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A l'aube du pouvoir (T.1) de Raishini



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Informations

» Auteur : Raishini - Voir le profil
» Créé le 11/01/2014 à 13:48
» Dernière mise à jour le 11/01/2014 à 14:18

» Mots-clés :   Fantastique   Hoenn   Présence de poké-humains   Sinnoh

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Chapitre 36 : Mon meilleur ennemi
- Une alliance avec vous ? tempêta Jérémie. Et puis quoi encore ? Vous êtes certainement pires que ces mecs du Gouvernement !


- Et bien non, justement, intervint Hyde en posant une main apaisante sur l'épaule du garçon. Le Gouvernement est à l'origine de tout ça. Plus les choses vont et plus j'en ai la conviction intime. Tu l'as toi-même supposé avec Mathilde en raisonnant un peu. Alors tu imagines bien que, moi qui aie des années d'expérience et de recherches à mon actif, j'en suis absolument certain au moment où je te parle.

- O.K, admit Jérémie en soufflant nerveusement. Mais pourquoi s'allier avec ces satanés types ? On a pas besoin d'eux ! Et puis, tu as oublié ce qu'ils ont déjà fait ? Tu penses à ce qu'ils risquent encore de faire ?

Hyde baissa les yeux sans dissimuler ses remords mais ce fut d'un ton ferme qu'il répliqua :

- J'en suis parfaitement conscient, mais étant donnée la force adverse... nous ne pourrons rien sans eux.

A ces mots, Orion arbora un rictus d'auto-satisfaction qui manqua de faire imploser Jérémie. Au prix d'un effort insoutenable il parvint, une fois de plus, à se contenir. A contre-cœur, il approuva et volta pour rejoindre la cuisine. Puis il s'arrêta à deux pas de la porte et ajouta sur un ton féroce empreint de menaces :

- Sachez juste que, si vous nous trahissez alors que notre accord est encore valable, je n'hésiterais pas à vous tuer.

- Message reçu, se contenta de dire Orion en gloussant. Ce ne serait évidemment pas dans notre intérêt mais je prends en compte ta remarque, gamin de glace. Je ne me souviens que trop bien de ton dernier coup pour faire l'impasse dessus. En revanche, je précise... que le pacte sera rompu une fois l'ennemi terrassé.

- Évidemment, dit Jérémie, laconique, en rejoignant la cuisine à pas lents.

Une fois qu'il fut dans la pièce agréablement chauffée, Jérémie s'essuya le front d'un revers de main et souffla imperceptiblement. Il s'en était fallu de peu pour qu'il ne perde son calme. Face à deux hommes qu'il haïssait purement et simplement, le garder était une chose difficile et il ne pouvait se reprocher d'avoir frôlé la crise de nerfs.

Désormais il lui faudrait se résigner à coopérer avec le camp opposé. Si ça, ce n'était pas ce que l'on appelait l'ironie du sort... travailler en compagnie de l'assassin de Cyril, et puis quoi d'autre encore ? Lui pardonner et s'en faire un camarade ?

Des larmes affluèrent aux coins de ses paupières et Jérémie crut défaillir. Haletant, il prit appui sur une table proche et se laissa tomber contre le dossier d'une chaise. Cela le faisait tellement souffrir... et en même temps, il savait que le choix ne lui était pas donné.

- Viens Jérémie, on part tout de suite ! J'ai reçu un appel de mon Directeur m'ordonnant de vous conduire aujourd'hui au Gouvernement ! Ça veut dire qu'Orion ne mentait pas ! Allez, viens !

Le garçon fut extrêmement surpris de reconnaître la voix de Hyde et sursauta. Passé le choc de sa rencontre avec Orion et Dynamo, il entendait maintenant leur professeur se contredire lui-même. Décidément, quelque chose ne tournait pas rond aujourd'hui. Mais Jérémie abdiqua une nouvelle fois et quitta sa chaise pour rejoindre les autres Pokéman en passe de sortir.

Jamais situation n'aurait paru si décalée, pensa le garçon alors qu'il marchait à quelques mètres d'Orion et Dynamo comme s'ils étaient de simples camarades. Bien que les regards échangés se teintaient le plus souvent de méfiance réciproque, toute la marche se déroula sans accrocs.

Lorsque le groupe eut atteint la dernière fourche décrite par le Mont Couronné avant de rejoindre la civilisation, les Pokéman marquèrent un temps d'arrêt puis se concertèrent.

