Stand by me - Ben E. KingCassy souleva délicatement la nuque de Yohanna afin de redresser son visage et lui entrouvrit les lèvres d'un doigt. Avec une lenteur exagérée, elle lui fit boire quelques gorgées de whisky. Cela ne suffirait pas à l'enivrer mais permettrait au contraire de la réveiller.
Ses joues rougirent sous l'effet de l'alcool et elle se mit soudain à toussoter, sans doute parce qu'elle n'avait jamais rien goûter d'aussi fort. Des larmes remontèrent dans ses yeux tandis qu'elle observait les alentours, désorientée. Pour la rassurer, la jeune femme posa sa main sur la sienne.
- Que se passe-t-il ? Où sommes-nous ?
- Chut... Tu n'as aucune raison de paniquer, tu es en sécurité ici. Cesse de t'agiter et rallonge-toi.
Comme on bercerait un enfant, la dresseuse vint s'asseoir sur la bordure du lit et caressa avec douceur ses boucles blondes afin de la rassurer. La religieuse ferma les paupières. Cela devait fonctionner car elle sentait sa respiration saccadée devenir de plus en plus régulière.
- Je me souviens du cimetière, murmura-t-elle en articulant à peine. Je me rappelle cette chose... Cette chose affreuse.
- Le Grahyéna-garou.
- Oui. Et il y avait aussi... Lilith.
En prononçant ce nom, elle se redressa brutalement, repoussant au passage le bras de Cassy sans s'en apercevoir. Anxieuse, elle scruta les moindres recoins de la pièce car elle s'attendait probablement à en voir surgir la démone d'une seconde à l'autre.
- Elle n'est pas là, rassure-toi. Elle est restée à Sinnoh. Et puis, elle a quand même permis que l'on te sauve la vie.
- Plaît-il ?
- Le Gijin... Le monstre, il t'a mordue. Ses crocs contenaient un dangereux poison et elle a convaincu Circé de te soigner. Ensuite, elle nous a également aidés à fuir, sans quoi nous ne serions peut-être jamais arrivés à temps ici.
- Tu veux dire que tout cela, c'est grâce à elle ?
- Je te l'ai dit : il ne faut pas croire toutes les légendes que l'on raconte à son sujet. Je n'irais pas jusqu'à nier qu'elle est mauvaise, mais elle est honnête, ou du moins elle respecte son propre code de l'honneur.
- Je me suis donc trompée à son sujet... Excuse-moi, c'est juste que j'ai un peu de mal à penser que...
- Ce n'est pas ta faute. Après tout, les gens ont une image bien arrêtée à son propos. Il n'y avait pas de raison pour que tu échappes à la règle. Tu sais, même parmi mes amies, elle n'est pas très appréciée.
Elle s'interrompit en remarquant que Yohanna grelottait. Le chauffage n'était pas allumée dans sa chambre, en dépit des températures extérieures avoisinant les cinq degrés. Comme elle ne possédait qu'une seule couverture et que la jeune femme était étendue dessus, elle ôta sa cape pour la déployer sur son corps dénudé.
- Je vais te laisser te reposer un peu. Il faudrait que tu essayes de dormir. Tu as perdu une quantité de sang impressionnante, alors ton organisme va avoir besoin de le régénérer. Je t'apporterai quelque chose à manger en fin de matinée.
- Oh non, Cassidy, s'il te plaît, ne t'en va pas. Je ne veux pas rester toute seule.
- Si je te tiens compagnie, tu ne pourras pas t'empêcher de me parler, or tu ne dois pas te fatiguer. Qui plus est, j'ai pas mal de chose à voir avec les autres à propos de ce qui s'est passé tout à l'heure. Je serai au rez-de-chaussée, n'hésite pas à appeler si tu as besoin de quoi que ce soit. Je laisserai la porte entrebâillée afin que l'on puisse t'entendre d'en bas.
La religieuse acquiesça docilement et son amie put prendre congé. Elle s'attendait à ce que tout le monde ait patienté dans le couloir afin d'avoir de ses nouvelles, cependant elle se trompait. Les filles étaient descendues. Seul Sven demeurait encore devant la porte de ses appartements, les mains dans les poches, l'air désinvolte.
