« Si ces robots s'humanisaient,
Inversement les êtres humains se robotiseraient-ils ? »
(Paul Guth)
« Marcher vers l'échafaud
Où faut-il se réfugier ? »
(Mylène Farmer, A-t-on jamais ?)Inspirer.
Expirer.
Et le réveil.
Coldplay – Paradise (Piano cover)Le matin, quand je me lève, je me sens comme la reine des connes dans un monde fou et sauvage. Je suis là, immobile comme un foutu caillou. Je n'avance pas, je suis inerte.
Le matin, quand je me lève, je me déplace mollement dans mon corps sans intérêt. Je me regarde dans la glace. Je suis grosse. Je suis laide. Je le sais. Je m'en contente.
Je me lave très vite parce qu'au fond, je trouve cette position humiliante. Je suis la seule fille dans une maison d'hommes. Je déteste être nue, je déteste être sous l'eau, il n'y a pas une position dans la vie quotidienne où je ne me sente pas aussi nulle, moche et bouffie que dans celle-ci.
Je n'en ai pourtant pas assez.
Je continue chaque matin.
Avec la garantie que peut-être j'aurais droit à un bon moment ou deux.
Je ne suis pas dépressive. Si je l'étais, je le saurais.
Enfin je pense.
Je vérifie si mes parents ne sont pas en train de baiser, ça arrive parfois. Je fais ce que je peux pour qu'ils le fassent aussi tranquillement que possible, parce qu'au fond, s'ils baisent, c'est que ça va. Enfin je pense. Je suppose que quand les gens baisent, c'est qu'ils vont bien. Sinon pourquoi le feraient-ils ?
Et puis non. Ça doit me rassurer ou m'inquiéter ? Toujours est-il que je dois lever Firmin.
Il est dans sa chambre, emmitouflé dans ses couvertures. Mais il est levé depuis une bonne demi-heure, et il fait semblant de dormir. Parce que Dedenne et Couaneton sont endormis à la va-vite sur son lit, ça se voit. Je le secoue doucement, il se réveille, faussement fatigué.
- Perrine, prends-moi dans tes bras !
Je le fais, après tout, que faire d'autre ? J'emmène mon petit frère dans la cuisine.
Parfois je me dis...
C'est nul, hein, mais parfois je me dis que ce garçon n'est pas mon petit frère. C'est un gamin que mes parents ont arraché à une mère négligente qui le leur a laissé. Cet enfant et moi, on n'a rien à voir. On vit ensemble depuis toujours mais au fond c'est la vie qui nous a poussés l'un vers l'autre, pas la nature.
Est-ce que mes sentiments pour lui sont pour autant factices ? Est-ce que l'artifice de notre lien affecte notre affection respective ? Est-ce que je l'aime par obligation ou parce que je l'aime au fond, parce que c'est mon frère, qu'on a été élevés ensemble par les mêmes parents ?
Qui sont deux hommes ?
Qui ne nous ont donc pas conçu, aucun d'entre eux deux ?
Pourquoi toujours ce sentiment que tout cela n'est qu'un château de cartes qui pourrait s'écrouler ?
Que tout cela sonne faux, que c'est un doux rêve qui ne tient que de la volonté collective d'une bande de rêveurs ?
Famille ou colocation étrange ?
Pourquoi chaque putain de matin je me pose la même putain de question ?
Pourquoi chaque fois me faire souffrir inutilement en discutant la réalité de ce qui est ou de ce qui n'est pas ?
Peut-être parce que je suis la reine des connes et qu'au fond ce monde ne me correspond pas.
Ou alors c'est moi qui ne corresponds pas au monde.
Ta gueule, Perrine.
- Coucou ma chérie !
David arrive et m'embrasse sur le front, puis il se penche vers Firmin avec beaucoup plus d'affection. Il a avec lui une conversation sur ce qu'il va faire aujourd'hui au cours préparatoire. Firmin est super content d'apprendre ces conneries de millimètres, décimètres, centimètres, mètres, décamètres, hectomètres, kilomètres, et j'ai tellement super envie de lui dire « MAIS CA NE TE SERVIRA A RIEN PLUS TARD !! » que je manque de mettre le mauvais sachet de thé dans ma tasse. Concentre-toi, ne t'occupe pas de ça.
Je sers le café de Denis et la tisane de David. Denis se lève un peu plus tard. Il me salue, un peu perturbé par la dernière fois, quand je lui ai mal répondu. Depuis il est distant. C'est son truc. Dès que les rapports familiaux échappent à son contrôle, plutôt que de chercher à comprendre, il se renferme. C'est bizarre. Je sais pas d'où ça lui vient.
Et donc on déjeune. David et Denis papotent d'une prochaine investigation budgétaire de leur part : Changer le salon. Remplacer ce bon vieux canapé par un nouveau modèle plus confortable. Denis argue que ça fait bien trois ans qu'ils veulent un frigo américain. Cela n'est-il pas plus pressé ? David agite la tête. Bla. Blablablaba. Bla. Bla. Blablablabla. Blabla. Bla. Blablabla. Toujours pareil.
Firmin est tout calme, il mange. Il n'est plus autorisé à manger avec ses Pokémon depuis que mes parents ont découvert qu'il nourrissait plus ses Pokémon que lui-même de cette façon.
Quand on déjeune, je suis encore plus vide que la normale. Je mange. Je consomme. Mes parents me parlent à peine, parce que... c'est devenu une habitude. Je suis réservée, je suis peu bavarde, et peu à peu, une distance s'est créée.
Ah bah je vois d'où ça vient chez Denis.
Non, je les adore, mais... au fond, j'aime qu'ils respectent mon petit jardin privé. Ils me font confiance pour ne pas déprimer, et... c'est bien de leur part. Je sais pas trop si j'apprécierai plus d'attention de leur part. En fait je crois que la stagnation actuelle me convient.
- Perrine ?
Oula. On me parle. Que faire, que faire ? Denis en plus.
- Hm ?
- Est-ce que ça te dit que je t'emmène aujourd'hui ? A l'école ?
Quoi ? Mais ça tu le fais jamais. Tu travailles là où j'ai cours, mais tu m'emmènes jamais d'habitude.
Ah. Je me rappelle pourquoi. Parce que Naomi habite sur le chemin, et d'habitude on se rejoint et on va à l'école ensemble. Sauf qu'en ce moment bah... c'est pas trop le cas, madame préfère aller chercher mon cher cousin. Génial. Bah du coup...
- Ok.
- Chouette !
Oui, ne t'inquiète pas, cher papa, je vais me plier à ton petit jeu consistant à essayer de regagner mon affection en changeant les habitudes, en te rendant serviable tout d'un coup, comme si tu attendais de moi un grand merci, avec un grand sourire, les yeux pleins d'étoiles.
Je suis très spontanée comme fille. Je m'adore.
