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Cinhol, le Royaume Perdu de Malak



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» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 21/02/2014 à 09:17
» Dernière mise à jour le 28/07/2018 à 23:21

» Mots-clés :   Aventure   Fantastique   Médiéval   Présence de Pokémon inventés   Région inventée

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Chapitre 31 : Noces rouges
Je tentai de parler à mon ami une dernière fois. Il ne m'écouta pas. Peut-être même ne me comprenait-il plus. Il ne cessait de marmonner le nom de sa défunte épouse. Il disait : « Elle appréciait tant ce monde. Malgré toute son horreur, elle le trouvait si beau. Mais maintenant, là où elle est, elle ne peut plus le voir, n'est-ce pas ? C'est triste... Alors il faut que j'envoie le monde à elle ! »



*****



Adam sortait à peine d'une bataille qu'il devait en engager une autre, et pas la moindre : son propre mariage. Il était bien sûr maintenu à la date prévue. Naglima avait beau avoir été à moitié détruite par les légions de forces obscures, des centaines d'habitants avaient beau avoir trouvé la mort, Padreis, le propre frère de la mariée, avait beau avoir été enlevé et sans doute condamné à une mort atroce, rien de tout cela ne devait empêcher la cérémonie d'avoir lieu comme convenu. C'était le duc Isgon en personne qui avait déclaré cela. Bien qu'il souffrait plus que quiconque par la disparition de son fils, il avait fait savoir que tout report de la date du mariage serait perçue comme une victoire de Nirina par le peuple. Astarias avait acquiescé.

S'il y a encore quelque jours, Adam attendait avec impatience la date de son mariage, il n'avait pas trop l'esprit à ça aujourd'hui. Ylis non plus sans doute, car elle avait été proche de son frère, et sa joie de vivre coutumière avait laissé place à une morne morosité. Bref, pas le meilleur moment pour se jurer fidélité éternelle dans la joie et la bonne humeur. Adam n'avait pas été blessé lors de l'attaque, mais se sentait encore faible depuis que Castel avait pris le contrôle de son corps. Pas une expérience agréable, loin de là. Il avait bien mis les points sur les i avec son ancêtre à ce sujet. Sauf en cas de mort certaine, ne jamais plus refaire ça.

Anis, qui passait déjà avant toutes ces journées à la bibliothèque de la ville, avait maintenant carrément aménagé là-bas. Elle avait été très choqué de découvrir que leur ennemi était en fait son ancien professeur qui l'avait jadis formé, et fouillait dans tous les livres possibles et inimaginables pour tenter d'en savoir plus sur Uriel, le Trio des Ombres, et un moyen de les vaincre. Bien évidement, les récits datant du royaume à sa fondation et de son arrivée dans ce monde étaient extrêmement rare, et à part le journal de Castel, qui n'était même pas encore totalement déchiffré, il n'y avait pas grand-chose. Mais un jour, elle demanda à Adam et à Astarias de venir la rejoindre, car elle aurait trouvé quelque chose.

- J'ai épluché les recueils traitant de l'histoire politique du royaume de ces trois derniers siècles, leur dit Anis. Et j'ai noté qu'une personne revenait souvent. Nombre de ces ouvrages ou compte rendu parlent d'une femme qui serait intervenue de nombreuses fois auprès des rois successifs. On ne dit jamais son nom, et elle a de nombreuses dénominations, mais quasiment à chaque fois, la royauté ou son entourage ont été conseillés ou influencés par cette femme. Mais aucun de ces auteurs n'a remarqué qu'il s'agissait de la même.

- Comment ça, la même ? S'étonna Adam. En trois cents ans ?!

- Je le soupçonne, bien que je n'ai aucune preuve, mais... Je pense que quelqu'un manipule la famille royale de Cinhol depuis le début. Quelqu'un qui se débrouille toujours pour être à un poste haut placé. Sire Astarias, ça vous dit quelque chose ?

