« L'humanité est une entreprise surhumaine »
(Jean Giraudoux)
« En ce temps-là, je vivais dans la lune
Les bonheurs d'ici-bas m'étaient tous défendus
Je semais des violettes et chantais pour des prunes
Et tendais la patte aux chats perdus »
(George Brassens, Putain de toi)- Les bureaux, ici c'est la salle de réunion. Cette porte mène à mon bureau, et là au fond, c'est le bureau réservé au vice-président, mais… il n'y en a pas, alors ça sert de réserve pour cet étage.
Seth acquiesça. Justin regarda le gamin que Roland Smirnoff venait de lui refiler en guise d'intermédiaire.
- … En toute honnêteté je me demande ce que je vais faire de toi…
- Je… peux faire n'importe quoi, tout ce que tu veux… Ranger des papiers, passer le balai, remplacer les ampoules… Trouver un vice-président !
Justin grimaça.
- Jeune homme, où avez-vous vu qu'un employé tutoyait son patron ?!
- Ah faut que je te vouvoie… C'est nul…
- … Je suis bien plus âgé que vous, jeune homme !
- Vous me vouvoyez ? C'est nul ! Je pensais qu'on allait être potes, comme quand j'étais avec Roland Smirnoff…
- Eh bien c'est peut-être le bazar et le libertinage chez Roland Smirnoff mais pas ici chez moi. On se vouvoie, c'est une marque de respect.
Seth plissa les yeux en regardant Justin.
- J'peux pas te vouvoyer, pour moi on est des collaborateurs, j'ai pas été formé à ça…
- … J… Je ne peux décemment pas comprendre cette logique. Je refuse de vous tutoyer.
- Ouais bah je refuse que tu me parles comme si j'avais cinquante balais !
Justin grimaça.
- Si je ne m'abuse, tu vouvoyais Roland Smirnoff !
- Au début quand je le connaissais pas, ouais, mais après je le tutoyais, il y tenait !
- C'est d'une impertinence !
- D'une quoi ?!
Justin grimaça. Seth sembla se rappeler de quelque chose.
- Ah je peux aussi faire ta comptabilité, Pablo m'a appris ! Je suis moins doué que lui pour les maths mais je touche ma bille.
- Nous avons déjà un expert-comptable !
- Oh. Baaaaah… Le balai alors !
- Nous avons déjà des techniciens de surface !
- Des QUOI ?
Justin regarda Seth comme s'il était attardé. L'adolescent ouvrit la porte du bureau de Justin.
- J'vais voir ton bureau et si c'est sale, je nettoie, ok ?
- Mais JAMAIS DE LA VIE !
Seth monta les escaliers, suivi par un Justin énervé.
- Nom de Dieu, monsieur Corrigan…
- HAHAHA ! Monsieur !
Justin grommela. « J'ai l'impression d'avoir adopté un gamin ! »
Justin arriva dans son bureau. Seth l'observa. Bulbizarre descendit des bras de Justin pour aller se placer dans son panier, par réflexe.
- Waaaaaouh… Il est cool ! J'aime bien !
- Seth, ici, tout est organisé, contrôlé et régenté selon des règles précises. Si tu tiens à rester ici, je veux que tu t'y conformes. C'est clair ?
Seth se retourna vers Justin, tout content.
- Tu m'as tutoyé !!
- … quoi ? Non !
- Si si si ! T'as dit « Si tu tiens à rester ici ! »
- … je n'ai pas fait attent…
- Génial ! Bon… Tu as un secrétaire ? Je pourrais être ton secrétaire, ce serait cool !
Justin regarda Seth Corrigan, dix-sept ans, qui se faisait une joie d'être le secrétaire de son premier patron, Justin Truce, premier patron qui était aussi directement tutoyé par son employé.***
Justin Truce ouvrit les yeux. Il regarda à ses côtés. Seth Corrigan semblait dormir paisiblement. Mais il ouvrit un œil. Justin grommela.
- Chaque matin j'essaie comme je peux de ne pas te réveiller, et tu as le sommeil tellement léger…
- C'est qu'il faut bien quelqu'un pour préparer ton petit déjeuner… souffla Seth en souriant.
- Bah voyons, comme si j'étais incapable de le préparer moi-même.
- C'est pas ça…
Seth se leva avec pour seul vêtement un boxer. Il se dirigeait vers son peignoir.
- C'est juste que j'adore te le préparer !
- Moui, tout ça pour obtenir mes faveurs plus tard… Tssss !
- Quoi ? J'ai déjà eu des faveurs supplémentaires à cause de ma cuisine géniale ?
- Pourquoi crois-tu que je t'ai autorisé à vivre avec moi ? sourit Justin.
Seth sourit à son tour en enfilant ses pantoufles.
- Parce que… tu étais tout seul dans ta forteresse de solitude !
- Heeeeey ! sourit Justin, faussement agacé.
- Très, très seul… Vraiment, vraiment très, très seul !
Justin attrapa un oreiller et le balança sur Seth qui le rattrapa et le renvoya à Justin. Le chef d'entreprise grommela et allait se lever mais Seth s'était avancé et lui caressa une joue avec affection.
- Disons que j'aime porter secours aux gens trop seuls.
Justin sourit et accepta le baiser de son compagnon. Il fut néanmoins obligé de le faire cesser prématurément.
- Une dure journée nous attend, pas de polissonneries.
- Oh mais pardon ! Pour quand programme-t-on le prochain câlin, patron ?
- Pfffffff ! sourit Justin en se levant.
- Mardi en huit, parfait, je note ça dans mon agenda !
Justin secoua la tête en souriant.
- Tu es vraiment du matin…
- Une autre bonne raison pour laquelle je me lève tôt et je vais te préparer ton déjeuner ! Parce que je suis toujours d'attaque !
- Si seulement il pouvait y avoir un bouton stop… sourit Justin.
- Tu parles, tu serais le premier à dire que c'est trop calme !
- C'est vrai. Mais au moins je réécouterai avec d'autant plus de plaisir mes vieux CD.
- Oh oui tes vieux CD parce que tu es très vieux !
- Gnnn ! grommela faussement Justin.
Seth sourit et ouvrit la porte de la chambre.
- Hop, direction les fourneaux pour te faire tes pancakes au sirop d'érable !
- Tu te rends compte que je pourrais faire appel à un traiteur…
- Oui et ils seraient infiniment moins bons ! sourit Seth.
Seth ferma la porte. Justin soupira en se recoiffant. Il regarda autour de lui et estima sa chance.
***
Les deux hommes prenaient leur petit déjeuner sur le canapé, devant les informations, comme pour ainsi dire chaque matin. Bulbizarre mangeait paisiblement aux côtés de son maître, accompagné depuis peu par Grenousse.
- Si ça pouvait toujours être comme ça… souffla Seth.
- Hm. Je dois avouer que… notre vie n'a rien de désagréable.
- A propos de désagréable, quel est le programme du jour ?
Justin inspira.
- Alors… Nous avons la réunion générale avec le personnel.
- D'accord.
- J'y ai prévu entre autres la restructuration partielle des divisions.
- Roland n'a rien prévu avant l'an prochain. C'est là que ça va vraiment bouger.
- Je sais. C'est en prévision.
- Tu comptes remonter les bretelles de la vieille bique, rassure-moi ?
Justin inspira.
- C'est cotonneux, Seth…
- Je sais mais quand même, elle dispute ton autorité et la mienne, tu devrais la mater et sévèrement !
- Qu'est-ce que je t'ai dit avec les tentatives d'influencer mon jugement ?
- De ne pas tenter d'influencer ton jugement.
- Depuis quand tu n'as pas envoyé de rapport à Smirnoff ?
Seth se mordilla les lèvres.
- Depuis… au moins novembre.
- C'est ton choix.
- Je sais que tu t'en fiches, mais sache que je ne fais rien contre toi, ou qui puisse te nuire, ou…
- J'ai dit que c'était ton choix, je sais ce que tu dois à cet homme, et je comprends tes raisons.
Seth se mordilla les lèvres.
- Tu sais que je t'aime de tout mon cœur au moins ?
Justin regarda Seth, étonné.
- Evidemment, Seth, ça ne souffre d'aucune discussion ! J'ai pu avoir des doutes au départ étant donné ta… position sur l'échiquier, mais au fil du temps… s'il y a bien quelque chose dont je ne doute absolument pas, ce sont bien tes sentiments.
Seth sourit.
- Je me sens tellement fier d'être le seul à pouvoir entendre ces mots-là !
- Si jamais tu m'enregistres, je te tue !
- Je sais ! sourit Seth. Pourtant ça vaudrait de l'or !
Justin sourit.
- L'après-midi, je m'entrainerais un peu.
- Toujours du mal à maîtriser Monorpale ?
- Hm. Les expériences de Fiodor ont un effet assez terrible. D'après lui, je vais devoir atteindre le niveau que Roland a atteint pendant son combat contre Julius Kent…
Seth souffla, pas rassuré.
- C'est chaud, mon vieux.
- Ne m'appelle pas ton vieux ! grommela Justin.
- On en rediscute tout à l'heure sous la douche, hm ?
Justin leva les yeux au ciel.
- Je rêve !
- Eh bah non… sourit Seth.
- Ta capacité à esquiver les conflits est…
- Perverse ? Redoutable ? Admirable ?
- Affligeante ! grommela Justin.
- Je sais, mon second prénom est « Affligeant » !
- Tchhhh… Ces pancakes sont affreux, par ailleurs !
- Vous mentez, Justin Truce, vous les savourez ! sourit Seth.
- Je fais juste semblant parce que tu y mets beaucoup d'efforts !
- C'est ça…
***
La douche de Justin Truce était une grande cabine contenant deux pommes de douche.
- Maintenant que j'y pense…
- Maintenant que tu y penses ?...
Seth plissa les yeux, nu et en train de se frictionner avec énergie.
- Cette maison, c'est la maison familiale, on est bien d'accord ?
- Hm…
- Et tu n'as pas fait de grands travaux.
- Hormis les réfections d'usage, non…
- Et il y a quand même une douche pour deux.
- Eh bien oui… c'est ainsi que ça a toujours été !
- C'est sacrément pervers, ça, quand même !
Justin sourit tout en se lavant.
- Eh bien quoi, le vicieux filou Seth Corrigan ne supporte pas l'idée que les nobles aussi aient d'étranges lubies ?
- Oh mais crois-moi j'en ai vu de l'étrange lubie de noble ces dernières années !
Justin serra les dents et frappa Seth derrière la tête.
- Aow !
Seth frappa Justin au bras.
- Eh !
- T'as commencé !
Justin allait pour frapper Seth mais ce dernier se défendit. Les deux hommes se regardèrent, nus, humides et souriants. Justin détourna le regard, gêné. Seth sourit.
- Tiens, tu refais comme au début.
- Comme au début ?
- Tes petits airs embarrassés.
Justin plissa les yeux.
- Rien contre toi.
- Je sais.
- Parfois, je me remémore que… J'aurais pu échapper à cette vie-là. J'aurais pu… rester dans mon cloître et ne pas goûter à tout ce bonheur… Sache que, malgré ce que je peux… montrer, j'en apprécie chaque seconde.
Seth sourit, se dirigea vers Justin et le serra dans ses bras.
- Je sais. Tu ne veux pas le montrer mais moi, je sais.
Justin resserra son étreinte sur Seth.
***
Le verre de scotch était relié à la main par des doigts crispés. Le canapé était luxueux et confortable, deux qualités qui généralement n'allaient pas de pair. L'homme regarda la pièce autour de lui. Sombre, morose. Il inspira et reprit quelques gorgées de scotch. Voyant que le verre se vidait petit à petit, il le remplit de nouveau. Comme pour qu'il le reste toujours.
C'était une des bouteilles de scotch de la cave. Soixante ans d'âge. La cave à vin des Truce valait bien des milliards. Chaque année, le même jour voire la même semaine, Justin Truce, le dernier de cette lignée – assurément le dernier car il lui semblait très improbable à lui-même qu'il ait un jour des enfants – piochait dans cette cave à cent milliards de Pokédollars et buvait, buvait, buvait. Il n'attendait personne, il n'avait personne, il n'espérait personne. C'était l'histoire d'un trentenaire esseulé qui cuvait son malheur et son amertume des jours passés, plongé dans le noir comme pour expier toute la morosité.
Sauf que non. La sonnette retentit. Justin Truce releva la tête comme pris par surprise. Il y avait un portail. Un mur d'enceinte. Il fallait taper un code ne serait-ce que pour pouvoir sonner à ce portail. Et la sonnette de la maison était inusitée depuis l'installation de ce système précis.
Justin décida au départ de ne pas répondre, mais la sonnette se fit insistante. Et il devait bien l'avouer, il se demandait furieusement qui cela pouvait bien être.
Maladroitement, l'alcool n'aidant pas, il se déplaça jusqu'à la porte. Malheureusement il n'avait pas de judas lui permettant de voir de qui il s'agissait.
Là, sur le seuil, se trouvait Seth Corrigan. Statut dans l'entourage de Justin Truce : Stagiaire, du moins c'est ce qu'indiquait son contrat de travail. Imposé par Roland Smirnoff, son ennemi juré, afin de faciliter les interactions entre les deux groupes. Il officiait plus ou moins comme secrétaire mais ne rechignait pas à effectuer les tâches les plus subalternes, une volonté de bien faire qui avait achevé de contenter Truce à son sujet.
- Par l'enfer, Seth…
La voix aux accents précieux de Justin Truce s'était transformée en aboiement grotesque.
Seth leva un paquet.
- Bon anniversaire, Justin…
Justin grimaça.
- Je te demande pardon ?!
- Tu m'as chargé du reclassement des dossiers dans la réserve, ce afin de créer à terme des archives organisées, et j'ai vu que c'était aujourd'hui, ton anniversaire, le 30 mai…
Justin plissa les yeux comme si Seth lui parlait de déjections animales.
- J… M… Seth, je ne fête pas mon anniversaire, je ne sais plus quel âge tu as exactement, mais je ne le fête plus depuis…
Justin chercha et agita une main lasse.
- … ma naissance. J'ignore comment tu es entré…
- Guériaigle. Passé au-dessus du mur.
Justin sembla outré.
- C'est une intrusion illégale sur ma propriété…
- Je pensais que tu viendrais au bureau mais ça fait bien une semaine qu'on ne t'y a pas vu… et je dois avouer que sans toi pour me donner des directives, je n'ai plus grand-chose à faire.
- Quoi, tu as fini de ranger les dossiers ?
- Oui ! Monsieur Kingsley est prévenu, il va recruter quelqu'un pour s'occuper des archives !
Justin acquiesça.
