J'ai confiance en toi - Nâdiya- Il n'en est pas question ! tonna Cynthia en frappant la table avec le plat de sa main, si fort que les assiettes posées dessus rebondirent.
- Oh, je vous en prie ! L'heure n'est plus aux préjugés et nous n'avons plus le temps de faire les fortes têtes.
- C'est un tueur, Cassy.
- Justement. Pour un peu que nous ayons confiance en lui, il est sûrement le seul capable d'assurer notre protection en de pareilles circonstances. Je l'ai vu à l'oeuvre, il a failli vaincre un Grahyéna-garou sans l'aide de personne.
- C'est cela. Tu comptes de servir de lui pour vous protéger des Gijinkas quand il cherche depuis le début à vous assassiner de ses propres mains ?
- Il... Non, il n'a jamais vraiment été notre ennemi. Son père voulait la Confrérie vivante, il ne nous aurait pas touché. Sauf peut-être Marion...
- Je ne te laisserai pas partir avec ce malade.
- Comme si vous aviez votre mot à dire ! répliqua la jeune femme. Nous avons déjà discuté de cela par le passé. Je suis adulte, désormais, et je reste le dragon. Je prends les décisions que je veux sans me justifier devant quiconque.
- Mais c'est notre ennemi ! interrompit Léa en se rangeant au côté de la Championne de Sinnoh.
- Plus maintenant. Contrairement à mon cousin, lui a quitté la Team Galaxie pour de bon. C'est le disciple d'Artémis, il ne peut pas nous faire du mal, et à moi encore moins qu'à nul autre.
- Comment peux-tu en être certaine ?
- Lilith ne le permettrait pas.
Cynthia leva les yeux au ciel. Formulé de la sorte, cela prouvait qu'elle comptait s'appuyer sur l'intégrité d'une démone pour s'assurer de la loyauté d'un tueur à gage. Cassy savait cependant qu'en dépit de leur statut et de leurs actes, ils étaient sans doute doute plus digne de confiance que n'importe qui.
- Je ne suis pas sans défense, même s'il décide de s'en prendre à moi, rassura-t-elle en calant ses bras sur le dossier de sa propre chaise, debout. D'ailleurs, je ne pense pas que ce soit le cas. Il a eu maintes occasions par le passé. Pourquoi le ferait-il maintenant, alors qu'il n'en a plus de raison.
- Nous ne pouvons pas nous fier à lui, et encore moins lui confier le sort de la Confrérie.
- C'est à moi de prendre les décisions pour le reste du groupe, il me semble, non pas à vous.
- Justement, je me demande si tu as l'esprit bien clair à chaque fois qu'il est question de Sven. Tu n'es pas parfaitement neutre sur le sujet, je te signale.
La dresseuse la contraignit à se taire d'un regard. A force de s'emporter, Cynthia pourrait finir par trop en dire. Si la relation qu'elle entretenait avec le jeune homme n'était pratiquement plus un mystère pour personne, elle ne voulait pas lancer le débat devant Léa et Tina.
- Bref, tu sais très bien ce que j'entends par là.
- Oh que oui, je le sais. C'est d'ailleurs ce qui me pousse à croire que nous pouvons nous fier à lui. Je le connais mieux qu'aucune d'entre vous. Regardez, j'ai choisi de faire confiance à Lilith, en dépit de toutes les rumeurs qui pesaient sur elle. Osez me dire en face que j'ai eu tort. Elle a tenu sa parole en tuant Hélio ainsi qu'une partie de son armée. Sven en fera autant, surtout à présent qu'il partage le code de l'honneur d'Artémis.
Cassy cessa son plaidoyer afin de laisser la Championne méditer une minute sur ses paroles. Voyant qu'elle ne réagissait pas, elle finit par reprendre la parole, d'un ton légèrement adouci :
- Ecoutez... Faisons un marché, vous voulez bien ? Je ne forcerai personne à avoir affaire à lui, mais moi je continuerai de le traiter comme un membre à part entière de la Confrérie, d'accord ?
- Pas particulièrement, mais j'imagine que je dois m'incliner.
- Nous, cela nous convient, affirmèrent en choeur les deux adolescentes. Tant que nous n'avons pas à rester avec lui.
- Et tant qu'il ne réside pas à l'Arène non plus, grommela Sandra en conclusion.
- Je m'arrangerai pour trouver un endroit où l'installer à proximité, ne vous en faites pas pour cela. La question est-elle tranchée ?
La jeune femme tendit une main franche à Cynthia qui la serra aussitôt, la bouche un peu tordue afin de manifester son mécontentement. Elle n'en tint cependant pas compte : elle avait réussi à faire accepter plus ou moins Sven dans leur camp, c'était le principal.
- Maintenant, mettons-nous toutes à l'ouvrage. Puisque nous avons chacune quelque chose à faire à l'exception de Léa et Tina, je vous conseille d'aller vous entrainer. Même si vos pokémon n'ont pas dû s'émousser au cours des derniers mois, il vaut mieux qu'il soit au maximum de leurs capacités.
Les deux enfants acquiescèrent d'un signe de tête docile et quittèrent la pièce après avoir débarrassé la table. La dracologue, qui avait pour tâche de contacter Blanche, se leva à son tour, non sans demander au préalable :
- Tu comptes partir tout de suite ?
- Non, je vais attendre de voir comment évolue l'état de santé de Yohanna, et de toute façon, il faut que je retrouve Sven, puisque j'ignore où il est parti. Je pense que nous nous mettrons en route peu avant l'heure du déjeuner.
