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High Quality! de GloomyKanon
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» Auteur : GloomyKanon - Voir le profil» Créé le 15/11/2013 à 17:23
» Dernière mise à jour le 15/11/2013 à 17:23
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Chapitre 9 - Vision d'apocalypse
F*cking combat Pokémon… è__é
Au moment où je poste ce chapitre, j'ai commencé le chapitre 13, soit… les choses sérieuses =D
Bonne lecture !
====================================================================
Chapitre 9
Vision d'apocalypse
- Coup Bas ! désespéra Quinn au moment Roucarnage chargeait.
- Hâte ! répliqua Albert avec un grand sourire.
L'oiseau fila comme le vent, évitant l'assaut. La toute nouvelle Migalos s'accrocha à un fil que Roucarnage coupa au passage. Elle s'écrasa contre une vitre et se remit debout tant bien que mal.
- Cru-Aile.
Ce fut le coup de trop. Malgré le regain d'énergie de son évolution, Migalos ne pouvait pas faire le poids contre ce monstre, et elle était épuisée. Sans parvenir à se régénérer d'une attaque Vampirisme, elle s'écroula pour de bon.
Les dents serrées, Quinn rappela sa créature, désolé et coupable. Encore une fois, il laissait éclater son orgueil, encore une fois, il se rétamait au sol. Roucarnage, lui, dominait fièrement le terrain, ailes déployées, intact. Ou presque. Des fils de soie lui collaient à ses plumes froissées, malmenées. Mais il avait mis K.O. de deux ses Pokémon si facilement…
Reptincel était sa dernière carte, et il l'appela dans l'arène. Le lézard de feu lui jeta un regard confiant, et plaça ses goggles sur ses yeux. La main de Quinn tremblait autour de sa Pokéball volée. Est-ce que tout les dresseurs avaient cette sensation de fin du monde quand il ne leur restait plus qu'un Pokémon valide ?
- Cyclone ! embraya Albert.
Les vents soulevèrent toute la poussière du terrain. Au moment où Quinn se disait qu'au moins, les yeux de Reptincel étaient protégés et qu'il savait en faire de même avec sa queue, il remarqua quelque chose de nouveau dans la rafale qui s'abattait sur eux. Il comprit en voyant un long objet duveteux se faire écharper. Le bruit avait dû couvrir un ordre d'Albert.
- Oh putain, Rebondifeu, passe à travers ça ! hurla Quinn.
Il s'étouffa à moitié avec la poussière. Reptincel sursauta, mais parvint à déchiffrer le message dans la tourmente puisqu'il s'enflamma et la déchira, réduisant en cendres l'amas de plumes qu'Albert avait essayé de leur envoyer sous couvert d'une simple tempête. L'attaque Danse-Plume pouvait être utilisée de cette façon ?!
Roucarnage était de l'autre côté, près à fondre sur sa proie noyée par les plumes. Déstabilisé par ce changement de stratégie, il hésita.
- Frénésie ! articula difficilement Quinn, réduit à cracher de la poussière.
Ce disant, il avait fait ce petit mouvement du bras qu'il avait chaque fois qu'il lui ordonnait cette attaque. Reptincel ne l'entendit que s'arracher les poumons, mais reconnut ce tic : il s'empressa d'obéir et de frapper Roucarnage de plus en plus fort.
- Dégage-toi ! l'enjoignit Albert.
- Crocs Feu ! répliqua férocement Quinn.
Reptincel attrapa Roucarnage par le cou avec ses dents enflammées, et l'envoya s'écraser par terre.
- Atterrissage ! dit Albert, triomphant.
- Le laisse pas faire ! Frénésie encore !
Reptincel s'abattit sur Roucarnage avant même que le pauvre oiseau ne puisse commencer à se soigner, et le roua de coups. Quinn avait bien plus entraîné Reptincel que ses autres Pokémon, il y avait mis toute son âme – le champion allait le sentir passer.
- Vent Arrière pour le repousser, et Vive-Attaque ! siffla Albert, dont la colère transparaissait sur son visage.
La manœuvre n'était pas mauvaise du tout – ce qu'on pouvait attendre d'un dresseur de son rang. Roucarnage s'arrangea d'habiles coups d'ailes pour que l'air lui souffle dans le dos et repousse Reptincel, et il profita de la vitesse qu'il lui prodiguait le propulse encore plus rapidement en avant. Mais au moment où il allait atteindre le lézard…
- Draco-Rage ! ordonna Quinn dans un ultime élan d'espoir.
La flamme de Reptincel avait été malmenée par les courants l'ayant frappé de plein fouet, mais il parvint à cracher un torrent de feu et d'énergie à bout portant. L'oiseau ne put maintenir son emprise sur les vents et s'écroula plus loin, roulant sur plusieurs mètres, sévèrement touché.
- Atterri… commença Albert.
- GRIFFE ACIER ! coupa Quinn.
Reptincel s'assura que son adversaire ne puisse pas se soigner, puis recula au cas où Roucarnage ait de nouveau l'idée de lui envoyer une rafale. Mais l'oiseau ne bougea plus, étendu au sol.
Un silence religieux s'abattit sur l'arène. Puis :
- Tous les Pokémon du champion sont hors combat ! annonça l'arbitre. Quinn de Poivressel est déclaré vainqueur !
Hellä laissa échapper ce qui ressemblait à un triomphant cri de guerre indien. Si les oiseaux s'agitèrent de terreur au plafond, Quinn ne broncha pas. Tétanisé, la mâchoire pendante, il resta stoïque, fixant sans le voir son Reptincel soufflant à côté du Roucarnage abattu. Le champion fulminait. Il émit un grognement frustré qui réveilla Quinn, dont le visage couvert de lunettes et de boutons se fendit d'un grand sourire ravi (et toujours aussi flippant).
- On l'a fait, lâcha-t-il dans un souffle.
Reptincel émit un son rocailleux, relevant ses goggles sur ses prunelles brillantes.
- On l'a fait ! s'exclama-t-il plus fort, riant à moitié.
Il ouvrit les bras et le lézard de feu se jeta dedans, le déséquilibrant presque.
- Félicitations, grommela Albert en s'avançant vers lui après avoir flatté la crête de son vaillant Pokémon.
Il était un chouïa plus petit que Quinn. Il prit le plateau que lui portait l'arbitre. Sur un carré d'un gris violacé passé, reposait un petit badge métallique.
- Tu as remporté de plein droit le Badge Zéphyr. Je crois que c'est le premier sur les huit qui te sont nécessaire pour entrer dans la Ligue de ton choix… Et pour te féliciter de cette victoire, je te prie d'accepter cette CT, Atterrissage. Elle te servira quand tu auras un Pokémon Vol dans ton équipe.
Il marqua une pause puis avoua de mauvaise grâce :
- Ta Migalos est plutôt étonnante. Il est rare que les insectes nous donnent autant de fil à retordre.
Sur ce, il fit volte-face et retourna prendre soin de son titan ailé.
- Tu as entendu, Hellä ? fit joyeusement Quinn. Il a dit que Migalos était étonnante.