- Alors ? demanda-t-il sans détour. Les autres n'ont rien voulu me dire. D'ailleurs, elles ne m'ont même pas regardé.
- Tu n'es pas le bienvenu ici, et ce n'est sans doute rien à comparer de l'accueil que te réservera Cynthia lorsqu'elle arrivera. Pour répondre à ta question, elle va bien. Le whisky m'a aidée à la réveiller. Maintenant, elle a juste besoin de calme et de repos pour se remettre aussi bien physiquement que psychologiquement.
- Et toi, comment vas-tu ?
- Ne fais pas semblant de t'inquiéter pour moi, d'accord ? C'est inutile.
Elle s'apprêtait à tourner les talons lorsqu'elle interrompit son mouvement. Après une brève hésitation, elle lui jeta un regard en coin, presque gêné, puis chuchota dans un souffle, comme si elle ne voulait pas être entendue :
- Malgré tout, je regrette de t'avoir accusée. C'est vrai, depuis le temps que l'on se connaît, tu ne m'as pas une seule fois prise en traître alors j'aurais dû me douter que tu n'y étais pour rien. En même temps, il faut avouer qu'à par toi, je ne voyais pas qui serait susceptible de me tuer.
- Je comprends. C'est évident : j'ai beaucoup plus la tête de l'emploi que ton cousin. C'est monsieur saint-nitouche, lui.
- Arrête, ne dis pas cela. Contrairement à ce que tout le monde pourrait penser et à ce que je laisse paraître, je suis morte d'inquiétude. Nous sommes en danger et il l'est au moins autant que nous, à ceci près qu'il n'en a pas conscience. J'ignore avec qui il a fui ainsi que ce qu'il manigance, mais maintenant que Lilith nous a ordonnés de nous cloîtrer ici, je vais avoir du mal à le découvrir.
- Moi, je peux le faire.
- Il me semble que ses paroles s'adressaient à toi autant qu'à moi.
- Peut-être, sauf que je ne me soumets devant personne.
- Pas même devant la reine des Succubes et des Incubes ? Tu es brave, Sven, mais à ce stade, cela devient de la témérité. Tu finiras par perdre, un jour, à force de courir tant de risques inutiles. Il y aura forcément un moment où tu rencontreras plus invincible que toi.
- Il faut bien mourir de quelque chose.
- Attendons qu'elle revienne avant de parler de tout cela. Peut-être Sylvain réapparaîtra-t-il de lui-même d'ici là ? Nous ne savons même pas de quoi il en retourne. J'espère seulement que Lilith aura réussi à trouver des informations supplémentaires.
Le jeune homme haussa les épaules puis ils descendirent l'escalier jusqu'au hall d'entrée. Une bonne odeur de petit-déjeuner s'échappait de la cuisine, où les trois filles étaient déjà installées. Elles adressèrent un sourire à Cassy lorsqu'elle fit son apparition, qui se figea sitôt que Sven entra à son tour.
- Je meurs de faim, déclara-t-elle en sortant une assiette du placard. Qu'est-ce qu'il y a à manger ?
- Des pancakes maison, mais j'ai peur qu'il n'en reste pas assez. Sinon, il y a un vieux morceau de pain d'hier, répondit simplement Sandra en faisant couler un peu de sirop d'érable sur une crêpe épaisse.
- C'est bon, j'ai compris, grommela l'espion en quittant la pièce dans laquelle il avait à peine mis les pieds.
- Vous exagérez, quand même. Vous ne pourriez pas faire un effort, s'il vous plaît ?
En disant cela, la dresseuse s'adressait à l'ensemble de ses amies, car les deux adolescentes s'étaient esclaffées suite à la réplique cinglante de la dracologue. Celle-ci se contenta de lui jeter un regard blasé avant de poursuivre son repas.
- S'il n'avait pas été là, nous serions sûrement mortes à l'heure qu'il est.
- Justement, vas-tu enfin nous expliquer ce qui s'est passé ?