Le chevalier n'hésita pas longtemps.

- Votre description correspond à la femme que l'on nomme Venisi, la Veuve Grise. Vous l'avez déjà rencontrée, il me semble.

- La femme voilée qui a l'air constamment prête à chialer ? Demanda Adam.

- Celle-là même. Avant de faire partie des Hauts Protecteurs, elle était de l'entourage de mon père, le roi Festil. Rushon et moi ignorions quel genre de relations ils entretenaient. Nous pensions au début qu'il s'agissait d'une de ses innombrables maîtresses, mais nous avons découvert qu'elle avait également servi sous le père de notre père. Comme personne n'a jamais vu son visage, on ne pouvait deviner son âge, mais il est certain qu'elle est entourée de mystères.

- Je veux bien qu'elle ait servi Cinhol sous mon arrière-grand père, mais quand même, trois cents ans... insista Adam.

- Qu'est-ce qui t'étonnes donc dans ceci, mon garçon ? Demanda Anis. Après tout ce que nous avons vu, qu'une personne puisse vivre plus de trois cent ans est ma foi tout à fait envisageable.

- Bon, admettons. Et donc, qui est-elle et qu'est-ce qu'elle veut ?

- Je l'ignore. Et sans doute que Nirina l'ignore aussi. Mais cette femme me semble avoir d'autre objectifs que ceux du professeur Wufot... enfin, de Ryates. Lui veut la destruction de Cinhol car il est envahi par la haine et la vengeance d'Uriel au sujet de ce royaume. Mais cette Venisi, s'il s'agit bien d'elle, a toujours œuvré pour le bien être du royaume, d'après ce que j'ai lu. Si elle avait voulu le détruire, elle aurait pu le faire depuis longtemps.

- Dans ce cas, pourquoi servir Nirina ? Demanda Adam.

- Encore une fois, je n'ai pas de réponse. Peut-être est-ce un détail, mais j'ai l'impression, le sentiment, l'appréhension que quelque chose de gros nous échappe, et que cette Venisi en fait partie. J'ai relu le journal de Castel et j'ai avancé dans son déchiffrage, mais... il y a des choses qui me dérange.

- Mais encore ?

- Des passages incohérents. Des sauts dans le temps sans le moindre sens. J'ai l'impression qu'il manque des passages, ou que certains ont été modifiés. Je crois que quelqu'un ou quelque chose ne veut pas que l'on sache avec certitude ce qui s'est passé il y a cinq cent ans à la fondation du royaume de Cinhol.

- Qui y'a-t-il à savoir de plus ? Fit Astarias. Si j'ai bien compris, le Fondateur lui-même vous est apparu, et on a pu voir tout récemment la noirceur qui habite l'âme de Ryates. Il veut anéantir le royaume pour Uriel, et se sert de Nirina pour cela.

- Et si j'ai bien saisi ce que Castel nous a dit, poursuivit Adam, on peut imaginer que Ryates compte faire la même chose qu'a voulu faire Uriel autrefois, à savoir surcharger la météorite dans laquelle se trouvaient les trois Pokemon spectres, pour qu'elle explose et que le royaume entier soit anéanti. Et pour cela, il a besoin de Nirina pour provoquer des massacres, car cette météorite aspire l'énergie négative causée par la mort et la souffrance du plus grand nombre de gens. J'ai juste ?

- En effet, c'est ce que Castel Haldar a dit, admit Anis. Ryates compte aussi se servir des trois épées légendaires pour ramener Uriel à la vie. Mais justement, à propos de ce qu'à fait Uriel avec la météorite... Ce sont les passages qui sont le moins clair dans le journal. On sait avec certitude qu'il a trahi Cinhol en ouvrant les portes de la cité aux armées de la République de Bakan. On sait aussi qu'il a commis un massacre à l'intérieur en tuant tous les Pokemon présents, même les siens. Seuls ceux de Castel ont survécu. Mais arrivé le moment du duel entre Castel et Uriel, et de ce que la météorite a fait pour amener Cinhol dans ce monde, ça devient très confus.

