La voie de Noctali
C'est une belle nuit pour partir. Une très belle nuit. Il n'y a pas un nuage. De là où je suis, on voit très bien les étoiles. Moi, j'aime beaucoup les étoiles. Je les ai toujours aimées. Et aujourd'hui, je les aime bien plus encore. Elles me réconfortent. Elles me protègent. Je ne risque rien ce soir. Personne ne viendra me déranger dans mon voyage.
Car je m'en vais. Oui, je m'en vais. Je quitte ce monde. Je le laisse derrière moi. Désormais, je vais entamer mon dernier périple. Celui de mon âme. J'ai un peu peur, c'est vrai. Mais tout le monde est là pour me rassurer. Les étoiles, mes amis, et ma dresseuse. Ils sont tous là. Ils m'entourent de leur chaleur, de leur amour. Ils ne veulent pas que j'ai froid. Mais je n'ai pas froid. Pas encore. Je dirai plutôt que je suis anxieuse. Je ne sais pas trop ce qu'il m'attend de l'autre côté. Et c'est pour ça que j'ai un peu peur. Mais pour l'instant, je suis encore là. Je voie encore les étoiles. Je voie encore chaglam, qui me regarde avec des yeux plein d'incompréhension. C'est vrai, il ne peut pas comprendre. Pas encore en tout cas. Il est trop jeune.
Il y a aussi luxray. Ce cher luxray... C'est le seul qui n'a pas l'air triste de me voir dans cet état. Il n'est pas heureux non plus. Il est juste résigné. Il a comprit mon choix. Et il le respecte. Mais je me doute qu'il doit quand même être triste au fond de lui. C'est que je le connais, mon luxray. Il est fier. Il ne montre jamais ses sentiments. Mais il en a. Ils sont plus profonds, c'est tout. Je le vois qui s'allonge. Comme caninos.
Pauvre caninos. Il n'a jamais vu quelqu'un dans mon état. Je sens qu'il souffre de me voir comme ça. Et pourtant il est là. Il reste au près de moi. Il doit penser que je souffre moins comme ça. Il ne veut pas m'abandonner. Pourtant, je ne souffre pas. Pas physiquement en tout cas. Maintenant, c'est vrai que mon cœur, c'est une autre histoire. Il est complètement déchiré. Déchiré de les laissés. De les abandonnés. Mais il faut que je parte. Un jour, il comprendra. Ils comprendront tous. Et ils viendront me rejoindre, dans les étoiles.
Allons, calme-toi mustébouée. Ne sois pas triste. Je suis encore là. Reste tranquille. Regarde les étoiles. C'est là haut que je vais partir. Tout là haut. Et puis, au fond, je serais toujours un petit peu ici aussi. Là. Dans ton cœur. Le soir, tu regarderas les étoiles. Et tu te rendras compte qu'il y en a une nouvelle, qui te fera un clin d'œil. Et bien cette étoile, mustébouée, ce sera moi. Je serais toujours avec vous. Pas de façon physique, c'est tout.
Je me sens un peu honteuse de les laisser. Mon cœur est en lambeaux. Je sais que je vous manquerez, en en particulier à toi, delcatty. Ma meilleure amie. Je vois tes yeux tout gonflés. Allons, delcatty. C'est mon choix. Fait comme luxray, respecte-le. Ça me fait de la peine de vous voir dans cet état. Et je ne veux pas être en peine, pas ce soir. Pas à mon dernier soir. Je veux que nous soyons tous ensembles. Tous autours du feu, à l'abri sous le ciel, à nous raconter de vieux souvenirs heureux. Regarde-moi delcatty. Tu vois, je suis heureuse. Vous êtes là. Vous reste avec moi. Et ça me rend heureuse. Ça me donne du courage aussi...
Caroline... Ah, Caroline. Je ne sais pas trop quoi te dire, si ce n'est que je ne regrette rien. Si ma vie était à refaire, je la referais à tes côtés. Nous avons été tellement heureuses ensemble. Que de magnifiques combats nous avons menés... Te souviens-tu de ce jour où nous avons combattus Astria. J'avais été exemplaire ce jour là, n'est-ce pas ? Je me revois, mettant un a un KO ses pokémons. Eux aussi ils étaient bien entraînés. Et à la fin j'étais complètements épuisée, mais quel beau combat c'était. Tu t'en souviens Caroline ? N'est-ce pas ?