Je me plains, je me plains, mais ma vie est bien meilleure maintenant qu'avant. Je le sais. C'est ce qui me porte. Ce qui me pousse à ne pas exploser. A force, ça devient un peu lourd. J'ai changé de vie de A à Z, je suis morte plusieurs fois et j'ai ressuscité en différentes personnes. J'étais d'abord Perrine Bethmont, l'enfant d'un couple qui a décidé un beau matin de se suicider avec un gâteau empoisonné.
Oui je sais, je suis la fille d'un sacré couple de couillons. Est-ce qu'ils me manquent ? Non. J'ai de vagues souvenirs, j'en cauchemarde parfois la nuit, mais au fond, ce sont juste des gens qui font partie de ma mémoire.
C'est horrible, ce que je dis. Mes parents biologiques n'ont aucune importance à mes yeux. Je suis horrible.
Après ça, j'ai été bravement adoptée par David Smirnoff et Kyle Tennant.
Et après, bah, ils se sont séparés pour je ne sais quelle raison, et moi...
***
- Tu seras bien ici, tu seras bien.
Il arrêtait pas de répéter ça. Comme s'il essayait de s'en convaincre. L'autre grand dadais restait derrière, planté là. Vincent, qu'il s'appelait. Et lui, le Kyle, il essayait d'emménager du mieux possible, à la va-vite.
C'était n'importe quoi.
Il avait pas réfléchi du tout. Il avait couché avec ce mec, et il avait quitté David sans rien penser. Et David qui venait de temps en temps prendre de mes nouvelles. J'étais une enfant, mais entre le mec qui voulait me voir et qui demandait après moi, et le mec qui tentait de remettre de l'ordre dans sa vie après sa connerie, j'avais même pas de choix à faire.
- Ta chambre... Eh mais merde y'a pas de chambre en plus chez toi !! souffla Kyle.
- Bah non...
- On la fait dormir où, alors ?!
J'ai dormi deux semaines dans la cuisine, une dans le salon, trois dans la salle à manger et après ils ont consenti à dégager un bureau pour m'en faire une... chambre. Avec des étagères. Et un bureau. Et je dormais sur un canapé déplié.
Je dormais avec une peinture en face de moi. Plus tard en la cherchant, j'ai appris que c'était Alphonse de Lamartine, peint par Henri De Caisne. Y'a un mec et un chien. La mer. Le ciel sombre. C'est à la fois glaçant et beau, cette pénombre en pleine lumière du bord de la mer, c'est très bien rendu.
Et cette peinture m'avait fasciné. C'est la seule chose de bien que j'ai retenu de cette vie-là.
Pour le reste...
- Je t'ai rien demandé, moi, c'est toi qui est venu vivre ici !
- T'étais bien content au départ ! grommela Kyle.
- Pourquoi tu te comportes comme ça ? J'te comprends pas !! Laisse-le voir la gamine s'il le souhaite !
- Nan, putain, c'est une question d'honneur !
- D'honneur, bah voyons !
- Tu peux pas comprendre.
- Tu le détestes ou tu l'aimes ?!
- Ni l'un ni l'autre, j'en ai rien à foutre de lui. Tu m'emmerdes !
- Ne parle pas comme ça devant la petite !
J'te remercie, clampin, mais mes oreilles peuvent se défendre toutes seules.
- Tu veux pas qu'on aille au cinéma ?
- Et qui va garder la petite ?
- C'est là que ton ex serait utile !
- Bah voyons, pour qu'il me la vole ?
Evidemment j'étais... ravie d'être un objet de négociation. J'étais chérie, certes. Comme on chérit un bibelot, une coupe, un vase de fleurs. Mais mon père voulait juste me garder parce que j'étais un outil de pression.
J'en étais pas consciente étant gamine, bien sûr. J'avais juste l'impression que tout était complètement dingue autour de moi. Mon père qui semblait en permanence braqué, sur la défensive, qui en devenait infect. L'autre abruti qui la jouait papa de substitution.
Et puis il le largua.
Et ensuite, alors que ça semblait impossible, tout devint pire.***
Mais c'est assez de mauvais souvenirs.
On descend l'escalier de l'immeuble. Mon père semble tout content de pouvoir m'emmener. C'est le mec qui ne peut pas vivre sans l'approbation des autres, du coup il semble super content de me rendre ce super service : Parcourir trois pâtés de maison en voiture avec moi. Whou-hou.
On entre donc dans cette foutue voiture avec Firmin qui monte à l'arrière et qui s'attache. Je monte sur le siège passager et je m'attache aussi. Denis se place sur le siège conducteur et s'attache.
Quelle vie géniale, n'est-ce pas ?
- Bon... Je te dépose d'abord ?
- Oui parce que les portes de l'école de Firmin ne s'ouvrent pas tout de suite, si tu vas le déposer d'abord, il va attendre tout seul dans le froid.
Denis serre les dents et acquiesce, une posture qui, à mon avis, guide son existence depuis qu'il est né. Firmin hausse les sourcils.
- J'pourrais me réchauffer avec Dedenne !
Je lève les yeux, tentant d'ignorer les gesticulations du frangin. Denis semble un peu dépité mais il obtempère.
- Je... je sais pas ce que tu traverses en ce moment, Perrine... et je sais qu'avec David, on s'efforce de pas trop s'ingérer dans ta vie privée, mais...
Si mes parents avaient une jeep ou une décapotable, j'aurais pu m'échapper.
Foutues voitures modernes.
- ... si quelque chose ne va pas, tu sais que tu peux tout me dire...
Je hoche la tête afin de bien signaler que j'ai compris. Allez laisse-moi tranquille papa.
- Je sais que David flippe beaucoup pour un rien et qu'on ne peut rien lui dire sans avoir peur de le froisser ou de l'inquiéter, mais moi je suis un peu plus ouvert d'esprit, tu sais ça...
Si je hoche la tête de plus en plus, peut-être qu'il comprendra.
Je crois qu'il a compris.
- Tout va bien Firmin ?
- Pourquoi il neige pas, papa ?!
- Firmin, il ne fait plus assez froid pour qu'il neige ! soupirai-je.
Denis me regarde en me suppliant à moitié d'être moins cassante. Je suis toujours comme ça, c'est seulement maintenant qu'il le remarque ? Ils adorent jouer les papas gâteaux avec ce gosse, mais c'est pour ainsi dire moi qui l'éduque. Ils se contentent de la cajoler et de le gâter, mais un enfant, ça ne peut pas être que ça.
Je crois que je suis vraiment de mauvais poil aujourd'hui, moi.
On arrive devant l'école, et forcément quand je descends de la voiture...
- J'peux avoir un petit bisou ?
Je regarde mon père comme s'il venait de dire qu'il était hétéro. Denis agite une main pour bien dire qu'il a compris que c'était pas la peine d'espérer.
Et me voilà à l'école. Génial. J'adore l'école. Un endroit tellement plein de vie, d'amour, de compassion, de respect. Ça fait un an et demi que je traverse cette foutue allée chaque matin, et un an et demi que des gens me regardent bizarrement. Comme si les grosses filles avec une coupe au carré dans une robe noire et violet aubergine, c'était si étonnant que ça. Evidemment je m'en fous, mais ça m'étonne juste de voir à quel point le regard des gens n'évolue pas avec le temps. Ils mentent vraiment beaucoup à la télé.
