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Entre infini et au-delà de Cyrlight



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Informations

» Auteur : Cyrlight - Voir le profil
» Créé le 06/12/2013 à 09:46
» Dernière mise à jour le 09/12/2013 à 11:10

» Mots-clés :   Action   Drame   Fantastique   Mythologie   Suspense

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Chapitre 183 : Hallelujah
Hallelujah - Bastian Baker


Cassy remonta l'allée principale où le gravier crissa sous ses pas. Dans la précipitation, elle avait une fois encore oublié de se munir d'un moyen de défense autre que ses gants en quittant Ebénelle et ne pouvait que sans vouloir. Elle s'exposait de la sorte à la moindre menace.

L'ombre blanche semblait avoir disparu. Pas un bruit ne venait agiter le cimetière désert. Avait-elle rêvé ? Elle ne se sentait ni malade, ni fatigué pour que son esprit produise de telles hallucinations. L'oeuvre d'un pokémon ? Peut-être, après tout. Il n'était pas rare de croiser des types spectre dans des lieux comme celui-ci.

Soudain, elle perçut des pas. Cela lui apprenait au moins une chose : il ne s'agissait pas d'un fantôme. Ce qu'elle recherchait possédait une consistance solide, sans quoi il n'émettrait pas le moindre son.

Elle repéra la mystérieuse apparition, deux rangées de tombes plus loin. Cette dernière, toutefois, ne semblait pas l'avoir aperçue. La jeune femme portait la cape noire de Sven sur ses épaules, qui la rendait presque invisible dans la pénombre. Prête à surprendre sa cible qui paraissait venir inconsciemment dans sa direction, elle se tapit derrière une stèle, retenant son souffle.

La position adaptée n'était pas très confortable. Accroupie, l'un de son genou touchait le sol où, en dépit de sa cuissarde, de petits cailloux pointus s'enfonçaient dans sa chair. Son autre jambe, tendue vers l'arrière, ne tarda pas à souffrir d'une crampe violente. Elle aurait voulu bouger pour que cela passe, mais ce serait courir le risque d'être démasquée avant l'heure.

Enfin, la silhouette immaculée arriva à sa hauteur. Elle leva les yeux dans sa direction. A n'en pas douter, c'était une créature humaine. Elle portait des vêtements blancs, que ce soit son manteau, sa longue robe qui dépassait en-dessous ou le chapeau ancien orné de dentelle dissimulant une grande partie de son visage. Cela demanda à Cassy un effort considérable pour tenter de distinguer ses traits. Lorsqu'elle y parvint, elle ne laissa échapper qu'un bredouillement.

- Mais... Mais...

L'autre sursauta. Elle se retourna, sur ses gardes, tandis que la dresseuse jaillissait hors de sa cachette afin de venir lui faire face. Elles se scrutèrent des yeux un long moment, avant que la jeune femme en blanc ne murmure :

- Cassidy ? Qu'est-ce que tu fais ici ?
- Je pourrais te poser la même question. Ce n'est pas vraiment le genre d'endroit où je peux m'attendre à te croiser.

Yohanna ôta les épingles qui retenaient sa coiffe pour dévoiler sa magnifique cascade de cheveux blonds. La lumière de la lune lui donnait encore plus que de coutume un teint de poupée de porcelaine. Sa beauté restait époustouflante, malgré les deux années écoulées depuis leur dernière rencontre.

- Je t'ai vue depuis la grille, avoua la dresseuse d'une voix rauque.
- Vraiment ? Tu es parvenue à me reconnaître ?
- Je... Non. Au début, je... Dis comme cela, c'est ridicule, mais... Je pense que je t'ai prise pour un fantôme.

La religieuse esquissa un sourire en coin. Il fallait dire qu'ainsi vêtue, elle pouvait habillement être confondue avec une apparition ectoplasmique, d'autant que le contexte s'y prêtait.

- J'en conclus donc que tu poursuis toujours tes quêtes de mythologie.
- Pas exactement. J'ai des ennuis. L'organisation que j'ai combattu autrefois est en train de préparer quelque chose, et je dois la retrouver.
- Je croyais qu'Arceus était à présent ta nouvelle cible ?
- Pas la mienne. Celle de Lilith.