Allons, allons, Caroline. Calme-toi. Tu pleurs... Je vois des larmes sur ton visage. Elles sont belles ces larmes. Elles sont vraies. Elles sont faîtes avec de la vraie tristesse. Je le voie à la belle couleur argent qu'elles reflètent. C'est beau, une larme de tristesse. Mais je ne veux pas que tu pleurs. Pas tant que je serrais encore ici en tout cas. Après tu pourras pleurer de tes belles larmes. Tu pourras faire tomber de belles petites étoiles le long de mon corps. Ça me fera plaisir. Mon âme sera étoile, et mon corps sera couvert de paillettes argentées. Ce sera beau.
Ah ! Mes amis. Mes chers amis. Je ne saurais pas vous décrire ce que je ressens. Vous êtes tous là, autours de moi. J'ai toujours rêvé que je partais, entourée de mes amis jusqu'au dernier moment. Et mon vœu se réalise. Je sens que le firmament m'appelle. J'entends un bruissement. On dirait un battement d'ailes. Il est si délicat. Vous l'avez entendu ? On dirait que quelque chose s'est posé sur l'arbre là-bas. Delcatty, regarde-moi. Tu l'as entendu, n'est-ce pas. Non ? Et toi caninos ? Oh caninos, si tu te voyais. Tu es si mignon. Tes yeux sont emplis de tristesse, et pourtant, j'y vois un reflet. Un reflet argenté, de poussière d'étoile... Mais ne soit pas triste caninos. Ne soyez pas tristes tous. Je suis si heureuse. Ne soyez pas malheureux parce que je suis heureuse. Ce n'est pas normal.
Caroline... Je suis vraiment désolée. Tous ses moments que nous avons passés ensembles. Mais ne désespère pas. Tu as toute la vie devant toi. Toute la vie. Tu as tant de moments extraordinaires à vivre avec nos amis. Et puis je serais toujours là. Là-haut. Je garderais un œil sur toi. Sur vous. Jusqu'à ce que vous me rejoignez. Mais ne soyez pas pressés. Ne comblez pas trop facilement le vide que je laisserais dans vos cœurs. Ce serait dommage, et tellement idiot. Choisissez plutôt de vivre avec. Se sera dur. Je le sais. Se sera dur pour moi aussi. Mais nos chemins se séparent ici. Moi, je rejoins l'infini de la voie lactée, vous, vous continuez ici. Vous vivrez. Vous passerez des journées heureuses. Vous m'oublierez le matin, et le soir, avant de vous endormir, vous penserez un peu à moi. Mais juste un peu. Pas trop. Vous aurez le droit de verser une petite larme. Je ne vous en voudrai pas. C'est tellement beau, une larme... J'aime leurs formes. La lumière qu'elles réfléchissent...
Le bruit se rapproche. Vous ne l'entendez vraiment pas ? Mon dieu, ça doit être moi. Le chemin que je m'apprête à suivre me fatigue déjà. Mais le but final est tellement beau. Le silence. La tranquillité. Les lumières argentés des étoiles. Que se sera beau... L'infini céleste... Ah, je me sens si faible. L'appelle de mon dernier voyage est plus fort encore. Je vais partir. Mais pas tout de suite. Je veux encore profiter quelques instants de ce moment.
Ah, ce que vous allez me manquer. Je le reconnais, je suis triste moi aussi. C'est bizarre non ? Vous êtes tous là, et ça me rend heureuse. Je vais partir, ça vous rend tristes, et ça me rend malheureuse... Ça me fait un vide. Mais je dois partir. Mustébouée, ne me fais pas ces yeux là. Je vais partir de toute façon. Ne rend pas cet au revoir encore plus déchirant. Oh, tu pleurs... Non, ne pleurs pas. Pas encore. Soit fort. Chaglam... Toi aussi tu pleurs. Non, non, non... Ne pleurez pas. Ça me rend triste. Ah, que ces derniers moments sont douloureux. Vous êtes tous là. Vous voulez que je reste avec vous. Et moi, égoïste, je pars. Je vous délaisse. Je vous abandonne. Je suis si triste. Les étoiles aussi versent des larmes. Regardez. C'est magnifique, une étoile triste. On dirait que vous les avez touchées. Leurs larmes sont vos larmes. Tout pleur. Le vent, le ciel, la terre, vous, et moi... Tout pleur. C'est si beau... Et si dramatique...
Je commence à avoir froid à la patte. C'est à la patte blessée. Caroline... Prend moi dans tes bras. J'ai peur. La bête se rapproche, je l'entends. Elle est tout proche maintenant. Caroline, serre-moi dans tes bras. S'il te plaît... J'ai si froid. La créature est juste devant moi. Elle me fait peur. Pourtant, elle aussi à l'air triste. Elle vient me chercher. Je t'en supplie, laisse moi quelques instants. Laisse-moi leur dire... adieu...