- C'est du bon travail, monsieur Corrigan. Au revoir…
- Attends… Tu es tout seul ?
Justin soupira.
- Non. Mon immense famille est là, en train de danser dans le salon sur… sur ce bruit répugnant que vous appelez musique, vous, les jeunes plébéiens en manque de sensations fortes ! Va donc rejoindre la tienne, de famille, c'est un jour de fête, youpi…
Justin manqua de s'effondrer, ce qui acheva de convaincre Seth d'entrer pour le relever.
- Justin, mais enfin !
- Laisse-moi…
Seth secoua la tête et conduisit Justin jusqu'à son canapé. Il remarqua la bouteille et le service sorti pour la consommer. Justin avait pour ainsi dire perdu connaissance. Il l'allongea sur le canapé et s'occupa de l'alcool.
- Zzzz… Papa… crétin…
Seth haussa un sourcil et tenta de reboucher la bouteille de scotch sans pour autant y parvenir. Elevé à l'école Roland Smirnoff et pas très au fait de la valeur des spiritueux, il balança le scotch dans l'évier de la cuisine. Il observa la cuisine ainsi que Justin qui dormait comme un parvenu.
***
Justin se réveilla vers 18 heures après quatre heures d'ébriété. Il regarda Seth, sur un fauteuil, qui regardait la télévision.
- … Il ne faut surtout pas te gêner…
- Ah, enfin ! Je t'ai fait à manger !
Justin s'étonna. C'étaient là des mots qu'il n'avait pas entendu depuis des lustres. Il regarda sur la table. Pancakes au sirop d'érable.
- Il y a encore du sirop, si tu veux en mettre plus, du sucre et j'ai trouvé du coulis de cerise mais… ça s'annonce assez peu ragoutant !
Justin saisit sa tête, endolori.
- Où as-tu mis le scotch ?
- Dans l'évier, j'arrivais pas à le reboucher.
Justin écarquilla les yeux.
- Tu as mis un scotch de 60 ans à l'évier ???
- C'est grave ?!
- Cette bouteille vaut des millions !!
Seth haussa les épaules.
- Je préfère encore qu'elle aille à l'évier plutôt que vous la vidiez vous-même.
- … Non mais je rêve, voilà que j'ai une nounou !
- C'est tellement triste que vous soyez tout seul chez vous à boire le jour de votre anniversaire !
- Je ne sais même pas c'est quand, votre anniversaire à vous !
- 31 octobre.
- … hmph…
- Ouvrez votre cadeau !
Justin regarda le paquet. Il regarda Seth ensuite.
- J'ai VRAIMENT passé l'âge.
- S'il te plait !
- Ecoute, Seth, j'ai beaucoup de sympathie pour toi parce que tu es jeune, dans une situation inconfortable et tellement jovial que ça semble difficile de ne pas s'attacher à toi…
- Merci !
- … mais ce n'est vraiment pas le jour !
- Mange au moins les pancakes !
- … Je n'ai pas faim. Je voudrais juste être seul.
- Non.
- … Je suis chez moi, pas toi, alors pars, s'il te plait !
Seth plissa les yeux.
- Comme ça tu pourras recommencer à boire ?
Justin soupira.
- Cela me regarde. Je n'ai que faire de tes… tentatives de me proposer une fête d'anniversaire... J'ai trente-deux ans, pas quatorze !
- J'en ai dix-sept, ça fait… qu'on a 24 ans et demi à nous deux !
Justin soupira et secoua la tête.
- Laisse-moi.
- Non. Tu es mon patron, il est hors de question que je te laisse comme ça.
- Tu prends des libertés inadmissibles pour un employé, tu foules au pied le lien de subordination, c'est…
- On n'est pas au bureau !
Justin plissa les yeux. Logique implacable.
- Tu ne t'es rien fait à manger ! Je ne vais pas manger seul !
- Je me suis déjà fait un sandwich. Tu veux que je change de chaîne ?
Justin plissa les yeux. Il avait mis la chaîne documentaire.
- … Tu es sérieusement en train de regarder ça ?
- J'ai pris l'habitude à New York. C'est Roland qui voulait que je la regarde. Comme j'ai vécu une grande partie de ma vie dans la rue, je manquais de culture globale sur les Pokémon et c'est comme ça que je l'ai acquise.
Justin s'étonna. Seth affichait un sourire assuré, et il se tourna vers la télévision.
- Vas-y, je ne te regarde pas !
Justin plissa les yeux. Il prit l'assiette et la cuiller, et puis il commença à manger.***
Sortie de la voiture sur le parking. Les deux hommes sortent, habillés, propres, bien vêtus. Justin tenait Bulbizarre dans ses bras. Seth semblait dépité.
- Qu'est-ce qui t'arrive ? marmonna Justin.
Seth souffla.
- Rien. Je crois que je déteste ces moments… Quand on monte cet ascenseur, et que tu perds ton beau sourire pour devenir… cet homme glacial…
Justin inspira.
- Je sais. Mais c'est le métier qui veut ça.
- Des fois j'aimerais qu'on arrête de bosser, qu'on embarque le capital de l'entreprise et qu'on aille se la couler douce aux Bahamas !
Justin sourit.
- C'est… malheureusement impossible.
- Je sais. Mais ça serait bien.
- Parfois je me demande si tu n'as pas dans l'idée de saboter tous nos plans pour réaliser cet objectif malsain !
- Malsain ? Qu'y-a-t-il de malsain dans le fait de vouloir passer le restant de ses jours au soleil avec son homme ?
Justin baissa la tête, gêné, alors que l'ascenseur du parking montait vers leur étage.
- Quoi ? C'est la formulation qui te dérange ? Plus on monte les étages, plus tu travailles ta façade d'hétéro bourge coincé ?
Justin ne regarda même pas Seth qui soupira et croisa les bras. L'ascenseur s'arrêta et laissa entrer du personnel.
- Bonjour monsieur le président, monsieur le vice-président…
- Messieurs-dames…
- Bonjour… marmonna Seth.
L'ascenseur franchit plusieurs étages de cette façon jusqu'à l'étage des bureaux. Seth et Justin se dirigèrent vers la salle de réunion du personnel. Personne n'était encore là. Justin alla en bout de table et posa Bulbizarre sur un coussin prévu à cet effet.
- Tu as l'ordre du jour ? demanda Seth.
- Oui oui.
- Vérifie tes mémo au cas où.
- Maintenant tu comprends pourquoi je n'ai pas besoin de secrétaire.
Seth sourit.
- Mais tu as besoin des Bahamas !
- Arrête avec ça !
Justin avait dit ça d'une voix autoritaire. Seth hocha la tête et reprit son sérieux.
- Tu as… travaillé sur ce que je t'ai transmis il y a quelques semaines ?
- Une équipe s'est penché dessus, je vais en parler… Je vais dans mon bureau un moment.
- Oui…
Justin reprit Bulbizarre et partit. Seth s'assit et regarda la vue depuis la baie vitrée. Volucité était vraiment une ville affreuse. Seth regarda son bloc-notes et griffonna deux silhouettes se tenant la main sous une arche. Il sembla regretter l'impossibilité de cette vision et inspira. Arriva alors Teresa Torres, suivie par Tara Yokas, Fiodor Wick et Jerry Callum.
- Monsieur Corrigan… marmonna la vieille.
- Teresa… Mademoiselle Yokas, monsieur Wick… Jerry…
La petite troupe salua le vice-président qui se recentra sur Teresa.
- C'était bien, la garde à vue ?
Teresa inspira.
- Quand on se contente de rester le cul dans son bureau sans expérimenter les risques du terrain, je suppose qu'on peut se permettre de juger sévèrement la prise de risque des autres.
- Prise de risque ou… folie totale qui aurait pu tous nous mener droit dans le mur ?
- Au moins nous avons des données fraîches !
- La seule chose qui se doit de rester fraîche, madame Torres, c'est la salade !
- Je me moque de vos compétences culinaires, monsieur Corrigan, si elles plaisent autour de vous, très bien, mais je n'en ai cure !
Justin revint dans la salle et constata l'arrivée de Teresa et son groupe. Il alla serrer les mains des collaborateurs. Il se plaça et regarda Teresa.
- Vous vous doutez qu'on va parler de vous…
- J'assume l'entière portée de mon geste !
- J'en doute fort. Que vous estimiez la portée de votre geste, s'entend. La caution que j'ai dû payer sera retenue sur votre salaire, s'entend bien.
- Hm… Hm-hmmm… grommela Teresa.
- Néanmoins vous avez récupéré des informations cruciales et je vous en remercie. En ne vous demandant de ne rembourser que la moitié.
- Je vous remercie de votre clémence, monsieur Truce !
Teresa regarda Seth avec un sourire taquin. Seth plissa les yeux. « C'est ça, fais la maligne, j'aurais dû le filmer quand il a appris ce que tu avais fait, tu en aurais pissé dans ton froc de peur, vieille pute… »
Hinton Cheadle arriva dans un costume surmontant une chemise très colorée, sa marque de fabrique.
- Monsieur Corrigan !
- Hinton ! Vous avez bonne mine !
- Raciste va ! sourit Hinton. Justin !
Seth sourit. « Heureusement, y'a des collègues sympa ! »
- Hinton, merci pour votre aide sur la liste !
- De rien, de rien. On va en discuter.
Ses proches arrivèrent. D'abord une femme de ménage assez grosse avec son maquillage de quinquagénaire et ses cheveux blonds-blancs. Le cuisinier qui était à l'avenant, une sorte de Gordon Ramsay avec dix ans, vingt kilos et trois grammes d'alcool dans le sang de plus. Un asiatique en bleu de travail qui salua tout le monde et que Seth appréciait pour son professionnalisme. Enfin, la grande Loretta Gold, qui contrairement aux autres sous-fifres, s'assit dans une chaise. C'était une grande femme aux cheveux châtains qui paradait dans une robe échancrée noire. Elle entra suivie de son Pokémon fétiche, un Zoroark.
- Madame Gold, c'est un plaisir de vous avoir avec nous… marmonna Justin, étonné par sa présence, parlant avec la gêne d'un courtisan s'adressant à sa reine.
- Je voulais voir comment se présentait l'entreprise que je finance en partie ! Vos locaux sont splendides !
- Ravi de vous l'entendre dire !
Seth soupira, la femme étant quelque peu lourdingue, au point qu'elle lui avait même fait du rentre-dedans plusieurs fois.
- Et voici le mignon petit Seth Corrigan ! Quel amour, on en mangerait !
Seth se contenta de saluer la femme du bout des doigts.
Arriva ensuite Randy Stallbo, le grand militaire. T-shirt noir, pantalon de camouflage. Justin et Seth s'étaient longtemps frités quand Seth avait su que Justin et Randy avaient passé plusieurs mois ensemble à l'occasion de la guerre. Seth était persuadé qu'il y avait une histoire entre les deux, mais Justin avait toujours nié, prétextant que Hinton était avec eux de toute façon.
- Randy, bonjour !
- Monsieur Truce, toujours à votre service !
Seth s'efforça d'effacer de sa tête ces images de sodomie brutale dans les bois.
- Monsieur Corrigan…
- Bonjour Randy… marmonna Seth en serrant rapidement la main de l'homme.
Randy s'assit non loin de Seth ce qui ne contribua pas à le calmer.
- Vos mercenaires…
- Revenus de mission, en retard, ne les attendez pas.
- D'accord. On n'attend plus que…
- HEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEY !
La salle entière se retourna vers une jeune femme en débardeur et short verts fluo. Elle portait des couettes blondes et semblait à la fois jeune et enthousiaste.
- … Shirley.
- BONJOUR PATRON !
- … Shirley, il est à peine neuf heures, s'il vous plait…
- Pardon monsieur Truce ! C'est juste que c'est ma première réunion avec vous, je suis tellement super contente !!!
- J'en suis ravi pour vous. Pour ceux qui ne la connaîtraient pas encore, Shirley B. est la remplaçante de Duncan Kingsley, et elle a tenu à prendre une part active dans la division 4.
Les autres cadres acquiescèrent. Seth plissa les yeux. « Justin a vraiment pété un plomb le jour où il l'a engagée, celle-là… »
Il regarda vers Teresa du coin de l'œil. « Quelque chose me dit cependant qu'il n'est pas le seul fautif… »
Arrivèrent également un petit monsieur avec des lunettes noires, un grand type avec de faux airs d'Edgar Allan Poe et deux étudiants de l'aile réservée aux jeunes volontaires.
- Bien. Tout le monde est là, nous commençons donc… Premier point de discussion : Teresa Torres.
Justin regarda la stratège slash secrétaire d'accueil slash co-recruteuse slash vieille bique.
- Comme ça on expédie, hein.
- Hm.
- Bon. Teresa avait pour mission de récolter de nouvelles données, et de le faire en toute discrétion, ce qui vraisemblablement n'a pas été le cas… Par chance, grâce à mes lois rétablissant l'extrême discrétion voire l'étouffement au sujet des affaires liées au cadre scolaire, cela n'a eu que très peu d'échos médiatiques… Je ne suis pas très fier…
Seth agita la tête. « Ah ça non, tu la traitais de « Vieille folle d'emmerdeuse » et de « ramassis de fiente tout juste bonne pour farcir des burritos », alors bon… »
- … mais le résultat est plus que satisfaisant… vous avez même réussi à récupérer les stats des deux élèves les plus dangereux… c'est du bon travail.
- Merci monsieur Truce !
Teresa regarda Seth, toute contente.
- Recommencez-moi encore un coup comme ça et je vous atomise. Et vous savez que je peux le faire. Vous plus que personne d'autre ici.
Teresa blêmit. Seth lui rendit son sourire. Hinton et Randy frissonnèrent.
- Second point de discussion… Le reclassement du personnel… Alors… Teresa, vous avez fait le souhait de garder la même équipe.
- Oui.
- Même monsieur Callum ?
Rires dans l'assistance. Jerry grommela.
- Je suis pas nul !
- C'était une boutade, monsieur Callum. Hinton, de même ?
- Tout à fait.
- Bibi Fricotine, Tiburce More, Yoshida Aoto et Loretta Gold.
- Hm.
- Mademoiselle Gold, toujours aucun problème à être simple cadre subordonné ?
- Aucun ! sourit la femme en caressant Zoroark auprès d'elle.
- Randy…
Randy soupira.
- Je suppose que j'aurais dû faire une demande…
- Je suis désolé que ça tombe sur vous, mais en effet c'est vous qui écopez de notre étudiant le plus doué et le plus dévoué. Jake, si tu veux bien te lever.
Le jeune homme se leva. C'était un jeune homme d'environ dix-sept ans, roux, chétif mais visiblement plein de bonne volonté.