Je croise des têtes connues de la classe... James et Fey qui doivent être dans un passionnant dialogue romantique d'un intérêt immense pour l'humanité comme la disposition des nains de jardin dans leur futur pavillon... Gina et Holly qui ont l'air de se reparler, c'est bizarre mais en fait je m'en contrefous. Les escaliers avant l'allée principale. Naomi et Walter sont au bout de la rampe en train de discuter et de rire. J'ai pas envie ni de les déranger ni de leur parler.
Je sais pas trop ce que je veux avec eux.
Ça m'embête absolument pas qu'ils sortent ensemble. Je veux dire, c'est... dingue, pas non plus surprenant au fond... mais... c'est juste... pourquoi ils ne m'ont rien dit ? Je suis quoi, en ce moment, je pue ? On dirait, sérieusement. Je devrais mettre du parfum.
Je monte les marches avec une telle fermeté que j'y perds vingt kilos, et je franchis l'allée centrale en trombe, avec un pas de bourge Volucitoyenne. Si quelqu'un se heurte à moi, il meurt à coup sûr, je suis un vrai six-tonnes en furie. Santana, en train de fumer et de recharger son téléphone avec son Anchwatt, me regarde comme si j'étais une putain de nem qu'elle voudrait bouffer. Je suis sûre que cette connasse m'admire pour je ne sais quelle raison, genre je suis une rebelle. La meuf vaut pas mieux qu'un Clive ou qu'une Andréa qui passent leur temps à s'extasier sur n'importe quoi sans comprendre ce que c'est.
Et là, le hall.
Choc.
Il y a... une sorte de terrain. Artificiel, élevé au-dessus du sol. Une drôle de chose mécanique. Et une nana, devant des ordinateurs, derrière l'espèce de robot.
Le robot est incarcéré dans la machine, c'est pas comme s'il allait me sauter dessus. Il a des bras, une espèce de tête, et c'est tout.
Qu'est-ce que c'est que ça, et qu'est-ce que ça fait là ? Y'a un attroupement d'élèves autour.
Et voilà ma prof d'histoire avec Holland, son... mec je crois, qui se disputent à ma gauche.
- Je n'ai PAS à me justifier !!
- Vraiment ? Nan, tu as raison, pour ça il faudrait que tu sois humaine !
- J'étais pas bien avec toi, voilà tout ! grommèle la prof.
- Tu pouvais pas me le dire au lieu de te jeter sur le premier bellâtre venu ?! Putain...
- Tu as dormi où, hier ?
Alors ça, c'est une question bizarre. Pourquoi j'écoute, moi ? Ah oui j'observe la machine et je me demande ce que c'est.
- Ça t'intéresse ?
- Je me pose juste la question...
- Chez mes parents. Tu te sens mieux, maintenant ? T'as moins peur de passer pour la salope du mois ?
- Mais arrête, Holland, n'en fais pas tout un plat !
- Bah voyons !
- Tu peux répondre à ma première question ? C'est quoi ce truc ?!
- J'en sais rien, j'ai pris ma journée, je vais chez toi avec ou sans tes clés, je reprends mes affaires et je me CASSE ! Démerde-toi, je ne suis pas ton bouche-trou, celui dont tu te préoccupes seulement quand je te suis UTILE A QUELQUE CHOSE !
Et voilà notre rouquin préféré qui claque la porte. Voilà une affaire rondement menée. Helen me remarque. Han non. Elle vient vers moi. Et merde. Perrine, mode interaction sociale : Activé !
- Madame...
- Bonjour Perrine... Tu as vu ça...
- J'ai surtout entendu...
- ... je parlais du robot !
- Oh. C'est quoi, vous savez ?
- Holland n'a pas voulu me le dire parce que j'ai couché avec monsieur Houston hier et qu'il nous a surpris après la douche...
Pourquoi les gens vous racontent toujours leur vie ? J'arrive très bien à vivre sans raconter ma vie à qui que ce soit et je m'en sors très bien, pourquoi pas les autres ? Qu'est-ce que j'ai de si unique et de si spécial qui fasse que je ne dise pas « Ce matin j'étais nue sous ma douche et ensuite je me suis habillée, on m'a emmenée en voiture et j'ai atterri ici presque par hasard ! »
- Oh.
- Comme tu dis. Oh... quant à ça...
- Quelqu'un a essayé de monter dessus ? demandai-je.
- Ah, non...
Wallace arriva. Ah ce cher Wallace. C'est un peu comme... un pétard atomique. Petite détonation, grandes conséquences pour l'environnement.
- Coucou mesdames.
- Yo... marmonnai-je.
- Bonjour Wallace...
Wallace inspira.
- Mon oncle est pas rentré hier soir...
Helen serra les dents. Je regardai les deux, assez intéressée par cette embrouille-là. Plus que par la précédente, ça, c'est sûr.
- ... du coup j'ai passé une trop bonne soirée ! Et vous madame ?
Helen hausse les épaules avec une fausse innocence tellement flagrante que je me demande comment cette nana peut être prof d'histoire. Raconter des massacres en toute simplicité, sans problème, mentir un peu pour se couvrir, pas question.
- Ca a été !
- Cool. Perrine ?
- Bof.
- Bof. Elle est marrante, elle. T'as vu ce qu'on a ce matin ? TERMINATOR !!
Helen reprit un peu de contenance maintenant que le Diable de Tasmanie était passé à autre chose. Il est tellement facile à distraire...
- Qu'est-ce que c'est, à ton avis ? demanda Helen.
- J'sais pas. Au début je croyais que c'était l'attaque dont parlait Seth Corrigan, mais... ça a juste l'air d'être un robot !
Je hausse les épaules avec ma classe habituelle.
- On n'a qu'à vérifier...
Au moment où j'essaie de m'avancer, Helen me retient par l'épaule.
- N'y va pas, pauvre folle, c'est super dangereux !!
Quelqu'un se déclara sur le terrain robotique, et ce quelqu'un était ni plus ni moins que Francis Zuckerman. Imaginez si un Vigoroth et un dément échappé de l'asile avaient un enfant. Ce serait Francis Zuckerman.
- Yaaaaaaaay, c'est moi qui vais jouer le premier !!
- Han non ! soupira Helen.
- Au pire si c'est un piège, que ce soit Francis qui soit capturé, c'est pas grave ! admit Wallace.
Mouais. Va expliquer ça à sa petite sœur.
- FRANCIS, DESCEND ! cria Quinn.
- Mais quel abruti !! grogna Lucy.
La jeune femme au poste de commande de la machine (du moins c'est ce à quoi ça s'apparente à mes yeux) relève la tête en souriant.
- Bonjour, jeune homme ! Je suis Tara !
- Salut !
- Quel est ton nom ?
- Francis Zuckerman, madame !