Caroline m'a entendue. Elle s'est agenouillée devant moi. La créature s'est assise. Elle attend que nous nous soyons dit notre ultime au revoir. Ensuite, elle m'emmènera. Caroline s'avance vers moi. De grosses larmes coulent sur son beau visage. Je sens sa main sur mon ventre. Elle me caresse le poil. Ses pleurs tombent sur mon pelage, en projetant des petits éclairs bleus et gris. Son bras se glisse sous ma tête avec une infinie tendresse. Je sens son désespoir. Il jaillit par torrents entiers de ses beaux yeux bleus, il se disperse autours d'elle comme une aura... Elle me soulève la tête. Personne ne prononce le moindre mot. Les grands désespoirs sont au-delà de la basse matérialité des mots... Caroline passe son second bras sous ma cuisse. Et elle me soulève, comme si elle soulevait un voile qui se déchirerait au moindre petit courant d'air. Elle me soulève encore. C'est comme si je ne pesais plus rien. Je suis devenue aussi légère qu'un papillon de nuit. Je sens que quelque chose de tiède coule de ma patte blessée. Le pansement doit être imbibé.
Elle m'a élevé jusqu'à sa poitrine. Elle me sert contre elle. Ses larmes se mêlent à mon sang pour former une belle onde couleur rubis. J'y vois le reflet des étoiles. Elles continuent elles aussi de verser des larmes silencieuses. Je les vois qui fusent dans le ciel. Il y en a tellement. Mon regard commence à se voiler. J'ai de plus en plus froid. C'est étrange, mais ma blessure à la patte ne me fait pas mal. Pourtant, je distingue encore le sang qui coule de mon bandage. Caroline... Elle approche sa tête. Ses sanglots sont ponctués de petits hoquets. Je n'ais même plus la force de la rassurée. Je sens le froid de la mort qui m'entoure. Mais elle ne me prendra pas encore. La créature attend. Elle m'a fait la promesse d'attendre. Caroline, dans une explosion de tristesse, enfouie sa tête dans ma fourrure. Caroline... Je suis si triste de te laisser. De vous laisser. Mais il le faut. Mon œuvre ici est achevée. Je dois partir. Mais ce n'est qu'un au revoir.
En bas, caninos et chaglam me regardent. Non, ils m'entrevoient. Leurs yeux sont noyés dans le chagrin. Ils ne veulent pas que je parte. Ils veulent que je reste. Que je survive. Mais j'ai déjà fais mon choix. Le seul qui l'a vraiment compris, c'est luxray. Et pourtant... Même luxray pleur. C'est la première fois... Il n'avait jamais montré ses sentiments avant. Et pourtant se sont bien des larmes qui tombent de ses yeux. De belles larmes de tristesse, aux couleurs argentées. Je me sens mal de les laisser. Mais c'est comme ça. Je sens que le dernier lien qui me retenait à la vie se brise. Les étoiles m'appellent. Caroline... Tu seras toujours là, dans mon cœur. Je ne t'oublierais jamais. Jamais. Dans l'intimité des étoiles, je serrais toujours là. Je ne te laisserais jamais tomber. Je serrais toujours là. Toujours... Toujours... Je veillerais sur toi. Sur vous...
Avec un léger bruissement, la créature ouvrit ses ailes. Elle était noire. Entièrement noire. Elle allait emmener noctali là où elle avait toujours rêvée d'aller : dans l'intimité des étoiles. Elle la prit délicatement. La douceur dont la créature faisait preuve était telle qu'elle ne prit que l'âme. Rien que l'âme. Elle s'envola, son précieux esprit dans les bras. Le corps de noctali, lui, était resté en bas, dans les bras de sa dresseuse, qui sanglotait sur le corps désormais sans vie de son pokémon. Noctali s'élevait encore, et encore. Caroline, elle, reposait sur le sol le corps de sa compagne. Chaglam vint se coucher devant la tête de la défunte, caninos donna un faible coup de museau dans le corps sans vie... C'était fini. Bel et bien fini. La dure vérité s'écroulait sur ce petit monde. Noctali était morte. Définitivement morte. Plus rien ne pourrais la faire revenir. Delcatty s'écroula par terre, le chagrin lui avait coupé les pattes. Mustébouée se serra contre Caroline, qui embrassait pour la dernière fois la tête du pokémon qui l'avait accompagnée partout où elle été allée. Luxray s'assit, la tête baissée, pour que personne ne voie que de tous, c'était lui qui versait les plus grosses larmes... Noctali était partie, elle avait rejoins celles qui lui avaient donné la vie. Désormais, noctali était devenue poussière. Poussière d'étoile...
Loin au-dessus de ce monde de douleur, une petite lumière apparue. Discrète. Elle clignota. Et resta tranquille...