Chapitre 38 : Le soleil s'est éteint
Le soleil commençait à se lever sur la région Naya. Une belle journée en perspective pour Nathan Dialine, car quand il se couchera ce soir, le nombre d'ennemis du Premier Triumvir sera considérablement réduit. Il les sentait, oh oui... Les Gardiens approchaient d'Odipolis. Avec eux la plus grosse armée qu'ils aient pu rassembler. Et Nathan attendait, bien à l'abri dans sa capitale fortifiée, protégée par l'ensemble de ses hommes et des milliers de Pokemon.
La bataille allait être explosive. Un bel affrontement. Nathan l'emporterait, évidement, mais pour faire honneur à sa sœur, le combat devrait être éclatant. Il fallait que tout le monde s'en souvienne. Et pour cela, Nathan Dialine allait se montrer lui-même sur le champ de bataille. Quel intérêt de rester ici ? Se passer les nerfs sur Madison ? Il avait déjà fait ça une bonne partie de la nuit. Odion aurait bien aimé en profiter, mais il était à plat depuis le tir du Viseur Mortel. Malgré tout, il avait tenu lui aussi à participer à la bataille. Il ne pourra pas se servir de Déferlantes de Mort qui balayeront l'armée ennemie en moins de deux, mais nul doute que le Prince des Ténèbres allaient se faire plaisir. Tout comme lui.
- Tu sens ça, Madison, susurra Nathan à l'oreille de la suppliciée, attachée à son barreau. Les senteurs de la guerre. Ces moments où l'on anticipe tellement la mort et la soif de sang que nos doigts tremblent ! Quel dommage que tu ne puisses y aller... Mais ne t'en fais pas. À mon retour triomphant, je te ferai un beau résumé. Je te raconterai pendant qu'Odion s'amusera avec toi. C'est qu'il a tenu à te réserver pour ce soir...
Madison n'écoutait pas. Elle était tellement éprouvée mentalement et physiquement que les paroles de Nathan montaient à ses oreilles sans que son cerveau n'en perçoive le moindre sens. Nathan l'avait tellement torturé cette nuit que Madison ne sentait plus son propre corps. Elle avait l'impression de flotter juste au dessus et de regarder tout ça comme un fantôme. Jamais elle n'avait vécu une chose pareille... Madison était une fille fière, qui refusait de montrer ses faiblesses et se rabaisser face à ses ennemis.
Pourtant, face à Nathan et à ce qu'il avait inventé pour la faire souffrir toute la nuit, elle avait supplié sans arrêt. Supplier qu'il la tue, que tout ça s'arrête. Elle avait prié son père, Arceus et tous les autres dieux connus et même inconnus de mettre fin à ses tourments. Mais rien, aucune réponse. Seulement la douleur et la folie. Maintenant, son esprit était comme déconnecté. Pourtant, au travers des ténèbres qui manquaient de l'envahir à n'importe quel moment, elle distinguait une petite lueur. Elle s'approchait doucement. Elle était chaude. Un soleil ? Madison avait l'impression de l'avoir vu toute sa vie, de l'avoir senti, mais sans pouvoir l'attraper.
- Ad... murmura-t-elle. Ad...
- Qu'est-ce que tu dis ? S'étonna Nathan.
Mais à ce moment, Odion vint les rejoindre, l'air comme toujours insatisfait.
- Elle en met du temps, cette armée à venir ! J'ai promis à Mère un festin. Comment osent-ils me faire attendre, ces êtres impurs, à moi, le Créateur de l'Univers ?!
Nathan soupira et se détourna de Madison.
- Apparemment, quand vous avez créé l'Univers, vous avez placé Crepiten un peu trop loin d'Odipolis. Même sans combattre durant le trajet, vu que j'ai rassemblé toute mes forces ici, une armée ne se déplace pas comme un seul homme en volant.
- Il arrive... Je peux le sentir ! C'est le Don de Geran ! Il vient à ma rencontre !
- Oui, oui... Et vous aurez tout loisir de le tuer pour votre Mère. Dites-moi, comment se porte notre nouvelle recrue ? Il s'habitue bien à ses pouvoirs ?
- Hein ? Ah, lui... Il est dehors en train de préparer les troupes. Mais si vous voulez mon avis, ce n'est qu'un déchet de plus, tout comme les autres.