- Monsieur Truce, merci de m'avoir permis de rejoindre vos rangs, je ne faillirai pas !
- Randy, je suis désolé, mais au moins ça vous fera quelqu'un à plein temps ici !
- Certes… grommela Randy.
- J'espère que je ne dérange pas… geignit Jake.
- Non… souffla Randy.
- Bon. Enfin la division 4 sera dirigée par Shirley B.
- OUAIIIIIIIIIIIIIIS !
Les autres regardèrent la blondasse qui regarda ses collaborateurs.
- Oh allez quoi, un peu d'enthousiasme ! SUPER !
- … qui aura sous sa supervision monsieur Gatsby Rover…
Le reste de la salle se glaça d'effroi. L'homme d'une petite cinquantaine d'années aux lunettes noires ricana.
- Grandiose ! Grandiose !
- Je me demandais presque ce qu'il fichait là… marmonna Teresa.
- C'est… bien qu'on ait réussi à le caser quelque part… souffla Hinton.
- Bien content de pas en hériter… souffla Randy.
Shirley s'étonna.
- Quoi ? Quoi, qu'est-ce qu'il y a ?! Pourquoi tout le monde a l'air bizarre ?
- Monsieur Rover, j'espère que vous apprécierez cette… promotion qui, d'après ce qu'on m'en a dit, est… méritée ? souffla Justin.
Gatsby hocha la tête.
- Je vous rassure, jeune Shirley, marmonna la voix chevrotante et nasillarde, je ne m'intéresse pas aux belles plantes de votre espèce…
- Monsieur Rover est notre jardinier officiel, il est chargé de toutes les plantes de l'établissement ainsi que de la serre qui entoure les salles d'entrainement.
Shirley acquiesça.
- Voyez-vous, quand je regarde ma délicate Héliatronc, je me dis qu'il n'y a rien de plus mignon, de plus sensuel, de plus érotique que la vision d'une fleur dont les pétales s'ouvrent l'un après l'autre dans un mouvement aussi naturel que délicat…
Teresa manqua de vomir. Hinton serra les dents. Seth fit signe à Justin de couper la parole à ce truc et de passer à autre chose. Randy lui-même était très embarrassé.
- Ahem… Je crois que tout le monde a compris…
- MAIS C'EST GENIAL ! J'adore les plantes moi aussi !! sourit Shirley. On va trop bien s'entendre, ça va être trop cool !
Justin regarda Seth qui simula la prise d'une cigarette qui fait rire. Justin secoua la tête et revint au sujet.
- Vous aurez également sous votre charge monsieur Orlando.
L'espèce de sosie d'Edgar Poe leva la main.
- Qui officiait auparavant aux archives.
- MAIS C'EST SUPER ! J'adore les bouquins !! Comment qu'on va trop s'éclater !
L'homme ne daigna pas répondre.
- Et je suppose que Viv…
- Tournez la page.
Justin regarda Seth, étonné.
- … quoi, tu as fait une demande ?
- Oui.
Justin s'étonna.
- En cinq ans à la tête de ta division, tu n'as fait aucune demande de nouvel employé à ta charge !
- Les choses changent.
- … tu aurais pu m'en parler !
- Vous n'êtes pas censé me vouvoyer devant les employés, monsieur Truce ?
Sourires voire rictus dans l'assemblée. Shirley semblait paumée.
- J'comprends pas. J'COMPRENDS PAS !
- Bon eh bien il semble que… pour la première fois je vais voir un des divisionnaires de Seth. Bienvenu dans la cinquième division, Vivien Atkins !
Le jeune Vivien acquiesça. Justin s'étonna et se pencha vers Seth.
- C'est bien le jeunot qui…
- Oui.
- … avec une arme à feu…
- Exact.
- … et tu le prends avec toi ?
- Oui.
- … tu es sûr de ton coup ?
- Oui.
Justin inspira.
- Et sinon, tu gardes la même équipe à savoir Jim Patterson et Layton Reinhold ?
- Oui.
Teresa soupira.
- Deux fantômes… Tout ça pour avoir deux salaires supplémentaires…
- Quoi, vous avez cherché sur Google et vous n'avez pas trouvé leurs noms ? Mince alors ! soupira Seth. Je suis désolé que vos méthodes de recherche ne soient plus aussi concluantes qu'avant…
Justin soupira.
- Si tu veux bien cesser ça, s'il te plait, Seth.
- Pardon, monsieur le président.
- Boooon… Teresa, Seth a pris la division des agents de terrain, c'est son domaine, il a toute ma confiance.
- Et pas que ça visib…
Justin tapa du poing sur la table en regardant la petite dame qui tressaillit et reprit son calme. Le reste de la tablée sut tout de suite à quoi s'en tenir. Même Seth avait perdu ses petits airs moqueurs.
- Que vous ai-je dit à l'instant, madame Torres ?
Teresa ne daigna pas répondre. Justin reprit son calme. Bulbizarre n'avait pas moufté.
- Bon. La répartition est ainsi close. Nous n'en changerons pas jusqu'au prochain plan d'action, si tant est qu'il y en ait un… On passe au troisième point de discussion…
Les quatre mercenaires de Randy entrèrent dans la salle.
- Messieurs-dames ! salua Justin.
Les quatre saluèrent Justin Truce à leur tour. Une jeune femme aux longs cheveux roux, un type au crâne rasé, un gars glauque avec de longs cheveux noirs et un type portant un pantalon moulant noir et un pull en laine blanche.
- Bon… Troisième point de discussion, la liste.
Les quatre mercenaires saluèrent leur patron et se positionnèrent debout derrière lui.
- Seth nous a transmis une liste de trente… pseudonymes, visiblement utilisés comme noms de codes…
Seth sortit le projecteur. Justin abaissa la toile, et Vivien éteignit la lumière sur ordre de Seth.
Rainbow Dash
Hodor
Meg
Spencer
Hibbert
Broflovski
Trelawney
Karénine
Playmobil
Beth
Starbuck
Debbie Harry
Seita
Mother Brain
Spirou
Salad Fingers
Sansa
Ralph
Ana-Lucia
Murphy
Sam
Cersei
Morgendorfer
Amy
Mary-Kate
Ashley
Queenie
Raiponce
Frodon
JoLe reste de l'assemblée était quelque peu désarçonné.
- Noms de codes…
- En fait, certains ont été utilisés dans certaines conversations téléphoniques interceptées entre Roland Smirnoff et certains de ses collaborateurs. Vu leur nombre, ils sont très certainement utilisés pour désigner les vingt-huit élèves de la seconde année une, celle qui a causé tant de soucis à madame Torres…
Teresa leva les yeux au ciel.
- Seth, le rapport des experts…
- De suite… Hm… Déjà, comme vous l'aviez remarqué dès votre première lecture, les noms de code « Beth, Meg, Jo et Amy » sont liés…
- Remercions ma mère de m'avoir fait lire les Quatre Filles du Docteur March…
- … et pourraient désigner le groupe de travail en question.
Justin acquiesça.
- Cependant ils sont rarement cités dans les messages interceptés.
- Pas étonnant…
- D'autres noms sont liés à la culture populaire… donc plus difficiles à discerner… Par exemple, Broflovski, avec une simple recherche Internet, a pu être remarqué comme étant le nom de famille du personnage juif de South Park…
- Et ça désignerait donc un élève juif ?!
Seth acquiesça.
- Ce serait donc facile à recouper… admit Justin.
- Frodon et Sam sont deux personnages du seigneur des anneaux et correspondraient donc à un duo… On a repéré trois personnages de Game of Thrones : Cersei, Sansa et Hodor !
- … Qui désigneraient ?
- Eh bien… on avait pensé d'abord à deux filles et un garçon dans la classe, mais là encore…
Justin soupira.
- Qu'essayez-vous de dire en clair, Seth ?
- Eh bien qu'on a plein de données sur les élèves mais… ces surnoms semblent être basés sur des traits de leur personnalité, et donc il nous est… impossible de décoder clairement les messages, puisque…
Justin inspira.
- Le fieffé salopard…
- … nous ne connaissons pas dans les détails les personnalités des élèves… encore moins tous leurs noms par cœur… admit Seth.
- Alors que lui a accès à leurs dossiers personnels… grommela Justin.
- Nous pensons que Karénine désigne la petite russe, mais ça, c'est… facile à deviner…Hmmmm… Nous ignorons qui peut être désigné par « Starbuck »…
- Du café ?! s'étonna Teresa.
- L'un des élèves est fan de café ? ricana Hinton.
- Il aurait écrit « Starbucks », pas « Starbuck », ça désigne autre chose… songea Seth.
- « Spencer »… la princesse Diana ? songea Justin.
- « Playmobil » n'est pas mieux… ni plus instructif… songea Seth.
- Idem, « Rainbow Dash »…
- MOI JE SAIS ! MOI JE SAIS !
Justin et Seth se tournèrent vers Shirley.
- C'est un PONEY !
- … un poney ?! s'étonna Justin.
- Oui, c'est le poney super rapide dans My Little Pony !! Elle a une belle crinière arc-en-ciel !
- Ca n'aide pas, nous n'avons pas de détail sur la personnalité des élèves. Et puis de toute façon, nous ne ferions que perdre du temps à essayer de déchiffrer ce code. C'est ce que Roland Smirnoff attend de nous, que nous tergiversions, que nous prenions du temps sur ses petites affaires ridicules. Passons au point quatre, justement…
Teresa et Hinton sortirent des dossiers.
- Les mouvements de Roland Smirnoff et ses alliés… En vertu d'un certain pacte que je maudis encore, je n'ai pas le droit de m'en prendre à sa famille…
Seth acquiesça.
- … cependant, toujours aucune trace de Trafalgar ou des Heine ?
- La traque se poursuit, pourtant… marmonna Teresa.
- Aucun signe de vie, administrativement ils semblent être toujours à Poképolis puisqu'aucun visa n'a été porté au vu de la compagnie aérienne…
Justin grommela.
- C'est insensé, comment Roland a pu les cacher aussi attentivement !
Justin regarda Seth qui haussa les épaules.
- Je n'ai jamais eu la moindre information à ce sujet, je vous ai rejoints bien trop tôt dans le programme, il a su les éloigner à temps et sans m'en faire part. C'est de la très, très haute sécurité.
- Ce seraient des instruments de négociation non négligeables… et Roland Smirnoff y réfléchirait à plus d'une fois avant de se représenter pour la prochaine élection… Même si ça reste la chance la plus probable de le voir réapparaître. A-t-on une idée de ses plans d'ailleurs ?
Hinton secoua la tête.
- Aucune ! C'est comme s'il s'en fichait. Les prévisions les plus plausibles donnent Montes ou Rhodes qui se présenteraient…
- Improbable. Smirnoff ne laisserait pas tout entre les mains d'un détraqué et d'une garce…
- Il l'a bien fait pendant trois ans…
Justin regarda Seth qui sourit, gêné.
- Je veux juste dire… qu'il ne faut négliger aucune piste ! Ça reste possible !
- Hm. Cela n'empêche que cette association est mienne, qu'il le veuille ou non. Dire que j'ai eu deux occasions…
- Il faut dire qu'il a fait fort en appliquant la loi à la lettre… marmonna Teresa.
- Certes, mais la prochaine fois, il n'aura pas le choix. Bien… Dernier point de discussion… les plans d'attaque… Je m'adresse plus particulièrement aux mercenaires de Randy.
Les quatre hochèrent la tête.
- Mademoiselle Nicole Dance… Les attaques aériennes, c'est ça ?
- Oui monsieur.
- Monsieur Kidd Rogue…
Le gars au crâne rasé acquiesça. Justin regarda la feuille.
- C'est intéressant. Très intéressant.
- Merci monsieur.
- Monsieur… Forrest Wald… ça marche vraiment ce truc ?
- Avant les expériences de monsieur Wick, cela marchait assez bien pour environ 50 individus. A présent, je pense qu'on peut arriver à environ… 300-400 individus facile.
Justin hocha la tête, impressionné.
- Jeune homme, vous venez de me clouer le bec, peu de personnes peuvent s'en prévaloir ! Et enfin Arturo Cloyd…
Le type au pull blanc leva la tête.
- Sympa… sur le papier ça a l'air bizarre mais je suppose que c'est intéressant… Je passe la parole à monsieur Wick…
Le scientifique acquiesça.
- Je suis disposé à fournir des Méga-Gemmes à qui en fera la demande tout en ayant évidemment un Pokémon éligible. De plus, sachez que tous vos Pokémon sans exception pourront faire l'objet d'un traitement à base de mes expériences, ce afin d'augmenter drastiquement sa puissance et ses capacités.
- Voilà qui est dit… et c'était le dernier point. Merci à tous d'avoir donné un peu de votre temps ici !
Les employés se dispersèrent. Justin approcha de Seth qui leva les mains.
- Je sais, désolé d'avoir discuté ton autorité…
- Tu vas travailler avec ce gosse ?
- Oui, c'est la meilleure solution, tu ne vas pas le renvoyer dans son foyer, ce serait une mauvaise solution !
- Si tu es sûr de toi…
- Je suis sûr de moi.
- Bon. Je serais aux contrats pour le reste de la matinée et à l'entrainement cet après-midi. Japonais ce midi ?
- Hm !
- Bien.
***
Justin avait à peine constaté l'absence de Seth du fauteuil. Il le chercha au moins vingt minutes après son départ en entendant des bruits en cuisine.
- Mais que fais-tu donc ?!
- Bah je prépare à manger !
- Non mais ça va pas…
Justin se leva et se rua vers la cuisine.
- Seth. J'apprécie. Vraiment. Ce que tu essaies de faire. C'est tout à fait louable et je retournerai au bureau demain, sans faute. Mais stop. Ça suffit. Rentre chez toi, je ne boirai plus pour aujourd'hui, je vais juste aller me coucher et on n'en parle plus !
- Tu n'as pas ouvert mon cadeau !
- Pas… Ton… Oh pour l'amour du ciel, Seth !!
- Mais quoi ?
- Je commence de plus en plus à me demander si ce n'est pas Roland Smirnoff qui t'a demandé de faire tout ça…
Seth cessa tout mouvement.
- … quoi ?...
- Ton insistance est suspecte, voilà ce que je dis.
Seth se retourna vers Justin, peiné.
- J'… J'ai peur de mal comprendre…
- Enfin, tu franchis mon mur d'enceinte ? Tu m'amènes un cadeau ? Tu me fais la cuisine ? Tu regardes la chaîne documentaire ?! Cela fait partie de ta mission, tu es censé m'amadouer ?
Seth sembla brisé par ces remarques.