Son interlocutrice se figea à la mention de ce nom et perdit le peu de couleurs qu'elle possédait sur ses joues. Cassy se remémora ce qu'elle lui avait un jour révéler à son sujet, craintes qui étaient toutes infondées.

- Elle n'est pas celle que tu crois. Ce n'est pas une dévoreuse d'enfants. Elle m'a affirmée qu'il n'y avait rien d'étonnant à ce que tu saches cela, toi qui vis dans un couvent, mais c'est faux.
- Ce n'est pas la mère supérieure qui m'a raconté cela. Je le savais déjà... avant.

La jeune femme se rappela également la réaction de la démone lorsqu'elle avait évoqué la question avec elle. Apparemment, elle nourrissait des soupçons d'une nature inconnue à l'égard de Yohanna jusqu'à ce qu'elle l'informe de sa nature de bonne soeur.

- Qu'est-ce que tu me caches ?
- Rien, je... Je n'ai rien à cacher.
- Menteuse. Je sais que tu as un secret depuis le premier jour où je t'ai rencontrée. Il y a quelque chose de sombre que tu cherches à dissimuler, et si tu ne veux pas me dire ce dont il s'agit, je finirai par le découvrir quand même. Je suis quasiment certaine que Lilith est déjà au courant, d'ailleurs.
- Cela ne m'étonnerait pas, se contenta de souffler la religieuse.
- Alors parle m'en. Tu es la seule à m'avoir toujours écoutée avec une patience fraternelle malgré le fait que nous soyons deux inconnues. C'est à mon tour à présent de te rendre la pareille.
- Je ne peux pas ! Je ne peux rien... J'ai promis.
- Promis ? Promis quoi ? A qui ?
- Personne ne doit savoir ce que j'ai fait. J'en payerai le prix tôt ou tard, Arceus se vengera de moi, mais en attendant, je ne veux pas laisser qui que ce soit d'autre me juger.
- Crois-tu vraiment que je me le permettrai ? J'ai tué mon frère de sang-froid en le regardant dans les yeux. Cela ne risque pas d'être...
- Pire ? Pourtant c'est le cas, et au moins cent fois.
- Enfin, je ne comprends pas... Qu'as-tu pu faire de si terrible pour que cela t'effraie à ce point ?
- Même dans tes pires cauchemars, tu ne pourrais pas trouver la réponse. Je suis un monstre.
- Je ne peux pas croire que tu sois mauvaise. Pas toi.
- Je le suis peut-être plus que n'importe qui.
- Oh que non ! La preuve, contrairement à moi, tu es encore capable d'éprouver des regrets. J'ai assassiné mon frère, et cela ne m'émeut même pas, alors que c'est mon propre sang que j'ai fait couler.
- Moi aussi, qu'est-ce que tu crois !

C'était la première fois qu'elle l'entendait crier. Yohanna détourna précipitamment le regard, la respiration saccadée. Son corps se mit à trembler de tous ses membres et elle serra ses bras autour de son buste pour tenter de s'apaiser. Cassy hésita une seconde, puis la prit par le cou pour l'amener à déposer sa tête sur son épaule. D'une main, elle caressa ses cheveux d'or, l'autre étant calée dans le creux de ses omoplates.

- Dis-moi ce que tu as fait.
- Jamais. Tout le monde me haïrait si cela se savait.
- Pas moi.
- Seule la mère supérieure est au courant, et elle m'a fait promettre de ne pas le révéler. C'était la condition pour qu'elle m'accepte au couvent, sans quoi elle ne l'aurait même pas fait. Elle s'apprêtait refuser si je ne lui avais pas dit que je ne pouvais aller nulle part ailleurs.
- On a toujours un endroit où se réfugier.
- Moi non. Suis-moi.

La religieuse l'attrapa par le bout des doigts afin de l'entraîner à sa suite dans le dédale de tombes qui les entouraient. Tandis qu'elles marchaient, Cassy tendit l'oreille. Elle avait l'impression d'entendre des bruits étranges aux alentours, comme des pas feutrés. Elle se rassura cependant en songeant qu'il ne s'agissait là que du fruit de son imagination. Elles étaient seules dans ce cimetière.