- Un déchet qui nous sera utile. Bon, et ne vous épuisez pas trop non plus. Vu qu'ils ont osé me défier, les rebelles perdront bientôt une de leur ville. Je vous veux frais et dispo pour le prochain tir du Viseur Mortel.
- Vous n'aviez pas promis au déchet de ne plus vous servir du Viseur en échange de son soutient ?
Nathan sourit.
- Si. Mais les promesses n'engagent que ceux qui y croient, n'est-ce pas ?
***
L'armée rebelle s'approchait d'Odipolis. Elle avait traversé la moitié de la région, en passant par de nombreuses villes du Triumvirat pour se reposer et s'approvisionner, mais sans tomber sur une quelconque résistance. Nathan n'avait pas menti. Que ce soit les soldats, les Pokemon ou les Inhumains, tous avaient déserté le reste de la région pour se regrouper à la capitale, afin de défendre le Viseur Mortel.
Ça allait être une bataille terrible, bien pire que celle de Tardsho. Ad savait qu'elle menait des milliers d'hommes à leur mort, et pourquoi ? Pour une seule chance, très faible, de pouvoir sauver Madison. Car elle avait beau se convaincre que c'était pour détruire l'arme ultime de Nathan et d'enfin le vaincre une bonne fois pour toute, c'était un mensonge. Depuis les révélations de tante Frilvia, tout en elle lui criait de se rendre à Odipolis pour libérer sa demi-sœur, si tant est qu'elle soit encore vivante. Ad avait été prête à y aller seule, mais avec une armée, c'était mieux.
Elle n'arrivait toujours pas à se faire à la lourde vérité que Frilvia lui avait révélée, pourtant, avec le Don, elle avait pu juger la sincérité de sa tante. Oui, Frilvia et le père d'Ad avaient été amoureux quand ils étaient jeunes. Guben, de part son titre et sa haute famille, se devait d'épouser une femme issue elle aussi de la noblesse, ce qui n'était pas le cas de Frilvia. Guben épousa Fastia Hugerson, lui fit deux enfants, mais ne cessa toutefois de ressentir quelque chose envers la femme qu'il s'était juré d'épouser alors qu'il était adolescent. Frilvia, elle, avait épousé le frère de Fastia, Elias, mais n'éprouvait pas grand-chose pour lui, surtout qu'elle savait Guben si proche.
Et inévitablement, les deux ont cédé à leur passion, lors d'une nuit où ils étaient seuls. Pour Guben, ça devait être la première et la dernière fois avec Frilvia, un geste fait seulement pour ne pas avoir trop de regret par la suite. Mais pour Frilvia, c'était différent. Elle avait avoué à Ad qu'elle avait tout fait pour tomber enceinte cette nuit. Elle voulait un enfant de Guben, même si pour ça elle devait le piéger. Et ça fonctionna. Frilvia tomba enceinte, mais elle fit croire à Elias que l'enfant était de lui. Guben le crut aussi. Personne ne soupçonna quoi que ce soit, car Madison ressemblait trop à sa mère pour voir en elle un seul traits des Dialine.
Ad était en colère. Pas contre Madison, qui n'y était pour rien. Mais contre Frilvia, pour avoir manigancé un truc pareil, et même contre son père, qui, en dépit du fait d'être toujours passé pour un homme bon et de parole, avait sciemment trompé sa femme. Bien sûr, Ad n'en dirait jamais rien à sa mère. Ça la ferait énormément souffrir, bien plus qu'Ad souffrait actuellement. En fait, elle n'en dirait jamais rien à personne, pas même à Madison si jamais elle parvenait à la sauver. Qu'elle soit en réalité sa sœur ne devrait rien changer, d'autant que Ad n'avait jamais porté grand intérêt à sa famille. Mais elle avait toujours une dette envers Madison, qu'elle comptait bien rembourser. Après... eh bien, elles finiraient peut-être comme leurs propres mères, à se détester à se distance sans jamais se parler.
Ad se secoua la tête et tâcha de se ressaisir. Il fallait qu'elle pense au présent, et non à un hypothétique avenir. Odipolis était en vue, ainsi que l'immense armée qui l'entourait. Pas seulement terrestre, mais aussi aérienne. Des centaines d'engins volants du Triumvirat, et trois fois plus de Pokemon volants, qui étaient menés par une silhouette sombre et menaçante qu'Ad reconnut comme étant Odion perché sur son affreux Proscuro.
