précisément, un souvenir de lui. Peine garde son âme et son ressentiment. Sifulis, son ancienne épée, garde le souvenir de sa force et de sa noblesse. Et Meminyar, l'épée de son ami puis ennemi, garde le souvenir de son sang, quand Castel le tua avec. Liées à l'acier de la météorite, qui peut façonner le temps et l'espace, elles pourront ouvrir une porte vers une dimension où le Seigneur Uriel pourra regagner son corps d'autrefois. Mais pour que le rituel soit complet, il manque un élément essentiel.
Ryates s'approcha lentement de Nirina, toujours à genoux à terre.
- Quelque chose qui attire l'envie et le mépris du Seigneur Uriel. Quelque chose qui lui permit de faire entrer en dormance la météorite quand il planta Peine en son sein il y a cinq cent ans.
Ryates leva son épée au-dessus d'une Nirina terrifiée.
- Le sang d'un Haldar.
Puis le Patriarche planta Peine à travers le corps de Nirina. Adam, horrifié, vit sa demi-sœur s'écrouler de tout son long quand Ryates retira Peine, et une marée de sang s'enfuir de son corps. Puis, d'un air gourmand, le Patriarche apporta Peine, rouge du sang de Nirina, sur la météorite avec les deux autres.
- À présent, que ce monde tremble d'effroi en saluant le retour du Seigneur Uriel !
Il enfonça Peine dans la météorite, juste au milieu du croisement de Meminyar et Sifulis. Il y eut un tremblement, puis un son affreux, comme un cri de douleur, et la météorite prit une teinte rouge. La salle se mit à trembler, et une partie du mur et du plafond à s'effondrer. Adam vit avec inquiétude de gros débris tomber près de Nirina. Il ne savait pas si elle était toujours en vie, mais si c'était le cas, il ne tenait pas à ce qu'un rocher l'achève. Pendant ce temps, une espèce de porte s'était ouverte au-dessus de la météorite, un trou au milieu d'une brume rouge sombre. Et quelque chose s'échappait de Peine. Une ombre à silhouette humaine, qui parti vers la porte de brume.
- Oui, allez-y, Seigneur Uriel, partez devant, sourit Ryates. Je vous rejoins.
Puis il adressa un dernier signe d'adieux à Adam.
- Puisse ta mort être rapide, Castel. C'est là plus que tu ne mérites. Meurs et désespère, car le Seigneur Uriel va mettre fin à ton œuvre.
Alors Ryates s'enfonça dans la brume rouge jusqu'à disparaître dans la porte ouverte vers un néant infini. Juste à ce moment, les prisons de glace, de feu et de foudre disparurent. Adam pensa que le Trio des Ombres était parti avec Ryates, mais non, ils étaient encore là. Ils avaient cessé leurs attaques de leur plein gré. Adam crut avoir des visions, mais il était sûr que celui de glace, Polascar, lui fit un clin d'œil avant que tous les trois ne disparurent. Adam n'eut pas le temps de se préoccuper de ce mystère. Il vit une partie conséquente du plafond tomber droit sur Nirina. Sans réfléchir, il s'élança et, dans un saut, parvint à pousser sa sœur à l'écart. Lui en revanche sentit un poids terrible s'écraser sur sa jambe gauche, et hurla. Deornas vint l'aider.
- Sire ! Vous allez bien ?!
Il commença à essayer de soulever le rocher de la jambe d'Adam, mais celui-ci l'interrompit.
- Nirina... Est-ce qu'elle est vivante ?
Deornas se pencha sur sa cousine, puis au bout d'un moment, il dit :
- Elle respire encore, Majesté. Mais je ne sais pas si...
- Sors là d'ici. Va chercher un médecin. Et Leaf. Son Grodoudou et Mélodelfe peuvent guérir.
- Et vous ?
- C'est bon, je me débrouille, fit Adam en serrant les dents sous la douleur de sa jambe. Fais venir quelqu'un si tu croises du monde. Mais fais en sorte que Nirina survive. J'ai fait une promesse à ton père...
Deornas hocha la tête.
- Je comprends, sire.
Le prince quitta la pièce avec une Nirina ensanglantée dans ses bras. Alors seulement Adam put s'inquiéter de sa jambe bloquée et à moitié écrasée. Malgré tous ses efforts, il n'arriva pas à atteindre le rocher qui le bloquait. Et il sentait qu'il perdait pas mal de sang. Adam secoua la tête, amusée par sa propre bêtise. Risquer sa vie pour une fille qui ne le méritait pas, puis dire à Deornas de filer avec elle sans se soucier de lui. C'est alors qu'il sentit la pression sur sa jambe disparaître. Quelqu'un venait de soulever le rocher. Adam cligna des yeux en la reconnaissait.
- Vous ?
Venisi, la Veuve Grise, Haut Protecteur Spectre de Nirina, venait de retirer un rocher de près de deux cent kilos tout seule, et sans trop d'effort. Comme la dernière fois qu'il l'avait vu - c'était devant le Temple Royal - Adam ressentit un tourbillon d'émotion à l'encontre de cette femme voilée. Un profond sentiment d'amour qu'il ne s'expliquait pas. Adam tenta de se relever mais il ne sentait plus rien de sa jambe gauche.
- Ne bougez pas, sire, lui dit Venisi.