Hellä hocha la tête, blasée.
- Étonnamment affreuse.
---
Ils prirent sans plus tarder la route pour Rosalia, prévoyant de dormir à la belle étoile. Hellä passa la soirée pendue à son Pokématos, apparemment avec Gold puisqu'elle lança à Quinn :
- Christy te fait un gros bisou !
L'adolescent vira au rouge et préféra planter sa tente plutôt que répondre à cette provocation évidente.
- Il ne m'a pas cru, dit Hellä à son interlocuteur.
L'instant après, Quinn reçut un texto de Christy, qui lui affirmait lui avoir bel et bien fait un gros bisou de Lippoutou.
Un silence paisible s'installa tandis qu'ils préparaient le camp. Pour une fois, Hellä ne faisait pas de blagues douteuses et coiffait calmement son Evoli avec la nouvelle brosse qu'elle avait acheté, au plus grand plaisir de la créature étendue sur ses genoux. Nosferapti mâchouillait des fruits secs à côté d'eux. Les Pokémon de Quinn dormaient déjà, soignés mais épuisés. Migalos, le ventre plein de friandises, cuvait son évolution – la capacité spéciale Insomnia l'empêchait de rejoindre complètement ses camarades. La soirée s'annonçait sans heurts pour une fois, sauf que, apparemment, on ne peut pas camper tranquille.
Nos héros ne s'alarmèrent pas, d'abord, en entendant le bruit de galop venant de la forêt. Ils s'étaient arrêté à la lisière – difficile de ne pas trouver de bois touffus à Johto – et on ne pouvait pas s'attendre à ce qu'un lieu aussi riche soit exempt de Pokémon et des bruits allant avec. Quinn fronça cependant les sourcils aux bruits rapprochés de feuillages froissées et de branches brisées. C'était comme si le Pokémon dotés de sabots fuyaient quelque chose, et quoique ce fût, il doutait qu'ils puissent y résister mieux qu'elle, pauvres humains faiblards.
Un Cerfrousse paniqué déboula dans le camp. Ruant et écumant, il cherchait à se débarrasser du poids dans son dos. Hellä songea, avec un sang froid exemplaire, que cela faisait une piètre vision pour un cavalier de l'Apocalypse. Quinn, lui, poussa un cri suraigu devant l'horreur du tableau.
C'était un spectre ! Sa peau était d'une blancheur de cadavre, ombrée de lianes noires tombantes tels des serpents morts emmêlés d'humus, là où elle ne s'ornait pas de cloques enflammées. Son corps, d'une maigreur squelettique, était tout recouvert de protubérances qui reflétaient le feu de camp comme autant d'yeux vides et de lambeaux vaporeux. Le revenant ouvrit de grands yeux aveugles et une bouche d'un noir béant, dégoulinante de bave épaisse.
Cerfrousse, d'un ultime mouvement de hanche, parvint à mettre à bas l'entité cauchemardesque. Il rua encore, mais Nosferapti le calma à coups d'ultrasons, l'enjoignant tranquillement à retourner dans la forêt.
- Ouille ouille ouille ! marmonna le supposé spectre d'une voix éraillée.
Hellä darda sur Quinn un regard critique :
- Tu cries comme une fille quand tu en vois une, maintenant ?
- Ce… ce n'était pas moi ! mentit l'adolescent. C'était Nosferapti !
Nosferapti tourna la tête vers lui, mais c'était impossible de lire son expression sans ses yeux. Evoli, en revanche, se hérissa clairement, outré. Aucun des Pokémon de Quinn ne broncha – ils étaient trop occupés à dormir. Vive la solidarité.
Mais revenons au « spectre », qui avait miraculeusement atterri à côté du feu et non dedans. C'était bien une fille, mais comment Hellä arrivait à le distinguer, c'était un mystère – tout comme elle pouvait, du temps où ils volaient, déterminer qui avait les clés et les codes des systèmes d'un simple coup d'œil. Ce que Quinn avait pris pour une multitude d'yeux était en réalité un étalage de badges multicolores, accroché partout sur ses habits éclectiques et abîmés : un bonnet à oreilles de Sapereau toutes alourdies par les ornements, une robe qui avait dû être Gothic Lolita un temps, des collants oranges tout filés et des chaussures de sécurité. Même ses mitaines longues et son sac à l'effigie d'un groupe de metal plutôt trash en étaient recouverts.
Elle leva la tête, qui n'était pas du tout couverte de pustules ou de serpents, en fait. Elle avait de l'acné, comme Quinn, et des cheveux dont les anglaises avaient dégénérées… et s'étaient recouvertes de ce qui ressemblait à un mélange de sève et de poudre d'écorce. Ils étaient noirs, mi-longs, et contrastaient violemment avec son teint blafard, là où il n'était pas rougi par des boutons trop tripatouillés et de quelques taches de rousseur sur les épaules. Si elle était mince et musclée, son visage, rond et juvénile, se révéla être celui d'une adolescente.
- Dommage pour le rodéo, articula-t-elle difficilement. J'ai dû lui bondir trop brutalement sur le dos, et il a eu peur…
- Ça fait souvent cet effet, c'est vrai, commenta Hellä.
Quinn considéra son calme olympien avec ahurissement. C'est tout ce que ça lui faisait, ce bordel ?! Son cœur à lui battait encore à tout rompre, pas remis de sa frayeur !
- Il réagit mieux que ce Polagriff du Mont Couronné, dit la fille, presque joyeuse, d'une façon décalée un peu effrayante.
Peut-être que c'était vraiment un spectre ?!
- Ça oui, ils ont mauvais caractère, on en avait plein autour de ma ville natale, toutes ces fois où on a failli crever !
… Qu'est-ce qu'était sa coéquipière, alors ?!
L'autre sourit comme pour approuver. Sa bouche et ses gencives étaient toujours noires et gluantes. Hellä, toute Hellä qu'elle était, se sentit obligée de le lui faire savoir, ignorant les protestations silencieuses de Quinn pour l'en dissuader. Elle voulait leur mort ou quoi ?! Si c'était un vrai spectre, qui sait ce qu'il pouvait leur faire !
- On dirait que t'as mordu dans un Grotadmorv, dit-elle, perplexe.
Quinn se retint de vomir à l'image. La fille, elle, se toucha la bouche comme si elle réalisait dans quel état elle était et expliqua :
- Oh, ça ! J'ai voulu voir si le Nutella et les caramels se mariaient bien et là le Queulorior avec qui je jouais m'a mis du noir sur le visage ! J'ai pas osé nettoyer ma bouche, le Nutella, c'est trop bon, je viens de le découvrir ! Et là, j'ai vu un Cerfrousse et il a pas voulu jouer, lui !
Ça expliquait son ton laborieux, si elle avait tout ce caramel collé aux dents. Après s'être agitée comme une gamine, elle se calma en regardant autour d'elle, intriguée. Quinn crut qu'elle avait enfin réalisé qu'elle venait d'atterrir dans le campement d'illustres inconnus, mais en fait, elle avait simplement remarqué les Pokémon.