Ad alla rejoindre Balterik qui se trouvait avec l'armée des dresseurs rebelles. Il était là depuis un moment, tandis qu'Ad avait fait quelques détours pour recruter plus de gens et de Pokemon. Derrière eux, il y avait les forces dirigées par les nobles de Crepiten, menés par les Lord Luklon et Morneto. Pas tellement, mais c'était déjà ça. Après son coup d'éclat au dernier conseil, Ad s'était attendu à ce qu'aucun ne vienne. En revanche, aucun signe de Narek et de son Artemilion, qui devait être le porte étendard et le point de rassemblement de tous les rebelles.
- Quelles nouvelles ? Demanda Ad à Balterik.
- C'est calme. On se regarde dans les yeux depuis un petit moment. La bataille ne va pas commencer sans les meneurs de chacun des deux cotés. Et comme tu es arrivée, ça devrait bouger en face aussi.
- Comment ça ?
Pour toute réponse, Balterik lui indiqua un détachement qui venait de sortir de la capitale. Ad serra les poings. Elle reconnait bien évidement, en tête et vêtu de ses plus beaux atours, son frère Nathan, escortés par six Inhumains et plusieurs de ces horreurs mutants qu'Ad avait rencontré au Centre Général. À ses cotés, il y avait son fidèle Varnellan, dans une tenue toute militaire. Et puis il y avait aussi un inconnu. Un type portant une toge noire et un masque bizarre qui lui recouvrait tout le visage.
- C'est qui ça ?
- Je n'en suis pas sûr, hésita Balterik. Mais vu ce que je ressens dans le Don... ce doit être un Agent du Chaos, lui aussi.
- Nathan gardait donc quelqu'un d'autre dans sa manche. C'est bien son genre.
- Et c'est très embêtant, fit Geran qui les avait rejoints. On avait prévu les éclairs noirs de Varnellan et même les pouvoirs de Nathan, mais on ne sait rien de ceux de cet homme. Notre stratégie risque d'en souffrir.
- Je joue les guerrières que depuis tout récemment, mais j'ai vite appris que dans une bataille, tout ne se passe jamais comme prévu, et ce dans les deux camps. On va faire comme prévu, mais laissons l'armée des nobles en arrière au cas où. Ils n'interviendront que quand je lancerai le signal.
- En parlant de nobles... Toujours aucun signe de Narek, fit sombrement Balterik.
- Il viendra, dit Ad avec conviction. Quand il me l'a promis, j'ai senti toute sa sincérité. Lord Luklon et Lord Morneto sont bien venus, et Narek est bien plus courageux que ces types.
Loin derrière elle, les deux nobles en question s'autorisèrent un sourire narquois à l'adresse d'Ad qui leur tournait le dos.
***
- Eh bien eh bien, ils sont tous là apparemment, commença Nathan avec entrain.
- Monseigneur souhaite-t-il commencer l'attaque ? Lui demanda Varnellan.
- Non. Voyons donc ce que ma tendre sœur a prévu. De toute façon, tout est bien huilé de notre coté. Nous ne pouvons perdre. N'est-ce pas ?
Il avait interrogé son nouvel Agent du Chaos, le visage caché derrière un masque sombre bordé de rouge et qui semblait porter des crocs. Ce dernier hocha la tête en silence. Les Pokemon des rebelles commençaient à bouger. Une formation étrange, qui consistait à placer devant des Pokemon de type psy, et à les entourer de Pokemon agiles au corps à corps ou qui causaient énormément de dégâts de zones. Au premier coup d'œil, le stratège moyen en conclurait que les Pokemon Psy servaient à placer des Protection et Mur Lumière tout autour de l'armée, et les Pokemon qui tapaient à les protéger pour maintenir ces barrières le plus longtemps possible.
Mais Nathan n'était pas un stratège moyen. Il était l'héritier de la plus grande et la plus vieille famille de la région. Il connaissait cette formation, pour l'avoir étudié dans des livres anciens relatant les exploits militaires des Dialine avec leurs Pokemon. Elle se nommait la Feinte d'Akland, en l'honneur de celui qui l'avait conçu, le célèbre Akland Dialine. Elle consistait à prendre des Pokemon Psy possédant l'attaque Téléport, et chacun d'entre eux iraient se téléporter derrière les lignes ennemis ou en plein au milieu, et ce en amenant avec eux des Pokemon capables de grands ravages. Et dans le même temps, les troupes alliées chargées pour prendre l'ennemi sur les deux cotés. Pour celui qui recevait ça et qui ne s'y attendait pas, c'était la débandade assurée.