- A compter de maintenant, je suggère un maximum de prudence, remarqua Orion. Les Orokami disposent de radars et ont déjà repéré notre cachette grâce à ça. Ils risquent donc d'apparaître au moindre virage.

- Finement observé, observa Mathilde d'un ton cinglant. On y aurait jamais pensé sans toi. Non, vraiment.

- Rigole toujours petite, mais tu seras bien contente de nous avoir avec vous quand les Orokami attaquerons, remarqua Dynamo en gloussant.

Sur le point de répliquer, Mathilde ne dut son calme qu'au geste rassurant de Jérémie. Chose qui ne les empêcha pas tous deux d'arborer la même expression rancunière.

Une fois les tensions apaisées, ce ne fut plus qu'une affaire de secondes avant que le groupe ne reprenne son trajet. Néanmoins Jérémie resta alerte et sceptique. Quelque chose dans tout cela l'intriguait au plus haut point. A moins que ce ne soit là sa paranoïa habituelle qui reprenait le dessus...

Brusquement jaillis d'une combe proche, des vrombissements pareils au roulis du tonnerre arrachèrent une grimace de surprise à Jérémie, Mathilde, Ratchet, Ariane, Hyde et Naïa. L'instant d'après, une cohorte d'hommes aux motos imposantes se frayait un chemin vers eux et s'arrêtait dans un long dérapage contrôlé. Chacun arborait des foulards noirs en guise de couvre-chef et des tenues en cuir noir élimé qui juraient incroyablement avec leur expression malsaine. Enfin, des tatouages rouges en forme de crânes triangulaires ornaient le centre de leurs vestes. Plusieurs langues en forme de myriapode rouge-violet sortaient de leurs bouches pour encercler le tout, ce qui rendait le blason plus angoissant encore.

- Ne faites rien : ce sont nos alliés malgré les apparences, dit Orion en levant une main en signe d'arrêt, car derrière lui Jérémie et Ratchet s'étaient brusquement agités.

- Vraiment ? lâcha Mathilde avec dédain. On les croirait tout droit sortis d'un dépotoir, mis à part ça je ne leur trouve rien de spécial.

- Hé oh, surveille ta langue ma poupée ! vociféra un homme entièrement chauve et glabre de sa voix semblable à un aboiement. C'est au gang le plus dangereux et redouté, Thunder Blade, que tu causes !

Quelque chose dans son regard bleu électrique lui conférait une curiosité malsaine et sa langue ornée d'un monstrueux piercing, lorsqu'il la tira pour faire la grimace, n'arrangea en rien cette impression déroutante. Orion eut un rire moqueur sous le regard courroucé de Jérémie et consentit à faire les présentations :

- Voici leur chef, Émilio Marquezatti. Il fait partie de ceux qui ont échappé à Orowind et nous prêtera main forte pour détruire ces pourris du Gouvernement ! Lui et ses hommes sont un atout non négligeable, vous en conviendrez une fois sur place.

Mathilde accueillit la nouvelle en émettant un reniflement qui ressemblait à s'y méprendre à une moquerie. Par ailleurs elle ne fut pas la seule, bien que les autres ne révélèrent pas leur doute de façon si ostensible. Jérémie dut s'avouer que le regard torve et le faciès simiesque de la plupart des motards n'incitaient guère à la confiance, et encore moins à la coopération. Pourtant il s'agissait là d'alliés de circonstance pour le moins indispensables, il le savait au plus profond de lui-même. Aussi ne manifesta-t-il son aversion et ses doutes vis-à-vis du plan que le temps d'un geste irrité. Puis il toisa cordialement les membres de Thunder Blade et décida de feindre l'indifférence.

- Bon, je ne m'attendais évidemment pas à des accolades de sympathie, souffla Orion. Je demande juste à ce que vous coopériez sans vous bouffer mutuellement les doigts. Au fait, ajouta-t-il en se retournant vers Jérémie et les autres, Salomon, Maël, Matthias et Elvyre nous attendent à l'entrée Ouest de Charbourg. Donc ne vous étonnez pas de leur présence.

- Très bien, lâcha Hyde d'un ton sec, comme pour mettre fin à la conversation. Il fallait s'y attendre de toute façon. Maintenant partons pour Féli-Cité avant que les autorités ne nous tombent dessus. La moindre seconde est précieuse.