- D'accord. Quelle classe ?
- Seconde année un !
- D'accord !
Un panneau se leva à côté de Francis, lumineux, avec son nom dessus en lettres lumineuses. C'est ridicule. Et il y a même une petite musique ridicule. Tout est raccord.
- Super géniaaaal !!
Non.
- Perrine, t'arrêtes de faire la tête du Grumpy Cat ?! geignit Wallace.
Je lui lance un regard qui tue mais visiblement j'ai confirmé sa théorie vu comme il rigole, ce con.
- Bien, Francis ! Ceci est un simulateur de combat !
- Cool !
Wallace et moi nous lançons un regard entendu. La prof semble avoir compris également.
C'est ça. L'attaque prévue par Seth.
- Tu vas affronter SR-001, le robot de combat !
- J'vais trop lui faire la peau !! Mais euh... Il est solide, votre terrain ? J'ai un Onix, et...
- Ne t'inquiète pas, il est prévu pour résister à un Ronflex même !
- Coooool !
- Prêt ?
- Oui !
- J'allume SR-001 !
La meuf aux cheveux noirs tripote les ordinateurs de son bureau. Le robot s'agite. Ses bras s'agitent. Son corps bouge de droite à gauche sur ce qui semble être des vérins sphériques qui lui permettent de se déhancher comme un pied sur une cheville, avec la même liberté d'action. La tête robotique regarde Francis.
[BONJOUR FRANCIS. JE SUIS. S-R-Zéro-Zéro-Un.]
- Salut !
[NOUS ALLONS NOUS BATTRE. SOIS SERIEUX SINON JE T'ECLATE !]
- Tu parles Charles, tu vas retourner en coulisses, foi de Francis !
- Pour la dernière fois : Tes répliques qui riment n'impressionnent PERSONNE ! grogne Quinn.
- Tu es débile !! hurle Lucy.
Le robot penche la tête et regarde Francis. Naomi, Walter, Santana, Gina, Holly, Fey et James arrivent derrière nous.
- C'est quoi, ça ?! s'étonne Naomi.
- Oh, Seth Corrigan nous envoie un robot, et pas un qui passe l'aspi ! marmonne Wallace.
- C'est ça l'attaque pour laquelle on devait tous se préparer ? C'est nul !! grogne Holly.
Elle a raison. C'est pourri du cul ce machin. Quel mal ça peut nous faire un truc pareil ?
[FRANCIS...]
- Ouiiiii ?
[EST-CE QUE TU AIMES TE FAIRE TRAITER DE débile PAR TES AMIS ?]
Francis semble surpris. Helen nous regarde, étonnée. Je suis très intriguée. Je ne comprends rien à ce qui se passe. Fey, James, Holly et Gina se barrent, gavés d'avance.
On a quoi déjà ce matin... Histoire et Options... J'ai pas envie d'aller en options déjà... Histoire bah si la prof s'évertue à rester là...
Steven et Mike arrivent et passent sans s'arrêter.
- Un robot maintenant ? Putain d'école de merde... soupire le blond.
Pas mieux.
Francis regarde autour de lui, quelque peu désarçonné. Il se tourne vers la dénommée Tara qui hausse les épaules, l'air de rien.
- Cette nana fait partie de Direction Dresseurs ! informe Naomi.
- Hm, elle était à la conférence ! admet Walter.
- Secrétaire à l'orientation si mon souvenir est bon !
Génial. Puisqu'ils sont aussi bien informés, je suppose qu'une fois de plus je vais rester là et ne servir à rien. Perrine, mode plante verte : Activé !
[ALLEZ, ENVOIE TON POKEMON !]
Francis se retourne vers la chose, moins assuré. Normal.
- O... kay... Smogo !
Smogo apparaît, tout content.
[UN POKEMON QUI FOUETTE !]
Francis ricane face à cette super blague. Wallace penche la tête sur le côté.
- Qu'est-ce que ça veut dire...
Bonne question, Gaston.
[A TOI. FEURISSON]
Feurisson apparut. Le Pokémon semblait prêt à se battre. Helen par contre sembla d'un coup très sceptique.
- Non mais attendez, là, un Pokémon ne peut pas se battre sous la commande d'un robot, c'est impossible !
- Comment ça ? demande Santana.
- Ca a été prouvé, un Pokémon n'obéit qu'à une voix humaine, pas à une voix digitalisée et encore moins à un robot ! Même quand un Pijako imite la voix humaine, il ne peut pas donner d'ordres à un Pokémon !
Santana hoche la tête et regarda le combat.
- Smogo, attaque Détritus !
Smogo crache des boulettes de poison vers Feurisson. Sans recevoir le moindre ordre, le Pokémon fonce et frappe Smogo d'une Vive Attaque suivie d'une Roue de Feu, en esquivant parfaitement l'attaque. C'est impressionnant.
- Oh...
[C'EST BIEN CE QUE JE PENSAIS. TU N'ES PAS A LA HAUTEUR. RETOURNE CHEZ TA MAMAN.]
Francis se retourne en grimaçant et commence à descendre les escaliers. Il tint quand même à dire à Tara, cependant :
- Elle est méchante, votre machine !
Tara hausse les épaules, l'air de ne pas savoir de quoi Francis était en train de parler. Toujours est-il que la sonnerie retentit. Tout le monde se disperse, et moi je reste là à regarder ce robot. Non, je ne sens pas une connexion entre lui et moi.
C'est juste qu'il me regarde.
Et je déteste être fixée par des intelligences artificielles.
***
Kyle me fixait comme ça aussi. Il regardait la télévision, parfois, et il me fixait.
Après qu'il ait largué Vincent, la vie est devenue beaucoup plus merdique qu'elle ne l'était déjà. On était dans un petit appart qu'il avait quémandé à l'aide sociale, en tant qu'enfant émancipé, il y avait droit. Bien sûr, je peignais, et heureusement, cela m'a sauvée. Mais je ne recevais plus la moindre affection. Je devais être là, mais je n'étais pas aimée. Kyle s'occupait de moi au sens le plus animalier du terme.
Pour autant, je continuai à le voir comme un père. Du moins comme un échantillon de père. J'avais eu tellement de familles différentes, au fond, et j'avais à peine huit ans...
Kyle était un brave garçon mais également un sacré abruti. Sans le boulot de Vincent pour l'aider à subvenir aux dépenses, il se retrouva pris à la gorge. Il invita bientôt des messieurs qu'il fit payer pour des services dont je n'eus jamais connaissance. Il avait réussi à me préserver de tout ça, j'ignore encore comment.
Parfois, ces messieurs restaient un peu plus longtemps et regardaient la télévision avec Kyle et moi. Ma présence était visiblement tolérée.