Elles laissèrent Cynthia seule dans la cuisine, qui méditait toujours devant un bol de café au lait. Cassy monta à l'étage où elle toqua d'un petit coup par la porte de sa propre chambre. Comme elle n'obtint aucune réponse, elle songea que la blessée dormait, aussi entra-t-elle en essayant de ne pas faire trop de bruit.
Effectivement, la religieuse n'avait pas bougé. Elle paraissait paisible, assoupie sous la couverture, la respiration régulière. Elle s'approcha sur la pointe des pieds, mais ce fut une erreur. Ses paupières se mirent aussitôt à s'agiter pour s'entrouvrir sur ses prunelles d'un splendide cyan.
- Bonjour... murmura-t-elle d'une voix endormie.
- Comment te sens-tu ?
- Assommée, je dirais. J'ai mal partout et j'ai l'impression qu'on m'a fait une injection de morphine. Je me sens comme dans du coton.
- C'est la fatigue. Le manque de sang ne doit pas être étranger à cela. Je demanderai à mon amie Léa si elle connait un remède, mais à part du repos, je ne pense pas qu'il y ait autre chose.
Yohanna fit glisser sa main hors de la couverture pour venir prendre celle que la dresseuse avait inconsciemment posée sur le rebord du lit. Si ce contact la dérangea un tantinet, elle ne dit toutefois rien et ne chercha même pas à s'en dégager.
- J'ai cru entendre crier, tout à l'heure.
- Je suis désolée si nous t'avons gênée. Nous venons d'avoir une conversation un peu houleuse au rez-de-chaussée.
- Ce n'est pas à cause de moi, j'espère ?
- Non, ne t'inquiète pas. C'était à propos de Sven.
- Mes souvenirs sont encore très flous, pour le peu que je me rappelle. C'est le garçon qui nous a secourues dans le cimetière ? Quel est son problème ?
- Il n'est... pas exactement le genre de personne que l'on fréquente, si tu vois ce que je veux dire. Mes amies voient chez lui bon nombre de petits détails qu'elles jugent fort déplaisants.
- Mais ce n'est pas vrai, si ?
- Je mentirai si je niais que Sven n'est pas un individu peu recommandable, toutefois il a ses qualités et l'a encore montré en nous sauvant la vie, alors pour ma part, je préfère l'accepter tel qu'il est.
- Et qu'est-il, au juste ?
- J'imagine qu'il ne te faudra pas longtemps pour le découvrir.
La religieuse voulut se tourner légèrement dans sa direction, mais une grimace l'obligea à interrompre son geste. Cassy réagit au quart de tour en l'interrogeant sur ce qui n'allait pas, prête à appeler Léa en cas de besoin.
- Ce n'est rien. Le cataplasme a juste séché et durci, alors il me fait un peu mal quand je remue.
- Oh, je vois. Ce n'est pas grave, à mon avis, je dois pouvoir te l'enlever sans risque, à présent.
La jeune femme ôta ses gants de combat qu'elle déposa sur la table de nuit puis se dirigea vers la salle de bain. Là, elle remplit une petite bassine d'eau tiède et prit la serviette suspendue au-dessus du radiateur en même temps qu'une éponge.
Elle revint ensuite s'asseoir au côté de la blessée, qui repoussa un pan du drap la recouvrant. Elle frissonna en sentant l'air glacé effleurait sa peau nue. Cassy plongea la luffa dans le liquide et entreprit de nettoyer la pâte végétale étalée par sa consoeur sur la plaie.
Lorsque le cataplasme fut redevenu une bouillie verdâtre, elle l'essuya avec un pan de la serviette. Le don de Léa avait fait un travail remarquable : Yohanna ne conservait pas la moindre cicatrice. Elle aurait même tout aussi bien pu ne jamais avoir été attaquée par le Gijinka qu'aucune différence ne se serait vue.
- Quelque chose ne va pas ? demanda-t-elle en tentant de se redresser alors que la dresseuse interrompait ses gestes lents.
- Je... Non... Ce n'est pas possible...
A grand renfort d'eau qui commençait à perdre sa limpidité, elle acheva d'ôter le plâtras restant. Accidentellement, elle laissa tomber l'éponge détrempée sur la moquette de l'appartement en constatant que ce qu'elle avait cru apercevoir n'était pas le fruit de son imagination.
Sur le flanc de la religieuse, à la blancheur immaculée, ressortait désormais une marque pour le moins surprenante, mais qui n'étonna pas Cassy. Doté de huit droites qui se rejoignaient en un même point, les longues formant un plus et les courtes les diagonales, le glyphe glace lui fit ouvrir des yeux ronds.
- Oh non... Pas toi.
- Comment ? Qu'y a-t-il ?
La jeune femme l'aida à se redresser afin qu'elle puisse voir par elle-même ce qui la choquait tant. A son tour, elle resta bouche bée devant ce symbole qui souillait désormais sa peau d'albâtre.
- C'est... C'est la même chose que toi, n'est-ce pas ?
- On peut formuler cela ainsi, sauf que tu es la glace et moi le dragon. Je suis sincèrement désolée, surtout quand on sait que cela implique à présent plus encore qu'à l'époque où je t'en ai parlé, mais désormais tu es impliquée dans notre histoire. Que tu le veuilles ou non, tu fais maintenant partie de la Confrérie.