... ceux qui s'égarent. [20]
Lentement, très lentement. Il commença par bouger fébrilement sa main droite. Que s'était-il passé ? A chaque fois qu'il essayait d'y penser, sa tête le faisait si mal... Pas uniquement sa tête d'ailleurs,btout son corps le faisait souffrir. Doucement, très doucement. Ses paupières commencèrent par trembler légèrement. Quel était cette étrange sensation de lourdeur qu'il ressentait ? Tellement de douloureuses questions se bousculaient dans son esprit...
« Ah ! s'exclama soudainement une voix masculine. Tu es réveillé ! Oh... je... n'y croyais presque plus...
–Qu..., s'étonna une autre voix. Célio s'est réveillé ? Vraiment ?!
–Oh... Célio..., finit par soupirer une troisième.
"Célio... Ah, oui...c'est mon nom..." pensa le garçonnet. Sa mémoire lui revint peu à peu. La Sortie Forestière, l'arrivée Lynn, l'attaque des Charmillon... mais tout était encore floue pour lui. Finalement, Célio réussit à ouvrir ses yeux et se retrouva nez à nez avec un jeune garçon complètement en larme.
–Célio ! reprit ce dernier. Tu nous a presque fais attendre !
–Yu...Yuki...
–Fais attention à toi, l'interrompit ce dernier le regard doux, tu es encore fragile. Ne bouge pas, tout va bien maintenant... »
Fa et Shiro se contentaient d'observer silencieusement la scène de loin, sans intervenir. Toutes deux étaient attendries par l'affection que Yuki portait à l'égard de son ami. Ce fameux "loup solitaire" n'avait cessé de veiller sur son protégé pendant des heures, sans dormir. Le tenant par la main, en pleurant, priant, suppliant pour son rétablissement.
« Si seulement il était aussi doux avec moi... »
Shiro secoua vivement sa tête en rougissant. Comment pouvait-elle penser à de telles choses dans cette situation ? Ils étaient perdus dans une forêt sombre, et n'avaient pas rencontrés âmes qui vivent depuis quelques jours déjà. La demoiselle voulait à tout prix se ressaisir, cela ne lui ressemblait tellement pas.
A ses cotés, Fa restait pensive et regardait les deux jeunes garçons avec un certain intérêt. Elle ne bougeait pas d'un cil, le regard vide, quoiqu'un peu nostalgique. Même le glacial vent matinal la laissait de marbre. Ce fut seulement au bout de quelques minutes, lorsque Célio se releva péniblement, que Fa reprit ses esprits.
« Célio ! s'écria vivement Yuki. Tu devrais rester couché. Tes blessures ne sont pas encore totalement guéries...
Malgré l'inquiétude de son ami, le garçonnet fit lentement un signe négatif.
–Non, je vais bien. Ce n'est pas la peine de t'inquiéter.
Le ton était doux, calme et apaisant. Tellement, que Yuki ne put que lui adresser un petit sourire attendri.
–Si tu le prends comme ça...
–Merci, Yuki. »
Non loin d'eux, Fa souffla silencieusement quelques mots qui se perdirent au rythme du vent. Satisfaite d'avoir relâché ce qu'elle avait sur le cœur, Fa repris son air enjoué et s'avança vers le duo.
« Alors, bien dormi ? Tu nous auras presque fais attendre, tu sais !
–Vraiment ? Désolé...
–Hé ! Ne fais pas cette tête ! Tu me ferais passer pour la méchante ! Et puis, tu as vraiment dormi longtemps.
–Ah ?
–Hum... je dirais... deux jours ?
–D... deux jours ?! Oh... je suis vraiment désolé... on a raté la sortie par ma faute...
–Hum ! intervint soudainement Yuki en se passant la main dans ses cheveux. Mais qu'est-ce que signifie raté, Célio ? Le combattant qui faillit après avoir vaillamment lutté a-t-il tout perdu ? Et même, l'épéiste qui brise sa lame n'a-t-il pas gagné de ses erreurs ? Je peux te le dire, Célio. Mes crocs sont aiguisé, non pas par nature, mais par expérience de l'échec !
–Waaah ! s'étonna Fa. Cette fois-ci, je distinguerais presque une morale dans tes délires.
–Ce que je dis a toujours un sens profond, c'est évident !
–Mouais, tu fais bien le fier pour quelqu'un qui était au bord des larmes il y a peine quelques heures !
–Qu... ! N'importe quoi ! Tu as imaginé des choses, c'est tout.
–Vraiment ? sourie le garçon manqué avant de prendre une petite voix aigue. Oh ! Célio, réveille-toi, je t'en pris ! Ne me laisse pas ! S'il te plaît, ouvre les yeux !