- Oooooooooooooh ! s'exclama-t-elle, les yeux pleins d'étoiles.
Elle avança les bras vers Evoli, qui s'éloigna en embarquant Nosferapti – il n'avait aucune envie que son pelage soigneusement brossé entre en contact avec toute cette sève, cette poussière, cette… cette saleté ! pas plus que celui de son partenaire, il dormait avec lui, nom d'Arceus ! Loin de se laisser démonter, elle attrapa Anchwatt et le serra fort contre elle. Le Pokémon dormait et ne s'en soucia pas, mais son électricité statique dressa les cheveux de la fille sur sa tête malgré les paquets de sève.
- DRAGON BALL Z ! s'écria-t-elle, ravie.
- IT'S OVER 9000 ! brailla aussitôt Hellä en retour.
Et elles échangèrent un hurlement guerrier que seuls sont capables de produire les otakus, gamers, geeks, nerds et autres déviants de la société en retrouvant leurs semblables après de trop longs mois entourés de profanes incultes. Les Pokémon devaient être bien fatigués pour ne pas se réveiller à ce cri brutal. Et Quinn, profane inculte de catégorie A, observa avec une perplexité mêlée de détresse cet échange.
- DBZ ! expliqua Hellä devant cette mine qu'on trouve plutôt chez les adultes d'un certain âge, paumés, bien pensants et tout et tout. Tu connais pas ?!
- Non, dit-il avec une grimace.
- Mais t'as raté ton enfance, c'est pas possible !
Il fronça les sourcils, blessé.
- Écoute Hellä, des fois la vie c'est galère, marmonna-t-il. J'avais pas le temps de profiter de ce genre de trucs et…
- Oh, commence pas comme ça avec moi, petit. On me la fait pas, renifla Hellä, désinvolte mais tout de même un peu amère. Ma vie c'est de la merde depuis que ma génitrice a grillé qu'elle était enceinte. J'allais pas déprimer et me priver des bonnes choses par dessus !
Et elle le planta là, dans un mélange de culpabilité et d'agacement, pour reprendre la toilette de ses Pokémon. Parfois, Hellä lui semblait faite de marbre.
La fille n'avait pas bougé pendant cette brève altercation. Elle câlinait toujours Anchwatt profondément endormi. Hellä n'honorant pas l'éducation qu'elle lui avait rentré dans la tête à coups de bonbons, il se sacrifia :
- Moi, c'est Quinn. Et elle, c'est Hellä.
- Ellie ! se présenta distraitement la fille.
Génial, non seulement elle avait presque le même nom que sa partenaire, mais en plus elles avaient l'air aussi tarée l'une que l'autre !
- Qu'est-ce que tu fais dans le coin ? relança Quinn, mal à l'aise confronté à ce genre d'attitude désinvolte.
Mais aussi poli que possible. Ça aurait sûrement plus à Hellä si elle n'était pas occupée à chatouiller le ventre de Nosferapti, lequel balançait des ultrasons suraigus en guise de rire. Et après, elle lui faisait des leçons de savoir-vivre !
- Bah, du rodéo ! répondit la jeune fille comme si c'était l'évidence même.
Ouaip, elle était totalement comme Hellä ! Il était mal, très mal, et Reptincel aussi ! (Il ne s'inquiétait pas pour Anchwatt et Migalos.)
- Y'a un ranch après Rosalia, plein d'Ecrémeuh, fit remarquer Hellä. Tu devrais pouvoir en faire là-bas.
Ce n'est pas un ranch pour ça ! pensa Quinn, scandalisé. C'est là qu'on produit le Lait Meumeu !
- Vous y allez ? demanda Ellie.
- On s'arrête à Rosalia avant, pour le badge.
Quinn déglutit.
- Vraiment ? couina-t-il.
Hellä le regarda étrangement. Puis son regard s'illumina et, lentement, un sourire fendit son visage. L'adolescent le sentit mal.
- Bien sûr ! répondit-elle. Je veux le Badge Brume pour aller sur le Sentier Carillon !
- Le Sentier Carillon ? fit Ellie, curieuse.
- C'est une route réservée aux moines et aux dresseurs ayant prouvé leur valeur à l'arène locale, lui expliqua-t-elle. À ce qui paraît, c'est toujours l'automne, là-bas. C'est très joli et relaxant.
- Ooooooh ! Alors je veux y aller aussi ! Je vais à Rosalia, alors je reste avec vous ! déclara joyeusement l'autre. Enfin, avec vos Pokémon… je peux rester avec vos Pokémon ? Je n'en ai pas à moi, et Queulorior a dû retourner avec sa famille.
- Comment tu vas faire pour l'arène, alors ?! hallucina Quinn.
Elle haussa les épaules.
- Je demanderai à ceux que je croiserai.
Ellie s'installa près du feu, au lieu de coller les Pokémon de Quinn, en finissant de mâchonner le Nutella et le caramel encore dans sa bouche. Hellä alla dans sa tente avec Evoli et Nosferapti, où elle se démaquilla à la lueur d'une lampe de poche tenue par ce dernier. Puis la lumière s'éteignit et elle se coucha. Dans ses propres quartiers, Quinn se mordit la lèvre, préoccupé. Il n'avait pas la moindre envie de s'attarder à Rosalia – il avait espéré que sa fantasque partenaire oublie l'idée.
Il n'aurait pas le choix, apparemment.
---
Ailleurs, sur une île au large du continent, la nuit était également tombée et, malgré l'heure tardive, il y faisait encore bon et doux. La fin de l'été avait cet effet sur le Sud de Kanto. Autrefois, avant que Cramois'Île ne soit ravagée par le volcan, le tourisme y était florissant, tout comme le commerce et la technologie…
Silver n'aimait pas l'agitation. Autant dire que l'île lui convenait parfaitement comme elle était… tant qu'elle ne crachait pas un torrent de lave. Quant au soleil… à cette pensée, sa mâchoire se crispa, et son cœur se serra. Silver n'aimait pas le soleil en lui-même, juste le sien. Et il devait vite finir ce qu'il avait à faire pour le retrouver. Il pouvait encore réparer les choses, à ce niveau. Peut-être.
- Troizépi, appela-t-il.
La petite souris électrique, qui s'était éloignée, revint trottiner à ses côtés pour éclairer son chemin – la lumière des étoiles n'était pas suffisante. Elle lui jeta un regard de reproche, et Silver baissa le sien. Il se sentait déjà assez coupable comme ça.
- Ils me manquent aussi.
Troizépi renifla, hautaine.
Silver déambula encore un peu sur le sol recouvert de poussière volcanique, forcé d'admettre qu'il ne trouverait rien en ces lieux dévastés par la lave. Le Laboratoire Pokémon, que la Rocket avait financé, n'avait pas échappé à la catastrophe. Et si d'un côté, il était soulagé, de l'autre, il était déçu par cette nouvelle piste qui s'avérait stérile…
Alors qu'il redescendait vers la côte, où se dressait seulement un Centre Pokémon tenu par une infirmière chevronnée, il repéra une étrange lumière sur une plage en contre-bas. Il fronça les sourcils et, intrigué, décida de jeter un œil. Il appela son Alakazam afin qu'il l'aide à descendre les flancs escarpés du volcan sans heurts, mais ne fut pas totalement silencieux. Quand il posa un pied sur le sable, une personne le regardait, aussi curieuse que lui.