- J'ai tué Uriel au cours d'un duel à l'épée, fit la voix de Castel à l'intérieur d'Adam. Puis j'ai poignardé la météorite avec Meminyar. Au lieu de détruire le royaume, ça a ouvert un gouffre dimensionnel vers ce monde ci, et emporté la cité toute entière. Et enfin je suis mort de mes blessures. C'est mon fils, Candrech, qui me succéda.

Adam répéta les paroles de son ancêtre à Anis. Celle-ci hocha la tête mais dit :

- J'entends bien, seigneur Castel. Mais quant à la véracité de ces faits, nous n'avons que votre parole.

Astarias grogna, choqué.

- Osez-vous mettre la parole du Seigneur Fondateur en doute ?! Lui qui a donné sa vie pour protéger le royaume qu'il a lui-même crée ?

Anis leva les mains de façon rassurante.

- Je ne désirais en aucune façon offenser le Seigneur Castel. J'ai juste la fâcheuse habitude à prendre pour argent comptant tout ce qui est posé par écrit, de préférence des références historiques, tandis que je me méfie de la parole des hommes. Une vieille manie d'historienne.

- Le Fondateur a vécu lui-même l'Histoire. Il peut mieux vous la raconter qu'un historien qui n'y était même pas.

- Je préfère tout de même les récits des historiens, insista Anis. Eux ont un regard neutre et donc plus pénétrants sur les évènements qui se sont produits. Ceux qui les ont vécu eux auront bien évidement un point de vue subjectif qui peut brouiller la réalité des faits.

Adam sentit dans sa tête que Castel s'amusait de la méfiance d'Anis.

- Ton amie est sage, Adam. Elle me fait un peu penser à Uriel quand il était encore un homme bon et équilibré. Toujours à penser, à questionner. Bien que très différents, nous nous complétions tous les deux. J'étais la force, et lui l'esprit.

Adam connut un instant de trouble durant lequel il fut comme envahit par des souvenirs qui n'étaient pas les siens. Des images d'un passé révolue, de la nostalgie. Ça arrivait assez fréquemment désormais. À chaque fois que Castel réfléchissait trop à quelque chose, son esprit venait en quelque sorte s'intercaler à celui d'Adam. Et lui bien sûr avait une vue imprenable sur toutes les émotions et les pensées d'Adam. Pas terrible pour avoir une vie privée...Pourtant, il allait devoir s'y habituer. Castel était dans l'impossibilité de quitter son corps. Ils allaient devoir coexister ensemble jusqu'à la mort d'Adam. Mais Castel avait promis qu'il se ferait tout petit. Bien des gens trouvaient exceptionnel qu'Adam partage son corps avec l'esprit du grand Fondateur et disait qu'il avait bien de la chance. Mais Adam était prêt à leur refourguer l'esprit de ce vieil enquiquineur quand ils voulaient !

Les quelques jours qui séparaient Adam de son mariage passèrent très vite, d'autant qu'il devait passer ses journées avec ses conseillers pour débattre de sujets hautement importants comme le nombre de places assises lors du banquet, la couleur de la nappe de la table principale, les décorations murales ou encore le type de cuisson pour la viande. L'effervescence autour de cette cérémonie devenait ridicule. Adam avait presque l'impression qu'il se fichait de l'acte du mariage en lui-même, mais plus de la grandeur de la fête et du nombre de convives.

Adam vint à se demander s'il ne valait pas mieux qu'Ylis et lui quittent la ville, aille se marier en secret dans un quelconque bled paumé avec seulement un fichu prêtre comme spectateur, et reviennent ensuite. Mais Ylis tenait à ce débordement de convenance. S'occuper activement de la préparation du mariage semblait la distraire de son chagrin pour Padreis, et Adam la vit retrouver un peu le sourire. Il tâcha donc de s'y intéresser aussi, ou au moins de faire semblant pour elle.