Un jour, je fus enfermée dans une pièce. Nulle maltraitance : J'avais été laissée avec mon matériel de peinture, des biscuits, de l'eau. La maison fut pleine de bruits étranges. Qu'avec le recul je reconnais, et ça me fait froid dans le dos. Dans mon souvenir, j'ignore si c'est moi qui étais folle, mais je crois même avoir entendu des cris d'enfants. Je ne veux même pas y penser. Je ne sais pas si Kyle a eu quoi que ce soit à voir avec ça, mais il m'a juré que non et qu'effectivement j'avais dû le rêver. Mais dans une conversation écrite, sur le net, on ne peut pas savoir qui ment ou qui dit la vérité, hein.
C'était terriblement sordide, forcément, mais je n'en voyais jamais rien. Quand Kyle me fit sortir, ce jour, il semblait fourbu, dévasté, sa démarche était saccadée, hésitante. Il avait apparemment reçu beaucoup d'argent, mais il n'en était pas heureux. Il nettoyait la pièce, visiblement souillée, malgré quelques bâches posées çà et là. Et je le vis pleurer sur son sort, alors qu'il épongeait des meubles.
C'est pour ça que je ne peux pas le détester aujourd'hui. Je sais qu'au fond, il a fait ça pour me garder, certes, mais également pour que je ne finisse pas ailleurs. Il était seul, terriblement. J'avais mal pour lui, et quand j'essayai de me rapprocher de lui, pour le rassurer, l'affection qu'il me donnait en retour était maladroite et fausse.
Comme s'il ne savait pas en donner.
Encore moins que moi, quoi.
***
Il retrouva un travail, et les choses allèrent un peu mieux. Il reçut des visites moins sordides. Vincent, qui venait reprendre des affaires, et qui demandait de ses nouvelles et des miennes.
- La petite a l'air bien, et toi aussi, c'est cool...
- T'as pris ce qu'il te fallait, dégage, répondait mon tuteur légal.
Sa famille vint un jour. Ses parents, son frère et sa sœur. Ils ont demandé où était David. Grave erreur. Il leur a crié dessus. Sa sœur se mit à pleurer. Son frère se barra avant tout le monde avec elle. Ses parents et lui eurent une belle engueulade. Ils sont partis en claquant la porte. Traitant leur fils de paumé, de loque, de débris.
Kyle s'était enfoncé dans le canapé ce jour-là, et il avait répété, en regardant une série pourrie : « Ils ont raison, ces cons-là. Ils ont raison, putain. »
Il avait tenté d'en finir.
J'en ai jamais vraiment rien su. Je l'ai vu tenter un jour, dans la salle de bain, alignant ses médocs sur le lavabo, mais je l'ai surpris et il a arrêté.
Un autre jour, il a mélangé de l'alcool à deux-trois pilules, s'est endormi deux bonnes heures, a vomi sur la table, s'est réveillé à vingt et une heures.
Dépité d'être vivant. Son visage d'à ce moment-là me restera toujours en mémoire. Un damné. Un pauvre damné qui avait passé mille ans en enfer.
Et puis, un jour, David réclama ma garde.***
Je marche dans le couloir et je me rends à la salle d'histoire avec tout le monde, prof comprise.
On me rattrape.
- Perrine !
- Perrine !!
Je me retourne vers... les jumeaux. Lilian et Léon. Ca y est, j'ai mangé une fois avec eux, ils me prennent pour leur mère. J'sais même pas si j'ai du lait pour les deux.
- Hm ?
- On a vu ton père ! souffle Lilian, épuisé.
- Dehors, mais après on l'a plus vu ! geint Léon.
- Il a disparu, pouf !
- C'était trop bizarre, on a eu peur !!
Je les regarde comme s'ils étaient des pantins faits avec des sacs de drogue.
- Quoi ?!
- On sait pas ce qui s'est passé, il arrivait du parking, et d'un coup il a disparu ! assure Léon.
Je ne comprends mais RIEN du tout à ce qu'ils me racontent.
Ou alors je veux pas comprendre. Génial, Perrine, ton cerveau est en roue libre.
- Vous avez dû tourner la tête et il a pris un autre chemin... marmonne-je.
- Mais non il a vraiment disparu, comme par magie !! crie Lilian.
- ... C'est pas possible, il est forcément allé quelque part ! Je verrais ça plus tard, là on a cours.
- Mais Perrine... quémande Léon.
- Il est pas en danger, mon père est super fort !
N'importe quoi. Genre mon père a disparu. N'importe quoi. Ils sont fous ces jumeaux. En même temps pourquoi ils me raconteraient n'importe quoi...
Mais en même temps pourquoi mon père aurait disparu ? Ça n'a pas de sens, pourquoi lui ? Pourquoi disparu ?!
- Je dois aller aux toilettes Lilian !
- J'te suis !
J'ai vraiment les oreilles qui trainent trop, moi. Pourquoi parfois je ne suis pas sourde ?
Tout le monde entre en classe. Helen semble stressée. Bof. On s'assit à nos places. Helen se place à son bureau en laissant la porte de la classe ouverte.
- Bon, les enfants, l'heure est grave ! Cette machinerie dans le hall est un piège de Direction Dresseurs, c'est sûr et certain !
Francis acquiesce et s'exprime.
- En plus elle est méchante ! Elle m'a injurié !
- C'est pas difficile... soupire Quinn.
- Ni très étonnant... admet Lucy.
- Normalement une machine ne peut pas dresser de Pokémon ! Cela n'a aucun sens ! Aucun !!
Jeffrey Houston arrive dans la pièce. Ce mec ressemble vraiment à une mauvaise parodie d'Indiana Jones.
- Coucou... Tu m'as appelé !
- Jeff ! J'ai besoin de ton aide ! Tu n'as pas cours ?
- En fait si, mais y'avait un souci au gymnase, j'ai été voir et finalement ça m'a saoulé...
Wallace plisse les yeux.
- Hey, vous êtes collègues, vous êtes censés vous vouvoyer !
Jeffrey regarde Wallace et le salue. Wallace croise les bras.
- T'étais où, hier ?
- En boîte toute la nuit !
- ...
- Qu'est-ce que tu voulais, Rosita ?
Wallace est vraiment crédule ou bien...
- Tu as vu ce qu'il y a dans le hall ?
- Ouais, le robot... Y'a des gars de l'administration qui l'essaient, ça a l'air drôle !
- Non, pas du tout, c'est un engin de destruction ! grommèle Helen avec un sérieux ridicule.
- A ce que j'en vois, ça a l'air d'être un jeu...
- C'est pas le cas !
- La dame au poste de commande est un cadre de Direction Dresseurs ! informe Naomi.
Jeffrey regarda Naomi.
- Direction... Dresseurs... où j'ai entendu ce nom, moi...
- Je t'en ai parlé ! souffle Wallace.
- Ah oui ! Bah... Ouais, c'est terrible, ohlala ! ricane Jeffrey.
- Tu peux aller tester la machine et voir si y'a quelque chose de bizarre ? demande Helen.
- J'ai quoi en échange, un dîner ?
- TONTON JEFF !!! crie Wallace.
Mon Dieu mais qu'il est débile... J'vais lui passer les lunettes de Tino ou Lucy...
- Ne sois pas idiot ! On ignore encore pourquoi cette machine est là !