Silver la reconnut immédiatement. À cause des rumeurs, et du dessin pourpre qu'il devinait sur son bras, son épaule et ses flancs, à la lueur d'une lanterne et d'un Pokémon y ressemblant également beaucoup, avec sa tête cylindrique en bois – un Brocélôme. C'était Purple Stigma, la voleuse professionnelle. Tous la connaissaient, mais nul ne l'arrêtait – elle en avait des choses à dire, sur ses employeurs. Vu le milieu, on pouvait s'attendre à quelques puissants tout à fait désireux de la protéger contre la loi en échange de sa discrétion…
- Eh bien, rit-elle, je n'imaginais pas qu'on viendrait me rejoindre dans un endroit pareil. Je t'en prie, approche.
Elle avait des allures de Némélios au repos, avec ses grands yeux violets en amande, ses traits ciselés et sa crinière brune échevelée. Elle se baignait dans un point d'eau chauffée par de la lave avec un grand batracien à longue langue. Ce dernier regarda Silver s'avancer d'un œil vif malgré son corps relaxé par la source chaude improvisée. Il eut également la sensation d'être épié depuis les ombres, sans parvenir à déterminer où exactement… et par qui.
C'était plutôt dangereux de venir se reposer ici – peu s'y risquait, même parmi les dresseurs cherchant Auguste, le plus cinglé des champions d'arène, au cœur du volcan. Mais, si Silver en croyait les rumeurs, elle était typiquement le genre de personne à faire trempette en maillot dans les eaux d'un volcan. On l'engageait pour les vols les plus dingues, les plus difficiles, et elle en ressortait toujours en vie.
Et puis, elle avait quelque chose de très intéressant.
- Purple Stigma ? lança Silver de son ton le plus hautain.
Sans se laisser démonter par ce blanc-bec qui connaissait son identité, elle se leva à moitié pour récupérer la bouteille de thé glacé trônant sur un rocher. Son tatouage pourpre se poursuivait sur sa hanche et sa jambe musclée.
- Bien renseigné, commenta-t-elle avant de boire au goulot. Désolée, je profite de l'île en ce moment, mais d'ici un jour ou deux je reprendrais le taf avec plaisir.
Elle avait un fort accent qu'il ne parvenait pas à situer. Blue avait le même, par moment, quand il s'énervait, notamment. (Il s'énervait beaucoup en présence de Silver.)
- Ce n'est pas ce qui m'intéresse. Je cherche une clé qui se trouvait dans le laboratoire qui se situait ici, autrefois. Il a été détruit par l'éruption volcanique…
- Ta clé aussi, sans doute, répondit-elle tranquillement.
- On dit que tu possèdes beaucoup de clés. Certains prétendent que tu peux ouvrir toutes les portes.
- On dit des tas de choses, plus ou moins vraies, rétorqua-t-elle plaisamment, d'un élégant mouvement du poignet.
Des gens moins déterminés que Silver auraient lâché l'affaire. Elle était affable à souhait, mais cette attitude était comme un rempart lisse pour repousser les autres. Silver avait usé des mêmes tactiques, autrefois, jouant le masque de la colère et de la haine. Et il avait appris, au contact de Gold, qu'un peu d'entêtement suffisait à abattre les murailles les plus solides.
- Cette clé ouvre également un passage secret dans l'Entrepôt Rocket sur les Îles Sevii. Je vous laisserais venir avec moi en échange de cette clé si vous voulez, et prendre tout ce qui vous semblera bon de voler…
- Je ne vole jamais pour moi, coupa Purple Stigma. Ce qui m'intéresse, c'est le frisson, et les expériences que l'argent peut me procurer…
- Je vous paierai, dit Silver en se mordant l'intérieur de la joue.
Il avait un peu d'argent de côté, avec la Ligue, et les combats professionnels. Il espérait qu'elle n'était pas trop onéreuse, cependant, il n'était pas Crésus…
Purple Stigma le regarda longuement. Ses yeux d'améthyste avaient la fixité des félins, le même calcul froid, malgré sa figure aimable et bronzée. Elle lui sourit alors, et le clou piqué au coin de sa bouche étincela à la lueur de son Brocélôme.
- Mais tu as parlé d'entrer dans un repaire Rocket. Je ne sais pas ce que tu veux y faire, mais ma politique c'est « chacun sa vie », alors je ne vais pas te poser de question. Personnellement, je n'ai jamais mis les pieds dans ce genre d'endroits, la Team Galaxy oui, mais pas la Rocket ! J'ai bien envie d'essayer. Alors je vais le faire gratos. Enfin, si tu es prêt à attendre deux jours, ajouta-t-elle avec un clin d'œil.
Le gamin qu'il avait été se serait impatienté, mais en grandissant il avait appris la patience à coups de latte dans les dents. Silver ravala ses exigences, car elle lui servait ce qu'il désirait sur un plateau d'argent. Quand une chance pareille se présente à soi, on la saisit sans discuter.
- Deal, murmura-t-il.
La voleuse agita la main. Une sorte de porte-clés lévita jusqu'à elle en roucoulant de joie. Elle le saisit, tripatouilla les clés y étant accrochées, jusqu'à lui montrer un passe magnétique, qu'elle agita joyeusement avant de la laisser retomber. Elle se mêla aux autres cartes et tiges de métal, et le Pokémon s'accrocha à ses cheveux telle une barrette grotesque.
- Deal, conclut-elle en se laissant aller contre le rocher. Tu nous rejoins ou tu restes là comme un idiot ?
- Je reste là comme un idiot, grommela Silver.
Elle haussa les épaules.
- Comme tu veux, c'est ta vie.
Silver s'installa un peu à l'écart avec Troizépi. Il grattouilla ses oreilles en regardant l'heure sur son Pokématos et résista à l'envie de contacter Gold. Mais il ne voyait pas quoi lui dire, pas maintenant, pas quand il n'avait pas achevé ce pourquoi il était parti. Il aurait pu appeler Christy, mais il n'avait pas envie de la mettre dans une position difficile, en la faisant mentir à son meilleur ami…
Silver serra Troizépi contre lui comme un gamin sa peluche. Pour une fois, la sardonique petite Pichu ne se rebiffa pas. Sans doute pensait-elle la même chose que lui.
Qu'est-ce qu'on est seul, parfois…
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Je suis une déviante de la société. Et j'assume. Et toi, à quoi tu joues ?
Intégration complète – enfin ! – d'Ellie, de fan-à-tics. Elle m'aura donné du mal, mais apparemment je sais la manier xD
Purple Stigma est un personnage que j'ai créé pour Muriuki (avec son autorisation), et que j'ai fait apparaître ici pour le fun xD Peut-être que j'en ferais quelque chose… qui sait…
Cette fin de chapitre est un peu triste, mais je me sentais triste et seule aussi au moment où je l'écrivais, alors…
Merci d'avoir lu, à la prochaine =D
Au moment où je poste ce chapitre, j'ai commencé le chapitre 13, soit… les choses sérieuses =D
Bonne lecture !