–Aaaah ! s'empourpra immédiatement le loup solitaire. Je...je...je n'ai jamais dis ça !
–Et pourtant... intervint instinctivement Shiro restée jusqu'à lors silencieuse. Il y a encore des traces de tes larmes sur le sol.
–... ! C'... qu... !
Le pauvre Yuki s'étouffa en constatant l'irréfutable preuve de sa culpabilité. N'arrivant plus à en placer une, le loup solitaire se tétanisa sur place.
–Hé bien... souffla silencieusement Fa à Shiro. On peut dire que tu lui as fais de l'effet...
–Hein ?! cria soudainement la demoiselle. M...mais mais qu'est-ce que tu racontes ?! N... non ! Je n'ai pas voulu... euh...enfin... »
Fa s'amusa de la réaction de sa comparse et elle en fut même très satisfaite. Avec un petit sourire en coin, elle ne put s'empêcher de penser "Ça, c'est pour toute les fois où tu m'as regardée de haut."
Pendant que Yuki était encore paralysé, et que Shiro se confondait toujours dans un nuage d'excuse jusqu'à en être perdue dans son monde, Célio se souvint tout à coup d'un certain événement.
« Oh ! Fa ! Tu vas bien ?
–Hein ? s'étonna cette dernière devant cette intervention inattendue. Hé bien comme d'habitude !
–Je veux dire, tu... tu t'es envolée si brutalement et ensuite... tu étais inconsciente...
–Ah... je vois... Il fallait dire que je ne m'y attendais pas du tout ! Ne t'inquiète pas, je n'ai rien de spécial, je me suis même réveillée quelques temps après. Je peux vraiment être étourdie des fois, hihihi ! Mais c'est plutôt à moi de te poser cette question. Tu es resté deux jours complets dans un profond sommeil après tout !
–Deux jours... j'ai du mal à m'en rendre compte... Hé ! mais, vous n'avez pas utiliser l'émetteur de secours ?
–Ah... disparu...
–Disparu ?!
–Dis, c'est dingue n'est ce pas ! Complètement évaporé dans la nature ! Comme Lynn d'ailleurs. Et... comme nos totems.
–Attends deux minutes Fa... j'ai du mal à suivre... c'est quoi cette histoire avec Lynn ? Et les totems ? Lynn n'était pas avec nous quand on a été attaqué ? Il lui est arrivé quelque chose ?
– Ah ça, on aimerait bien le savoir ! Au début on pensait qu'elle avait tentée de fuir l'attaque des Charmillon toute seule mais...
Calmement, Fa pointa du doigt le haut de son uniforme.
–Célio, tu sais ce que j'avais là ?
–Hein ? Qu'est-ce que tu veux dire ?
–Un petit objet métallique que nous avons tous reçus au début de la sortie !
–... Ah ! Ton badge ! Où est-il ?
–Complètement disparu, comme celui des autres. Et... regarde Célio. Tu as encore le tiens.
Précautionneusement, Célio parcourra son uniforme et rencontra le petit contact métallique qu'il recherchait.
–Oh ! C'est vrai !
–Alors nous sommes arrivés à une conclusion. C'est quelqu'un qui a dû nous les prendre, pendant que nous étions inconscients. Et pendant que tu combattais.
–Hum ? Et cela ne pouvait pas être un des Charmillon, le voleur ? Il y en avait tellement...
–Non... pour deux raisons. La première est que nous étions inconscients juste au début du combat, lorsqu'il n'y avait encore qu'un seul Charmillon. Et il était occupé avec toi : ce ne peut pas être lui le voleur. Pour le reste de l'affrontement, nous étions parfaitement conscients mais complètement paralysée. Nous l'aurions remarqué si quelqu'un avait tenté de nous voler !
–... et la seconde raison ?
–Ah ? Hé bien c'est logique en fait ! On c'est senti bien bête de ne pas y avoir pensé plus tôt !
–Pourquoi ?
–Héhéhé ! Les Charmillon n'ont pas de bras ! Dur de voler des badges, totems, voir même un émetteur dans ces conditions !
–... maintenant que tu le dis...
Effectivement, Célio se sentis un peu stupide de ne pas l'avoir remarqué. Cependant, il n'avait pas encore eu toutes ses réponses.
–Et Lynn dans tout ça ?
–Ah... lâcha tristement Fa. Et bien... si les Charmillon n'ont pas pu nous voler et ne reste que ... Lynn. Et ça disparition soudaine ne joue pas en ça faveur...
–Mais... je ne comprends pas ! Pendant l'attaque des Papinox, on l'a bien sauvée, non ? Et ensuite, l'histoire avec son frère, son groupe...
–...
–Et pourquoi nous voler ? Les totems, les badges et ... l'émetteur ! Ça n'a aucun sens !