Nathan ordonna les contre-mesures nécessaires. Il fit placer de puissantes lignes défensives à l'avant sur deux rangées à la fois, et ordonna aux troupes à l'arrière de se réunir en petits blocs d'une cinquantaine d'hommes, pour qu'ils ne soient pas surpris par d'éventuelles téléportations d'ennemis et prêts à les accueillir. Mais c'était bien pensé de la part d'Adélie. Nathan la sous-estimait un peu trop. Il n'avait jamais pensé qu'elle puisse connaître ce genre de stratégie.
Il attendit de voir sa réponse. Il n'y eut aucune téléportation, signe qu'elle avait compris que Nathan avait zigouillé sa Feinte d'Arkland. À la place, il y eut des petites explosions sous terre, au milieu du champ de bataille. Nathan sourit. Ad devait avoir envoyé ses Pokemon sols pouvant se mouvoir sous terre, mais ces derniers avaient rencontré ceux que Nathan avait placé là. Ça aussi, il s'y était attendu.
- Continue donc à me montrer ce que tu sais faire, sœurette, murmura Nathan. Je serai ravi de détruire tes stratégies les unes après les autres !
Mais alors, il y eut des explosions sous les pieds de plusieurs rangées de l'armée de Nathan. Le sol se souleva en plusieurs cratères, ravageant une dizaines de positions de l'armée du Triumvirat.
- Que... s'exclama Varnellan. D'où ça vient ça ?!
Nathan réfléchit une minute, puis ricana.
- Je vois... L'attaque des Pokemon Sol contre les nôtres n'étaient qu'une diversion. Leur but était de se creuser des tunnels souterrains jusqu'à nos lignes, pour ensuite y téléporter leurs cadeaux.
- Des cadeaux ? Répéta Varnellan.
Pour toute réponse, Nathan montra un endroit non exposé des lignes adverses. Il y avait quelques Pokemon Psy, et un bon nombre d'Electrode, de Smogogo et d'autre Pokemon de ce genre.
- Ils nous téléportent sous terre des Pokemon utilisant Explosion ! fit Varnellan qui avait enfin compris.
- Oui. Très bien joué de leur part. Encore un peu, et je pourrai presque admettre qu'Adélie est bel et bien une digne héritière des Dialine, après tout...
- Nous attendons vos ordres, Lord Dialine.
- Oui, il est temps d'agir. Envoyez les lignes une ou trois, ainsi que nos Pokemon tout terrains. Détachez deux Inhumains.
- Pas de mutant anti-Gardien, mon seigneur ?
- Non. C'est trop tôt. Ad ne va pas se déplacer encore.
Au déploiement des forces ordonnées par Nathan, les lignes rebelles firent de même en envoyant près de cinquante pour cent de leur force. Varnellan jura.
- Je n'imaginais pas que ces fous rompraient leur formation. Mais maintenant, c'est trop tard pour les prendre par revers... Lord Dialine, ils sont bien trop nombreux pour ce que nous avons envoyé.
- Je sais.
- Dois-je les rappeler ?
- Non. Qu'importe nos pertes, nous devons les empêcher d'avancer jusqu'à nos secondes lignes, pour que nos Pokemon de derrière puissent les canarder de loin avec leurs attaques longues portées. Envoyez plutôt l'assistance aérienne. Des tirs ciblés en B2, C2 et E4.
- Bien monseigneur.
Varnellan n'avait toujours pas digéré la défaite que lui avait infligée Lady Dialine à Tardsho. Aussi était-il désormais prudent, presque craintif face à elle. Mais Lord Dialine savait ce qu'il faisait. Et parce qu'il était Lord Dialine, il était trois fois plus compétant en stratégie que lui.
- Lord Dialine, intervint l'Agent du Chaos masqué en montrant le ciel du doigt.
Nathan regarda puis soupira. Odion venait juste de quitter sa position pour foncer sur les rebelles en riant à gorge déployée et en tuant tout et n'importe quoi, même les hommes de Nathan.
- Oui, la notion de bataille stratégique échappe totalement à notre allié Prince des Ténèbres, je le crains. On peut même se féliciter qu'il ait réussi à patienter jusque là.