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Chapitre 9
Vision d'apocalypse
- Coup Bas ! désespéra Quinn au moment Roucarnage chargeait.
- Hâte ! répliqua Albert avec un grand sourire.
L'oiseau fila comme le vent, évitant l'assaut. La toute nouvelle Migalos s'accrocha à un fil que Roucarnage coupa au passage. Elle s'écrasa contre une vitre et se remit debout tant bien que mal.
- Cru-Aile.
Ce fut le coup de trop. Malgré le regain d'énergie de son évolution, Migalos ne pouvait pas faire le poids contre ce monstre, et elle était épuisée. Sans parvenir à se régénérer d'une attaque Vampirisme, elle s'écroula pour de bon.
Les dents serrées, Quinn rappela sa créature, désolé et coupable. Encore une fois, il laissait éclater son orgueil, encore une fois, il se rétamait au sol. Roucarnage, lui, dominait fièrement le terrain, ailes déployées, intact. Ou presque. Des fils de soie lui collaient à ses plumes froissées, malmenées. Mais il avait mis K.O. de deux ses Pokémon si facilement…
Reptincel était sa dernière carte, et il l'appela dans l'arène. Le lézard de feu lui jeta un regard confiant, et plaça ses goggles sur ses yeux. La main de Quinn tremblait autour de sa Pokéball volée. Est-ce que tout les dresseurs avaient cette sensation de fin du monde quand il ne leur restait plus qu'un Pokémon valide ?
- Cyclone ! embraya Albert.
Les vents soulevèrent toute la poussière du terrain. Au moment où Quinn se disait qu'au moins, les yeux de Reptincel étaient protégés et qu'il savait en faire de même avec sa queue, il remarqua quelque chose de nouveau dans la rafale qui s'abattait sur eux. Il comprit en voyant un long objet duveteux se faire écharper. Le bruit avait dû couvrir un ordre d'Albert.
- Oh putain, Rebondifeu, passe à travers ça ! hurla Quinn.
Il s'étouffa à moitié avec la poussière. Reptincel sursauta, mais parvint à déchiffrer le message dans la tourmente puisqu'il s'enflamma et la déchira, réduisant en cendres l'amas de plumes qu'Albert avait essayé de leur envoyer sous couvert d'une simple tempête. L'attaque Danse-Plume pouvait être utilisée de cette façon ?!
Roucarnage était de l'autre côté, près à fondre sur sa proie noyée par les plumes. Déstabilisé par ce changement de stratégie, il hésita.
- Frénésie ! articula difficilement Quinn, réduit à cracher de la poussière.
Ce disant, il avait fait ce petit mouvement du bras qu'il avait chaque fois qu'il lui ordonnait cette attaque. Reptincel ne l'entendit que s'arracher les poumons, mais reconnut ce tic : il s'empressa d'obéir et de frapper Roucarnage de plus en plus fort.
- Dégage-toi ! l'enjoignit Albert.
- Crocs Feu ! répliqua férocement Quinn.
Reptincel attrapa Roucarnage par le cou avec ses dents enflammées, et l'envoya s'écraser par terre.
- Atterrissage ! dit Albert, triomphant.
- Le laisse pas faire ! Frénésie encore !
Reptincel s'abattit sur Roucarnage avant même que le pauvre oiseau ne puisse commencer à se soigner, et le roua de coups. Quinn avait bien plus entraîné Reptincel que ses autres Pokémon, il y avait mis toute son âme – le champion allait le sentir passer.
- Vent Arrière pour le repousser, et Vive-Attaque ! siffla Albert, dont la colère transparaissait sur son visage.
La manœuvre n'était pas mauvaise du tout – ce qu'on pouvait attendre d'un dresseur de son rang. Roucarnage s'arrangea d'habiles coups d'ailes pour que l'air lui souffle dans le dos et repousse Reptincel, et il profita de la vitesse qu'il lui prodiguait le propulse encore plus rapidement en avant. Mais au moment où il allait atteindre le lézard…
- Draco-Rage ! ordonna Quinn dans un ultime élan d'espoir.
La flamme de Reptincel avait été malmenée par les courants l'ayant frappé de plein fouet, mais il parvint à cracher un torrent de feu et d'énergie à bout portant. L'oiseau ne put maintenir son emprise sur les vents et s'écroula plus loin, roulant sur plusieurs mètres, sévèrement touché.
- Atterri… commença Albert.
- GRIFFE ACIER ! coupa Quinn.
Reptincel s'assura que son adversaire ne puisse pas se soigner, puis recula au cas où Roucarnage ait de nouveau l'idée de lui envoyer une rafale. Mais l'oiseau ne bougea plus, étendu au sol.
Un silence religieux s'abattit sur l'arène. Puis :
- Tous les Pokémon du champion sont hors combat ! annonça l'arbitre. Quinn de Poivressel est déclaré vainqueur !
Hellä laissa échapper ce qui ressemblait à un triomphant cri de guerre indien. Si les oiseaux s'agitèrent de terreur au plafond, Quinn ne broncha pas. Tétanisé, la mâchoire pendante, il resta stoïque, fixant sans le voir son Reptincel soufflant à côté du Roucarnage abattu. Le champion fulminait. Il émit un grognement frustré qui réveilla Quinn, dont le visage couvert de lunettes et de boutons se fendit d'un grand sourire ravi (et toujours aussi flippant).
- On l'a fait, lâcha-t-il dans un souffle.
Reptincel émit un son rocailleux, relevant ses goggles sur ses prunelles brillantes.
- On l'a fait ! s'exclama-t-il plus fort, riant à moitié.
Il ouvrit les bras et le lézard de feu se jeta dedans, le déséquilibrant presque.
- Félicitations, grommela Albert en s'avançant vers lui après avoir flatté la crête de son vaillant Pokémon.
Il était un chouïa plus petit que Quinn. Il prit le plateau que lui portait l'arbitre. Sur un carré d'un gris violacé passé, reposait un petit badge métallique.
- Tu as remporté de plein droit le Badge Zéphyr. Je crois que c'est le premier sur les huit qui te sont nécessaire pour entrer dans la Ligue de ton choix… Et pour te féliciter de cette victoire, je te prie d'accepter cette CT, Atterrissage. Elle te servira quand tu auras un Pokémon Vol dans ton équipe.
Il marqua une pause puis avoua de mauvaise grâce :
- Ta Migalos est plutôt étonnante. Il est rare que les insectes nous donnent autant de fil à retordre.
Sur ce, il fit volte-face et retourna prendre soin de son titan ailé.
- Tu as entendu, Hellä ? fit joyeusement Quinn. Il a dit que Migalos était étonnante.
Hellä hocha la tête, blasée.
- Étonnamment affreuse.