–On... on n'en sait pas plus que toi... désolée... on est resté ici pendant deux jours complets, perdu dans se coin sombre de la forêt. Tout ce que l'on pouvait faire, c'est des hypothèses... A vrai dire, on comptait même attendre la fin de la Sortie Forestière, espérant que les professeurs remarquent notre absence et viennent à notre rescousse.
–On ... on est si mal que ça ?
–J'en ai bien peur... il semblerait que Lynn nous a menée dans la partie la plus traître de cette forêt. Yuki et sa Pokédoll sont allés en reconnaissance plusieurs fois, mais impossible de rebrousser chemin ! C'est comme si... la forêt avait changé...
A l'entende de son nom, Yuki repris ses couleurs. Et il intervint brutalement dans la discussion, le regard brillant d'un intense éclat flamboyant.
–Célio ! Ecoutes-moi !
–O...oui ? bafouilla le garçonnet quelque peu intimidé.
–Il ne nous reste plus beaucoup de temps avant la fin de la sortie. A vrai dire, juste un jour. Dès demain, la fin de l'épreuve sonnera.
–Et...et donc ?
–Deux choix s'offrent à nous : soit rester ici à attendre comme de pleutre, soit chercher la vérité. Célio. Nous avons tout perdu, badges, totems, émetteur... nous n'allons tout de même pas aussi perdre notre fierté ! Retrouvons Lynn. Elle seule à la réponse nos questions.
–Yuki... soupira Fa. C'est trop dangereux...
–Fa, reprit le loup solitaire. Ne me dis pas qu'au fond de toi, tu ne cherches pas à savoir ce qu'il s'est vraiment passé. L'attaque des Papinox, des Charmillon et le vol de notre butin... crois-tu encore à une coïncidence ?
–Il n'a pas tord, renchérit calmement Shiro.
–Tiens ? s'étonna Fa. Tu n'es plus en train de t'excuser dans le vide, toi ?
– T...tais-toi ! J...je suis sérieuse là ! rougit soudainement la demoiselle avant de reprendre son souffle. Je veux savoir. Je veux savoir la vérité sur toute cette affaire, et sur Lynn. J'ai le sentiment qu'après cette sortie, il sera trop tard... il faut absolument la retrouver avant demain.
–Hum ! approuva Yuki avec un petit sourire. Hé bien, je crois que c'est la première fois que nous sommes d'accord Shiro. Je souhaite que nos chemins resteront à jamais liés, et qu'ils ne divergeront plus inutilement !
–Ah ! ... m...moi aussi... bégaya la demoiselle en détournant le regard.
–Intéressant... marmonna silencieusement Fa devant la réaction de son amie.
–Ceci dit, reprit Yuki, c'est nous partirons à sa recherche qu'une fois que tu en seras capable, Célio.
–Mais je te l'ai dis, je vais bien.
–Ah, et je te crois ! Mais tu viens à peine de te réveiller et je vois à tes yeux que tu es encore un peu dans le brouillard. Nous partirons dans dès que tu te sentiras mieux.
–Et moi ? rajouta sarcastiquement Fa. Personne ne s'occupe de mon avis ?
–Voyons ma chère, répondit Shiro du tac-au-tac, nous sommes à trois contre un. Il faut accepter la défaite.
–Hé ! Pourtant Célio n'a pas donné son accord !
–Il n'a pas donné son désaccord non plus.
–Haha... »
Célio ne put que lâcher un petit rire maladroit devant ses deux filles qui ne pensaient même pas une seconde à lui demander concrètement son opinion. Cependant... c'était aussi un rire de soulagement. Tellement de choses s'étaient déroulées, dont certaines horribles. Célio n'oubliera jamais le moment où il a vu Fa s'écraser contre un arbre, lors du précédent combat. Jamais il n'oubliera sa détresse, lorsqu'il vit ses trois compagnons inconscients. Jamais il n'oubliera cette rage qu'il avait ressentie. Et pourtant, il était là, maintenant, en train de rire. Etait-il idiot, ou est-ce que c'était plus complexe que ça ? Ou alors, beaucoup plus simple. Yuki, Shiro et Fa... étaient ses précieux amis, même si pour ses deux dernières, Célio ne les connaissait que depuis peu de temps. Malgré tout, il se sentait en sécurité avec eux, il avait le sentiment que s'ils restaient tous ensemble, ils pourraient surmonter tous les coups durs. C'était un point de vu extrêmement naïf, et mature. Ce groupe, ces quatre "Rewriters" formaient un véritable réseau émotionnel où chacun étaient interdépendants l'un avec de l'autre. Et c'était de ce puissant réseau dont ils tiraient leur force, la force d'avancer. Désormais, Célio voulait protéger ce précieux lien plus que tout au monde.
