Chapitre troisième : Le calme avant la tempête
Unionpolis, le soir-même
— Eh bien, comme d'habitude, j'ai gagné la course, hein Jéjé ? demanda JT.
— C'est pas juste, se plaignit Jérémie, toi t'as un Flambusard et moi j'ai simplement un... Tropius hein ! C'pas comme s'il était aussi rapide que toi... et pis, j'passe plus de temps à contempler les bananes pendues à son cou, plutôt qu'à me concentrer sur le vol... j'ai failli tomber deux fois !
— Un jour, tu devrais arrêter de voler, et aller à pied. Ça te fera un très grand bien, pour toi et pour Tropius. Franchement la pauvre bête a un lourd fardeau à porter... nan je rigole, s'esclaffa JT.
— Mais euh, t'es méchant, renifla son ami en feignant l'indignation.
— Bref, il est temps de retourner au QG, M. nous attend et je commence à avoir relativement faim. Poursuivre les autres, ça donne faim, dit son ami en se frottant le ventre d'un air entendu.
Et les deux amis se mirent en route, arpentant les ruelles de Unionpolis, s'arrêtant à l'occasion devant un marchand de beignets (en fait, c'était plutôt l'estomac de Jérémie qui n'avait pu résister à cette escapade gourmande), et finalement arrivèrent devant un grand bâtiment, qui penchait un peu sous le poids des années, et dont les murs s'effritaient et se lézardaient sous l'action inexorable du temps. Mais dans notre monde, les apparences, tout comme les émotions, sont trompeuses. Ces murs friables et fragiles à vue de nez cachaient en fait un blindage réactif électrique. Cette nouvelle technologie également appelée « armure réactive électrique » était faite d'au moins deux plaques conductrices séparées par du vide, créant un condensateur de haute capacité. Le blindage, constamment chargé par une source à haute tension (sûrement par un Pachirisu) empêchait qu'un quelconque projectile ne pénétrât les murs en le vaporisant dès qu'il percutait les plaques.
Une telle protection ne pouvait signifier qu'une seule et unique chose : ce bâtiment, qui paraissait si anodin à nos yeux, n'était pas un simple HLM. Il abritait le quartier général de PISE, les services secrets Pokémon, dont JT et Jérémie faisaient partie. Aux yeux des citadins, la construction abritait une société spécialisée dans la construction de ronds-points (eh oui ça existe ce genre de société). Il y a quinze ans de cela, l'entreprise Traffic & Circles était gérée par les frères Giratory (l'aîné s'appelait Rond et le cadet Point), mais, qui après une chute fatale dans les escaliers, rejoignirent prestement leurs aïeux. Du jour au lendemain, une mystérieuse personne nommée Lawagen avait racheté la firme orpheline, tout en continuant d'offrir les prestations d'antan. PISE était alors née.
L'équipe J² pénétra dans le hall d'entrée de l'immeuble. Richement décoré, un mur tapissé en velours et une moquette aussi douce qu'un Axminster, le vestibule exhalait une magnificence hors du commun. Mais derrière toutes ces artifices se cachaient dans chaque recoin de la pièce des micros et systèmes de vidéo-surveillance issus de la dernière technologie. Les micros écoutaient, avec une oreille plus sensible qu'un Miradar, les caméras observaient, plus attentives qu'un Fouinar. Rien n'échappait aux oreilles et yeux de la tour, pas même les deux agents. Ces derniers s'adressèrent alors à la réceptionniste, Jérémie prenant la parole.
— Bonjour j'aimerais construire un rond-point sur la route 216. Pourrais-je parler au responsable ?
— Oui Monsieur, mais vous savez que cette route est impraticable à cause de la neige ? demanda la femme.
— Oh ? Non... Désolé, mais une amie nommée Louise m'avait assuré que je pouvais y construire un rond-point, là où elle habitait. Je suppose que le froid l'a rendue totalement... givrée, s'esclaffa Jérémie.
— Cependant, si vous le voulez, vous pouvez toujours rencontrer un responsable pour aviser. Prenez l'ascenseur et rendez-vous au septième étage. Tournez à droite et frappez à la deuxième porte, lui dit la dame en souriant.
— Je vous remercie pour votre aide, conclut son interlocuteur.
Si cet échange pouvait paraître totalement innocent pour un observateur extérieur, il était en fait un code secret. Si jamais une syllabe avait été prononcée différemment, si un mot avait été changé, les deux J auraient tout de suite tourné les talons, sachant qu'un danger était présent. Si par contre les arrivants avaient changé leur texte, un Chapignon spécialement entraîné leur aurait alors infligé l'attaque Spore, les envoyant dans les bras de Mushana. On les aurait alors conduits en salle d'interrogatoire pour vérifier leur identité, et si besoin est, utilisé la manière forte pour les faire disparaître. Mais tout s'était passé comme cela devait se passer, c'est-à-dire comme les deux cent trente-sept autres fois précédentes.
JT et Jérémie empruntèrent une porte placée derrière le comptoir, donnant sur un couloir menant à un ascenseur. Ils se rendirent au plus profond d'Unionpolis, sous le bâtiment de PISE, et sortirent finalement dans un autre vestibule, cependant moins décoré que celui du hall principal. À l'extrémité de la pièce se tenait Mélanie. Belle brune de dix-neuf ans, ses cheveux longs descendaient en cascade le long de son corps, dessinant ses magnifiques courbes et sa poitrine généreuse. Lorsque son regard croisa celui des jeunes hommes, elle leur adressa un sourire radieux, dévoilant une dentition parfaite; elle s'attarda un peu plus sur un JT alors rougissant.
— Alors les gars, prêts à faire ce rapport ? vous avez peaufiné les points importants, j'espère hein ? Parce que la dernière fois c'était un peu "Ouais donc on a attrapé le méchant, et pis c'est tout".
— T'inquiète Mélanie, Jéjé pourra raconter comment il a apprécié ses beignets. Tu vas voir que sa description du beignet parfait prendra bien quelques plombes, lui dit JT.
— Equipe J², Opératrice Mélanie ? demanda une voix. Vous attendez M. peut-être ? Vous ne savez pas qu'il a une indigestion à cause de beignets qu'il a ingurgités cet après-midi ? Du coup, il est rentré chez lui et je crois qu'il ne sera pas là avant demain. Si vous voulez lui faire un rapport de mission, je crois qu'il vaut mieux revenir demain matin.
— Comme quoi, j'avais raison en disant que cette histoire sera un peu indigeste, sourit JT. Bon les jeunes, on va s'en manger une en ville ? regarder Jérémie manger toute la journée m'a donné bien faim.
— Je propose qu'on aille manger dans ce petit restaurant situé à Bonville, tout près de la pension. Il est excellent ! s'exclama Jérémie avec enthousiasme.
— Bwah, pourquoi pas après tout ? ça fait bien longtemps qu'on a pas mangé tous les trois, alors je suis partante, ajouta Mélanie.
— Alors n'attendons pas ! mon estomac a faim, pressa le plus intéressé des trois.
— Comme toujours quoi, répondirent en chœur Mélanie et JT.
Et c'est ainsi que l'équipe J² et son opératrice partirent pour Bonville, se réjouissant d'avance de la merveilleuse soirée qu'ils allaient passer ensemble. Dans les rues, les gens étaient heureux, ils se sentaient en sécurité, et jouissaient de leur vie dans le bonheur et l'insouciance. Qui eût cru que cela allait être peut-être la dernière fois ? Un voile mortel, sombre, allait bientôt s'abattre sur une petite maison, et, ironie du sort, ce sera la ville lumière qui abritera le théâtre des sombres événements à venir.