***
Ad ne voyait pas bien ce que Nathan comptait faire. Et ça l'agaçait, car elle connaissait son frère, et il ne faisait jamais rien sans rien. Il était en train de sacrifier deux de ses lignes et des centaines de Pokemon contre le gros des lignes de fronts des rebelles. Bien sûr, Nathan se fichait de ses soldats, mais il n'était pas adepte du gaspillage sans raison. Ad aurait bien aimé y aller pour voir ça de plus près, et aussi s'occuper de ces deux Inhumains, mais c'était trop tôt. Le Don n'était pas illimité, et elle devait le garder pour le gros des forces du Triumvirat. Sauf qu'Odion venait de participer à la bataille. Sa présence était aussi peu la bienvenue du côté des soldats de Nathan que des rebelles, mais la terreur qu'il inspirait faisait que plus personne n'osait s'approcher. Et Ad comptait bien forcer les lignes que Nathan leur avait envoyé. Et en vitesse, car sa manœuvre avait tout l'air d'être fait pour les retarder.
- Kinan, tu peux t'en charger ? Demanda-t-elle à son ami qui avait quitté le Temple de la Vie pour les aider.
- Je peux l'occuper, mais pas toute la journée.
- Fais ce que tu peux.
L'adolescent acquiesça et se lança dans la bataille sur le dos du légendaire Stratoreus. L'avantage de ce Pokemon, c'était qu'il balayait comme bon lui semblait les avions de Nathan avec ses tourbillons. Ad vit le dragon légendaire foncer sur Odion et cracher une attaque Hydrocanon qui envoya le Prince des Ténèbres et sa monture plus loin. Après une demi-heure de combat, les lignes d'avant-garde de Nathan furent décimées, et les rebelles purent progresser. Ils s'en sortaient bien pour le moment, mais la jeune femme regrettait toujours l'absence de Narek. Sa présence et celle de son légendaire Pokemon Merveilleux aurait pu beaucoup jouer.
- Pourquoi ? Pourquoi n'es-tu pas venu, Narek ? Marmonna-t-elle.
Elle se secoua la tête et revint à l'instant présent. Elle jugea le moment venu d'activer la partie « Au secours les pompiers » de leur plan, comme Killian l'avait nommée. Des dizaines de Pokemon cracheurs de feu s'avancèrent pour cracher leurs flammes sur les lignes que les rebelles avaient gagné. Après quoi, plusieurs Pokemon Vol battirent des ailes pour diriger le feu vers l'armée ennemie. Les rebelles étaient cachés derrière un impressionnant mur de feu et avancèrent en même temps que lui.
Comme ils n'étaient quasiment plus visibles, les tirs et les attaquent touchèrent au hasard. Mais la foudre noire de Varnellan commença à tomber. C'était le moment où les Gardiens devaient intervenir. Ad se lança donc en tête, avec Geran à ses côtés. Elle devait le couvrir le temps qu'il invoque son bouclier de Don pour protéger tout le monde des éclairs de Varnellan. Sauf que quand ils furent devant le mur de flammes, des dizaines d'ennemis le traversèrent pour plonger sur eux. C'était les horreurs génétiques de Nathan. Ces bestioles à mi-chemin entre les hommes et les lézards sur qui le Don n'avait aucun effet. Ils traversèrent donc le bouclier de Geran sans aucun problème.
Les soldats et Pokemon qui suivaient Ad se jetèrent sur eux, mais des dizaines de Pokemon, ainsi que quatre Inhumains, se joignirent à la partie. Ça commençait à faire trop. Ils avaient besoin des renforts. Ad pris le temps de tuer un des Inhumains avec une de ses vibrolames qu'elle tenait de l'Agent 007, puis créa une flèche de Don, épaisse et lumineuse, qu'elle envoya en direction des Lords Luklon et Morneto, restés à l'arrière avec leur petite armée personnelle. C'était le signal. Les nobles envoyèrent leurs forces à l'attaque. Mais quand ils arrivèrent sur le champ de bataille, tout tourna au désastre. À la grande horreur et rage d'Ad, les soldats des nobles n'attaquèrent pas l'armée du Triumvirat... mais bien les hommes des Gardiens !
***
Nathan souriait amplement. Quel dommage, ce feu. Ça l'empêchait de voir clairement la tronche que devait tirer sa sœur en ce moment, tandis que ses troupes se faisaient massacrer par ses soi-disant alliés.