Le garçonnet, stoppa son rire un instant. Il prit sa plus tendre expression avant de prendre la parole, d'une voix assurée et sincère.
« Yuki, Shiro, Fa. Merci. »
Un peu surpris par cette intervention soudaine, ses trois comparses le dévisagèrent un instant avant d'arborer un grand sourrire.
« Voyons Célio, commença ironiquement Shiro, tu as encore la tête dans les nuages ?
–Mais de rien ! s'exclama vivement Fa.
–... non, finit par souffler Yuki. Célio, c'est nous qui te remercions. Merci d'être là pour nous. »
La déclaration du loup solitaire provoqua un long silence, au sein de cette sombre forêt. Or, ce silence était plus communicatif que jamais. Ils n'avaient pas besoin de paroles pour se comprendre, c'était aussi simple que cela.
Au bout que quelques heures, Célio décréta qu'il était maintenant parfaitement prêt à partir. Aussitôt dit, le petit groupe se concerta pour se décider de la voie à suivre.
« Bien ! s'écria Yuki d'une voix forte. A vu de nez, il doit juste à peine être midi...
Réalisant ce qu'il venait de dire, le loup solitaire rajouta rapidement :
–... et non, l'on ne va pas manger.
Un long soupir sortir de nulle part.
–Bref ! Il faut absolument que l'on retrouve Lynn avant demain. On oublie les totems et le reste, Lynn est désormais notre cible principale ! On a quartier libre, on peut même se permettre de se perdre encore plus. Car dès demain, les professeurs viendront nous chercher.
–J'ai une question ! intervint subitement Fa.
–Oui ?
– Et si les professeurs ne nous trouvent pas, demain ?
Après un long silence embarrassant, Yuki reprit son discours :
–Bien ! Je vois qu'il n'y a pas de question ! Parlons maintenant de notre plan.
–Il m'a complètement ignoré !
–Premièrement il ne faudra jamais se séparer. On est déjà perdu dans une forêt, alors si on se perd entre nous aussi... Enfin ! Nous n'avons pas droit à l'erreur. Cependant, deux chemins s'offrent à nous : soit nous continuons notre tout droit, soit nous tentons de revenir sur nos pas. Une fois que l'on aura prit une décision, elle sera complètement irrévocable. Alors d'après vous, où se trouve Lynn ? Encore plus profondément dans cette forêt ou a-t-elle rebroussée chemin ? Ah, et en sachant que l'on ne retrouve plus la route que l'on prise pour venir ici...
Le petit groupe se regarda un instant dans les yeux : personne, pas même Yuki, ne savait précisément la marche à suivre.
–Mmmh... commença Célio. Revenir sur nos pas serait plus sûr, non ?
– Ça le serait, répliqua Yuki, si on savait par où on était passé. Partons du principe que les deux chemins sont aussi dangereux. En gros, il faut savoir si on avance encore plus ou si on recule.
–Demain... intervint Shiro pensive. C'est la fin de l'épreuve, non ? Alors, je pense que Lynn est en direction de la sortie en ce moment même. Après tout, elle n'a plus rien à faire ici.
– C'n'est pas faux, admit le loup solitaire. Tu suggères donc que l'on se dirige nous aussi vers la sortie, et plus rapidement qu'elle ?
–C'est ce que je dis, oui.
–Sauf que, on ne sait pas où se trouve la sortie.
–Oui Shiro ! s'exclama Fa. On est perdu dans la forêt !
–Humpf, au moins moi, je propose des solutions.
– On n'est pas sortie de l'auberge... soupira Yuki. Et toi Célio, tu en penses quoi ?
–Euh... hé bien... au fond... vu qu'on est perdu, qu'on avance ou qu'on recul, c'est comme si on tirait à pile ou face, non ?
–C'est une manière pessimiste de voir les choses, oui... personne à une vision un peu plus joyeuse de notre situation ?
–Ah ! réagit vivement Shiro. Je sais ! C'est comme si on devait choisir entre deux parts de galette des rois ! Tu sais que dans une de ses parts... il y reste la fève... mais tu ne peux en prendre qu'une seule... alors... tu réfléchis longtemps, longtemps... et avant que tu ne t'en rendes comptes, tu as déjà avalé les deux morceaux !
– Personne d'autre ? l'ignora Yuki.
–Enfin, conclut Célio. Au fond, ça ne sert à rien de se poser la question, non ? Je veux dire... c'est impossible d'être certain de la marche à suivre.
–Vraiment personne n'a de vision optimiste de notre situation ? insista désespérément Yuki.
–Autant y aller au pif alors ! s'immisça Fa. On perdra déjà moins de temps !