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Ils prirent sans plus tarder la route pour Rosalia, prévoyant de dormir à la belle étoile. Hellä passa la soirée pendue à son Pokématos, apparemment avec Gold puisqu'elle lança à Quinn :
- Christy te fait un gros bisou !
L'adolescent vira au rouge et préféra planter sa tente plutôt que répondre à cette provocation évidente.
- Il ne m'a pas cru, dit Hellä à son interlocuteur.
L'instant après, Quinn reçut un texto de Christy, qui lui affirmait lui avoir bel et bien fait un gros bisou de Lippoutou.
Un silence paisible s'installa tandis qu'ils préparaient le camp. Pour une fois, Hellä ne faisait pas de blagues douteuses et coiffait calmement son Evoli avec la nouvelle brosse qu'elle avait acheté, au plus grand plaisir de la créature étendue sur ses genoux. Nosferapti mâchouillait des fruits secs à côté d'eux. Les Pokémon de Quinn dormaient déjà, soignés mais épuisés. Migalos, le ventre plein de friandises, cuvait son évolution – la capacité spéciale Insomnia l'empêchait de rejoindre complètement ses camarades. La soirée s'annonçait sans heurts pour une fois, sauf que, apparemment, on ne peut pas camper tranquille.
Nos héros ne s'alarmèrent pas, d'abord, en entendant le bruit de galop venant de la forêt. Ils s'étaient arrêté à la lisière – difficile de ne pas trouver de bois touffus à Johto – et on ne pouvait pas s'attendre à ce qu'un lieu aussi riche soit exempt de Pokémon et des bruits allant avec. Quinn fronça cependant les sourcils aux bruits rapprochés de feuillages froissées et de branches brisées. C'était comme si le Pokémon dotés de sabots fuyaient quelque chose, et quoique ce fût, il doutait qu'ils puissent y résister mieux qu'elle, pauvres humains faiblards.
Un Cerfrousse paniqué déboula dans le camp. Ruant et écumant, il cherchait à se débarrasser du poids dans son dos. Hellä songea, avec un sang froid exemplaire, que cela faisait une piètre vision pour un cavalier de l'Apocalypse. Quinn, lui, poussa un cri suraigu devant l'horreur du tableau.
C'était un spectre ! Sa peau était d'une blancheur de cadavre, ombrée de lianes noires tombantes tels des serpents morts emmêlés d'humus, là où elle ne s'ornait pas de cloques enflammées. Son corps, d'une maigreur squelettique, était tout recouvert de protubérances qui reflétaient le feu de camp comme autant d'yeux vides et de lambeaux vaporeux. Le revenant ouvrit de grands yeux aveugles et une bouche d'un noir béant, dégoulinante de bave épaisse.
Cerfrousse, d'un ultime mouvement de hanche, parvint à mettre à bas l'entité cauchemardesque. Il rua encore, mais Nosferapti le calma à coups d'ultrasons, l'enjoignant tranquillement à retourner dans la forêt.
- Ouille ouille ouille ! marmonna le supposé spectre d'une voix éraillée.
Hellä darda sur Quinn un regard critique :
- Tu cries comme une fille quand tu en vois une, maintenant ?
- Ce… ce n'était pas moi ! mentit l'adolescent. C'était Nosferapti !
Nosferapti tourna la tête vers lui, mais c'était impossible de lire son expression sans ses yeux. Evoli, en revanche, se hérissa clairement, outré. Aucun des Pokémon de Quinn ne broncha – ils étaient trop occupés à dormir. Vive la solidarité.
Mais revenons au « spectre », qui avait miraculeusement atterri à côté du feu et non dedans. C'était bien une fille, mais comment Hellä arrivait à le distinguer, c'était un mystère – tout comme elle pouvait, du temps où ils volaient, déterminer qui avait les clés et les codes des systèmes d'un simple coup d'œil. Ce que Quinn avait pris pour une multitude d'yeux était en réalité un étalage de badges multicolores, accroché partout sur ses habits éclectiques et abîmés : un bonnet à oreilles de Sapereau toutes alourdies par les ornements, une robe qui avait dû être Gothic Lolita un temps, des collants oranges tout filés et des chaussures de sécurité. Même ses mitaines longues et son sac à l'effigie d'un groupe de metal plutôt trash en étaient recouverts.
Elle leva la tête, qui n'était pas du tout couverte de pustules ou de serpents, en fait. Elle avait de l'acné, comme Quinn, et des cheveux dont les anglaises avaient dégénérées… et s'étaient recouvertes de ce qui ressemblait à un mélange de sève et de poudre d'écorce. Ils étaient noirs, mi-longs, et contrastaient violemment avec son teint blafard, là où il n'était pas rougi par des boutons trop tripatouillés et de quelques taches de rousseur sur les épaules. Si elle était mince et musclée, son visage, rond et juvénile, se révéla être celui d'une adolescente.
- Dommage pour le rodéo, articula-t-elle difficilement. J'ai dû lui bondir trop brutalement sur le dos, et il a eu peur…
- Ça fait souvent cet effet, c'est vrai, commenta Hellä.
Quinn considéra son calme olympien avec ahurissement. C'est tout ce que ça lui faisait, ce bordel ?! Son cœur à lui battait encore à tout rompre, pas remis de sa frayeur !
- Il réagit mieux que ce Polagriff du Mont Couronné, dit la fille, presque joyeuse, d'une façon décalée un peu effrayante.
Peut-être que c'était vraiment un spectre ?!
- Ça oui, ils ont mauvais caractère, on en avait plein autour de ma ville natale, toutes ces fois où on a failli crever !
… Qu'est-ce qu'était sa coéquipière, alors ?!
L'autre sourit comme pour approuver. Sa bouche et ses gencives étaient toujours noires et gluantes. Hellä, toute Hellä qu'elle était, se sentit obligée de le lui faire savoir, ignorant les protestations silencieuses de Quinn pour l'en dissuader. Elle voulait leur mort ou quoi ?! Si c'était un vrai spectre, qui sait ce qu'il pouvait leur faire !
- On dirait que t'as mordu dans un Grotadmorv, dit-elle, perplexe.
Quinn se retint de vomir à l'image. La fille, elle, se toucha la bouche comme si elle réalisait dans quel état elle était et expliqua :
- Oh, ça ! J'ai voulu voir si le Nutella et les caramels se mariaient bien et là le Queulorior avec qui je jouais m'a mis du noir sur le visage ! J'ai pas osé nettoyer ma bouche, le Nutella, c'est trop bon, je viens de le découvrir ! Et là, j'ai vu un Cerfrousse et il a pas voulu jouer, lui !
Ça expliquait son ton laborieux, si elle avait tout ce caramel collé aux dents. Après s'être agitée comme une gamine, elle se calma en regardant autour d'elle, intriguée. Quinn crut qu'elle avait enfin réalisé qu'elle venait d'atterrir dans le campement d'illustres inconnus, mais en fait, elle avait simplement remarqué les Pokémon.
- Oooooooooooooh ! s'exclama-t-elle, les yeux pleins d'étoiles.