Une fois ce dialogue clos, le groupe hétérogène reprit sa route en direction de Charbourg. D'après ce que Hyde en avait laissé entendre, c'était une ville minière reposant contre le flanc ouest du Mont Couronné. Jérémie devinait qu'une fois là-bas, il serait plutôt facile de passer inaperçu au vu de la population moindre qui y résidait. Restait néanmoins à ne pas trop se faire remarquer, au risque d'ameuter toute la police et, le cas échéant, les Orokami.

Désormais, une véritable course contre la montre s'enclenchait : plus vite ils rallieraient Féli-Cité, plus vite ils prendraient le Gouvernement à revers et l'emporteraient.

Malgré une réticence commune, Jérémie et ses camarades avaient accepté d'être les passagers des motards afin de circuler plus rapidement. Leur avancée était de fait plus considérable, même si Jérémie brûlait d'envie de transformer son conducteur en esquimau grandeur nature.

Alors que virages sinueux et paysages rocheux se succédaient sous les roues des véhicules, Orion annonça à voix forte pour couvrir le vacarme des moteurs :

- Il faut également que je vous dise une chose. Tobias... nous l'avons anéanti.

- Quoi ?!

Si Jérémie ne s'y était pas attendu, il aurait sursauté au hurlement déchirant de Mathilde. Laquelle manqua d'ailleurs perdre l'équilibre et dut agripper fermement le cou de son conducteur pour ne pas tomber. Des larmes brillantes se perdirent dans son sillage tandis qu'elle sanglotait à n'en plus finir.

- Comment ça ? demanda Jérémie, un peu stupidement à vrai dire.

Sa lucidité n'était plus. Le manque de tact d'Orion l'ulcérait tellement qu'il gela une partie du siège en cuir sur lequel il était assis. Dire ouvertement, sans même prendre de gants, que lui et ses équipiers avaient tué Tobias... c'était un pur affront à sa fille, quand bien même il n'était qu'un meurtrier sanguinaire qui ne méritait pas de considération. Si Jérémie avait suivi ce qui lui dictaient ses entrailles déchaînées, il aurait abattu Orion sur-le-champ.

- Et bien, on a repéré ce traître, puis on l'a zigouillé ! expliqua Dynamo d'un ton évocateur. Il devenait trop dangereux pour nous tous. On vous a autant rendu service qu'à nous sur ce coup là, je peux vous le dire... Alors pas la peine de chialer.

Encore une fois Jérémie s'apprêta à répliquer, le poing serré, mais un éclat argenté l'interpella avant : un toit à l'armature d'acier réverbérait la lueur souveraine du soleil, signe que Charbourg se profilait.

- Parfait, on voit déjà le musée d'ici !

Suite à cette annonce, les visages se durcirent et les bouches se lièrent. Encore une ambiance qui promettait d'être géniale, pensa sombrement Jérémie en adressant un regard anxieux à Mathilde.


En apparence, Charbourg témoignait d'une rusticité aussi criante de vérité qu'attrayante. Mais plus que cela, elle semblait abriter une âme commune : celle du travailleur forcené. Lors de son court passage, Jérémie put observer un nombre incalculable d'habitants partir en direction des mines pour aider à l'extraction du charbon. Pelles, sacs et pioches à la main, ils s'aventuraient en quête de cette ressource avec une détermination évidente.

D'autre part une certaine technologie côtoyait l'artisanat et achevait de rendre à Charbourg l'hommage qui lui était dû, en tant que ville " où le passé et futur se mêlaient ". Ce fut en effet avec une grande surprise que Jérémie découvrit la présence d'un immense complexe de forage et d'entrepôts, tous destinés à recueillir et stocker le charbon. Probablement afin de compléter le travail de la main-d'œuvre, imagina le garçon. A n'en pas douter, Charbourg et ses précieuses énergies fossiles représentaient un poumon économique mondial.

En vue de passer leur arrivée sous silence, les Pokéman et leurs alliés avaient choisi de se scinder en groupuscules, voire même de préparer une diversion au cas où la nécessité s'en ferait ressentir. Ainsi, chacun était prêt à traverser la ville en toute sérénité - du moins dans un état aussi proche que possible de la sérénité.

Pour sa part, Jérémie ne goûtait pas aux plaisirs du bien-être : l'état psychologique de Mathilde le préoccupait tant qu'il n'avait guère la tête à se surveiller lui-même. Plusieurs fois Hyde dut l'empêcher de commettre une faute en sortant trop tôt ou trop tard de leur cachette improvisée. Mais il n'y pouvait hélas pas grand chose. Voir sa meilleure amie aussi déprimée lui minait le moral.

