Chapitre 3: Désespoir.
« Ce monde est révolu. Il y a très longtemps, dans un passé lointain, très lointain, la Vie s'étendait à perte de vue sur de nombreuses contrées fleuries et verdoyantes. Des arbres, des fleurs, des herbes, de l'eau, des Pikachu, des Lovdisc, des Rattata, des Evoli, il y avait tout ça, avant. Il y avait même bien plus. Que c'était bien. Maintenant, il ne reste que deux choses : le sable, et moi. Mon corps a changé aussi. Je ne ressens plus la chaleur. Je n'ai plus besoin de manger ni de boire. Mon nouveau corps est fait de divers débris. Pourquoi suis-je le seul survivant ? Je l'ignore. Au début, j'avais essayé de rechercher une autre forme de vie, n'importe quoi. Un autre homme, un Pokémon, même une plante m'aurait suffit. Mais rien. Rien d'autre que moi. Je m'en souviens. Ils étaient tous là. Mais, ils sont tous partis. Sont-ils dans ce ciel sans fin ? Sont-ils sous cette terre si cruelle ? Où sont-ils ? Je le sais. Ils ont tous péri. C'est tout. »
J'étais vraiment inquiet pour elle. Sa toux était de plus en plus forte, et elle peinait à marcher à tel point que je devais la porter sur mon dos. Ça me peinait de la voir ainsi, c'était affreux, insupportable. Le chemin risquait d'être long, le médecin le plus proche se trouvait dans la grande ville voisine, Trom. Les habitants de Mothrielle et de Canvres étaient obligés de voyager jusque là-bas afin de se faire soigner, je trouvais ça réellement absurde. Pourquoi n'y avait-il pas quelqu'un capable de me dire ce qu'elle avait dans ce foutu village ? Était-ce trop demandé ? Qu'avions nous fait pour que cette maladie ne vienne ? Pourquoi ? Pourquoi !? Un liquide chaud coula le long de ma joue, cela faisait bien longtemps que je n'avais pas ressenti cette sensation. Quelques années, oui. Depuis leurs morts, je n'avais pas pleuré. Pff, j'étais vraiment pathétique. Je sentais le souffle de Shyna dans ma nuque, elle s'était endormie. Le chemin était épuisant, pour elle comme pour moi. Cette route était petite mais interminable, j'avais l'impression que tout était là pour ralentir ma progression. Des hautes herbes, des arbres sur mon chemin, de la boue qui tentait de me faire trébucher, des fleurs bien trop hautes, des petits lacs, des flaques, des Pokémon qui se mettaient en plein milieu du chemin, c'était affreux, je commençais à désespérer. Titouille et Vivi commençait à comprendre ce qu'il se passait, et était déterminés à m'aider, à nous aider. Ils tentaient de demander aux autres Pokémon de me laisser le passage libre, ce qu'ils firent de suite. J'étais vraiment touché par cette aide, j'avais eu peur qu'un combat ne démarrait, cela aurait été la pire des choses qui ne puisse arriver, Titouille et Vivi ne sachant pas se battre. Le soleil tapait de plus en plus fort, je suais de plus en plus. Shyna commençait à se réveiller quand soudain, devant nous était en train de se dessiner un bâtiment, puis un autre et encore un nouveau. La ville était proche. Enfin.