Elle avança les bras vers Evoli, qui s'éloigna en embarquant Nosferapti – il n'avait aucune envie que son pelage soigneusement brossé entre en contact avec toute cette sève, cette poussière, cette… cette saleté ! pas plus que celui de son partenaire, il dormait avec lui, nom d'Arceus ! Loin de se laisser démonter, elle attrapa Anchwatt et le serra fort contre elle. Le Pokémon dormait et ne s'en soucia pas, mais son électricité statique dressa les cheveux de la fille sur sa tête malgré les paquets de sève.
- DRAGON BALL Z ! s'écria-t-elle, ravie.
- IT'S OVER 9000 ! brailla aussitôt Hellä en retour.
Et elles échangèrent un hurlement guerrier que seuls sont capables de produire les otakus, gamers, geeks, nerds et autres déviants de la société en retrouvant leurs semblables après de trop longs mois entourés de profanes incultes. Les Pokémon devaient être bien fatigués pour ne pas se réveiller à ce cri brutal. Et Quinn, profane inculte de catégorie A, observa avec une perplexité mêlée de détresse cet échange.
- DBZ ! expliqua Hellä devant cette mine qu'on trouve plutôt chez les adultes d'un certain âge, paumés, bien pensants et tout et tout. Tu connais pas ?!
- Non, dit-il avec une grimace.
- Mais t'as raté ton enfance, c'est pas possible !
Il fronça les sourcils, blessé.
- Écoute Hellä, des fois la vie c'est galère, marmonna-t-il. J'avais pas le temps de profiter de ce genre de trucs et…
- Oh, commence pas comme ça avec moi, petit. On me la fait pas, renifla Hellä, désinvolte mais tout de même un peu amère. Ma vie c'est de la merde depuis que ma génitrice a grillé qu'elle était enceinte. J'allais pas déprimer et me priver des bonnes choses par dessus !
Et elle le planta là, dans un mélange de culpabilité et d'agacement, pour reprendre la toilette de ses Pokémon. Parfois, Hellä lui semblait faite de marbre.
La fille n'avait pas bougé pendant cette brève altercation. Elle câlinait toujours Anchwatt profondément endormi. Hellä n'honorant pas l'éducation qu'elle lui avait rentré dans la tête à coups de bonbons, il se sacrifia :
- Moi, c'est Quinn. Et elle, c'est Hellä.
- Ellie ! se présenta distraitement la fille.
Génial, non seulement elle avait presque le même nom que sa partenaire, mais en plus elles avaient l'air aussi tarée l'une que l'autre !
- Qu'est-ce que tu fais dans le coin ? relança Quinn, mal à l'aise confronté à ce genre d'attitude désinvolte.
Mais aussi poli que possible. Ça aurait sûrement plus à Hellä si elle n'était pas occupée à chatouiller le ventre de Nosferapti, lequel balançait des ultrasons suraigus en guise de rire. Et après, elle lui faisait des leçons de savoir-vivre !
- Bah, du rodéo ! répondit la jeune fille comme si c'était l'évidence même.
Ouaip, elle était totalement comme Hellä ! Il était mal, très mal, et Reptincel aussi ! (Il ne s'inquiétait pas pour Anchwatt et Migalos.)
- Y'a un ranch après Rosalia, plein d'Ecrémeuh, fit remarquer Hellä. Tu devrais pouvoir en faire là-bas.
Ce n'est pas un ranch pour ça ! pensa Quinn, scandalisé. C'est là qu'on produit le Lait Meumeu !
- Vous y allez ? demanda Ellie.
- On s'arrête à Rosalia avant, pour le badge.
Quinn déglutit.
- Vraiment ? couina-t-il.
Hellä le regarda étrangement. Puis son regard s'illumina et, lentement, un sourire fendit son visage. L'adolescent le sentit mal.
- Bien sûr ! répondit-elle. Je veux le Badge Brume pour aller sur le Sentier Carillon !
- Le Sentier Carillon ? fit Ellie, curieuse.
- C'est une route réservée aux moines et aux dresseurs ayant prouvé leur valeur à l'arène locale, lui expliqua-t-elle. À ce qui paraît, c'est toujours l'automne, là-bas. C'est très joli et relaxant.
- Ooooooh ! Alors je veux y aller aussi ! Je vais à Rosalia, alors je reste avec vous ! déclara joyeusement l'autre. Enfin, avec vos Pokémon… je peux rester avec vos Pokémon ? Je n'en ai pas à moi, et Queulorior a dû retourner avec sa famille.
- Comment tu vas faire pour l'arène, alors ?! hallucina Quinn.
Elle haussa les épaules.
- Je demanderai à ceux que je croiserai.
Ellie s'installa près du feu, au lieu de coller les Pokémon de Quinn, en finissant de mâchonner le Nutella et le caramel encore dans sa bouche. Hellä alla dans sa tente avec Evoli et Nosferapti, où elle se démaquilla à la lueur d'une lampe de poche tenue par ce dernier. Puis la lumière s'éteignit et elle se coucha. Dans ses propres quartiers, Quinn se mordit la lèvre, préoccupé. Il n'avait pas la moindre envie de s'attarder à Rosalia – il avait espéré que sa fantasque partenaire oublie l'idée.
Il n'aurait pas le choix, apparemment.
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Ailleurs, sur une île au large du continent, la nuit était également tombée et, malgré l'heure tardive, il y faisait encore bon et doux. La fin de l'été avait cet effet sur le Sud de Kanto. Autrefois, avant que Cramois'Île ne soit ravagée par le volcan, le tourisme y était florissant, tout comme le commerce et la technologie…
Silver n'aimait pas l'agitation. Autant dire que l'île lui convenait parfaitement comme elle était… tant qu'elle ne crachait pas un torrent de lave. Quant au soleil… à cette pensée, sa mâchoire se crispa, et son cœur se serra. Silver n'aimait pas le soleil en lui-même, juste le sien. Et il devait vite finir ce qu'il avait à faire pour le retrouver. Il pouvait encore réparer les choses, à ce niveau. Peut-être.
- Troizépi, appela-t-il.
La petite souris électrique, qui s'était éloignée, revint trottiner à ses côtés pour éclairer son chemin – la lumière des étoiles n'était pas suffisante. Elle lui jeta un regard de reproche, et Silver baissa le sien. Il se sentait déjà assez coupable comme ça.
- Ils me manquent aussi.
Troizépi renifla, hautaine.
Silver déambula encore un peu sur le sol recouvert de poussière volcanique, forcé d'admettre qu'il ne trouverait rien en ces lieux dévastés par la lave. Le Laboratoire Pokémon, que la Rocket avait financé, n'avait pas échappé à la catastrophe. Et si d'un côté, il était soulagé, de l'autre, il était déçu par cette nouvelle piste qui s'avérait stérile…
Alors qu'il redescendait vers la côte, où se dressait seulement un Centre Pokémon tenu par une infirmière chevronnée, il repéra une étrange lumière sur une plage en contre-bas. Il fronça les sourcils et, intrigué, décida de jeter un œil. Il appela son Alakazam afin qu'il l'aide à descendre les flancs escarpés du volcan sans heurts, mais ne fut pas totalement silencieux. Quand il posa un pied sur le sable, une personne le regardait, aussi curieuse que lui.