- J… J… J'essayai simplement d'être… gentil…
- Gentil ? Je suis ton patron, Seth. Je suis l'opposition de ton autre patron.
- Roland Smirnoff n'est pas mon patron et il ne m'aurait pas demandé de… me…
Seth serra les dents, n'osant même pas prononcer ce mot. Justin rougit.
- Q… Quoi ? Oula, non, attends, il y a méprise, je…
- Je suis désolé de vous avoir dérangé…
Justin s'étonna. Seth posa le torchon et se dirigea vers la sortie, les larmes aux yeux.
- N… Seth, attends !
- Je vous demande pardon, c'était… indélicat de ma part…
Justin attrapa le paquet sur la table.
- Attends au moins que j'ai ouvert mon cadeau !
Seth s'étonna alors qu'il était dans l'axe de la porte. Justin tenait le paquet comme une arme pour menacer Seth, sauf que… ce n'était pas une arme, évidemment. Seth essuya ses yeux d'un revers de la main.
- Je ne voulais pas… te blesser par mes remarques, si je t'ai fait de la peine, je m'en excuse.
Seth hocha la tête.
- Ecoute, Justin, plutôt que de manger, et si on buvait ?
Justin s'étonna de cette proposition.
- Je sais que tes bouteilles sont chères mais si tu acceptais d'en partager une…
Cette fois c'était Justin qui était dans la position de l'inquiet.***
Chacun retourna à ses affaires. Seth alla dans son bureau, suivi par Vivien. Le jeune homme semblait un peu paumé. Seth entra dans son bureau, se positionna sur sa chaise et observa Vivien, dans l'ouverture de la porte, ne sachant trop quoi faire.
- Entre. Ferme la porte. Et viens t'asseoir.
- …
Vivien s'exécuta dans cet ordre exact. Il se retourna vers Seth qui l'observait comme si c'était un Barpau dans un vivier de Magicarpe. Vivien grimaça.
- Euh… Vous…
- Je sais ce que tu vas dire et je comprends ta surprise…
Vivien acquiesça. Seth sortit Grenousse, lui caressa doucement la tête et lui donna une friandise. Le Pokémon sembla ravi.
- Après cette vilaine affaire, tu as été quelque peu mis à l'écart…
- Ca va, c'était pas la mer à boire…
Seth regarda Vivien, dépité, semblant quelque peu brisé.
- Je suis désolé qu'on t'ait envoyé en maison de correction.
- N… Non, je le méritais, au fond, j'ai été… stupide.
- Non, non je ne parlerai pas de stupidité, je parlerai juste… d'incident qui devait arriver un jour ou l'autre. Tu n'as été que le rouage un peu ébréché d'une machine incertaine conduite par…
Seth inspira et regarda Vivien.
- Bien. J'espère que tu es prêt pour ce qui t'attend.
Vivien grimaça. Seth jaugea le jeune homme.
- Je ne comprends pas bien… Ce que je fais là.
Seth hocha la tête.
- Bon. Sais-tu où tu te trouves ?
- … Le siège social de Direction Dresseurs.
- Cette entreprise sert à…
- C'est un organisme de formation destiné à former des élèves inadaptés au système scolaire actuel…
- Avec des résultats concluants. Direction Dresseurs s'est posé comme… une sorte de poubelle destinée à recueillir les rebus dont l'école actuelle ne peut s'occuper. Pourquoi ?
Vivien récita sa leçon.
- Parce que, si l'école actuelle donne aux élèves les outils pour réussir, elle ne repêche pas les élèves les plus faibles, ceux qui sont à la traîne ou qui tout simplement ne sont pas adaptés au système habituel.
- Les mesures prises par l'association en la matière ?
- Euh… développement du système des professeurs particuliers.
Seth acquiesça.
- Voilà.
Vivien hocha la tête.
- Pourquoi es-tu ici ?
- J'ai des… troubles du comportement en société qui m'empêchent de suivre une scolarité normale, avec du monde…
- Tes parents ont tout essayé.
- Hm.
- Enfin, ta maman.
- Hm…
- Et tu as atterri ici. Et ça ne s'est pas trop bien passé.
- Mais… Monsieur Truce continuait à croire que je…
- Monsieur Truce n'est pas éducateur.
Vivien frissonna.
- Si… vous…
- Ce n'est pas si je le dis, c'est vrai. Bon. Venons-en à ton rôle auprès de moi. Je suis le vice-président de Direction Dresseurs. C'est un titre plus honorifique qu'autre chose. Je fais diverses tâches. J'étais auparavant la courroie de liaison entre Direction Dresseurs et l'Association Pokémon, mais j'ai décidé de rompre ce lien.
- Pourquoi ?
Seth inspira.
- J'ai choisi un bien étrange camp… Je ne veux pas que Justin souffre des conséquences de ses propres actes et… je ne veux pas qu'il soit fait de mal à cette classe d'élèves d'Ogoesse.
Vivien baissa la tête et rougit.
- …
- Hey. Relève la tête, je ne disais pas ça pour toi !
Vivien releva la tête.
- Encore que ton action a été un des éléments déclencheur qui m'a poussé à choisir plus précisément mon camp. A présent, je soutiens Justin et les élèves. C'est tout.
- Je… ne comprends pas trop ce que ces élèves ont à voir dans…
Seth inspira.
- Au départ pas grand-chose. Et puis Roland a semblé s'y intéresser de plus près. Il y a actuellement le descendant d'un donateur à l'association Pokémon qui officie en tant que professeur de fondamentaux et qui est chargé d'informer Roland Smirnoff sur la situation de la classe. Un… évènement particulier, disons, a poussé nos deux camps à plus de mesure dans…
Seth soupira.
- « L'usage » de cette classe.
- … l'usage ?
- Tu te rappelles du groupe de travail sur Roland et Direction Dresseurs ?
Vivien acquiesça, se souvenant de Wallace et Walter.
- Oui…
- Quand Wallace Gribble a voulu faire ce devoir, une machine administrative s'est mise en place. L'administration a pour mission d'éliminer aussi vite et nettement que possible toute menace sur l'autorité scolaire, que ce soit par le licenciement ou l'exclusion. Cependant Roland Smirnoff est intervenu en personne cette fois. Pourquoi ? Parce que Dimitri Corbin, le président suppléant, a reçu l'appel du proviseur Grant qui lui a listé les élèves concernés. Visiblement, c'était inespéré pour eux, car Roland est sorti de son trou un instant pour autoriser ce devoir. De sa voix. De son autorité propre. L'ennui c'est que toutes les administrations sont sur notre écoute. Et Roland est en exil depuis que…
Seth inspira avec terreur.
- … depuis que Justin lui a montré… de quel bois il se chauffait…
- …
- Quoi ?
- … vous et monsieur Truce êtes…
- Ensemble, oui. C'est… une conséquence inattendue de mon emploi ici. Disons que comme toi, je suis un… engrenage qui n'a pas tourné comme prévu !
Vivien acquiesça.
- Bref, ensuite il y a eu cette conférence, et là, gros couac de notre part : Nous étions certains que Perrine Truman et Walter Ludges étaient soutenus expressément par Roland Smirnoff, et nous nous y sommes pris de manière quelque peu rude… De fait nous avons provoqué une vague de méfiance à notre égard dans cette école, ce malgré le fait que le proviseur, comme une très grande partie de l'administration, est des nôtres. Il suffit parfois de donner une grande masse d'avantages sociaux à une caste pour qu'elle ne cherche plus à protester. C'est ainsi que Justin pense et je ne suis pas loin de penser la même chose. De plus l'administration fonctionne bien. Les objectifs de Direction Dresseurs ont ensuite été quelque peu éreintés par l'acharnement de Justin à l'égard d'élèves issus de la noblesse Poképolite, acharnement que j'ai dû calmer avec toute mon influence… Mais Teresa Torres est une voix trop forte que je ne peux faire taire… J'ai réussi à recentrer Justin sur son objectif principal, la présidence de l'association Pokémon, qui lui permettra à terme de façonner l'école de ses rêves et de prendre peu à peu l'ascendant sur le gouvernement. Mais…
Seth inspira.
- Il a également fallu que nous revoyions notre vision de tout ce conflit et de toute cette guerre des nerfs avec Roland Smirnoff suite à… cet élève qui a été abusé par un professeur.
Vivien serra les dents. Seth baissa la tête.
- Justin en a été très choqué et voulait intervenir lui-même, mais… quand nous en avons discuté, je lui ai signifié que cela lui aurait coûté sa crédibilité plus tard et qu'il devait réfléchir à long terme, pas à court. C'est une chance que monsieur Grant ait eu une formation juridique. Justin doit réécrire certains aspects de ses directives, la procédure n'est pas aussi infaillible qu'il l'avait pensé… Et de fait nous avons entrepris de nous en tenir à l'aspect politique, jusqu'à ce que cette grosse idiote de Teresa Torres n'aille les attaquer, rafraichissant nos données en termes de compétences des élèves, mais affaiblissant encore plus si c'était possible notre capital sympathie auprès des écoles de la région. Et donc perturbant toujours plus les plans de carrière de Justin, sans pour autant affecter ses plans personnels.
Vivien grimaça, pas certain de tout comprendre.
- Bon. Vivien. Tu vas te placer à cet ordinateur dans le fond de mon bureau. Tu as deux missions. La première, c'est de décortiquer, classer voire même classifier les données que nous possédons sur les élèves de la seconde année un de l'établissement situé à Ogoesse.
Vivien hocha la tête.
- La seconde, c'est que quelqu'un va s'adresser à toi par messagerie sur cet ordinateur. Tu vas obéir à toutes ses directives. Il t'en donnera une par heure à partir du moment où j'enverrais ce signal. Ce que tu feras pour la messagerie de cet ordinateur devra être tenu strictement secret. Même moi je ne devrais pas être au courant de ce que cette messagerie te dira. Si tu as un souci avec une consigne, réponds à la personne directement mais ne me donne aucune information à ce sujet. Le reste du temps, tu fais ce que je viens de te demander à propos des données des élèves. Je veux que tu connaisses tout d'eux.
Vivien s'étonna.
- Pourquoi ?!
- C'est éminemment important. Que tu effectues ces deux opérations.
- Qui va me parler ?!
- Tu n'as pas à le savoir.
- Et… si je ne suis pas capable de faire ce qu'il me demande ?
- Tu en seras forcément capable.
Vivien semblait perplexe. Seth se durcit.
- C'est ça ou la maison de correction.
Vivien hocha rapidement la tête et alla se placer au bureau. Il lut la première directive.
[Ouvre un document texte. Valide en envoyant 1]
Vivien plissa les yeux et s'exécuta. Il ouvrit le document et envoya 1. Il explora ensuite les fichiers de son ordinateur.
- Mais c'est…
- Les dossiers scolaires des élèves, oui. Au travail.
Vivien regarda Seth.
- Vous avez tout ça… Monsieur Truce le sait ?
- Ton patron n'est pas Justin Truce, c'est moi.
- V… Vous êtes en train de le trahir ?
- Non.
- Mais alors…
- Je te l'ai dit, je soutiens Justin et les élèves.
- Mais ça, c'est contre…
- Personne. Je t'ai donné un ordre.
Vivien secoua la tête.
- Je ne veux plus exécuter les ordres sans discuter, la dernière fois que je l'ai fait…
Seth se mordilla les lèvres.
- Je viens de te dire que mon action consistait à orienter Justin, peu à peu, sur la bonne voie. D'accord ? Je fais tout ça pour lui et j'ai besoin de toi pour ça. Pour qu'au final on s'en sorte, tous. Tout le monde. Roland, sa famille, moi, Justin, vous… Tous ceux qui doivent s'en sortir dans cette histoire. Tous ceux auxquels je tiens doivent s'en sortir. C'est compris ? Tu fais le bien en faisant ce que je te demande. Tu agis dans le bon sens !
Vivien réfléchit quelques secondes, puis il se mit au travail.
***
Seth se servit un verre de scotch et l'enfila d'une traite, sous le regard surpris de Justin.
- Pablo m'a appris à tenir l'alcool. Tu commences par un bon verre que tu bois vite, à grosses gorgées. Ensuite tu papotes, et tu bois un autre verre, par petites gorgées cette fois. Tu atteins alors un état d'euphorie et tu n'es pas saoul, et tu peux boire normalement ensuite.
Justin hocha la tête. Seth soupira.
- J'ai été abandonné par mes parents à l'âge de onze ans. Je sais plus trop pourquoi, je pense que j'ai fait tout un travail… d'oubli. J'ai refoulé tout ça au fond de moi… Je me rappelle leurs visages, je me rappelle l'école, je me rappelle de comment j'ai trouvé Furaiglon… mais… je ne sais plus pourquoi ils m'ont abandonné, je crois me rappeler d'une bouteille lancée sur un mur, et d'une dame iranienne qui me prend dans ses bras… les services sociaux, probablement, bref…
Seth inspira.
- Quel que soit l'autorité qui a essayé de prendre soin de moi, visiblement, elle n'a pas été efficace puisque je me suis enfui sans trop de difficultés – j'avais onze ans quoi – et je me suis donc retrouvé à la rue…
Seth but une gorgée. Justin écoutait religieusement.
- J'ai vite rejoint une bande de garçons, et… on faisait ce qu'on pouvait pour survivre. L'un des grands qui m'avait pris sous son aile ramenait souvent de l'argent… et je me demandais comment… mais au moins on avait à manger donc je me posais pas de questions… Jusqu'à ce que je les suive…
Seth se mordilla les lèvres.
- Ils… se faisaient payer par des hommes plus vieux pour…
Justin ferma douloureusement les yeux.
- Quand j'ai eu douze ans… ils m'ont jugé apte à les suivre… Je voudrais te dire que… j'en avais pas envie, que ça me dégoûtait, que j'avais peur, mais… Les autres grands du groupe devenaient assez vieux pour entrer dans des écoles d'apprentissage, il fallait… prendre le relais pour continuer à entretenir les autres… J'avais été initié, donc… finalement ça avait été facile… je crois qu'au fond j'aimais ça, c'est ça le plus dur… Je peux pas dire que ça ait été une mauvaise période parce que…
Seth pleurait.
- … J'avais rien connu d'autre, pour moi c'était… la normalité. Cela me semblait moins pire que ce qu'il y avait avant. J'étais violenté, brusqué, souillé, mais… ça se passait toujours de la même manière, sous contrôle, j'avais les autres derrière moi, je soutenais un vrai petit clan… J'étais utile… je ne me sentais pas bien, mais j'étais utile. Et puis j'ai pris de l'âge, je suis devenu moins… attrayant pour les clients, et… j'ai cessé. Et là… j'ai vu un gosse, un tout petit gosse, tout mignon, qui devait avoir dix ans et… les autres grands du tas… voulaient qu'il… passe à la casserole…
Seth laissa passer quelques sanglots devant un Justin pour le moins désespéré.