- Luklon et Morneto ?! S'étonna l'Agent du Chaos masqué.
- Oui, acquiesça Nathan sans se départir de son sourire. Je leur ai offert à tous les deux l'immunité totale une fois que j'aurai gagné, ainsi qu'un beau paquet d'or et de titres. Un noble effrayé est le genre de personne avec qui il est si aisé de négocier.
L'Agent du Chaos baissa la tête.
- Bon, maintenant, notre chère Ad est encerclée des deux cotés, et son joli petit mur de feu se retourne contre elle, reprit Nathan. Il ne reste plus qu'à l'achever. Elle est à la bonne distance. Vous êtes prêt ?
L'Agent du Chaos masqué hocha sombrement la tête.
- Quant à vous Varnellan, lancez l'ensemble de nos troupes, puis bombardez la position avec les attaques à distance des Pokemon.
Varnellan cligna des yeux, surpris.
- Mais... Pardonnez-moi, monseigneur, mais nos attaques vont toucher nos propres hommes !
Nathan se tourna lentement vers lui, et Varnellan déglutit difficilement.
- En effet, fit doucement le Premier Triumvir. Mais elles toucheront aussi les leurs, non ?
- Euh... oui, Lord Dialine, à vos ordres.
Il donna les ordres nécessaires, bien qu'à contrecœur, pendant que l'Agent du Chaos masqué préparait ses pouvoirs qu'il avait reçu du Seigneur Diavil.
***
Ad se battait avec toute la rage qu'elle avait dans le cœur, et elle en avait beaucoup. Ces ordures de nobles les avaient trahis ! Une chance pour ces deux là qu'ils aient filé après avoir donné les ordres à leur troupe, car Ad en aurait fait de la purée. Cette trahison aussi soudaine qu'inattendue avait totalement désordonné les troupes, qui se faisaient attaquer sur deux fronts, alors que le reste des troupes de Nathan étaient arrivées. Beaucoup des dresseurs fidèles aux Gardiens avaient péri. Ad avait vu le bon Hugo Fatens, champion d'arène vol de Naya, tomber sous les coups des soldats des nobles, et beaucoup le suivirent. Elle-même avait été obligé de sortir ses Pokemon et tirait flèches sur flèches sans même prendre le temps de viser. C'était une boucherie. Il fallait battre en retraite. Il fallait...
Ad cria quand elle fut touchée par quelque chose qui lui tomba sur le bras et l'épaule. Une substance violette brûlante et puante qui lui rongeait son bras et s'infiltrait dans son sang. Une attaque Bomb-Beurk. Et ce ne fut pas la seule. Des centaines d'attaques spéciales, tirés depuis les lignes de Nathan, fondirent sur eux, touchant à la fois les rebelles comme les soldats du Triumvirat. Ad vit, à travers le chaos, maître Balterik se prendre un rayon de foudre qui le propulsa plusieurs mètres plus loin.
Et ce n'était pas terminé. Le mystérieux Agent du Chaos masqué s'était approché et avait levé les mains. Alors, des trous surgirent de nulle part sous leurs pieds, entraînant des centaines d'hommes et de Pokemon dans des abysses insondables de ténèbres. Ad s'échappa juste à temps d'un trou qui s'était formé sous elle, mais pas son fidèle Kung-Fufu, qui chuta.
- NON !! hurla Ad.
Elle voulut se relever, mais ne réussi qu'à s'allonger encore plus. L'attaque Bomb-Beurk qu'elle avait reçu faisait son œuvre dans son corps, en même temps que la fatigue, la douleur, la peine, puis enfin la résignation. Tout autour d'elle, les hommes et les Pokemon qui lui avaient été fidèles mourraient les uns après les autres. Des gens qu'elle avait appris à connaître, avec qui elle avait parlé. Certains étaient des amis. Quant à ses autres amis, les Gardiens de l'Harmonie, peut-être étaient-ils tous déjà morts. Et elle aussi allait mourir, affalée au milieu de ce chaos. Plus d'espoir pour elle, pour Madison, pour personne...