- Es-tu déjà tombée amoureuse ? demanda soudain celle qui l'accompagnait.
- Pourquoi me demandes-tu cela ?
- Contente-toi de me répondre, s'il te plaît.
- J'ai failli, une fois.
- Comment peut-on "faillir" ?
- J'ai grandi dans un tissu de mensonge, au point d'ignorer que la personne que je fréquentais tous les jours était mon cousin.
- Ah, je vois...
- Et toi ?
- Oui, cela m'est arrivé. J'avais tout juste quinze ans. Comme je pouvais être stupide, à l'époque !
- Pourquoi dis-tu cela ?
- Parce que j'ai cru que lui aussi m'aimait. Je me suis trompée.

Elle s'immobilisa à un carrefour qui partait dans trois directions différentes. Prenant une profonde inspiration, le visage alourdie par la peine, elle se tourna vers Cassy pour avouer d'un ton lent :

- J'aurais fait n'importe quoi pour lui, mais cela n'a pas suffi. Il m'a abandonnée après avoir eu ce qu'il désirait. Peu de temps après, je me suis aperçue que j'étais enceinte. Te rends-tu compte ? Attendre un enfant alors que moi-même je n'étais qu'à peine une adolescente ?
- Tu as décidé d'avorter, c'est cela ?
- C'aurait presque été un dénouement heureux. Non, ce que j'ai fait est bien pire. Au début, j'ai tenté de cacher ma grossesse. J'avais trop honte, je ne voulais pas que mes parents l'apprennent. Malheureusement, comme j'étais mineure, je ne pouvais pas avorter sans être accompagnée, et je ne connaissais personne. Lorsque j'ai finalement choisi de leur dire la vérité, c'était trop tard. J'avais dépassé le délai maximum.
- Et alors ? Ils ont mal réagi ?
- Je t'épargnerai les noms par lesquelles ils m'ont traitée avant de me jeter dehors, car d'après eux, il n'y avait que dans le caniveau que je méritais ma place. Je n'ai jamais fait la moindre visite médicale pour savoir si le foetus se développait bien. D'ailleurs, aucun autre ne savait que j'étais enceinte.
- Qu'as-tu fait, alors ? C'est à ce moment que tu as choisi de te rendre au couvent pour que l'on te vienne en aide ?
- Ce serait une fin encore plus heureuse. Non. Après cinq mois de grossesse, je ne pouvais plus supporter cette chose qui s'agitait dans mon ventre. J'ai pris peur, je pensais que tout était de sa faute. Je n'avais plus de maison, plus de famille. J'étais toute seule, je ne savais pas quoi faire. Alors, dans un élan de panique, j'ai décidé d'en finir avec tout cela. J'ai...

La voix de Yohanna se brisa. Elle étouffa un sanglot, puis sortit un mouchoir de sa poche pour tapoter les larmes qui roulaient le long de ses joues. D'instinct, Cassy serra sa main sur la sienne afin de l'encourager.

- Je me suis jetée du haut d'une falaise. Je suis restée cliniquement morte pendant quelques minutes, mais les ambulanciers sont parvenus à me sauver. Moi seule, pas le bébé. Ils ont dû provoquer l'accouchement d'un mort-né. Depuis ce jour, je dois vivre avec cela sur la conscience. J'ai tué un enfant. Mon enfant.

D'un mouvement de tête, elle désigna la stèle située à l'extrémité de l'allée de gauche. La jeune femme dut plisser les lieux pour lire dans l'obscurité ce qui y était inscrit. Il n'y avait qu'un nom, ainsi qu'une date, identique pour la naissance et la mort.

- Je comprends mieux pourquoi tu donnais l'air d'être hantée par quelque chose, mais je ne te juge pas. Je n'ai même pas le droit de me permettre de dire quoi que ce soit. Toutefois, je te trouve extrêmement courageuse pour parvenir à porter sur tes épaules un tel passé.

Doucement, elle leva une main hésitante en direction de sa joue qu'elle caressa du revers du pouce afin de la réconforter. Yohanna obliqua légèrement son visage sur le côté pour sentir le contact de sa paume glacée.

- Tu as entendu ? déclara-t-elle soudain en sursautant.
- Oui, on dirait un... Grahyéna.

Un aboiement sinistre déchira le silence, puis deux yeux jaunes apparurent juste au-dessus d'une tombe pour les fixer, une lueur affamée dans le regard.