- … Alors j'ai pris tout le monde en leur disant que j'avais trouvé un coin sympa pour tapiner et… C'était l'orphelinat. Je les ai menés dans un piège pour qu'ils ne soient plus dehors. Mais moi j'y suis resté…
- Trop âgé.
Seth acquiesça.
- J'ai déambulé pendant une bonne année avant de trouver Roland… Et… c'était super. Il m'a tout appris. C'est grâce à lui si je suis un si bon dresseur. Pablo m'a apporté son soutien et son amitié mais… Il n'a jamais voulu que je lui raconte mon histoire. « Va de l'avant » qu'il disait. « Oublie le passé, l'important c'est le futur »… Il avait raison, mais… J'avais besoin de raconter ça. Désolé que ça tombe sur toi !
- C… ce n'est rien… Je comprends… et je suis encore plus désolé…
- Mais… le pire… le pire dans tout ça, c'est… qu'au final… Là encore, chez Roland… Il m'a pris avec lui quand il avait besoin de moi, il est parti… sans moi, parce qu'évidemment pour sa carrière politique, je ne lui étais d'aucun secours !
Justin s'étonna du ton aigri de Seth.
- Et là il me rappelle, j'ai besoin de toi pour un travail spécial. Tu vas me servir d'espion, je vais t'envoyer dans le camp ennemi et tu vas sécuriser nos relations. Voilà. On prend le petit Seth et on l'utilise… Comme un jouet, comme un objet, comme si… son opinion, sa vie, son bonheur n'avaient aucune importance. J'en étais au même point qu'avant. C'est pour ça que quand je suis arrivé dans ton entreprise…
Seth agita la main pour trouver ses mots.
- … J'ai tout de suite cherché à me rendre utile, peu importe comment… juste… pas comme ça. Et tu as tout fait pour me trouver du travail, même des trucs cons ! Et je te suis extrêmement reconnaissant pour ça, et c'est pour ça que je suis venu aujourd'hui, c'est parce que… Je suis ce genre de personne qui s'accroche aux gens, qui s'attache parce que tout, dans ma vie, s'est résumé à… Accroche-toi à un groupe et restes-y autant que possible, sinon tu es foutu.
Justin acquiesça.
- Pardon d'avoir insinué que…
- Tu pouvais pas savoir...
- C'est juste que…
Seth plissa les yeux.
- A ton tour, c'est ça ? sourit Seth.
Justin sourit.
- C'est pas drôle !
- Oh, ça peut l'être, au point où on en est !
Justin inspira.
- Je suis né dans cette stupide famille de nobles… J'ai été éduqué à me tenir bien, à être un bon garçon, à me comporter en société… Très tôt, je me suis aperçu que les humains, c'était pas mon truc. J'étais… humainement pas capable de sociabiliser. Par contre les Pokémon, c'est passé comme une lettre à la poste. Bulbizarre… Bulbizarre a été mon premier ami véritable. Je pouvais compter sur lui, contrairement à tous ces gens méprisables, ces traitres, ces mécréants… J'ai mis une distance immédiate entre moi et ces gens… Même mes propres parents. Mon père… était un homme de paille, un incapable. Ma mère faisait plein de choses de son côté, elle était rarement à la maison, elle n'allait jamais ou rarement avec nous aux cocktails, aux galas et autres…
Seth acquiesça.
- Ils m'ont tous les deux éduqué de manière différente… Mon père…- Qu'est-ce qui s'est passé ?! grommela Menard Truce.
Justin Truce, treize ans, s'essuya le visage.
- Ils m'ont craché dessus…
- Pourquoi ?
- Parce que je les ai traités de ramassis de feignasses incultes.
Ménard leva les yeux au ciel.
- Où sont leurs parents, que j'aille t'excuser ?
Justin baissa la tête, furieux.- … privilégiait ses relations à son honneur. Il cirait les pompes de Suzuki, c'en était navrant… Ma mère…
Justin soupira. Seth pencha la tête.
- Je suis désolé de te parler de mes parents alors que tu n'en as jamais vraiment eu.
- C'est rien, c'est pas ta faute si t'as eu des parents !
Justin sourit.
- Ma mère…- Les autres enfants t'embêtent, c'est ça ?
Justin garda la tête basse mais la hocha quand même.
- C'est parce qu'ils sont jaloux. Ils savent que tu es bien meilleur qu'eux.
Justin releva la tête vers sa mère, Anya Truce. Une belle femme. Justin en avait hérité les grands yeux sombres.
- Tu es exceptionnel, Justin, ne l'oublie pas. Tu es mon petit prince, mon cher enfant…
Anya prit le visage de Justin entre ses mains.
- S'ils recommencent, et si Bulbizarre les frappe à nouveau, je ne dirai rien. D'accord ? Et si ton père se met en colère, je saurais le faire taire.
Justin acquiesça.
***
Anya aimait à passer de longs moments avec son fils sur le canapé. En regardant la télé ou pas. Justin avait apprécié ces moments d'affection jusqu'à l'âge de treize ans.
Justin avait vite compris que ses parents ne s'aimaient pas beaucoup mais qu'en revanche, sa mère l'aimait énormément. Etant leur fils unique, Justin avait bénéficié de toutes les attentions. Anya s'efforçait de protéger son fils contre le monde des nobles dont son père faisait partie.
- Mais maman… Papa est un noble… je suis un noble… et… enfin, tes parents…
- Mais nous ne devons pas vivre dans l'ignorance du monde, Justin. Le petit peuple est plus nombreux. En souffrance. Nous n'avons pas à vivre au-dessus d'eux en les écrasant…
- Je comprends…
Anya se mordilla les lèvres. Justin haussa un sourcil.
- Est-ce que ça veut dire que je suis mauvais ?
- Non, toi non. Et ton père non plus. Vous êtes des nobles d'un autre rang. Du niveau des Suzuki. Sauf que vous avez choisi la voie du bien.
Justin acquiesça doucement aux allégations de sa mère, sans pour autant qu'il ne puisse y apporter quelque fondement logique et sensé. S'il était un noble, il était forcément mauvais, au moins une part de lui.
Vers l'âge de seize ans, il commença à s'intéresser à la noblesse Poképolite et à leur histoire. La famille Caub, la Guerre des Dix-Huit Jours, les grandes souillures – nom global donné aux exactions des familles nobles.
- La famille Pentwell s'est rendue coupable de dictature, de massacres divers au nom d'une justice discutable ainsi que de meurtres arbitraires. Elle a abusé de sa position à maintes reprises ce malgré les maintes tentatives de contrôle.
- La famille Stockwell est responsable du plus grand réseau de traite humaine. Sa seule défense s'est toujours résumée à « ne pas avoir commis de crime contre l'humanité »
- Bien que plus « propre » d'un point de vue judiciaire, la famille Suzuki a commis de grandes exactions, notamment le déclenchement puis l'arrêt de diverses guerres, ce afin de maintenir la population dans un état de peur permanente du conflit.
- La famille Veveldini a longtemps été accusée d'actes de pédophilie. Bien qu'aucune preuve matérielle n'ait jamais été apportée pour des raisons évidentes, il existe plus de trois cent témoignages attestant d'une véritable culture de la pédérastie et de l'inceste au sein de cette famille précise. Le chef du gouvernement Hoennais actuel lui-même aurait en ce moment un « mari » de treize ans.
- La famille De Beaufort collectionne les accusations plus ou moins justifiées de viol. Le mariage forcé y est là encore culturel. Il est de notoriété publique, et même inscrit dans les règles familiales, que les mâles qui ont choisi de s'accoupler avec quelque femelle ont tout droit de la séquestrer pour l'y obliger, et seront protégés contre toute exaction commise à leur égard. Ce jusqu'à ce que résignée, la victime se livre.
- La famille Heine, en plus d'être en très grande partie responsable du krasch de 1929 ainsi que de multiples crises économiques à cause de détournements de fonds colossaux.
- La famille d'Aubenant est reconnue mondialement comme aristocrate à l'extrême, ultra élitiste et particulièrement procédurière. Elle a défendu ses privilèges à l'aide de grands réseaux. Ses membres sont reconnus comme de piètres dresseurs mais d'excellents négociateurs et de puissants manipulateurs.
- La famille Horton a fait fortune dans la prostitution de jeunes filles. Les filles de la famille épousent leur meilleur client. Les membres de la famille en font grand secret. Le viol y est considéré comme une banalité face à laquelle les femmes se doivent d'être fortes. La drogue est également responsable d'une grande partie de leur fortune personnelle dont l'origine est officiellement « familiale ».
- Les familles Medrenski et Schirevel ont toujours maintenu une certaine image de pureté. Il ne faut cependant pas oublier que les deux familles ont gagné une grande majorité de leur argent sur une véritable mafia organisée de cambriolages, mendicité et travail clandestin. Souvent jumelées et considérées comme une seule et même par beaucoup de spécialistes, il est admis qu'elles bénéficient d'un grand copinage entre elles. Elles ont des parts dans 95% des entreprises de Poképolis.
- La famille Duchessey a volé de nombreux brevets scientifiques. Se cachant derrière une image policée et altruiste, elle est responsable de nombreux plagiats, vols et espionnages industriels, ce afin de conforter leur valeur culturelle. Ils sont aussi connus pour être de grands receleurs d'arts, y compris pour avoir négocié avec les nazis pour récupérer leurs œuvres volées… cependant pas dans le but de les rendre.
- Les Gallhager sont célèbres pour leur facilité à tuer. Leur entreprise de tueurs à gages est une des plus florissantes de Poképolis.
Justin n'osait pas regarder celle de sa propre famille. Il regarda l'auteur de l'ouvrage et fit des recherches sur lui. Mort. Pour avoir récupéré ces informations, visiblement. Après moult hésitations et appréhensions, il regarda les états de services de sa famille.
- La famille Truce est longtemps restée dans l'ombre comme étant une famille à part, probablement du fait de leur position généalogique, mis à l'écart par le décès suspect du tout premier enfant de la première fille Suzuki. Outre la détestation des autres familles nobles, qui elle, est séculaire, la famille Truce s'est faite connaître pour son action plutôt violente à l'égard des minorités, y compris sexuelles, allant parfois jusqu'au meurtre.
Justin déglutit. Même sa famille n'était pas à l'abri des malversations et du sang. Il se demanda ce qu'était une minorité ainsi qu'une minorité sexuelle, fit quelques recherches et comprit que sa famille était une belle bande de bigots.
***
- Oui je connais ces histoires.
Justin semblait embarrassé alors que son père confirmait les allégations du livre.
- C'est… mal…
- Certes, mais on ne le fait plus. Ca date de longtemps, Justin. C'est en grande partie à cause de nous et des Stockwell que l'esclavage et certaines organisations racistes comme le Klan ont pu perdurer.
Justin frissonnait et avait des sueurs froides.
- Mais c'est fini tout ça. Cela s'est arrêté très précisément après les guerres mondiales.
Justin tressaillit.
- L… Les déportations… ?!
- Ah non, non, on n'a jamais participé à ça. Ca a un peu été le point de rupture d'ailleurs. Pour diverses raisons.
Justin acquiesça, modérément convaincu.
- Mais… fiston, pourquoi… tu t'intéresses à tout ça ?
Justin inspira.
***
- Mais quel est donc ton problème, Anya ?!
La femme regarda son mari.
- Quoi ?
- Justin commence à se détester et à détester les autres nobles parce que tu lui as bourré le crâne avec leurs crimes !
Anya haussa les épaules, indifférente aux reproches de son mari.
- Quoi, tu préférais qu'il les ignore ?
- Oui ! Je pense qu'on vit parfois mieux dans l'ignorance !
Anya inspira.
- Nier son histoire, c'est pire que tout. C'est si gênant que ça d'être membre d'une famille éminemment xénophobe ?
Ménard Truce se mordilla les lèvres. Anya souffla.
- C'est à croire qu'il fallait se maintenir au même niveau que les autres familles, n'est-ce pas. Il est hors de question que mon cher petit Justin reste dans l'ignorance. L'ignorance c'est la stupidité.
Ménard souffla, décontenancé.
***
Justin se préparait pour le centenaire de Suzuki. Sa mère passa devant la salle de bains.
- Eh bien, Justin…
- Fichu nœud papillon… grommela l'adolescent.
- Attends.
Anya aida son fils à ficeler son nœud. Justin souffla.
- Je ne veux pas aller là-bas.
- Je comprends.
- D'être au milieu de ces gens… Pour célébrer ce porc…
- Ne sois pas si grossier. Envers les porcs. Ce sont d'innocents animaux occidentaux.
Justin eut un sourire cynique.
- Maman, je ne veux pas devenir comme eux…
- Précisément. C'est parce que tu sais que tu ne deviendras pas comme eux.
Justin ne put qu'acquiescer.
***
- Je sais que tu n'as pas une très haute opinion de moi, fiston, mais ta mère… Ta mère est une mauvaise influence !
Justin serra les lèvres. Ménard soupira.
- Ecoute. Avec mon père et mon grand-père nous avons toujours essayé de maintenir de bons rapports avec le reste de la noblesse Poképolite, ce malgré notre statut dans le… cercle des membres de la famille Caub, parce que c'était le meilleur moyen que tout s'apaise. Si tu continues à penser comme ta mère et à nourrir cette obsession pour les crimes de nos pairs…
Justin inspira et regarda son père.
- Je sais… Au fond de moi, je sais, père. Mais… J'aime mère et si je ne la suis plus dans ses idées, j'ai peur… qu'elle parte...
Ménard serra les dents.Justin souffla.
- Une grande influence dans ma vie… Monomaniaque, certes, mais souvent juste… Et puis elle est partie… et puis…
Justin leva les yeux au ciel et s'assit dans le fond du canapé. Seth le regarda.
- Après ce que je viens de te dire, tu peux y aller…
- Avant la guerre, mon père… Il a… comme qui dirait… flippé. Il pensait qu'il serait emprisonné, mis aux fers, il est parti dans un grand délire paranoïaque, et là il a… insisté pour que je… l'euthanasie.
Seth garda la bouche ouverte. Justin hocha la tête.
- C'était… éprouvant… terrible… je n'avais… jamais tué qui que ce soit auparavant, et là… mon père… qui… sous mes mains…
Justin s'était recroquevillé, saisi par le souvenir. Seth se mordilla les lèvres.