Nous étions arrivés au cabinet médical de Trom sans encombre, avec bien plus de peur que de mal. L'ambiance qui y régnait était froide et morbide, c'était horrifiant, j'avais la chair de poule. Tout était blanc, les seuls meubles étaient un bureau, un lit pour le patient et un gros meuble qui avait l'air d'être un conteneur pour tous les instruments de ce médecin, je me disais plutôt que c'était une énorme poubelle, tout était dérangé, mais bon, c'était lui le médecin le plus proche. Quant à lui, le médecin, il me paraissait très cliché, petit, bossu, de grosses lunettes surplombaient un maigre visage ridé et blanc. Il était plus proche de la fin que du début, c'était à se demander comment cet homme pouvait tenir debout, j'étais assez stupéfait. Il posait diverses questions sur des hypothétiques douleurs à divers endroits ou bien sur des coups de fatigues à Shyna, qu'il surnommait « Ma belle enfant » pour une raison qui m'échappait. Il paraissait vraiment hésitant, il n'avait pas l'air de savoir ce qu'elle avait. J'avais un très mauvais pressentiment. Pour une raison inconnue, je commençai à haleter, j'avais l'air d'un chien errant désespéré. Mes yeux commençaient à se mouiller. Le sentiment d'inquiétude s'accentuait de plus en plus. Je fus achevé par une remarque de cet homme. Il avait lâché, très soudainement une remarque, presque anodine qui démontrait un oubli mais qui me retourna complètement : « Mon dieu ! Pourquoi n'y ai-je pas pensé plutôt ? ». Oui, il avait seulement dit ça, mais j'avais compris, j'avais compris de quelle maladie il s'agissait. Il posait des question très détaillées à Shyna afin de s'assurer de la véracité de ses suppositions. Il en arriva à une bien triste conclusion. La pire conclusion possible. Celle que je voulais à tout prix éviter. Cette conclusion que je redoutais tant. J'avais dégluti en l'entendant prononcé le nom de cette foutue maladie. Le destin s'acharnait sur moi. Cet immonde maladie l'avait elle aussi frappée.
« Ma belle enfant a le Tanuire. Je suis vraiment désolé. »
Ces mots avaient transpercé mon âme. Le désespoir m'envahissait peu à peu. Le destin riait de moi. Il se moquait. Ouvertement. La blessure s'était rouverte. Les larmes coulaient d'elles mêmes. Je ne faisais même plus l'effort de les retenir. Tout autour de moi s'écroulait. Tout le petit monde que j'avais pris du temps à rebâtir après leur mort venait de s'écrouler après avoir posé les dernières pierres manquantes. Tout partait en fumée. Les jours heureux pouvaient s'arrêter à tout moment, j'aurais dû le savoir. J'aurais dû y être préparé. J'avais déjà eu cette expérience. Pourquoi ne l'ai-je pas remarquée ? Tout ça, c'est de ma faute. Je suis bien trop naïf. Voilà pourquoi tout ça est arrivé. Parce que je suis un imbécile. C'est tout. Soudain, une voix me sortit de mes pensées.
« Celk. Arrête ça, ce n'est pas de ta faute. Ce n'est pas de ta faute. Ce n'est pas... De ta... De ta... Faute... » tenta de dire Shyna pour me consoler.
Sa voix avait disparu dans de gros sanglots. Nous pleurions, tous les deux, ensemble, en nous serrant dans nos bras. Nos larmes coulaient le long de nos joues pour se rejoindre au niveau de notre menton et tomber jusqu'à nos mains. Tout ça aurait pu être beau si cette terrible annonce n'avait pas eu lieu. Nous nous embrassions désespérément, le goût salé de nos larmes s'infiltrait dans nos deux bouches.
« Shyna, je te promets que nous trouverons le moyen de te soigner. Ensemble. »
J'avais lâché ces mots sans vraiment y croire, mais dans ses yeux s'illumina une flamme. Une flamme d'espoir. Une flamme rouge, vive et puissante brûlait en elle. Elle ne prit que très peu de temps à se propager jusqu'en moi. Elle m'avait redonné l'espoir. Je pensais que si nous étions tous les deux à y croire, un miracle se produirait. Ce qui ne tarda pas de se produire.
Le docteur, attristé et ému par ce spectacle décida de parler :
« Une rumeur court qu'il existe une solution pour guérir cette maladie. Mais ce n'est qu'une rumeur, tout cela est infondé, et il est très peu probable pour que cela marche réellement. »