Mais la veille du mariage, il y eut une excellente nouvelle, aussi bonne qu'inattendu : on avait retrouvé Padreis. Il avait été sauvé par des forces alliées alors que Cinhol procédait à son transfert dans un autre lieu. Quand le messager lui annonça, Adam en oublia sa dignité de roi et jeta sa couronne au travers la salle du trône en criant de joie. Personne ne s'en formalisa, car au même moment, le duc Isgon avait envoyé voler la table en pleurant Arceus et en le remerciant pour sa miséricorde malgré ses jurons continus à son égard.

Adam et sa cour vint elle-même à la rencontre de Padreis pour l'escorter jusqu'à Naglima. Il semblait aller bien, du moins physiquement. Mais mentalement, ce n'était pas vraiment ça. Il semblait à peine les reconnaître et cessait rarement de pleurer. Parfois, il avait comme des visions et se réfugiait derrière quelqu'un pour échapper à un assaillant invisible. Et d'autre fois, il restait silencieux et absent durant des heures.

- C'est sans nul doute un choc qu'il a subit, expliqua le médecin du duc à Adam et Ylis. Je ne peux qu'imaginer ce qu'il a dû subir aux mains de ses geôliers.

Adam aussi pouvait l'imaginer, et sa colère contre Nirina et Ryates crût d'autant plus. Peut-être Padreis ne serait plus jamais comme avant. Mais au moins réagissait-il bien à la présence de sa sœur, et semblait intéressé par son mariage imminent, comme s'il avait totalement oublié. Il insista pour être l'homme d'honneur d'Ylis, qui la conduirait jusqu'à l'autel. Comme ce rôle revenait généralement au père ou au frère ainé, ça fut accepté, avec aval du médecin bien sûr.

Le retour de Padreis avait soulagé Adam d'un point, et donc il pourrait demain affronter le mariage sereinement, pourtant il dormit très mal. Il s'apprêtait à s'unir à une femme. Une femme qu'il trouvait merveilleuse, bien sûr, et qu'il désirait, mais qu'il connaissait depuis peu, et dont il ne savait au final pas grand-chose. Le mariage, alors qu'il n'était jamais sorti avec une fille avant, et qu'il n'avait embrassé personne... Ah si, correction : Nirina l'avait embrassé à son insu quand ils s'étaient croisés dans un couloir de l'Académie. Mais bon ça, ça ne comptait pas vraiment, surtout que c'était sa demi-sœur.

Rien que penser à Ylis et au fait qu'elle serait sienne très bientôt le faisait presque trembler d'impatience. Mais il redoutait aussi la vie qu'ils mèneraient ensemble. C'était un mariage arrangé, il ne fallait pas l'oublier. À ce qu'Adam avait compris d'Isgon et d'oncle Astarias, son propre père, Rushon, n'avait pas vraiment tiré la bonne carte à ce jeu là. Venait ensuite la question des enfants. Car si tout le monde au Rimerlot tenait tant à ce qu'Adam prenne une épouse, c'était pour qu'il ait un héritier au plus vite. Belle affaire que tout cela, mais Adam ne se voyait sûrement pas en père de famille pour le moment. Il n'était même pas sûr de la façon dont on faisait les enfants. Enfin, il avait lu des trucs sur le mode opératoire théorique, mais la pratique était souvent autre chose. Et Adam était quelqu'un de plus théorique que pratique. Enfin, il trouverai sûrement, là n'était pas le problème. Mais s'il ignorait beaucoup de chose sur comment fonctionnait les filles, il en savait encore moins sur comment s'occuper d'un enfant.