- C… C'est rien, les circonstances du moment, tu pouvais pas…
- J'aurais pu… ne pas le faire, lui dire de le faire lui-même… ou même le persuader de ne pas le faire, mais… nan, j'ai… choisi d'être un lâche…
- Justin, voyons…
- Je n'ai jamais eu aucun ami, je n'ai jamais aimé personne et en plus j'ai tué mon père…
Justin peinait à finir sa phrase. Seth comprit.
- … le jour de ton anniversaire…
Justin éclata en sanglots devant un Seth effaré.
- C'est pour ça que je bois ce jour-là… et même un peu avant parce que la seule évocation mentale de ce jour…
- Je comprends…
Seth se leva et reprit son cadeau.
- Du coup, mon initiative était… effectivement très indélicate…
- Non…
Justin prit le cadeau des mains de Seth. Il essuya ses larmes et ouvrit le paquet.
- Je t'ai aidé à trouver un point d'ancrage, je dois faire la même chose avec ton aide. Prendre les choses en main et faire mon possible pour que l'histoire cesse de se rep…
Justin regarda le livre avec une couverture solide, sur lequel il était écrit en lettres dorées « Encyclopédie du Bulbizarre / Anatomie, élevage, dressage, vie sauvage » Justin observa l'objet et regarda Seth.
- C'est… tellement attentionné…
- Je… ne connaissais pas trop tes goûts de manière générale, alors je me suis dit…
Justin pleurait. Il essuya ses larmes d'un revers de sa manche.
- Tu… n'avais pas grande concurrence, je n'ai jamais reçu… d'aussi beau cadeau… Pas vraiment reçu de cadeau tout court…
Seth sourit.
- Eh bien voilà. Je romps un cycle, un peu comme… j'espère, notre collaboration rompt un cycle…
Justin regarda Seth, empli de gratitude. Le visage du chef d'entreprise approcha celui de son secrétaire. Les lèvres se touchèrent. La sensation était nouvelle pour Justin qui semblait maladroit. Seth le guida avec douceur. Ils cessèrent et s'éloignèrent. Justin sembla surpris et s'assit à l'autre bout du canapé. Seth s'assit à l'ancienne place de son patron. Justin semblait troublé. Seth restait stoïque.
Un silence gêné d'environ quinze minutes, rythmé uniquement par la télévision.***
Tara étudiait ses dossiers en mangeant une salade. Fiodor était sur son ordinateur juste à côté d'elle.
- Hmmm… ce concept de méga-gemmes pour Latios et Latias… très instable…
- Encore faut-il avoir un Latios et un Latias… marmonna Tara.
Fiodor inspira, convaincu. Jerry était face à eux, boudeur.
- J'en ai marre que le chef me sous-estime…
- Je pense plutôt que de toute façon dès le départ, il ne t'a pas envisagé comme un élément fiable pour ce qui est du combat, mais tu as d'autres compétences…
- Enfouies au fond de toi… marmonna Tara.
Jerry soupira.
- Je crois que je vais avoir besoin d'une Mega Gemme. Pour confirmer mon pouvoir !
Fiodor inspira.
- D'accord mais à une seule condition.
- Hm ?
- Dis-moi donc ce que tu avais vu dans la dimension parallèle créée par Giratina.
Jerry souffla. Tara s'étonna.
- J'ai manqué un épisode ?
- Il y a quelques mois, Jerry a eu la trouille de sa vie à cause d'une vision dans la dimension de Giratina. Il n'a jamais voulu en parler, même en revenant de son congé.
Jerry soupira.
- Vous… savez que j'ai été enseigner à cette classe, et… Il y avait une élève… Rebecca, je crois…
- Le déchet… marmonna Tara.
- Oui, et… elle était très acerbe, et… Quand je suis entré dans la dimension… Elles étaient là, en cercle, autour de moi… des dizaines de Rebecca qui riaient de moi, et peu à peu leurs visages se décomposaient, on aurait dit des mortes vivantes… C'était tellement affreux !! Tellement…
Tara regarda Fiodor.
- Le chef a prévu de refaire une tentative ?
- Pas vraiment. Je pense que son giton l'en a dissuadé. Je commence à croire que monsieur Corrigan a une très mauvaise influence sur monsieur Truce… Il ne faut pas oublier qu'il a été dans le camp ennemi. Madame Torres, elle, au moins, ne l'a pas oublié.
Tara acquiesça.
- Dit celui qui a travaillé pour Jackson Wound.
- Aux côtés de Jackson Wound. Et ne me reparle plus jamais de ce fils de pute sans envergure… grommela le scientifique.
- C'est QUOI, cette bouffe ?
Les trois se tournèrent vers un grand homme blond, massif et rougeaud. Tiburce More.
- … c'est ma salade ! geignit Tara.
- C'est juste de la purée, vous venez de me la servir… s'étonna Fiodor.
Les deux se tournèrent vers Jerry et son doggybag.
- Euh…
- Non mais je rêve. Tu ramènes ta putain de bouffe ici ? Alors que t'as un putain de cuisinier de ma putain de trempe dans les parages pour te faire ta bouffe ? Mais pour qui tu te prends, putain de petit enculé de zouave de merde ? Je vais t'arracher les globes oculaires et te les foutre dans le cul, après quoi je t'ordonnerai de les chier pour que tu les manges !
Jerry frissonna. Fiodor agita la tête.
- Si je puis me permettre, il est fort probable qu'il meure suite à l'arrachement de ses globes oculaires, le choc serait bien trop brutal, surtout si vous le faites alors qu'il est pleinement conscient. L'énucléation est un acte très traumatisant.
Jerry sembla sur le point de s'évanouir. Tiburce grommela.
- Si tu manges pas ma bouffe, tu squattes pas ma cantine. Je fais pas à bouffer pour que tu te remplisses les boyaux avec de la merde venue de l'extérieur.
- Et si je prends un tiramisu ?
- … Si j'pouvais, j'te défoncerai la gueule à coups de poêle à frire, ça irait vite fait, putain de furoncle…
Jerry se recroquevilla. Tara et Fiodor semblaient plutôt amusés.
***
- Tu t'es dégonflé !
- Elle est importante, c'est une femme très intelligente, très douée, elle a maîtrisé la Méga Evolution en un rien de temps ! souffla Justin.
Seth s'enfila un maki au thon.
- « Han mais quelle vieille connasse, elle a perdu la tête, j'vais l'étrangler »…
- J'étais en colère. On s'était mis d'accord pour gérer ça plus finement et au lieu de ça, elle…
- Dans un sens, c'est bien que tu ne t'énerves pas contre elle. Mais voilà, là, elle aurait mérité des remontrances.
- Oui mais tout s'est bien passé finalement.
Seth acquiesça.
- Certes. L'élève a dépassé le maître.
- Comment ça s'est passé avec Vivien ?
Seth inspira.
- Je l'ai chargé de la fameuse liste, ainsi que de l'archivage des données récupérées lors du dernier raid collectif.
Justin acquiesça, impressionné.
- Tu lui as donné un but…
- Voilà. Parfois il en faut peu.
- Je suis désolé de l'avoir écarté mais il en allait de sa sécurité comme de la nôtre.
- Je comprends, je comprends. C'est juste… Je me suis un peu reconnu dans ce gosse, je crois que je ne voulais pas l'abandonner.
Justin acquiesça.
- Ca se comprend.
- Tu vas t'entrainer cet après-midi ?
- Hm.
- Fais bien attention à toi…
- Seth, je me suis juste évanoui une fois !
- Fais attention !
Justin regarda Seth, très sérieux. Justin acquiesça.
- Je ferais attention…
- Je te ferais bien surveiller par Fiodor, mais j'aime trop venir te voir manier l'épée !
Justin sourit.
- Engoncé dans ton marcel noir… couvert de sueur…
Justin ricana.
- Tu es incorrigible.
- La sueur qui ruisselle sur tes muscles…
Justin regarda Seth avec un air sombre, alors que son compagnon était tout sourire.
- Je suis désolé de ne pas pouvoir te donner ce que tu veux.
Seth baissa la tête.
- La belle vie, le soleil, l'officialisation… les enf…
- J'aime la vie qu'on mène actuellement, et… Au fond, je ne crois pas que quoi que ce soit doive changer…
Justin regarda Seth avec scepticisme.
- … La poursuite de tes objectifs importe plus que tout, Justin. Plus que… mes… petits fantasmes puérils.
- Si jamais tout ça… devait ne pas aboutir, on s'enfuirait.
Seth sourit.
- Arrête, tu me tenterais presque de tout faire rater !
Justin haussa les épaules.
- Au moins, je saurais que c'est ma faute !
Seth sourit plus faiblement.
- Il nous réserve une surprise, je le sens.
Justin haussa un sourcil.
- Smirnoff. Pour l'élection. Il ne va pas lâcher la place si facilement.
- S'il sort de son trou, il est fini, il le sait.
- Je sais, je sais, mais… ne le sous-estimons pas.
Justin acquiesça.
- Il observe les élèves parce qu'il compte les impliquer plus directement, c'est ce que tu penses, n'est-ce pas ?
Seth ne put que hocher la tête.
- On va donc se contenter de faire de la récolte de données… songea Justin. Et moi, je me prépare pour l'élection. Peu importe qui j'aurais en face.
- Voilà.
Justin hocha la tête.
- Dans les données récoltées lors du dernier raid collectif, tu as récupéré les dossiers scolaires chez le proviseur…
Seth acquiesça. Justin hocha la tête.
- Bon. Tu vas pouvoir en faire usage un minimum.
- Hm.
- Tu ne comptais pas me le dire, hein ?
Seth secoua la tête.
- Tu avais peur que je m'en serve à mauvais escient ?
- J'ai beaucoup hésité…
- Ce n'est pas plus mal. Garde-les. Loin de Teresa surtout.
Seth acquiesça.
- Sois-en sûr.
- Maintenant je sais d'où venaient toutes tes infos ! sourit Justin.
Seth sourit faiblement. Justin sourit franchement.
- Toujours là à me protéger de moi-même, hein ?
Seth acquiesça.
- J'ai… aussi un plan de leur école. A jour.
- Bien. Comment as-tu fait ?
- Grenousse a fait une petite balade dans leur école.
Justin acquiesça.
- Cool. Tu es de plus en plus doué !
- Pour te faire des secrets… marmonna Seth.
- Pour l'espionnage. C'est à croire que tu es né pour ça !
***
Justin brisa le silence.
- C'était… inapproprié.
Seth garda la tête basse.
- Qu'est-ce que tu entends par inapproprié ?
- … ce n'était pas correct.
- Oh. Ah, tu veux dire entre un patron et son employé…
- … je ne pensais même pas… être… ainsi…
Seth plissa les yeux.
- Gay ?
Justin frissonna à la seule mention.
- Je préfère homosexuel, c'est plus… civil.
- Ça arrive à des gens très bien tu sais…
Justin regarda Seth qui souriait.
- Alors… quoi, maintenant ?
- J'sais pas. T'as aimé ?
- … Oui, certes, mais… mes employés, que vont-ils penser de moi ?
- Ils sont dans la pièce ? Hou-hou ? Les collègues, vous êtes là ?
Justin plissa les yeux et secoua la tête, pas amusé. Seth haussa les épaules.
- Tu t'en moques. Est-ce qu'ils savent où tu vis ?
- …
- Est-ce qu'ils sont tes amis ?
- … je n'ai pas d'amis…
- Tu m'as moi.
Justin regarda Seth, plein d'assurance.
- Qu'est-ce que je vais faire ? Qu'est-ce que je dois faire ?
- Bah rien, t'es juste homosexuel, c'est pas grave. T'as rien à changer dans ta façon de te comporter. Bon, tu le découvres à trente ans, ce doit être assez dingue, mais bon, vu ta vie protégée du monde extérieur…
- … je savais que ça existait, mais ça m'a toujours paru tellement… loin, spécifique, vulgaire ! Et tu viens juste de me raconter comme tu avais été violenté…
Seth agita les mains.
- Wowowow ! Ne confonds pas les homosexuels avec des types venus demander des rapports tarifés ! C'est comme si tu considérais que l'hétérosexualité se résumait à… « Bon, je vais boulevard Blanche à Doublonville, je choisis une nana, je l'emmène, on baise et hop je suis hétéro ! »
- Je n'ai jamais fréquenté de femme, comment saurais-je si je ne suis pas dans l'erreur ?
Seth souffla longuement.
- Ok. Je ne crois pas qu'une conversation sera utile…
- J'ai juste été ému par ton cadeau et je me suis laissé emporter, si ça se trou… Seth !
Seth s'approcha de Justin et l'embrassa. L'homme plus âgé sembla apprécier ce qui se passait. Il suivit Seth dans la danse curieuse des mains glissant sur le corps de l'autre. Seth s'éloigna et regarda Justin. Lequel semblait toujours aussi surpris.
- C'est tellement…
- Bon ?
- … spécial…
Ils étaient maintenant à moitié allongés sur le canapé. Seth se reposa sur Justin. Lequel apprécia cette pause agréable.
- Qu'est-ce qu'on va faire ? demanda Justin.
- D'abord, je vais dormir ici.
Justin regarda Seth, étonné. Seth regarda Justin.
- D'abord parce que si je pars, je vais te manquer.
Justin réfléchit et compris que cela était vrai.
- Ensuite parce que je crois que le grand enfant qui sommeille en toi va avoir besoin de beaucoup d'attention.
Justin déglutit.
- Tu as du temps perdu à rattraper, Justin Truce.
- Je… ne veux pas que tu partes.
- Je ne veux pas partir.
- Cependant… sois… patient, je ne sais pas si…
- On verra bien. C'est… une nouvelle porte qui s'ouvre à nous. On verra bien ce qu'il y a derrière.
- Je me sens bien, ici, sur ce canapé, toi sur moi.
Seth sourit.
- Moi aussi. On reste comme ça ?
- Pourquoi pas.
Les deux sourirent.
***
Le soir venu, un réflexe conditionné par le quotidien les avait poussés à monter se coucher. Justin tint à inviter Seth à partager son lit et le jeune homme accepta. Une fois dans la chambre, Seth avait été très délicat dans l'effeuillage de Justin qui frissonnait, bien qu'étant dans sa chambre et avec une personne de confiance. Seth s'efforça de le rassurer, l'embrassant à chaque étape, comprenant ses appréhensions et ses peurs. Justin se sentait de plus en plus à l'aise au fur et à mesure que Seth se voulait rassurant. Et il l'était.