Jeffrey hausse les épaules. Hey, c'est ma marque de fabrique !
- Bah si vous savez pas, qu'est-ce que ça peut vous foutre ? Tant qu'il y a pas une bombe dans le machin, tout va bien !
- Tu ne comprends rien ! Direction Dresseurs aspire à se substituer à notre système éducatif et à le remplacer !
- Quel but de merde ! ricane le prof de fondamentaux.
- Tu ne comprends pas les enjeux de toute façon...
- Bah si, ils veulent le retour de l'éducation militariste d'avant, peut-être même de façon plus rude et directe qu'avant. Et ça passe par le contrôle de l'éducation. Je suis un peu l'actualité du milieu, je sais que tous les évènements de ces sept dernières années sont grandement controversés et que certains veulent le retour à l'ordre ancien ! Houuuu !
Helen était mouchée, si bien que certains élèves ricanaient presque.
- Où sont les jumeaux ?!
Tout le monde regarde Gina. On regarde à leur place attitrée et effectivement ils ne sont pas là. Je sors de mon silence pour rassurer tout le monde.
- Ils sont aux toilettes...
- Depuis quand ? demande Holly.
Helen s'affole à son tour, inquiète. Jeffrey soupire.
- Je vais voir cette machine à la noix. Toi, t'as vingt mômes à ta disposition, fais comme si t'étais sur un plateau d'échecs et... déplace tes pions !
Jeffrey part de la salle, visiblement vers la machine.
Et moi je commence à paniquer. La prof nous regarde.
- Euh... bah on va faire simple, qui veut... euh...
Panique, panique.
Mon père.
Les jumeaux m'ont dit qu'il avait disparu. C'est vrai ? Nan, ce serait trop con. Je suis en froid avec lui, il disparaît. Où ça ? Merde ! Et les jumeaux qui m'en informent et qui disparaissent juste après...
Nan.
Nan j'peux pas rester là.
J'me lève. Surprise de tout le monde. Et je me dirige vers la sortie.
- Perrine ?! demande Helen, toute intimidée.
- Je... vais voir quelque chose !
- Nous on va chercher les jumeaux ! informe Gina.
- Ouais ! souffle Holly.
Les deux filles me dépassent et sortent. Du coup c'est malin, j'ai plus de motif pour sortir. Helen me regarde, inquiète.
- Qu'est-ce qu'il se passe ?
- ... Rien, faut que... je sorte !
- Perrine, qu'est-ce qu'il y a ?
Je regarde Naomi. Elle, Wallace et Walter semblent inquiets aussi.
Vous faites chier, quoi. J'y vais et advienne que pourra.
Du coup me voilà, moi, Perrine Truman, dans les couloirs, alors qu'il y a cours. C'est du propre. Petite délinquante que tu es. Je me dirige vers la médiathèque alors que Gina et Holly vérifient les toilettes.
C'est fermé !
C'est fermé ?!
C'est FERME ???
C'est fermé ! Les lumières sont même pas allumées. C'est fermé. Il est même pas venu ouvrir. C'est quoi ce bordel ? Mais il est où ? Il est... Mais non ! Mais quoi ?!
Au moment où je me retourne, qui est en travers de ma route ?
ROBBIE. Ce foutu Robbie. Résumé des épisodes précédents : Robbie voulait sortir avec moi, et comme je ne suis pas le genre de fille qui... sort... tout court, bah... j'ai refusé. Du coup il se meurt d'amour depuis quelques temps et... je m'en tape.
- Quoi ?
- Quoi, quoi ? Qu'est-ce qui t'arrive ?
- Rien. Pourquoi t'es là ?
- J'étais inquiet. D'où tu sors de la salle comme ça ?
- Tu es sorti aussi !
- Wallace, Walter et Naomi sont en train de discuter avec la prof pour savoir quoi faire de tout ça, du coup je me suis proposé pour te surveiller.
Me... Me QUOI ?
- Me surveiller ?!
- Je me fais du souci pour toi, t'es toute silencieuse en ce moment...
- Alors que l'an passé j'étais la douce sirène qui t'a séduit, et du coup tu es déçu, c'est ça ?
Robbie me regarde comme si j'étais folle. Il a raison, je suppose.
- Je me fais du souci pour toi, c'est tout !
- J'ai pas besoin de ton aide, ça me regarde, c'est mes affaires !
- Laisse-moi au moins t'accompagner !
- Mais pourquoi ?!
Robbie se fige. Il ne peut pas répondre. Evidemment. Moi du coup, j'essaie d'appeler mon père.
- Parce que...
Han non, essaie pas de répondre, pitié, tais-toi !
- Parce que je veux pas te voir dans une mauvaise situation, ça me ferait mal ! Parce que je t'apprécie !
Oh bah oui, reprends des mots de mon petit discours de la fin de l'an passé, chéri, parfait. Déjà d'une tu as une très bonne mémoire, je te félicite, déjà deux, là en l'occurrence c'est de mon père qu'on parle, alors ferme ton clapet.
Y'a de la circulation dans le couloir. Amélia et Rebecca partent vers la médiathèque, suivies par Mike, inquiet.
- Je n'ai pas besoin de ton aide.
- Tant pis, je reste là.
Cris. C'est Amélia et Rebecca. Mais pourquoi sont-elles sorties tout court, ces gourdasses ? Mais qu'est-ce qui se passe ? Mike est là-bas, je suppose que ça va aller...
Je regarde Robbie et je tends le bras vers le fond du couloir.
- Va les aider !
- Non, je reste avec toi !
Qu'il est mignon.
Ou pas.
Santana et Violette sortent de la salle en trombe pour aller voir ce qui se passe. Elles sont suivies par James, Steven, Fey et Ana. C'est la dixième guerre mondiale autour de moi et j'en ai rien à foutre.
- Va voir ce qui se passe et fais-moi un rapport ensuite.
- Il est hors de question que je te laisse.
- Rebecca et Amélia sont en danger, vas-y.
- Je m'en moque.
Mais arrête ça.
La pensée prit le pas sur le flegme et ça sortit enfin comme du Pepsi d'une bouteille trop secouée.
- Arrête ça, Robbie. Je me doute que tu as les meilleures intentions du monde, mais là, tu me fais juste chier !
- Si au moins tu m'expliquais...
- Si au moins je t'expliquais QUOI ??? ROBBIE ! TU COMPRENDS A PEINE LA MOITIE DU QUART DE CE QUI SE PASSE ! TU CHERCHES A ETRE GENTIL AVEC MOI PARCE QUE... TU ES TELLEMENT DESESPERE A L'IDEE DE FINIR SEUL QUE TU TE RACCROCHES A MOI, MAIS MOI JE M'EN CONTREFICHE !
Je pars vers la machine. Elle détient peut-être la clé. Et devinez qui continue à me suivre.
Et devinez qui est sortie de la salle, folle d'inquiétude.
- Perrine ? s'étonna Naomi.
- Retourne à l'intérieur !
- Perrine ?