Et puis, dernier petit point sensible pour son coté qui venait de l'Ancien Monde... Si Adam était majeur, Ylis elle n'avait que quinze ans. Est-ce que c'était légal de se marier à une fille de quinze ans dans la République de Bakan ? Ici, la question ne se posait pas bien sûr. Les filles pouvaient être mariées dès douze ans. Adam songea que si jamais il parvenait à récupérer le trône, il allait changer certaine lois et amener le royaume dans une ère plus... moderne.

Bref, toutes ces interrogations l'effrayaient, et il ne parvint pas à trouver le sommeil. Pourtant, il devait bien dormir un peu, sous peine de somnoler pendant que le prêtre réciterait sa litanie. Il demanda donc de l'aide à Anis, qui eut la bonne grâce d'utiliser un de ses Pokemon Spectre pour lui lancer une attaque hypnose. Le lendemain, le palais était en pleine effervescence. Pas seulement du coté des invités, mais des gardes aussi. Ils craignaient que Nirina profite de l'occasion pour lancer une attaque ou envoyer un assassin, aussi patrouillaient-ils constamment, et la garde d'Adam fut doublée. Se présenter devant l'autel avec toutes ces armoires à glace en armure derrière, le pied !

Quand ses tailleurs lui revêtirent sa tenue royale de cérémonie, Adam fut condamné à rester tourner en rond seul dans ses quartiers, le temps que le reste soit prêt. Il n'y tint plus, et parti rejoindre sa future épouse dans ses appartements qui étaient en train de passer sa robe. Une pure beauté que cette robe, de ce blanc si immaculé ! Mais de l'avis d'Adam, elle laissait un peu trop à l'air libre quelques parties généreuses d'Ylis. Il ne s'agirait pas pour Adam de se perdre ailleurs que sur son visage lors de la cérémonie. Quand Ylis le vit, elle fit quitter la pièce à ses innombrables couturières. Puis elle tournoya sur elle-même.

- Comment trouves-tu ?

- Splendide.

- Elle appartenait à ma mère. C'est mon père qui lui avait confectionné lui-même.

Difficile à croire qu'Isgon ait pu être si doué de ses doigts en dehors de l'art d'enfoncer sa hache dans le crane de ses ennemis ou celui de renverser les tables. Mais oui, la robe était radieuse. Mais pas plus que celle qui la portait. À voir Ylis ainsi vêtue, si souriante et radieuse, Adam put à peine se contrôler. Elle ressemblait à un ange descendu des cieux. Il s'approcha d'elle sans s'en rendre compte et chercha ses lèvres. Il crut bien avoir réussi cette fois ci, car Ylis s'approcha aussi. Mais au dernier moment, elle tourna la tête.

- Il ne reste que quelques minutes à patienter pour cela. Est-ce hors de votre portée, ô grand roi ?

- Arceus nous mets constamment à l'épreuve, soupira Adam en reculant. Mais allez, je relève le défi.

Adam dut rejoindre la grande salle en premier. Dès qu'il entra, tout le monde s'inclina. Adam se rendit jusqu'à l'autel, aux cotés de son oncle Astarias, qu'il avait désigné comme son témoin. Dans la foule, au premier rang, il y avait Deornas, Isgon, Anis, et bien d'autre. Adam nota aussi la présence de Shinobourge sur un des lustres, surveillant la porte d'entrée comme s'il craignait qu'un kamikaze n'y déboule à tout moment. Puis vint Ylis et Padreis. Légère et éthérée, Ylis semblait flotter sur un nuage baigné de soleil. Elle avait posé une main sur le bras de son frère. Les deux s'agenouillèrent devant l'autel avant de rejoindre le roi. Le prêtre s'approcha. S'adressa au souverain, pâle mais attentif, il déclara :

- Sous le regard bienveillant du Fondateur, nous sommes ici réunis pour célébrer l'union de deux âmes. Sa Majesté le Roi Adam, de la maison Haldar, par la grâce d'Arceus souverain du royaume de Cinhol, et Lady Ylis, de la maison Isgon, fille du duc Isgon et première dame du Rimerlot.