Une fois les deux hommes nus, les choses se passèrent plus naturellement. Justin semblait avoir compris l'exact mécanisme des choses. C'est lui qui embrassa Seth et l'amena sur son lit. L'envie se fit plus forte que toutes les réflexions possibles, et il entreprit de mener la danse. Seth le comprit bien et accepta la prise de pouvoir de Justin. Par chance pour Seth, le chef d'entreprise semblait tendre, son inexpérience et sa relative naïveté de la chose l'emportant sur toute rudesse imputable à l'excitation. Ainsi, Seth fit connaître à Justin les spécificités de son corps. Les endroits qui, une fois touchés ou stimulés d'une certaine manière, procuraient du plaisir. Justin fut parfois stupéfait de voir à quel point il avait été crédule quant à lui-même. Alors qu'il se pensait vide de sens et incapable d'éprouver tout sentiment, le voilà devenu un être capable de tendresse et d'affection, d'en offrir à quelqu'un, de partager ces délicieuses sensations de sorte à les décupler.
Pour Seth, c'était nouveau à plus d'un titre. Déjà, personne ne l'avait payé. Ensuite, il aimait cet homme. Il le comprit tout à fait ce soir-là. En voyant les yeux de Justin lors de son premier sursaut de bonheur, il comprit que c'était là ce qu'il voulait voir chaque jour de sa vie, voir cet homme éprouver les bienfaits de l'amour, c'était devenu une priorité absolue pour lui. Emporté par la joie, Justin devenait plus tendre encore, il osait beaucoup plus donner libre cours à ses instincts et Seth appréciait de plus en plus ses étreintes. Sans être effroyablement musclé, Justin avait une constitution solide, frêle mais indéniablement forte à la fois. L'âge, sans doute. Seth n'avait aucun mal à s'abandonner dans ses bras. Il parvint à lui faire comprendre ce qu'il attendait de lui, et Justin hocha la tête en caressant Seth avec douceur.
Seth se montra fort. Il n'eut pas mal. La douleur, c'était pour le temps où cela était fait sans attention. Justin faisait attention, mais il était également poussé par son désir toujours plus envahissant de découvrir, d'expérimenter, d'explorer cette part nouvelle de lui, tout en ayant conscience qu'il n'était pas seul dans cette aventure. Seth apprécia cette sollicitude teintée d'impérativité. Lorsque Justin commença à se mouvoir, Seth tint à lui montrer à quel point ce qu'il faisait était bon. Les deux hommes avaient très vite compris qu'ils étaient liés d'une manière ou d'une autre par plus qu'un simple lien de subordination, et ce qu'ils étaient en train de faire dépassait clairement le cadre d'une relation employeur/employé, dépassait même le cadre de l'amitié ou du sexe. Leur relation atteignait en cet instant des sommets de compréhension et de respect mutuel. Chacun des mouvements de Justin était une bénédiction pour Seth qui le lui faisait clairement remarquer de par ses gémissements heureux. Justin constata bien vite également à quel point il appréciait cet acte si nouveau pour lui. Alors qu'il avait vécu dans un monde riche mais glacial, le voilà qui découvrait le pinacle de la chaleur humaine dans les bras d'un roturier. D'un coup il comprit tous ces romans racontant des histoires où les riches se dévergondent avec des pauvres. Ce n'était pas du dévergondage, c'était la vie, c'était un évènement salutaire qui montrait un nouveau chemin de vie, celui qu'on peut prendre en faisant les bonnes rencontres.
Seth tint à finir cela à sa manière, et Justin le laissa faire. Ils ne se quittèrent pas des yeux pendant la manœuvre, et Justin émettait des sons qu'auparavant jamais il n'aurait émis. Seth ne put s'empêcher de l'embrasser après coup, et Justin se moqua complètement des règles d'hygiène qu'on lui avait inculquées, tout ce qui importait sur le moment, c'était Seth.
C'était la nuit.
C'étaient ses bras.***
- OKAY ! C'EST PARTI ! TOUS ENSEMBLE !!
Shirley avait décidé de réunir tous les étudiants de Direction Dresseurs. Chacun avait pris ses Pokémon et faisait face à un autre étudiant. Et Shirley leur demandait de se battre jusqu'à épuisement.
- Ceux qui survivront jusqu'à la fin seront sous ma tutelle ! Ceux qui faibliront iront dans les autres groupes ! Ceux qui resteront seront ma troupe de défense personnelle !
Hinton, Randy et Teresa étaient derrière elle.
- Justin n'avait pas interdit ce genre de choses ? s'étonna Hinton.
- Justin n'est pas ici, n'est-ce pas. Donc il n'a pas à savoir… sourit Teresa.
- Vous aimez croire que vous dirigez cette entreprise dans l'ombre, hm ?
Teresa sourit.
- Quelle ombre ?
Randy soupira. Jake était à ses côtés.
- Qu'est-ce qui se passe, monsieur Stallbo ?
Randy inspira.
- N'importe quoi, voilà ce qui se passe.
Teresa regarda le militaire.
- C'est facile de parler, c'est plus dur d'agir…
Randy soupira. Shirley se retourna vers les deux.
- Oh, ne vous disputez pas ! Je ne supporte pas les disputes !
- C'est DEBILE !
Shirley se tourna vers les étudiants. L'un d'entre eux avait cessé de combattre.
- Je comprends pas pourquoi on fait ça ! Qu'est-ce que ça a à voir avec ce monde meilleur que nous promet monsieur Truce ? Et vous êtes qui d'abord ?!
Shirley haussa les sourcils et regarda Teresa.
- Je ne comprends pas, est-ce qu'il est en train de discuter mes ordres ?
- Tout à fait, mademoiselle Shirley, vous devriez le remettre à sa place devant les autres étudiants afin de marquer votre autorité.
Shirley ne put qu'acquiescer.
- Jeune homme, remets-toi au travail, car si jamais je te châtie devant toute la salle, c'est toute la salle qui en pâtira ! Non pas que je ne pourrais pas me retenir, mais je suis vraiment très, très forte !
- Je m'en moque, si vous m'attaquez, je le dirai à monsieur Truce !
Shirley sortit une Pokéball. Teresa regarda la jeune femme.
- Vous pouvez y aller, personne ne parlera…
Elle envoya un Majaspic. La créature regarda les jeunes gens dans la grande salle. De l'herbe poussa sur le sol. Le jeune rebelle, mais aussi tous les autres, s'écroula à genoux, affaibli.
- J… Je fatigue…
- Votre attention s'il vous plait ! Je suis désolée de vous infliger ça ! Mais c'est sa faute à lui, à ce petit méchant qui m'a énervée ! Et personne ne doit m'énerver, vous entendez ? Le prochain qui m'énerve…
Shirley leva les deux index en l'air.
- Ce sera CHAMP HERBU dans sa face ! Pigé ? Majaspic, inverse tout !
Champ Herbu régénéra les étudiants qui se relevèrent, étonnés.
- C'est bien compris ? On ne discute pas et on travaille, sinon j'aspire l'énergie de tout le monde !
Hinton hocha la tête.
- Elle a de sacrés arguments !
Randy souffla, peu convaincu, tandis que Teresa semblait ravie de cette nouvelle collaboratrice.
***
Pokemon XY – Lumiose Museum ThemeSeth frappait consciencieusement sur son ordinateur, Bulbizarre et Grenousse somnolant à ses côtés. Justin s'efforçait de manipuler Monorpale. Il tenait le Pokémon par le manche tandis que le linge bleu du Pokémon s'était entouré autour de son bras. Seth lançait de temps en temps un regard vers Justin qui avait revêtu une tenue très décontractée.
Le simulateur avait mis Justin face à un Spectrum.
- Le niveau trois de l'entrainement… Ombre Portée !
Justin tendit l'épée vers le Pokémon virtuel qui fut vaincu en un coup. Justin acquiesça. On lui opposa un Fouinar.
- Tranche !
Monorpale quitta le bras de Justin et frappa le Pokémon en pleine face. Justin plissa les yeux.
- C'est une chance qu'il n'ait pas quitté son fourreau.
- Ce sont des Pokémon virtuels, Justin…
- Je sais, je sais…
Justin saisit la commande de niveau du simulateur. Il la plaça au maximum.
- Il est temps de passer aux choses sérieuses…
Une nuée de Yanmega apparut autour de Justin. Seth soupira.
- Oh, boy…
- Monorpale, Aéropique !
Justin tendit une main et dirigea Monorpale qui perdit son fourreau. L'épée alla frapper de sa lame les multiples insectes à une vitesse folle, alors que ses derniers fonçaient clairement vers Justin.
- Parfait…
Un Rhinastoc fit son apparition avec la ferme intention d'écrabouiller Justin.
- Hmph. Tête de Fer !
Monorpale alla se ficher dans le ventre du Pokémon qui ricana et l'en retira sans souci.
- Hmph. Grosse défense, hein. Lame Sainte !
Monorpale s'agita et taillada la gueule du Pokémon Perceur qui s'écroula. Justin souffla.
- Niveau maximum…
Seth haussa un sourcil. Bulbizarre observait. La créature apparut face à Justin. Méga-Ectoplasma. Le monstre éclata de rire face à Justin.
- T'es sûr de ton coup ? marmonna Seth.
- Mais oui. Griffe Ombre…
Justin empoigna Monorpale et frappa dans le tas. C'est sans compter sur Méga-Ectoplasma qui renvoya une Balle Ombre à la face de Justin. Dresseur et Pokémon furent projetés en arrière.
- Aïe… marmonna Seth.
Justin se releva difficilement.
- Je comprends mieux ce que voulait dire Fiodor… je ne dois plus seulement ordonner, je dois aussi maîtriser, comprendre…
Justin agita l'épée pour créer un effet similaire à Danse Lames. Méga-Ectoplasma prépara une attaque plus puissante que la précédente.
- Et…
Seth se mordilla les lèvres. Justin s'apprêtait à abattre l'ombre face à lui, mais Méga-Ectoplasma le prit à revers en passant derrière lui.
- JUSTIN !
« Marque Ombre… »
Justin se retourna pour frapper, mais apparemment Monorpale avait été plus rapide que lui. Seth s'étonna alors que Méga-Ectoplasma avait été touché avant que Justin ne porte son coup. Lorsque Justin recula, Seth constata ce qui s'était passé.
- Il a évolué !!
Justin lâcha Monorpale qui était devenu un Dimoclès. Le Pokémon rejoignit doublement son fourreau.
- Je ne vais pas devoir apprendre à maîtriser deux sabres à la fois ?!
- J'ai plutôt l'impression que tu dois en maîtriser un à la main et l'autre avec ton esprit…
Justin souffla.
- Eh bien, eh bien, eh bien…
- Fais une petite pause, je nous ai fait du thé ! souffla Seth.
Justin regarda Seth.
- Je préfèrerai que tu partes, je dois m'entrainer.
- Très bien, très bien…
Seth prit Grenousse et laissa Bulbizarre observer son maître.
***
Le vice-président arpentait les couloirs avec Grenousse sur l'épaule et sa tasse de thé dans la main, posée sur une soucoupe, comme un petit vieux.
« Je déteste quand il est à l'entrainement, il est tellement à fond dedans… »
- Si ce n'est pas ce cher vice-président !
Seth leva la tête vers Loretta Gold. Il poussa intérieurement un grand soupir.
- Madame…
- J'aimerais que nous discutions, monsieur Corrigan. C'est à propos de quelque chose que vous et moi seuls savons.
Seth haussa un sourcil.
- Mon bureau c'est pas possible. On va devoir se contenter de déambuler dans les couloirs.
- Je comprends, votre nouvelle recrue, c'est ça… Hm ! Bien… Je sais que vous avez en ce moment le dessus sur Roland Smirnoff grâce à cette jolie affaire d'argent sale. Et vous savez ce que c'est, moi, j'adore l'argent !
- Certes.
- Il y a un souci. Roland Smirnoff est en train de trouver une parade.
- Nous sommes au courant, c'est pour ça qu'il est essentiel que Justin devienne président au plus vite.
- Vous ne comprenez pas, je crois. Ne comptez pas sur ça pour garder l'avantage, Roland Smirnoff est un incroyable magouilleur. J'ai toutes les preuves contre lui grâce à mon statut à la Zone de Combat New-Yorkaise, mais et d'une, le chantier de Pokétopia s'achèvera bientôt, et de deux…
- Et de deux ?
- … Roland Smirnoff n'a absolument pas chômé ces trois dernières années. Quand il reviendra, cela fera très, très mal. Vous allez vraiment le sentir passer.
Seth acquiesça.
- Qu'il vienne. Nous saurons le recevoir.
- J'ai cru comprendre que vous n'étiez plus de son côté…
Seth secoua la tête.
- C'est une excellente chose. Le jour venu, vous savez donc ce qui va vous attendre…
Seth acquiesça. Loretta s'éloigna. Seth soupira, conscient que les choses allaient changer et vite.
***
Seth se réveilla blotti contre Justin, qui, lui, avait peu dormi. Il regarda l'homme.
- Ça va ?
Justin acquiesça.
- Je… réfléchissais.
- Hm.
- Je me disais que mes parents n'auraient certainement pas apprécié…
- Ils sont pas là… enfin ton père n'est pas là.
Justin hocha doucement la tête et se tourna vers Seth qui sourit.
- Tu veux remettre le couvert ?
- Je ne pense pas que ce soit bien sage… Aujourd'hui, du moins. Je crois que j'ai besoin de temps pour réfléchir à tout ça, aux implications…
Seth se montra compréhensif.
- Ok… C'est normal.
- C'était… extraordinaire, je pense que tu l'as bien senti…
- Ah ça oui. Sans mauvais jeu de mots, hein.
- Je dois encore… mettre tout ça en ordre dans ma tête. Je ne veux pas… gâcher les possibilités que cette nuit m'offre.
Seth sourit en s'allongeant alors que Justin était sur le ventre, posé sur ses coudes.
- Moi je vois très bien comment ça peut se passer.
- Ah oui ?
- Hm. Soit on oublie, soit on n'oublie pas. C'est comme ça. Soit on choisit de ne pas assumer et on se regardera bizarrement au boulot, soit… On assume ce qui vient de se passer et on en tire le meilleur.
Justin sembla soucieux.
- Je n'ai jamais été dans aucune relation que ce soit… encore moins avec un homme.
Seth sourit.
- Tu réfléchis dans la bonne direction, c'est bien ! Je vais te refaire des pancakes, ça te va ?
Justin plissa les yeux.
- Je n'y connais pas grand-chose mais je doute qu'une… relation se fonde sur des pancakes !
- Une relation, Justin, c'est ce que les gens veulent bien en faire. Ce qui peut se passer entre nous, on ne peut pas l'imaginer ou mettre des mots dessus, on va juste se contenter de le vivre, et advienne que pourra !
Justin acquiesça.
- Je me pose des questions quant à ce que mon entourage pourrait en penser, mais… et le tien ?
Seth inspira entre ses dents. Il reprit ses esprits et embrassa Justin.