–Oh et puis zut... »
Abandonnant toute autre tentative, Yuki lâcha un énorme soupir et se prépara à partir une bonne fois pour toute.
« Ah, reprit-il. Il reste une chose à régler. Voyons... Fa ! Tu irais où toi ? Tu avancerais ou tu reculerais ?
–Hein ? Euh... je pense que je reviendrais en arrière...
–D'accord. Bon tout le monde, on continue d'avancer ! On n'a rien à perdre de toute façon. »
Fa voulu riposter, mais son interlocuteur lui avait déjà tourné le dos avant qu'elle ne puisse formuler une seule phrase. Répriment frustration, le garçon manqué se promit de se venger ultérieurement.
Maintenant que le groupe s'était décidé à plus ou moins l'unanimité, les Pokédoll arrêtèrent de monter la garde. Durant ses deux derniers jours, aucun Pokémon sauvage n'était réapparu et personne d'autre d'ailleurs. C'était bien là la preuve que les "Rewriters" étaient réellement égarés profondément dans cette forêt. Comme l'occasion était exceptionnelle, toutes les Pokédoll étaient de sortie : il n'était plus question d'économiser les gemmes. Il s'agissait en quelques sortes du rush final, avant le dernier acte.
Trouver Lynn. Plus facile à dire qu'à faire. Après tout, le groupe ne faisait qu'avancer en ligne droite en espérant tomber par hasard sur cette dernière. Cette petite marche dura longtemps... très longtemps... étrangement, même le vent semblait se taire.
« ... »
Au final, aucun des enfants ne parlait. Même leurs pas semblaient silencieux. Il n'y avait strictement aucun bruit. Aucun.
« ... »
Depuis combien de temps est-ce qu'ils avançaient ? Même eux ne le savait plus désormais.
« Stop. »
Yuki s'arrêta soudainement. Devant l'interrogation de ses amis, il pointa du doigt un arbre.
« Regardez ses branches. Elles sont tordues de manière très particulière. A mon avis, il doit être le seul arbre du coin à ressembler à cela.
–Tu te lances dans la botanique ? réagit ironiquement Shiro.
–C'est la cinquième fois que je le vois. »
Un lourd silence s'installa.
« Tu... tu t'es peut-être trompé ? tenta Fa. Il a tellement d'arbre ici...
–Non... intervint Célio. Moi aussi, j'ai déjà vu exactement ce même arbre plusieurs fois.
–Alors... réessaya le garçon manqué de plus en plus livide, ... peut-être qu'il y a plusieurs fois le même arbre ?
–C'est impossible, décréta Yuki. Regarde ses branches, il y en a même une qui est brisée. Tous les autres étaient identiques. Conclusion...
–... c'est le même... finit Shiro avec une petite voix. Mais... on n'a fait que marcher en ligne droite !
–Je me disais la même chose... lâcha le loup solitaire dont le ton de sa voix trahissait son inquiétude.
–On... on tourne en rond alors ? Hein ? On fait juste le même chemin sans s'en rendre compte, hein ? N'est-ce pas ?
–Je... je suppose...
–Peut-être que si on rebroussait chemin alors ? Ça ne sert à rien de continuer si on ne sait pas ce qui cloche !
Sans attendre une réponse, Shiro rebroussa subitement son chemin.
–Hé ! Attends ! Argh ! Elle va vraiment vite... Célio, Fa ! On la poursuit ! Il ne faut pas que quelque chose lui arrive !
Approuvant sans effort, Célio et Fa suivirent leur ami à la poursuite de Shiro, jusqu'à ce qu'un terrible cri aigue retentit. Un cri tellement perçant qu'il tétanisa les enfants sur place.
–SHIRO !
Doublant sa vitesse, Yuki arriva le premier dans un lieu familier. Devant lui, Shiro était complètement effrayée incapable de formuler la moindre phrase.
–I...impossible... souffla le loup solitaire.
–Qu'est-ce que c'était ?! s'exclama Fa avant de rester bouche bée elle aussi. M... mais ! c'est...
–Cet endroit ! lâcha Célio qui venait lui aussi d'apparaître.
Les minutes passèrent sans que personne n'ose prendre la parole. Jusqu'à ce que Yuki tenta de se calmer.
–On... on est bien d'accord. On marche depuis un sacré bout de temps... alors... pourquoi ... est-ce que l'on est revenu à notre point de départ ? Je veux dire... aussi rapidement ?
–Je ... je ne comprends pas... souffla Shiro complètement verte. Ce n'est pas possible...
Et pourtant il n'y avait aucun doute envisageable. Le groupe reconnaissait parfaitement ce lieu où il avait passé deux jours entiers.