Mais alors, elle vit au loin son frère haï qui retournait vers Odipolis avec sa garde rapprochée et ce fameux Agent du Chaos créateur de trous. Un afflux de haine dans son corps lui fit reprendre le contrôle de ses membres. La douleur se tut un instant pour ne laisser que détermination. Quitte à mourir, Ad voulait au moins entrainer Nathan avec elle ! Elle se leva sans prendre en compte les protestations de son corps affaibli, puis invoqua une flèche de Don qu'elle laissa filer sans la lâcher pour se propulser avec. Elle retomba sans trop de grâce juste derrière Nathan et sa garde. Nathan ne se retourna même pas. Peut-être ne l'avait-il pas vu. En revanche, l'Agent du Chaos masqué la remarqua.
Tant pis. Ad devrait se contenter de lui. Cet ordure était responsable de beaucoup de morts après tout, et un Agent du Chaos de moins était toujours ça de gagné. La pluie se mit à tomber, et le carnage de la bataille derrière eux cessa peu à peu. Le monde entier semblait avoir fait silence pour ce duel. Ad invoqua les dernières réserves de son Don pour le cribler de flèches, mais l'Agent bougea avec une dextérité étonnante pour les esquiver toutes. Pas grave. Ad pouvait les rappeler. Sauf que quand elle le fit, l'Agent du Chaos créa un autre de ses trous circulaires sous elle. Ad dut perdre le contrôle de ses flèches pour en créer une autre qui la tira hors du vide. Une fois en haut, elle créa une flèche unique mais très longue et épaisse qu'elle autoguida vers son ennemi comme un missile. Mais au lieu de le toucher, la flèche s'enfonça dans un trou vertical que l'Agent avait crée dans les airs même, devant lui. Elle ne réapparut pas derrière, mais s'enfonça dans les ténèbres avant que le trou - ou la porte - ne se soit refermée sur elle.
Ad commençait à analyser son pouvoir. Il pouvait créer ses trous à partir de tout, mais ils étaient d'une taille limitée, et il ne pouvait pas les créer à partir d'une certaine distance, sinon il aurait utilisé cette attaque dès le début de la bataille. Il pouvait en créer plusieurs, mais un seul à la fois. Ad retomba à terre sans que l'autre eu tenté de l'aspirer dans un de ses trous. À en juger par ses mouvements, il n'avait pas l'air d'avoir envie de se battre. Ad frissonna malgré elle, et sa vue se troubla. Ce fichu poison continuait de la tuer à petit feu. Bientôt, même la colère ne la tiendrait plus debout, et elle s'effondrerait, impuissante.
- Qui es-tu, et pourquoi te bats-tu aux côtés de mon salaud de frère ? Lui demanda Ad.
- Je ne suis personne, répondit l'individu. Je ne mérite pas d'être quelqu'un. Juste un lâche qui combat que pour lui-même...
Sa voix était familière aux oreilles d'Ad. Elle fut soudain prise d'un horrible pressentiment. Non, c'était impossible... Pas après tout ça. Ce serait trop cruel... Ad mit de côté ses soupçons pour repasser à l'attaque. Elle créa une flèche qu'elle garda accrochée à son arc, au cas où elle aurait besoin de sauter en catastrophe. Puis elle chargea avec sa dernière vibrolame en main. Au moment où il créa un trou sous elle, Ad lâcha sa flèche pour s'élever, puis en créa instantanément une autre qu'elle tira vers le bas tout en la tenant pour redescendre, car comme elle l'avait prévu, l'Agent avait prédit son échappatoire et crée un trou au dessus d'elle. Là, l'Agent fut surpris, car Ad arrivait droit sur lui, propulsée par la force de sa flèche. Mais avant d'avoir pu l'atteindre, Ad perdit le contrôle de son corps et roula à terre.
Ça y est. Elle ne sentait plus son bras, plus même la douleur, et le reste de son corps se paralysait peu à peu. L'Agent s'approcha d'elle, sans doute pour l'achever. Ad créa alors une dernière flèche, qu'elle dirigea par la pensée. Elle devait toucher la tête de l'homme, mais il esquiva au dernier moment et elle n'effleura que son masque, qui pour le coup parti en morceaux. Ad rassembla alors les dernières forces de ses jambes pour lui sauter dessus et le mettre à terre, puis elle plaça sa vibrolame sous sa gorge avant de reconnaître l'homme devant elle.
C'était Narek Congois, qui la regardait avec douleur, tristesse et honte. Il devait s'attendre à ce que Ad l'achève, mais la jeune femme laissa tomber sa lame. Elle secoua la tête, accablée, comme pour nier cette réalité, ce visage devant elle. Elle resta à genoux, inerte, trop abasourdie par la stupeur et le désespoir pour ne serait-ce que verser une larme. Elle en avait assez. Elle en avait vu assez. Plus rien n'avait de sens.