- Pancakes d'abord, brainstorming après !
Justin pencha la tête pour embrasser Seth de nouveau. Seth le regarda.
- En tout cas, sache que quelles qu'en soient les conséquences pour moi, je ne regrette rien.
Justin hocha doucement la tête.
- S'il ose te faire la moindre remontrance, je te promets de faire souffrir ce minable.
Seth sourit.
- Tu es sexy quand tu es menaçant !
- … qu'est-ce que ça veut dire, sexy ?!
Seth souffla, sentant que ça allait être une longue explication.
***
Seth avait fini par repartir vers son logement de fonction. Justin avait ressenti un grand manque suite à son départ. Peu à peu, Seth prenait de la place dans sa vie. Si les rapports intimes étaient moins fréquents, les moments de partage et de complicité étaient, eux, nombreux et intenses. Ainsi, Seth aida Justin à passer le cap du deuil de son père. Un moment difficile mais au cours duquel Seth avait tenu à accompagner son patron. Qui devenait de moins en moins son patron, et de plus en plus son compagnon d'armes.
De fait, Seth était quelque peu tiraillé entre Roland, qui l'avait sorti de la rue, et Justin, qu'il aimait profondément.***
Seth était retourné dans son bureau. Vivien pianotait sur son petit pupitre, non loin du sien. Il jouait avec un bibelot.
***
- Tchhh… je peux pas dire que je m'en doutais pas… souffla Roland.
Seth baissa la tête.
***
- Je te plains mon pauvre chéri, tu trouves l'amour au milieu d'un pataquès pas possible ! Je suis à la fois jalouse et inquiète ! soupira Pablo.
Seth hocha la tête, compréhensif.
***
- Fais attention à toi… Je suppose que ce n'est pas le genre de chose qui est régi par des variables scientifiques et donc que ça ne se contrôle pas, mais… Fais bien attention à toi… affirma Jackson.
Seth ne put qu'acquiescer.
***
- C'est mignon ! Un peu risqué, mais… mignon !
- Merci…
Arlène s'étonna.
- Ça va ?
- Oui… Vous m'avez tous félicité mais tous mis en garde également…
Dimitri s'étonna.
- Ce n'est pas étonnant, vous… Tu pardon !
- Vous avez presque le même âge, Dimitri, enfin…
- Je sais c'est pour ça que je me rectifie… marmonna Dimitri. Tu dois bien admettre que tu compliques grandement la situation…
Seth approuva.
- Ou au contraire, je peux tout arranger…
Dimitri inspira.
- Ou au contraire tu peux tout fiche en l'air… De la même façon.
Seth agita la tête.
- Je… suis prêt à prendre ce risque.
Arlène et Dimitri se regardèrent.***
Seth soupira. Il ouvrit son tiroir et en sortit un télégramme. Signé de Roland.
[Pourquoi ne pas nous avoir informé de ça à l'avance ? Je ne comprends plus rien ! Qu'est-ce que tu fous, Seth, merde !]
C'était un télégramme officiel de l'association Pokémon, envoyé pendant la cinquième année de mandat de Roland.
Seth inspira et regarda dans le vague en se mordillant les lèvres.
***
- Nous ne nous connaissons pas…
- Pas trop en effet… Je suis Seth Corrigan !
- Ulrich Trafalgar.
Les deux hommes se serrèrent la main.
- L'intermédiaire entre nous et Direction Dresseurs, c'est cela ?
- Hm !
- J'ai cru… comprendre que par le fait des choses vous étiez dans une relation avec monsieur Truce…
Seth acquiesça.
- En… en effet…
- J'imagine que vous avez conscience des ennuis que vous nous causez tous. Et que vous vous causez par la même occasion.
Seth agita la tête.
- Comme je disais à monsieur Corbin, je peux également… régler les choses !
- C'est cela. Vous voulez régler les choses, monsieur Corrigan ?
Seth regarda le grand homme en hochant la tête.
- Eh bien vous n'avez qu'à coucher avec monsieur Truce, et une fois qu'il est endormi, vous le supprimez.
Seth blêmit.
- Et là il n'y aura plus de problème. C'est radical, je sais, mais c'est la solution la plus simple à tout ce problème. Justin Truce est une épine dans le pied de notre action, vous le savez pertinemment. Roland Smirnoff ne vous a pas appelé pour que vous batifoliez, mais pour que vous agissiez. Parfois la défense de ses idéaux implique de grands sacrifices.
Seth hocha mollement la tête.
***
Justin ouvrit à Seth qui semblait dévasté.
- Seth ? Que se passe-t-il ?! Je reviens tout juste d'un horrible déjeuner avec Roland Smirnoff dans une gargote infâme… J'ai le sentiment qu'il me prend pour un abruti…
Seth entra sans trop regarder Justin qui s'en étonna.
- Eh bien Seth, que t'arrive-t-il ?!
Seth inspira.
- J'ai discuté avec Ulrich Trafalgar aujourd'hui…
Justin haussa les sourcils.
- Cette grosse barrique sans intérêt ? Qui se prétend militant mais qui copine avec les expériences qu'il a combattues ? Tu ne t'es certainement pas foulé un neurone en parlant avec cet énergumène…
- Il m'a demandé de te tuer.
Justin tourna la tête vers Seth.
- Je te demande pardon ?
- Il m'a dit que… si je voulais vraiment…
Seth essuya ses yeux.
- Régler les choses, je n'avais qu'à t'assassiner, ce serait plus simple… Il a dit que je compliquais tout… en fait ils l'ont tous dit mais… pas aussi brutalement que…
Justin cligna des paupières, étonné.
- …
- Je comprends pas ! Je comprends pas pourquoi… Je…
- … Je vais aller démolir cette association de merde.
- J… Justin, non…
- Je vais aller démolir ces foutus bâtiments. Avec Dracolosse, ce sera très vite fait…
- Justin non arrête…
- Je te ramènerai la tête de ce gros tas de saindoux…
- JUSTIN !
Seth avait saisi Justin par le bras. Justin le regarda.
- Je ne peux pas le laisser t'injurier… Nous injurier de la sorte ! Je sais que mon éducation ressort dans les plus mauvais moments, mais là…
- Justin, tu vas te rendre dans les labos de Jackson. Et l'enlever.
Justin s'étonna.
- Trafalgar et lui sont amis maintenant, et… Trafalgar se précipitera pour aller le défendre. Tu pourras lui régler son compte à ce moment-là. Sans pour autant remettre en cause ta position sur l'échiquier. Au contraire ! Tu prendras un avantage certain.
Justin hocha la tête.
- C'est… un peu rude…
- Il m'a traité comme un moins que rien, comme un minable homme de main destiné à faire un sale boulot… Mets-le en pièces ! grogna Seth, furieux.
Justin haussa les sourcils.
- Mais là, c'est à moi que tu demandes de faire un sale boulot…
Pour seule réponse, Seth se jeta sur Justin et l'embrassa. Le noble ne put résister à cette manœuvre de négociation.***
Seth soupira. Il rangea le télégramme et soupira. « J'ai choisi mon camp… »
- Monsieur Corrigan…
- Hm, Vivien ?
- Il me cite des passages de la loi Poképolite et il me demande de les apprendre par cœur, là…
- Eh bien tu t'exécutes. Il t'expliquera tout plus tard.
Vivien acquiesça. Seth souffla. « Je fais tout ce que je peux, mais est-ce que ça suffira… »
***
Seth attendait Justin dans le hall. Teresa arriva à son niveau.
- Vous avez passé une bonne journée ?
- Et vous, ce rendez-vous avec le diable, c'était enrichissant ? marmonna Seth.
Teresa sourit.
- Je ne suis pas la pire, vous le savez.
- Vous parlez de Justin, là ? Parce que si c'est le cas…
- Non, je parle de vous. Parce que moi je fais mes petites crasses de mon côté. Vous, vous tenez les fils. C'est vous, la véritable éminence grise ici… sourit Teresa. Vous croyez que je ne vois pas clair dans votre petit jeu ?
Seth soupira.
- On croit tous en ce qu'on fait, en la justesse de nos combats respectifs…
- Et un seul prévaudra… marmonna Teresa.
- J'espère que ce sera celui de Justin.
- Ou le vôtre…
Seth souffla.
- Le mien importe peu. Et c'est le même que celui de Justin.
- Vraiment ? Permettez-moi d'en douter.
Teresa partit. Seth soupira. « Vieille merde… »
Justin arriva avec Bulbizarre sur l'épaule.
- On descend ?
- Hm !
Le duo se dirigea vers le parking de l'immeuble. Dans l'ascenseur, petit silence.
- Je suis désolé.
- Nan… souffla Seth.
- J'ai été un peu froid.
- Mais non. Tu es toujours comme ça quand tu t'entraines, je suis habitué !
- Je ne veux pas que tu croies que…
- Mais non. Comment va Dimoclès ?
Justin sourit.
- Ce sont deux épées. Les Pokémon sont vraiment des créatures étonnantes…
- Ce serait marrant qu'on fasse des duels !
- Tu ferais se battre le Pokémon contre lui-même ? C'est horrible ! sourit Justin.
- Mais drôle !
Justin sourit.
- Tu vas nous préparer quoi pour ce soir ?
- J'en ai pas la moindre idée !
Justin haussa les sourcils.
- D'habitude tu sais toujours à l'avance ce qu'on va manger !
- J'ai eu beaucoup de choses à penser aujourd'hui… soupira Seth.
- Le gamin… ?
- Je suis en train de le préparer pour une mission future !
- Bien. J'aime ton esprit d'anticipation !
- Merci.
Nouveau silence. Justin plissa les yeux.
- Cet été, on pourrait partir en vacances…
Seth haussa les sourcils.
- … et ta campagne pour l'association ?!
- Les élections sont en janvier, j'aurais le temps en quatre mois.
- … Tu es sûr ?
- Dans quel pays veux-tu aller ?
Seth sourit.
- Pourquoi se contenter d'un seul ?
- Oh bah dans combien de pays tu veux aller ?
- Plein ! Plein !
- Ce n'est pas une réponse, Seth.
- C'est la mienne. Allez, tour du monde express !
Justin sourit alors que l'ascenseur s'ouvrit sur le parking.
- Ce que j'aime avec toi, c'est que l'enthousiasme n'a pas de limites…
- Ce que j'aime avec toi, c'est que c'est très, très facile de t'impressionner en fait…
Justin sourit.
- Ce soir, gratin de pommes de terres !
- Quelle originalité, monsieur Corrigan !
- Merci, monsieur Truce !
***
- Mon Dieu, mon dieu, mon dieu…
Justin était avec son père dans le salon.
- C'est la guerre, Justin, la guerre !!
- J'avais compris, père…
- Et où est ta mère dans des moments comme celui-là, hein ?
- Elle a dit qu'elle avait un travail important à faire… marmonna Justin.
Ménard souffla en regardant la télévision catastrophiste et le ciel, sombre.
- Je dois… je dois…
Justin regarda son père.
- Papa, calme-toi, on va se diriger vers les cellules d'évacuation…
- Justin, fiston, tu vas reprendre mon entreprise, d'accord ? A la fin de tout ça, tu prends Avenir Dresseurs, et tu en fais ce que tu veux !
Justin soupira.
- On ne va pas mourir, papa, on va juste être mis en sécurité…
- Je vais me joindre à Suzuki.
Justin plissa les yeux.
- Quoi ?
- C'est le seul moyen ! C'est lui qui va gagner cette guerre ! C'est lui qui a arrêté toutes les guerres par le passé, c'est lui qui va décider de la fin de celle-ci !
Justin secoua la tête, effaré.
- Papa, ce type est un dingue, un taré ! J'ai vu la retransmission des débats, c'est un fou DANGEREUX !
- C'est notre maître à tous, à présent ! C'est lui qui dirigera tout au sortir de cette guerre !!
- … Tu as perdu la tête !
- Ne me sors pas le baratin que ta mère t'a collé dans la tête !! Tu sais que c'est la seule solution ! S'allier à lui ou mourir ! Les autres nobles doivent être en chemin…
Justin secoua la tête.
- C'est impensable…
- Tu peux aller te faire évacuer, fiston, mais moi hors de question que je sois du côté de ceux qui vont mourir. Suzuki va faire usage d'armes surpuissantes qui vont ravager Poképolis, je ne VEUX PAS faire partie des cobayes qui vont subir les effets de la bombe M…
Justin soupira.
- Si tu veux vraiment ne pas en subir les ravages, tu n'as qu'à arrêter ce fou dangereux !
- Non. C'est notre allié, que tu le veuilles ou non. Il faut que je fasse ma valise… Bon sang, quelle époque pourrie… Ce n'est pas faute d'avoir tout fait pour que ça n'arrive pas ! D'après les informations, un groupe de terroristes, l'Ennéagramme, a tenté d'empêcher la guerre, mais ils n'y sont pas parvenus, alors…
Ménard s'écroula. Justin était derrière lui, tenant le chandelier. Il regarda son père, inerte.
- Espèce de déchet…
Il reposa le chandelier et prit le corps de son père qu'il emmena dans son lit.
- Tout pour sauver ta peau. De grossières tentatives pour te cacher comme un rat… C'est détestable. Pendant que des milliers de gens vont crever, tu ne penses qu'à sauver ta pitoyable carcasse…
Il constata que son père respirait encore. Qu'à cela ne tienne, Justin saisit un oreiller et l'étouffa avec.
- Comme si j'allais te laisser t'en tirer comme ça…
Alors que Justin étouffait son père, quelqu'un apparut dans l'entrebâillement de la porte. Justin acheva son travail, l'observa et regarda enfin derrière lui.
Sa mère.
Dans l'encadrement de la porte. Il la regarda, pris sur le fait. Mais sa réaction ne fut pas celle que Justin aurait pu redouter.
- Bien. Tu as choisi le bon moment pour faire ça. Il donnait déjà des informations à l'ennemi depuis des mois.
- M… Maman…
- Mais ce combat n'est pas le tien. Tu vas aller te mettre en sécurité, moi je vais faire ce que j'ai à faire. Au sortir de la guerre…
La mère s'était avancée vers son fils, âgé de vingt-six ans. Elle prit son visage entre ses mains.
- … Tu seras celui sur qui reposera l'avenir de ce pays. La direction à prendre. C'est toi qui décidera de tout cela. C'est pour ça que tu dois vivre et te mettre à l'abri.
- M… maman…
- Va, mon fils. On se reverra dans un autre monde.
Anya partit, laissant son fils, sonné par cette étrange rencontre. Il fit ce que sa mère lui avait dit, ignorant que par-là même, il s'était lancé dans la plus longue et la plus folle des quêtes.