– Ce... ce doit être une erreur ! essaya Shiro de se convaincre. Je sais ! Peut-être que si on prend l'autre chemin ! Nous n'aurions pas du avancer, il fallait revenir sur nos pas !
Encore une fois, la demoiselle s'affola et s'enfonça de nouveau dans la forêt, du coté opposé par où elle été arrivée.
–Raaah ! s'enerva Yuki. Ce n'est pas le moment de se disperser ! Venez, on la suit ! »
Et une nouvelle fois, le groupe se remit à la poursuite de Shiro. C'est seulement au bout de vingt minutes qu'ils aperçurent leur amie, en pleurs, au sol.
« Ce... ce n'est pas possible... répéta Shiro d'un ton complètement vide. Ce... ce rocher... je l'ai déjà vu... Aaah ! Ne me dîtes pas que... »
Sans crier gare, la demoiselle rebroussa chemin une nouvelle fois. Ses trois compagnons commençaient sérieusement à fatiguer de la suivre partout comme cela, mais il ne fallait absolument pas qu'ils fussent séparés.
Quelques secondes plus tard, le groupe se retrouvât à leur point de départ.
« C'est..., commença Fa, ... c'est là... qu'il faut pleurer, n'est-ce pas ?
–Je ... pense. » Conclu Yuki en serrant les dents.
Personne ne savait quoi rajouter. Comment expliquer cette situation ? Même les principes de bases comme l'espace et le temps semblaient se moquer d'eux. Et surtout... pourquoi est-ce qu'ils revenaient toujours au même endroit ? C'est comme si une force inconnue les empêchait de partir. Une puissante force, qui les emprisonnait.
Célio avait de plus remarqué quelque chose qui le troubla. Les Pokédoll. Elles étaient sereines. Alors que tout le groupe était affolé, les Pokédoll gardaient leur état « naturel » comme si elles ne ressentaient absolument aucune inquiétude. Cependant, ce qui attirait le plus le regard du garçonnet, c'était son Osselait. Maintenant qu'il le regardait de plus près, il y avait quelque chose qui clochait chez la Pokédoll sol. On aurait dit... qu'il n'avait plus aucune expression. Comme une sorte d'automate.
« Osselait ? »
Célio s'approcha de sa Pokédoll, inquiet. Pas de doute, quelques choses ne tournait pas rond. Le comportement d'Osselait était tout sauf naturel. Même au toucher, sa peau était terriblement froide. Le garçonnet ne comprenait pas du tout ce qui se passait. Peut-être qu'Osselait avait prit un mauvais coup lors du combat contre les Charmillon ? Peut-être qu'il n'avait plus assez de gemmes ? Son sang ne fit qu'un tour : il n'y avait qu'une seule manière de vérifier cela.
Rapidement, Célio se rappela les étapes que Kazé lui avait apprises : "Lien", "Porte", "Cœur". A cause de ses échecs répétitifs, le garçonnet voulait attendre que "le bon moment" arrive pour retenter l'expérience. Or, dans une situation aussi urgente, Célio ne pouvait pas se permettre d'hésiter.
Il regarda sa main, une simple main d'enfant. Il se concentra ardemment. Il devait y mettre tout ses sentiments quels qu'ils soient, les positifs comme les négatifs. Il fallait que cette simple main devînt une véritable clef capable de transmettre tout ce qui était possible de transmettre. Après être plus ou moins satisfait, Célio lâcha un grand soupir : c'était maintenant la minute de vérité.
Lentement, le garçonnet avança sa main vers l'étoile rouge qui trônait sur le front de sa Pokédoll. Bien que le geste ne durât que quelques secondes, Célio avait l'impression qu'une éternité se passât. Et finalement, lorsque ses doigts parvinrent enfin à destination...
« Waaah ! »
Le "Lien" avait encore échoué. Mais ce n'était pas tout à fait exact. Cette fois-ci, la main du garçonnet n'avait pas été confronté un mur. A vrai dire, pendant l'espace d'un instant, Célio avait vraiment cru que sa main avait finalement réussi à passer la "Porte". Non, maintenant qu'il y pensait, il en était même sûr. Il a juste été repoussé. Violement repoussé. Célio avait beau essayer de s'en rappeler, il n'avait jamais entendu parler d'un cas comme celui là de la bouche de Kazé.
« Bon, plus qu'une chose à faire. »
Cependant, Célio ne voulait absolument pas abandonner. Alors il se concentra de nouveau, jusqu'à recréer son "Lien". Et encore une fois, il passa sa main à travers l'étoile rouge.