Comme le voulait la cérémonie, Adam prit la main d'Ylis et tous deux se présentèrent au prêtre.

- Adam Haldar, tu es maintenant face à dieu comme n'importe quel homme, qu'il soit ou non de sang royal. Devant notre Seigneur Arceus, consens-tu à prendre pour épouse légitime Lady Ylis, de l'aimer et de la chérir, de l'honorer, de la protéger, de lui vouer fidélité et respect à jamais, et d'être le père de ses enfants ?

- Devant Arceus notre père, j'y consens, répondit Adam sans trembler, ce dont il se félicita.

- Et toi, Ylis Isgon, acceptes-tu d'abandonner ton nom pour prendre celui d'Adam ? Acceptes-tu de l'aimer, de le chérir, de l'honorer, de lui obéir, de lui vouer fidélité et respect à jamais, et d'être la mère de ses enfants ?

- Devant Arceus notre père, je l'accepte, dit Ylis avec un grand sourire à l'adresse d'Adam.

- Alors, reprit le prêtre, selon le rite ancestral de l'union des âmes, et avec la bénédiction de Notre Père Arceus, créateur de toute chose, je vous déclare unis par les liens du mariage, et ce jusqu'à que la mort vous sépare.

C'était le moment. Le moment de sceller leur pacte, et de faire ce qu'Adam avait toujours souhaité depuis qu'il avait rencontré Ylis. Un baiser qui les lierait à jamais. Perdu dans les yeux d'Ylis qui approchait son visage du sien, Adam était loin de se douter d'un danger. Pourtant, alors qu'il était à quelques millimètres des lèvres tant désirées d'Ylis, cette dernière le poussa d'un coup, sans l'avertir, et Adam, surpris, alla s'étaler sur les marches de l'autel. Qu'est-ce qui lui prenait donc ? Alors, Adam vit la scène au ralenti. Une scène qui s'imprima dans ses yeux et dans son âme et qu'il allait porter le restant de ses jours. Padreis, le regard fou, venait de surgir de derrière Adam, un couteau à la main, s'apprêtant visiblement à le poignarder. Mais comme Ylis l'avait écarté en le poussant au dernier moment, ce fut elle qui reçut le coup de poignard, lui transperçant la poitrine.

Le temps semblait s'être suspendu. Personne ne semblait vraiment comprendre ce qui se passait sous leurs yeux. Même le flot de sang qui sortait du corps d'Ylis semblait s'arrêter hors du temps. Ses lèvres semblaient s'être figés sur un « oh » de stupeur. La vie quittait déjà ses yeux quand éclata dans la salle les premiers hurlements. Alors qu'Ylis tombait, Adam la rattrapa et l'allongea sur le sol, une main posée sur sa plaie béante. Astarias et Deornas s'étaient précipités sur Padreis, l'empêchant de retourner son arme contre lui et le maîtrisant tandis qu'il hurlait à la mort. Le duc Isgon aussi hurlait, plus fort que tout le monde. C'était le chaos le plus total.

Mais pour Adam, ça aurait tout aussi bien être un silence écrasant. Pour lui, seuls comptaient les orbes verts d'Ylis, qui se voilaient peu à peu. La mourante le regarda, fit un dernier sourire, et caressa sa joue de ses mains. Adam n'eut le temps de rien dire. La main d'Ylis retomba au sol. La femme d'Adam était morte. Adam resta un moment ébahi, sonné, contemplant le corps de celle qu'il venait d'épouser quelques secondes plus tôt. Il n'avait même pas eu le temps de l'embrasser. Ce baiser qu'il désirait tant, qu'Ylis lui avait toujours refusé jusque là... Jamais il ne l'aurait.