- Perrine, stop, tu dois nous dire ce qui se passe ! clame Robbie.
- Non !
- Perrine, arrête !
Naomi me rejoint mais je la repousse. Elle me regarde, éberluée.
- Perrine ?!
- Perrine, mais enfin...
- Je sais que tu sors avec Walter !!
Naomi se fige. Robbie nous regarde toutes les deux. Et comme tout à l'heure, je parle avant de penser. C'est nul. Ne faites jamais ça.
- Perrine, je ne voulais pas te...
- Tu m'as rien dit ! Tu... Tu ne m'as rien dit, tu savais que j'allais mal à cause de ce prof à la con, et tu m'as rien dit !! C'est quoi le but, me faire péter les plombs ?
- Mais je... C'est compliqué Perrine...
- Nan, pas moyen !
Naomi semble désolée, vraiment. Et je sais qu'elle l'est, mais je suis dans un tel état de stress que je veux même pas comprendre.
- Perrine, excuse-moi ! sanglote-t-elle à moitié.
Je pars en avant, je dois savoir où est mon père. Et les jumeaux aussi, tant qu'on y est. Putain c'est quoi cette situation de merde. Les cris des filles se font entendre, on se croirait dans une maison hantée.
J'arrive dans le hall. L'oncle de Wallace se fait battre par le robot. Son Kabutops se fait rétamer par un Tygnon.
- Sérieusement ?! C'est quoi cette chose ?! Comment il reçoit des ordres ?!
- Je ne suis pas tenue de vous répondre ! signifie l'autre grognasse.
C'est un simple simulateur de combat. Je comprends pas le rapport entre ça et mon père. Je comprends pas le rapport entre rien et rien. En plein dans son combat, le robot me regarde. Il me fixe. Pourquoi ?
[S-R-Zéro-Zéro-Un T'A MIS UNE RACLEE. RENTRE CHEZ TA MAMAN, SexyJeffy]
- Hors de question, je demande une revanche !
- Ce simulateur n'est prévu que pour un seul Pokémon à la fois ! annonce la nana.
- C'est pourri votre truc ! Hey, grosse fille, tu veux essayer ?
Grosse fille. Ouais, c'est encore la meilleure appellation pour moi. Je sais pas trop quoi faire, là, du coup... Je me retourne, Naomi n'est plus là. Génial. Robbie est toujours là. Merde.
- Perrine...
- Laisse-moi tranquille.
Je monte l'escalier proche du hall qui mène à l'étage. Je soupçonne le prof d'art, maintenant. Il était pas dans les fichiers de Naomi mais il a pu s'y ajouter après. Je suis sûre que c'est lui. C'est lui qui a mon père. Robbie me suit à distance. Quel détraqué.
Je me précipite vers la salle et j'ouvre les portes. Darius Vince donne un cours à des premières années je crois.
- Mais qu'est-ce que...
- Où est-il ?!
J'avance dans la salle et je cherche, ignorant l'autre gros naze.
- Nous n'avons cours que dans deux heures, mademoiselle Truman !
- Où il est, dites-le moi !!
- Mais quoi donc ?! Pourquoi perturbez-vous mon cours ?!
- Je sais que vous l'avez, ne me mentez pas !
- Sortez de cette salle, mademoiselle Truman ! Même si je me doute que vous auriez sérieusement besoin de cours supplémentaires...
- Vous savez où je me les carre vos...
- C'est bon, elle s'en va !
Je me tourne vers Robbie qui essaie de m'attraper par le bras.
- Viens, on sort !
- C'est lui qui l'a, laisse-moi tranquille !
- Perrine, sors d'ici !
- Mais toi, sors !
Il arrive à me faire sortir. Non mais je rêve. Robbie Mayer se la joue videur de cours d'art.
- Dehors, bon sang !! grommela le prof.
- Excusez-là !
- Même pas en rêve !! hurle-je.
Robbie ferme les portes du cours.
- Perrine, calme-toi !
- FICHE-MOI LA PAIX !
- Perrine !
- NON !
- Qu'est-ce que tu cherches, qu'est-ce qui ne va pas ???
- LES JUMEAUX, JE CHERCHE LES JUMEAUX !
- Non, tu ne te mettrais pas dans des états pareils pour les jumeaux !
- POURQUOI TU NE ME FICHES PAS LA PAIX !!!
Je repousse Robbie. Je suis complètement folle. Je sais d'où ça vient. C'est génétique. Mes parents étaient dingues, ils se sont suicidés avant la guerre, forcément, je suis tarée moi aussi. Et maintenant que je suis dans cette stupide famille Smirnoff, c'est pire. Je suis tarée et je me mets dans des états pas possibles pour tout et rien.
- Perrine !
- Arrête de prononcer mon nom !
- Faut qu'on retourne en bas, Perrine, retourne à la salle, on va essayer de t'aider à trouver ton père !
Je regarde Robbie. Mais quoi ?
- C... Comment tu...
- Ce serait quoi d'autre ? Wallace, Naomi et Walter vont bien, Helen, monsieur Houston, la seule personne de ton entourage pour laquelle tu te démènerais autant... C'est ton père, celui qui dirige la médiathèque !
...
... oh.
C'est... c'est ça qu'on ressent quand quelqu'un nous comprend ? C'est bizarre.
Il a visé juste. Mais... Mais hors de question que je craque devant lui. Ça va quoi. Je vais pas devenir une de ces gourdasses qui tombent amoureuses du premier venu parce qu'il leur parle bien. Amouquoi ? J'ai pensé ce mot ? Fuis, Perrine, fuis.
Je redescends. Il me suit, l'animal.
Je sais pas où chercher. Une fois en bas, c'est l'anarchie. Je vois une bonne partie des élèves de la classe qui semblent débattre. La machine est là, libre. La nana de Directions Dresseurs est toujours là à pianoter sur ses claviers.
Qu'est-ce que je dois faire ?
QU'EST-CE QUE JE DOIS FAIRE, BON SANG ?!
- Perrine !
Wallace se dirige vers moi.
- Perrine, c'est quoi ce bordel ?
Je suis à moitié inconsciente, là. Je sais plus quoi faire. Plus du tout.
***
Ce procès, ça a été une sorte de déclic. Il semblait motivé. Il se coiffait, il s'habillait. Il avait presque l'air... content qu'on réclame ma garde.
J'aurais pu m'en sentir offensée, mais non. J'étais tout à fait calme. En fait, enfant, j'ai toujours été calme, donc en fait ça ne m'a pas changée.
Il est arrivé au procès comme un coq. Il s'est défendu comme il a pu. Avec le recul, je trouvais qu'il en faisait trop.
Et plus tard, quand David et Denis m'ont raconté le procès, et même ensuite quand j'ai discuté avec lui, j'ai compris.
[Hey.]
[...]
[Je veux te parler de ma propre initiative, ne t'inquiète pas.]
[Vraiment ?]
[Oui. Tu es mon père après tout.]
[Je suppose oui]
[Tu vas bien ?]