Célio grinçait les dents. Alors que ses doigts avait réussit à franchir la &"Porte", il ressentit de nouveau cette étrange force répulsive. Or, Célio mettait tout son cœur à l'ouvrage pour ne pas subir le même sort que précédemment. Petit à petit, il força le passage, comme si sa main nageait à contre-courant dans un torrent en cru. Célio avait l'impression que ses os se broyaient, tellement la force qui le repoussait était violente. Cependant, il continua son avancée, sans faiblir. Et lorsque finalement, Celio parvint à effleurer le "Cœur"...
« Aaaaarrh ! »
Le garçonnet ne put d'empêcher de lâcher un violent et horrible cri. Instinctivement, Yuki et le reste du groupe se précipita vers lui.
« Célio ! hurla le loup solitaire. Mais qu'est-ce qu'il se passe ?!
–Yu...Yuki... bafouilla péniblement le supplicié. Je... je crois que j'ai fait une bêti... Aaargh ! »
Le garçonnet se tordait de douleurs. Sa main... se faisait torturer par une espèce de flux d'énergie surpuissant. Par reflexe de survie, Célio avait tenté de la retirer mais rien y faisait : il était complètement bloqué. Tout ce que le pauvre garçon pouvait faire, c'était de supporter tant bien que mal la douleur.
« J...je..., repris Célio, je n'arrive pas à retirer ma main... arrgh... c'est... ça fait mal...
–C...courage ! s'alarma son ami. Je vais trouver une solution ! »
D'un rapide coup d'œil, Yuki se rendit vite compte de la situation. Il fallait agir, et vite.
« Attends ! le stoppa Fa. Réfléchit un instant Yuki !
–Je n'ai pas le temps pour ça ! Célio souffre en ce moment, tu ne le vois pas ?!
–Justement ! Couper un "Lien" en cours est dangereux, que se soit pour la Pokédoll ou le dresseur !
–Et alors ?! Merci du conseil, mais qu'est-ce que tu veux dire ? Que je dois rester les bras croisés à regarder mon ami souffrir ?!
–N...non ce n'est pas...
–Tout ce que je sais, c'est que si on n'agit pas rapidement, Célio risque même sa vie ! Alors soit gentille et aide moi, au lieu de me faire perdre mon temps ! »
Sans écouter aucun avertissement, Yuki tenta de sortir la main de Célio de force. Mais il avait beau faire, le membre de son ami était inamovible.
« Qu'est-ce que... Fa ! Shiro ! Venez m'aider vous autres ! Light, viens aussi ! »
Bien que réticente, Fa finit par se plier à la volonté du loup solitaire. Et les hurlements de Célio n'étaient pas pour rien dans sa décision. Les trois compagnons, en plus du Riolu, donnèrent du cœur à l'ouvrage, mais sans grands effets.
« Raaaah ! Qu'est-ce qu'il se passe ?!
–Il faut trouver autre chose ! tenta Fa.
–D'accord, monsieur le génie, mais quoi ?!
–Je n'en sais rien ! ... et c'est mademoiselle...
– On n'a pas le temps pour ces futilités !
–Ne... ne vous en faîtes pas... finit par souffler Célio. Je... je vais tenter quelque chose... »
Dans la tête du garçonnet, une idée commença à germer. Si il ne pouvait plus reculer sa main... pourquoi ne pas l'avancer encore plus ? Si seulement il arrivait à attraper les gemmes...
« Yaaaaarrrh ! »
Dans un ultime effort, Célio propulsa ses doigts en avant, en tentant d'oublier le plus possible l'affreuse douleur qu'il ressentait. Sa main, ses doigts et même sa peau... lui donnaient l'impression de brûler de l'intérieur. Cependant, le garçonnet savait qu'il ne pouvait faiblir. Alors, de plus en plus, avec courage, avec appréhension, et avec peine, il continuait.
« En...enfin ! »
A bout de souffle, Célio ne put s'empêcher de laisser s'échapper un cri de bonheur quand il sentit enfin les gemmes de sa Pokédoll. Mais sa joie fut de très courte durée : le contact des ces pierres étaient encore plus électrifié que jamais. Comme si elles étaient recouvertes d'une fine couche de protection imprenable. Or, cela n'importait que peu au jeune garçon. Tout ce qu'il voulait, c'était de saisir les gemmes, même si pour cela il devrait connaître la véritable définition du mot « souffrance ».
Rassemblant sa bravoure, Célio ouvrit sa main et serra d'un coup le maximum de gemme possible.
« ... ! »
Après un moment d'intense surprise, le garçonnet poussa un cri. Un véritable cri. Un hurlement tellement puissant qu'il continua de faire écho pendant de longues secondes. Et avant même qu'il ne s'en rendit compte une terrible onde choc sortie de la Pokédoll, soufflant tout sur son passage. Du moins, en donnait l'impression.