Cassy allait ouvrir la bouche afin de leur fournir un résumé détaillé des évènements de la nuit lorsqu'un coup concis fut frappé à la porte. Sandra s'essuya la bouche avec un pan de sa serviette puis se leva pour aller ouvrir. Moins d'une minute plus tard, elle revenait dans la cuisine, Cynthia sur ses talons. Elle était livide.
- Je suis rentrée aussi vite que j'ai pu. Altaria m'a transmis ton message, mais qu'est-il arrivé pour que tu changes d'avis de la sorte ?
- C'est ce que je m'apprêtais justement à expliquer. Je suis désolée de vous donner autant d'émotions fortes alors que votre état ne le permet pas, mais... J'ai rencontré une vieille amie à Unionpolis, dans le cimetière pour être exacte. Nous étions en train de discuter lorsqu'un Grahyéna-garou nous a attaquées.
- Quoi ?
- Elle a été mordue et nous ne nous en serions pas sorties si Artémis et Sven n'étaient pas arrivés juste à temps pour le combattre. Circé l'a soignée pendant que Lilith nous aidait à fuir.
- Je savais qu'on ne pouvait pas faire confiance à une horde de Gijinkas menée par une démone.
- Ce n'est pas de sa faute, elle n'a plus aucun contrôle sur eux. Quelqu'un s'amuse à retourner les hybrides contre nous, même si elle ignore de qui il s'agit. C'est elle qui m'a conseillée de quitter Sinnoh, car elle pense que c'est l'endroit où nous serons le moins en sécurité pour l'instant.
- Ce qu'elle ne dit pas, ajouta Sandra d'un ton catégorique, c'est que Sven est ici.
- Pardon ? Tu veux dire que tu l'as emmené avec toi à Ebénelle ?
La jeune fille poussa un soupir avant de donner des explications sur l'annonce de sa mort, ainsi que la disparition de Sylvain, deux évènements auxquels finalement il était parfaitement étranger.
- Si nous voulons survivre face aux humains légendaires qui souhaitent nous voir morts, nous allons avoir besoin de toute la Confrérie. D'ailleurs, il va falloir avertir les autres au plus vite, pour qu'elles viennent nous retrouver ici.
- Je contacterai Blanche dans la matinée afin qu'elle transmette un message à Esméralda. La foire de Doublonville a commencé récemment, informa la dracologue.
- Quant à moi, j'enverrai une lettre à Fiore pour les avertir que Marion doit immédiatement revenir dans la région.
- Et moi, je...
- Cynthia, interrompit Cassy en la regardant dans les yeux. Ne vous mêlez plus de cela, du moins pour l'instant. Vous êtes enceinte d'à peine quelques semaines. Le stress n'est pas bon pour vous, ni pour le bébé.
- Parce que tu crois que même à des kilomètres de là je ne paniquerai pas ?
- Dites à Lucio de vous rejoindre à Johto, car même pour vous il serait dangereux de rester à Sinnoh, mais je vous en prie, gardez vos distances avec cette histoire. Cela n'entrainera rien de bon.
- Elle n'a pas tort, surenchérit Sandra, à laquelle elle adressa un sourire reconnaissant. C'est trop risqué de vous laisser au milieu d'une telle panique. Vous pourriez faire une fausse-couche. Je crois que son idée est encore la meilleure. Prenez un appartement dans les environs, ainsi nous pourrons toujours vous tenir au courant de la situation sans que vous n'y soyez directement impliquée.
- J'imagine que je n'ai pas d'autre choix que de m'incliner, alors. Dans ce cas, qui se charge d'aller chercher Chloé ?
Un silence s'abattit sur la table. La nageuse se trouvait, du moins selon les dernières informations obtenues à son sujet, au complexe sportif d'Azuria, mais aussi près que cela se situe, plus personne ne semblait motiver à quitter l'Arène avec la menace qui planait au-dessus de leur tête. Léa s'apprêtait à ouvrir la bouche, mais Cassy fut plus rapide. Elle lui coupa l'herbe sous le pied :
- J'irai... avec Sven.