[Kyle ?]
[Excuse-moi je me demande si on doit parler en fait. Si c'est nécessaire.]
[Bah... oui. Je suppose.]
[Tu devrais pas me parler.]
[J'en ai envie, je te dis.]
[Pourquoi ? Tout ce que j'ai fait, c'est te garder avec moi pour prouver à ton père que j'avais le dernier mot. Je n'ai pas été bien avec toi. Je ne me suis pas comporté comme un père.]
[Au moins tu t'es occupé de moi. Comme tu as pu quoi.]
Il s'est passé un peu de temps, il ne m'a pas répondu, quoi. Et un jour je l'ai relancé.
[Papa ?]
[Hm ? Bonjour Perrine.]
[Pourquoi ça te gêne que je reprenne contact avec toi ?]
Il a laissé un temps d'arrêt et il m'a répondu genre une heure plus tard.
[Perrine je dois t'avouer quelque chose. Quand David a réclamé ta garde par la voie judiciaire, j'en ai profité pour me débarrasser de toi. Je ne pouvais plus assumer la charge que tu étais devenue. Je n'étais pas un bon père. Je me suis toujours débrouillé pour que les services sociaux ne te reprennent pas mais je te gardais plus par orgueil que par réelle... envie de te garder. Ne le prends pas mal, hein.]
[Non non]
Et c'était vrai. Je ne le prenais pas mal. Je l'avais compris, je crois.
Mais lui, au moins, il m'avait expliqué, et ça, ça changeait tout. C'est pour ça que je voulais reprendre contact avec lui, j'avais besoin d'une réponse.
Tout comme j'aurais aimé pouvoir reprendre contact avec mes parents pour leur demander « Pourquoi vous avez fait ça ? Pourquoi vous avez voulu me tuer et vous suicider par la même occasion ?! »
Je ne comprendrai jamais, ça.
Au moins grâce à Kyle, j'ai compris pourquoi une partie de ma vie était morte. Pourquoi au fond, j'avais encore des raisons de vivre. Pour comprendre peu à peu qui je suis. Les vies que j'ai vécu. Et rien que pour ça je lui suis reconnaissante.
[Tu vois c'était un peu... une espèce de suicide social. C'est compliqué. Dans un sens je voulais mourir, mais... sans mourir, tu vois. Tout recommencer. Je sais que c'est idiot...]***
- Perrine !!
- Qu'est-ce que... Qu'est-ce qui se passe ?!
Gribble a l'air inquiet. Il m'appelle Perrine. J'pige pas.
- On a entendu des bruits sourds dans la classe après ton départ. Rebecca et Amélia sont sorties parce qu'elles flippaient, la prof a essayé de les en empêcher, avec son Miradar, même, mais elles sont parties en courant. Mike y est allé aussi, James, Steven et les filles l'ont suivi, elles se sont faites attaquer par un Neitram et un Gardevoir chelou. Et du coup bah... visiblement d'après Tino et d'autres de la classe, ce serait l'œuvre de Teresa Torres !
- Elles vont bien ?! demande Robbie.
- Oui, Mike a sauvé Rebecca et Amélia a été sauvée par son Sepiatop et son Vostourno... Mais là du coup tout le monde flippe, on trouve plus Gina, Holly ou même mon oncle, c'est le bordel total, et la médiathèque est fermée aussi, il bosse ton père aujourd'hui ?!
Fais une blague, Gribble, je t'en prie...
- Perrine ?
- Il est pas là, elle le cherchait justement ! informe Robbie.
Merci de parler à ma place, grande perche.
Allez Gribble, plaisante un peu, histoire que tout ça s'efface...
- Accessoirement, Perrine, y'a Naomi qui est en train de pleurer dans la salle, qu'est-ce que tu lui as dit ?!
- R... Rien...
- C'est rien, Wallace, c'est par rapport à elle et Walter !
Wallace regarde Robbie et acquiesce.
- Merde... Perrine, elle l'a pas fait exp... Perrine ?!
La foule...
C'est bon, la foule.
J'aime la foule.
C'est la disparition.
- PERRINE ?!
- PERRINE !
Les cris sont lointains...
Si lointains...
Mylène Farmer – A force de...Au moins dans la foule, personne ne me rejoint ou n'essaie de m'attraper.
Ou de me raisonner.
Ou de me calmer. J'en ai vraiment besoin ? Je suis toujours calme.
J'aime pas le stress. Vive l'isolement.
C'est si bon... Je suis là, seule avec une seule pensée...
A l'envers...Une seule idée en tête.
« C'est un de nous quatre qu'ils veulent ? »
« Ce sera moi. »
- PERRINE !
Cette terre...Oubliez-moi, bon sang. Protégée par la foule des élèves, je me dirige vers mon but.
Encore une fois, tout le monde va me regarder, mais cette fois, c'est du suicide et je le sais.
Il pleut sur Vienne...Non pas que je veuille me suicider.
Mais si un de nous doit morfler, je préfère que ce soit moi.
Ca me fera moins mal.
La... Vie... est belle...J'arrive aux escaliers qui mènent au terrain face au robot.
Un pas sur la marche.
A force de mourirJe monte.
Je n'ai pas su te direRobbie me regarde, effaré. Wallace est tout aussi estomaqué.
Que j'ai envie de vivreDésolée, les gars.
Donner l'envie de vivre- NON !!!
Wallace tente de se précipiter dans la foule à ma suite.
A force de courirMais c'est trop tard.
De perdre l'équilibreJe suis déjà presque arrivée.
Moi j'ai envie de vivreTara Yokas me regarde, un sourire narquois sur le visage.
Donner l'envie de vivre- PERRINE !!!
La force des rapidesDésolée, Wallace, vraiment.
Des vents qui se déchirentC'est pas comme si j'étais vraiment si importante que ça, hein ?
Me donnent l'envie de vivreUne fois en haut, le piège se referme.
Donner l'envie de vivreUn champ de force se forme autour du terrain. La machine...
A force d'étincellesEtait en fait une prison...
Que la nature est belle !- Bien, on va pouvoir commencer ! sourit Tara.
Moi j'ai envie de vivreWallace et Robbie n'en revenaient pas.
Et de mourir sans chaînesEt moi non plus, je crois.
[BONJOUR PERRINE.]
D'accord. Tu me connais, machine. J'avais bien compris.
[JE SUIS SR-001. ROBOT CREE PAR LES ENTREPRISES IN-DIRECT. POUR PROCEDER A LA RECUPERATION DE DONNEES.]
Ce robot est con comme la lune, le voilà qui dévoile tous les objectifs de son groupe. Tu serais nul en affaires, mon biquet.
[JE SUIS LA PREMIERE INTELLIGENCE ARTIFICIELLE BASEE SUR L'INTELLIGENCE DE ROLAND SMIRNOFF]
Ah.
Bah ok. C'était pas assez bizarre comme ça...
[ES-TU PRETE POUR LE TEST ?]
C'est pas comme si j'avais quelque chose de mieux à faire, hein.