Elle se pencha sur sa jambe et passa des mains ridées et grises. Aussitôt, Adam se sentit mieux. La douleur s'estompa, et il parvint à ressentir son membre.
- Mais que...
- Nous n'avons pas le temps, sire, le coupa Venisi. Uriel s'apprête à ressusciter dans ce monde qu'a ouvert la météorite. Vous devez l'en empêcher. Seul vous le pouvez.
Adam remarqua que la porte où étaient partis Ryates et l'ombre d'Uriel était toujours là, mais tremblante, comme instable.
- Je me sers de mes pouvoirs pour l'empêcher de se refermer, expliqua Venisi. Je ne tiendrais pas longtemps. Reprenez Meminyar et allez-y. Le sort de Cinhol dépend de vous.
Sans trop comprendre, Adam fit néanmoins ce qu'elle dit. Il retira Meminyar de la météorite, et se dirigea vers la porte dimensionnelle. Arrivé devant, il se retourna vers Venisi.
- Merci de votre aide. Mais... qui êtes-vous en réalité ?
Bien qu'Adam ne put voir son visage, il avait l'impression qu'en cet instant, cette femme lui souriait sous son voile.
- Juste une fidèle servante du royaume, Votre Majesté. Allez-y maintenant. La porte se referme.
En effet, Adam constata que les bords commençaient à rétrécir. Il expira, et pénétra dans cette porte qui menait vers il ne savait trop où, mais où il était certain de retrouver son ennemi.
***
Une heure s'était écoulée depuis le départ d'Adam. Cette femme voilée avait appris à Deornas, Isgon, Astarias et Leaf qu'Adam était parti suivre Ryates pour empêcher la renaissance d'Uriel. Mais aux yeux de Leaf, il aurait pu tout aussi bien être mort. La jeune femme ignorait où exactement il était, sans doute plus dans ce monde, et surtout elle s'interrogeait sur le degré de confiance qu'on pouvait accorder à cette Veuve Grise, qui avait été leur ennemie.
Mais bon, apparemment, les Hauts Protecteurs, tout comme Nirina en personne, semblaient avoir été les dindons de la farce de Ryates, qui les avait tous trahi. Nirina se trouvait actuellement auprès des meilleurs chirurgiens et médecins de Stormy Sky. Personne ne savait trop si elle allait survivre, et personne s'en souciait trop d'ailleurs, mais Deornas avait affirmé que c'était là le souhait d'Adam, donc ils obéissaient et faisaient tout pour la sauver. Même Leaf se surprit à espérer qu'elle vive. Elle savait que Nirina aurait pu la laisser mourir ou la tuer une fois leur combat terminé, mais la reine l'avait sauvé. Et puis... qu'une telle dresseuse de Pokemon meure serait un immense gâchis.
La ville avait quasiment été conquise. Il y avait encore quelque combats ci et là, quelque poches de résistances, mais les Stormy Sky s'en chargeaient. Ils avaient fait du bon boulot, ça, c'était certain. Mais ils semblaient un peu sur les crans, car ils ignoraient si leur client, à savoir Adam, était vivant ou mort, et donc si leur contrat et leur récompense était encore d'actualité.
Syal, pour mettre terme plus rapidement aux combats, avait annoncé avec les hauts parleurs de son vaisseau la situation à toute la ville. Quand ils apprirent ce qui était arrivé à leur reine, les soldats restant se rendirent sans faire d'histoire. On les désarma, mais personne le prit la peine de les faire prisonniers. Surervos lui en revanche avait été mis dans une cellule du palais en attendant qu'on sache quoi en faire. Il n'avait pas résisté quand on l'avait amené. Il semblait passablement sous le choc, comprenant que Nirina s'était fichue de lui, et que Ryates s'était fichu de Nirina.
On avait également trouvé le prince Alroy, caché dans un des souterrains du palais avec une nourrice. Le gamin était effrayé et réclamait sa mère. Pour tenter de le calmer un peu, Leaf l'avait pris avec elle et le fit jouer avec son Métamorph. Alroy n'avait jamais vu un Pokemon pareil, et rigolait à chaque fois que Métamorph prenait la forme d'autre chose. C'est ici, dans les jardins du palais, relativement épargnés, qu'Anis trouva Leaf. Cette dernière fut surprise de la voir ici.
- Anis ? Que faites-vous ici ? Je pensais que vous étiez restée à Naglima ?
- J'y suis restée un temps, assurément. Et je suis venu ici avec une grande hâte, une grande célérité, un grand empressement, que j'ai presque tué mon cheval. Il faut à tout prix que je trouve Adam. Où est-il ?
Etonnée et un peu effrayée par la voix quasi hystérique d'Anis, Leaf lui raconta la situation. L'historienne soupira alors.
- Donc, je suis arrivée trop tard...
- Que se passe-t-il, Anis ?
- Adam est allé là où il ne devait absolument pas aller.
- Que voulez-vous dire ? S'inquiéta Leaf. Qu'il... ne va pas revenir ?
- Oh, ma chère enfant... J'espère réellement qu'il en soit ainsi !
- Quoi ?!
- Si Adam revient, alors je crains que nous ne soyons tous condamnés. Nous nous sommes trompés, Leaf. Depuis le début, nous servons un démon.