Silver la reconnut immédiatement. À cause des rumeurs, et du dessin pourpre qu'il devinait sur son bras, son épaule et ses flancs, à la lueur d'une lanterne et d'un Pokémon y ressemblant également beaucoup, avec sa tête cylindrique en bois – un Brocélôme. C'était Purple Stigma, la voleuse professionnelle. Tous la connaissaient, mais nul ne l'arrêtait – elle en avait des choses à dire, sur ses employeurs. Vu le milieu, on pouvait s'attendre à quelques puissants tout à fait désireux de la protéger contre la loi en échange de sa discrétion…
- Eh bien, rit-elle, je n'imaginais pas qu'on viendrait me rejoindre dans un endroit pareil. Je t'en prie, approche.
Elle avait des allures de Némélios au repos, avec ses grands yeux violets en amande, ses traits ciselés et sa crinière brune échevelée. Elle se baignait dans un point d'eau chauffée par de la lave avec un grand batracien à longue langue. Ce dernier regarda Silver s'avancer d'un œil vif malgré son corps relaxé par la source chaude improvisée. Il eut également la sensation d'être épié depuis les ombres, sans parvenir à déterminer où exactement… et par qui.
C'était plutôt dangereux de venir se reposer ici – peu s'y risquait, même parmi les dresseurs cherchant Auguste, le plus cinglé des champions d'arène, au cœur du volcan. Mais, si Silver en croyait les rumeurs, elle était typiquement le genre de personne à faire trempette en maillot dans les eaux d'un volcan. On l'engageait pour les vols les plus dingues, les plus difficiles, et elle en ressortait toujours en vie.
Et puis, elle avait quelque chose de très intéressant.
- Purple Stigma ? lança Silver de son ton le plus hautain.
Sans se laisser démonter par ce blanc-bec qui connaissait son identité, elle se leva à moitié pour récupérer la bouteille de thé glacé trônant sur un rocher. Son tatouage pourpre se poursuivait sur sa hanche et sa jambe musclée.
- Bien renseigné, commenta-t-elle avant de boire au goulot. Désolée, je profite de l'île en ce moment, mais d'ici un jour ou deux je reprendrais le taf avec plaisir.
Elle avait un fort accent qu'il ne parvenait pas à situer. Blue avait le même, par moment, quand il s'énervait, notamment. (Il s'énervait beaucoup en présence de Silver.)
- Ce n'est pas ce qui m'intéresse. Je cherche une clé qui se trouvait dans le laboratoire qui se situait ici, autrefois. Il a été détruit par l'éruption volcanique…
- Ta clé aussi, sans doute, répondit-elle tranquillement.
- On dit que tu possèdes beaucoup de clés. Certains prétendent que tu peux ouvrir toutes les portes.
- On dit des tas de choses, plus ou moins vraies, rétorqua-t-elle plaisamment, d'un élégant mouvement du poignet.
Des gens moins déterminés que Silver auraient lâché l'affaire. Elle était affable à souhait, mais cette attitude était comme un rempart lisse pour repousser les autres. Silver avait usé des mêmes tactiques, autrefois, jouant le masque de la colère et de la haine. Et il avait appris, au contact de Gold, qu'un peu d'entêtement suffisait à abattre les murailles les plus solides.
- Cette clé ouvre également un passage secret dans l'Entrepôt Rocket sur les Îles Sevii. Je vous laisserais venir avec moi en échange de cette clé si vous voulez, et prendre tout ce qui vous semblera bon de voler…
- Je ne vole jamais pour moi, coupa Purple Stigma. Ce qui m'intéresse, c'est le frisson, et les expériences que l'argent peut me procurer…
- Je vous paierai, dit Silver en se mordant l'intérieur de la joue.
Il avait un peu d'argent de côté, avec la Ligue, et les combats professionnels. Il espérait qu'elle n'était pas trop onéreuse, cependant, il n'était pas Crésus…
Purple Stigma le regarda longuement. Ses yeux d'améthyste avaient la fixité des félins, le même calcul froid, malgré sa figure aimable et bronzée. Elle lui sourit alors, et le clou piqué au coin de sa bouche étincela à la lueur de son Brocélôme.
- Mais tu as parlé d'entrer dans un repaire Rocket. Je ne sais pas ce que tu veux y faire, mais ma politique c'est « chacun sa vie », alors je ne vais pas te poser de question. Personnellement, je n'ai jamais mis les pieds dans ce genre d'endroits, la Team Galaxy oui, mais pas la Rocket ! J'ai bien envie d'essayer. Alors je vais le faire gratos. Enfin, si tu es prêt à attendre deux jours, ajouta-t-elle avec un clin d'œil.
Le gamin qu'il avait été se serait impatienté, mais en grandissant il avait appris la patience à coups de latte dans les dents. Silver ravala ses exigences, car elle lui servait ce qu'il désirait sur un plateau d'argent. Quand une chance pareille se présente à soi, on la saisit sans discuter.
- Deal, murmura-t-il.
La voleuse agita la main. Une sorte de porte-clés lévita jusqu'à elle en roucoulant de joie. Elle le saisit, tripatouilla les clés y étant accrochées, jusqu'à lui montrer un passe magnétique, qu'elle agita joyeusement avant de la laisser retomber. Elle se mêla aux autres cartes et tiges de métal, et le Pokémon s'accrocha à ses cheveux telle une barrette grotesque.
- Deal, conclut-elle en se laissant aller contre le rocher. Tu nous rejoins ou tu restes là comme un idiot ?
- Je reste là comme un idiot, grommela Silver.
Elle haussa les épaules.
- Comme tu veux, c'est ta vie.
Silver s'installa un peu à l'écart avec Troizépi. Il grattouilla ses oreilles en regardant l'heure sur son Pokématos et résista à l'envie de contacter Gold. Mais il ne voyait pas quoi lui dire, pas maintenant, pas quand il n'avait pas achevé ce pourquoi il était parti. Il aurait pu appeler Christy, mais il n'avait pas envie de la mettre dans une position difficile, en la faisant mentir à son meilleur ami…
Silver serra Troizépi contre lui comme un gamin sa peluche. Pour une fois, la sardonique petite Pichu ne se rebiffa pas. Sans doute pensait-elle la même chose que lui.
Qu'est-ce qu'on est seul, parfois…
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Je suis une déviante de la société. Et j'assume. Et toi, à quoi tu joues ?
Intégration complète – enfin ! – d'Ellie, de fan-à-tics. Elle m'aura donné du mal, mais apparemment je sais la manier xD
Purple Stigma est un personnage que j'ai créé pour Muriuki (avec son autorisation), et que j'ai fait apparaître ici pour le fun xD Peut-être que j'en ferais quelque chose… qui sait…
Cette fin de chapitre est un peu triste, mais je me sentais triste et seule aussi au moment où je l'écrivais, alors…
Merci d'avoir lu, à la prochaine =D