L'onde était puissante, aucun des enfants ne pouvaient le nier. Cependant, les arbres, les buissons et même l'herbe... rien ne bougeait. C'était comme si toute la végétation n'était qu'un décore, peint sur une toile. Inamovible, et riant de tout ce qui pouvait arriver autour d'elle. Et puis, tout s'arrêta avec un simple bruit. Un bruit de verre, qui se brisait. D'où provenait-il ? Personne ne pouvait répondre à cette question. Tout ce que les enfants savaient, c'était que tout était fini. Comme si rien ne s'était passé. La seule preuve de se qu'ils venaient de vivre était là, au sol. Un Osselait y dormait, inconscient, et un jeune garçon était évanouit avec quelques pierres encore scintillantes dans sa main.
« Cé... Célio... souffla Yuki abasourdi. Mais... qu'est-ce qu'il vient de se passer ? »
Cette question resta en suspend. Personne n'y répondit. Personne ne pouvait y répondre. C'était tellement irréaliste. Le groupe aurait cru à une hallucination collective si Célio n'était pas au sol pour leur prouver le contraire.
Des dizaines de minutes passèrent, seule la danse du vent rompait le silence ambiant. Le groupe aurait pu rester longtemps dans cet état d'inertie, si des bruits de pas ne se firent pas entendre derrière eux.
Shiro fut la première à se retourner, et ce qu'elle vu la remplit à la fois de joie et d'appréhension. Lynn. Lynn était là. Juste à quelques mètres des "Rewriters". Cependant, elle n'était pas seule. Lann était avec elle, le fameux frère qu'elle prétendait avoir perdu. Son regard était dur, sans pitié. Complètement à l'opposé de son expression quelques jours plus tôt. En revanche, Lann semblait se contenter d'observer la scène, calmement. Sur leurs épaules, un Posipi et un Negapi trônaient, en pleine forme.
« Yo ! lâcha Lynn d'un regard méprisant. Ça fait longtemps.
–On a enfin fini par trouver une sortie... rajouta son frère pensif. Je pense que vous y êtes pour quelque-chose. Je vous remercie. On en avait plus qu'assez de rester caché.
–C'était terrifiant, n'est-ce pas frérot ? Où que l'on allait, on revenait toujours sur nos pas... même lui n'arrivait pas à sortir de là.
–Ça, tu peux le dire. Enfin, il semblerait que tout soit revenu à la normal. Je t'avais bien dis que leur voler l'émetteur était de trop. Si tu avais fuis directement, on serait sortie de la depuis longtemps.
–Ah si tu savais, frérot. Toutes leurs niaiseries sur l'amitié et dérivé... ça me rendait malade. Je me devais de leur donner une bonne leçon.
–Je vois. Enfin, on a déjà les sept différents totems grâce à toi. Au fond, ce n'est pas si grave. Et puis... tu voulais qu'ils te pourchassent n'est-ce pas ?
–Tout à fait. Tu vois clair dans mon jeu.
–Tu es vraiment horrible sœurette.
–Et c'est toi qui me dis ça ! Tu n'as pourtant pas hésité à envoyer les Papinox la première fois.
–Hum, en parlant de ça, je ne pensais pas qu'ils allaient perdre. La vie est pleine de surprise.
–Hahaha ! Je te comprends. Regarde, elle a tellement surpris nos amis ici présent qu'ils ne peuvent plus dire un seul mot.
–Oh ? Tiens donc, l'un d'entre eux est à terre.
–Ah oui, c'est vrai.
–Qu'est-ce que l'on fait, sœurette ?
–Hum... ça tombe plutôt bien, je préfère vachement me battre quand l'ennemi est blessé.
–Quelle coïncidence ! Moi aussi.
–Je veux les complètement les annihiler... et prendre leur dernier badge.
–Hahaha ! Leur voler l'émetteur de secours après les avoir laisser au bord de l'agonie... tout ça pour leur chaparder un misérable bout de métal. Tu es vraiment sans pitié, sœurette.
–Et si nous arrêtions de discuter, frérot ? C'est bientôt la fin de l'épreuve, je ne voudrais pas être en retard. Et surtout, il faut vite rejoindre les deux autres imbéciles.
–Oh, ne t'inquiète pas pour eux, je ne pense pas qu'ils iront bien loin, là où ils sont. Enfin, je suis d'accord, parler devant un adversaire abattu est sympathique, mais cela devient vite lassant.
–On est la même longueur d'onde, frérot.
–Comme toujours. Ah, je l'entends qui arrive. Parfait. »
Un petit bourdonnement résonna, et aussitôt deux grandes paires d'ailes sortirent de la végétation. Le nouveau venu toisa impitoyablement le groupe des "Rewriters". Avec un petit sourire narquois, les jumeaux décidèrent de donner leur dernière réplique en chœur :
« Vas-y, Papilord. Détruit-les. »