- Pourquoi ? Murmura-t-elle. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi...
- Parce que l'harmonie tel que vous la concevez n'existe pas.
Ce n'était pas Narek qui venait de répondre, mais une voix sombre et moqueuse derrière eux. Odion venait de les rejoindre, et descendait de son Proscuro. Il éclata d'un rire cruel devant les deux personnes pathétiques qui l'observaient.
- Oui, c'est celui-là ! Cet air si accablé, si résigné, celui qui précèdent les ténèbres éternelles et la douceur de la mort. Ohhh, que ça fait du bien de le voir sur ton visage arrogant et si fier, petite Gardienne. Tu m'as échappé trop de fois et trop longtemps. Et tu as si embêté ton frère qu'il ne tient même plus à te garder en vie.
Odion s'approcha d'elle et lui prit le menton. Ad sentit à peine son touché si froid, si malsain. Elle ne fit rien pour se défendre. Elle l'acceptait juste. Elle avait fini de lutter, alors que tout s'écroulait autour d'elle.
- Ah, ce Don si semblable à celui de Geran... Tu es liée à lui d'une façon ou d'une autre. Te tuer sera donc un vrai plaisir. Arracher à mon frère ses êtres chers est une véritable passion pour l'être omniscient que je suis. Meurs en sachant qu'il va bientôt te joindre. C'est un cadeau que je te fais, et à lui aussi. Je vais vous rassembler pour l'éternité, avec la joie d'avoir Mère à vos côtés.
Puis Odion relâcha son sombre pouvoir de mort, qui se répendit dans le corps de sa victime, traversant sans problème le Don protecteur d'Ad, affaibli par le poison. Adélie Dialine tomba au sol telle une poupée désarticulée, sous le regard hanté de Narek, qui ne put faire un geste. Odion prit une grande respiration, comme pour immortaliser le meurtre de son ennemie et l'imprimer dans son âme. Puis il releva de force Narek.
- C'est le chemin que tu as choisi, déchet, lui dit-il. Que ce soit la lâcheté, l'ambition, la colère, la souffrance, la vengeance... Le Chaos est un seul et même chemin.
Puis les deux Agents du Chaos rentrèrent en ville, laissant là le corps d'Ad. Odion savait que Nathan aurait peut-être aimé l'avoir, ne serait-ce que pour montrer à tous la preuve de sa victoire. Mais Odion n'avait que peu d'intérêt pour les cadavres. Une fois que l'âme avait rejoint Mère, un corps n'était plus rien. Et puis... Odion espérait secrètement que les Gardiens qui avaient survécu le retrouve, surtout Geran, pour qu'ils puissent être assaillis par la douleur. Une douleur qu'Odion, Prince des Ténèbres, était heureux de leur donner.
Et comme il l'avait souhaité, ce fut Geran qui le trouva le premier. Il avait cherché Ad pendant une heure sur le champ de bataille et parmi les innombrables cadavres. Il avait crié son nom pendant des heures, refusant de croire à l'impensable. Pourtant, l'impensable était réel. Il ne sentait plus son Don, qui était pourtant si pareil au sien qu'il pouvait le sentir à des lieues à la ronde. Ce fut presque devant les portes d'Odipolis qu'il la trouva, allongée dans la terre.
Elle était pâle et froide. Elle ne bougeait plus, ne respirait plus. Ses yeux étaient entrouverts, vitreux et sans vie, très loin de ses yeux jaunes qui respiraient la force et la volonté. Plus de Don. Plus de vie. Plus rien. Geran avait assez vu de victimes d'Odion à son époque pour savoir en reconnaître une. Et quand bien même en tant que Gardien de l'Harmonie il avait banni la haine de son existence, elle afflua en lui tel un poison. Geran Glasbael hurla sous ses cieux orageux et sombres qui lui avaient arraché un autre être aimé, le plus précieux de tous.
Et au même moment, dans les cellules du Centre Général, Madison laissa couler ses larmes. Elle ne sentait plus la sphère lumineuse dans son esprit. Elle avait disparu et ne produisait plus cette légère chaleur à laquelle Madison s'était raccrochée. Le soleil venait de s'éteindre.