Bientôt, pourtant, il eut l'occasion de se changer les idées : lorsque son groupe atteignit l'extrémité ouest de la ville, un détachement de policiers bloquait le tunnel reliant Charbourg et la route 203. Sans cet accès direct, le voyage entreprit jusque là s'avérait inutile. Aussi Hyde ne tarda-t-il pas à échafauder un plan taillé sur mesure :

- Écoutez, je vais aller les voir et les avertir que je vous emmène droit vers le piège. N'oubliez pas que je suis censé vous tromper et être du côté de l'ennemi. Donc le Gouvernement a posté de véritables agents pour rendre votre " infiltration facilitée par mes soins " plus crédible. Tout comme les radars n'étaient destinés qu'a vous maintenir dans l'illusion que le Gouvernement vous recherchait, ces policiers sont un trompe-l'œil. J'en ai informé mon f... je veux dire Orion, comme ça il ne sera pas surpris de ce stratagème. Attendez-moi bien sagement ici.

Et il prit congé de Jérémie, Mathilde, Ariane, Ratchet et Naïa pour apostropher les hommes en uniforme bleu marine qui montaient la garde quelques mètres plus loin. Depuis la ruelle où il était dissimulé, Jérémie distingua nettement les marques de respect que témoignèrent les policiers à l'arrivée de l'Inspecteur : Hyde tenait encore parfaitement son rôle, Orowind comme le Gouvernement ne se doutaient toujours pas qu'il aidait les Pokéman à s'infiltrer chez eux, et non le contraire !

Cette fois-ci l'adolescent trouva une raison de jubiler. Cependant il ne s'autorisa qu'un sourire en demi-teinte, conscient que rien n'était gagné pour autant et que tout restait encore à faire. Après une brève discussion animée par des gestes savamment dosés, Hyde parvint visiblement à convaincre ses interlocuteurs. Jérémie observa d'un air triomphal les policiers multiplier les révérences et les hochements approbateurs.

Sitôt cet aparté achevé, les représentants de l'ordre entreprirent de libérer la zone. En l'espace d'une minute, tous avaient disparu dans le tunnel. La voie était libre, le périple pouvait donc continuer. Le groupe rejoignit Hyde au signal de ce dernier et le complimenta de son merveilleux jeu d'acteur. Ils furent presque aussitôt rejoints par Orion, Dynamo et les membres de Thunder Blade.

Sans aucune considération pour les nouveaux arrivants, sans perdre la moindre seconde, Hyde pénétra le tunnel. Heureux de ne pas avoir à soutenir la proximité de l'ennemi plus longtemps, Jérémie lui emboîta le pas et prit la main de Mathilde dans la sienne pour l'entraîner à sa suite. Celle-ci se laissa faire en le gratifiant d'une expression indéfinissable, à la limite entre le sourire et la grimace.

Il ne faisait aucun doute que la mort de son père l'avait ébranlée. Certainement trop pour qu'elle l'oublie, même plusieurs années après. Et dans cette affaire, Jérémie se sentait désespérément inutile. En avoir conscience le partageait entre désarroi et confusion. Comment pouvait-il faire en sorte que Mathilde se sente mieux ?

- Vous voilà les gars ! dit soudainement Dynamo en levant les bras. Je me demandais quand vous vous ramèneriez !

Les réflexions inextricables de Jérémie se brisèrent comme si elles avaient heurté un mur. La longue procession formée par ses équipiers venait en effet de s'arrêter brusquement. Même les motos s'étaient tues. Interpellé, il leva la tête et sonda l'obscurité partielle qui drapait le tunnel. Des mouvements et des silhouettes imprécises eurent tôt fait d'attirer son attention. Puis il étouffa une exclamation indignée en reconnaissant ceux qui leur barraient le passage.

Droit, sombre et mystérieux telle une étrange réincarnation d'arbre, Salomon les dévisageait. A ses côtés, Maël, Matthias et Elvyre. Un sourire féroce se dessina sur les lèvres pâles d'Orion tandis que Jérémie contenait les gesticulations involontaires de ses entrailles. Jamais il n'aurait pensé que la vue de Salomon soulèverait en lui tant de colère...

Les deux camps Pokéman venaient enfin de se rassembler. Mais que résulterait-il d'une union aussi improbable ?