Adam se releva, l'esprit vide toute émotion. Le choc allait ressortir, très vite et très fortement, il le savait, mais pour l'instant, il évoluait dans un univers tellement absurde que la réalité du drame ne l'avait pas encore frappé. Les gardes bougeaient partout, faisant sortir de force les spectateurs effondrés et hystériques. Ils avaient également dut faire sortir le duc lui-même, qui ne se maîtrisait plus et semblait être devenu fou. Astarias et son fils, eux, avaient enfin réussi à maîtriser totalement Padreis, qui gémissait et divaguait, en proie à une terrible folie. Astarias le fit s'agenouiller de force, le regard brûlant.

- À genoux devant ton roi, chien ! Quel genre de bête sauvage peut-il assassiner sa propre sœur le jour de ses noces ?

Mais Adam savait qu'Ylis n'était pas sa cible. Ylis l'avait protégé, lui Adam, en prenant le coup à sa place. Il interrogea calmement Padreis du regard. Ce dernier sembla retrouver un peu de raison, et débita dans un discours incohérent ponctué de larmes et de cris de détresses :

- Arceus... Ayez pitié, oh oui, ayez pitié... Tuer l'usurpateur Adam Haldar... La douleur, si forte... Pourquoi ? Pourquoi ? Qu'ai-je fait, Nirina ? Je voulais juste revoir Alroy une dernière fois... Mon roi... Il m'a dit de tuer mon roi lors du mariage. Tellement noir... tellement froid...

- Qui a dit ça ? Demanda Adam, toujours aussi calmement.

- Le Patriarche... Ryates... Ryates ! Pas pu résister... trop sombre... magie... Oh, mon dieu ! Arceus, libère-moi du mal ! Qu'ai-je fait ?! Ylis... C'est moi qui... je... je suis... oui, je suis un monstre...

Après quoi, Padreis éclata de rire, un rire de fou. Puis d'un coup, il se débattit si fortement qu'Astarias et Deornas, surpris, ne purent le retenir. Il suffit de deux secondes à Padreis pour tourner l'épée d'Astarias dans sa direction, et de s'y embrocher dessus. Adam ne cilla pas, et contempla son agonie avec détachement. Quand ce fut fini, il dit à Astarias :

- Mon oncle, veillez à ce qu'il ait une sépulture descente, avec tous les honneurs qui lui sont dus en tant qu'héritier du Rimerlot. Il est autant une victime de Ryates qu'Ylis.

- Bien sire.

- Quant à Ylis, je veux qu'elle soit enterrée comme une reine. Elle était une reine. Elle était ma femme, m'entendez-vous ?!

Les deux hommes acquiescèrent avec précipitation, inquiets. Adam se rendit compte qu'il avait presque crié. Au fond de lui, la rage commençait à bouillonner.

- Sortez, ordonna-t-il. Laissez-moi seul avec elle...

Ils ne se le firent pas répéter, et sortirent en prenant avec eux le corps de Padreis. Adam se mit à tourner autour du cadavre de sa promise. En la regardant, Adam semblait revivre quelque chose, comme s'il avait déjà connu cet instant tragique et marquant. La même souffrance, la même tristesse, la même rage. Une rage si déchirante qui surgit du plus profond de son être.

- RYYYYAAAAAATEEESSSSSS !

Etrange. Ce cri inhumain semblait être sorti de ses lèvres. Encore plus étrange, quand il empoigna son épée Meminyar, elle luisit d'une lumière telle, si sauvage, que les rayons mirent le feu au mobilier. Après quoi Adam, dans un état second, s'évertua à réduire en miette tout ce qui l'entourait. Quand il se fut calmé et que toute la salle était en ruine et en flamme, il prit Ylis dans ses bras et sortit. Tout d'abord, il irait enterrer cette fille qui ne lui avait pas été autorisé à aimer. Puis ensuite, il lèvera son armée, pour prendre Cinhol, et précipiter Ryates dans le plus infernal des enfers. Et si Nirina osait s'interposer, elle aussi subira toute l'étendue de sa colère.