Chapitre 4: Objectif: intégration
Arthur inspira à fond et souffla. Il était arrivé à cette époque exactement 30 jours plus tôt. Jusque là, il s'était senti bien accueilli et se sentait presque chez lui dans cet immense château, même si son époque lui manquait toujours. Il était rapidement devenu ami avec Mélanie et Dylan, ainsi qu'avec Jeena, la petite amie de ce dernier. Tous les trois étaient en quelque sorte le moyen qu'il avait trouvé de ne pas perdre pied. Personne ne lui avait dit quel était l'Originel de Jeena, et Arthur soupçonnait fort qu'il s'agissait du Créateur, c'est-à-dire Arceus.
Jeena, jeune femme joyeuse aux cheveux roses et aux yeux gris presque blancs, lui avait dit que le meilleur moyen de s'entraîner à se battre était de participer au tournoi, pour être confronté à plusieurs types d'adversaires. Il avait donc décidé de suivre son conseil et se préparait aujourd'hui à livrer son premier vrai combat. La préparation psychologique était absolument nécessaire pour Arthur, qui était d'un naturel timide et peureux, surtout depuis qu'il était hybride.
Quelqu'un frappa à la porte. L'adolescent se retourna. Il n'avait pas l'habitude que les gens viennent le voir.
-Entrez.
La porte s'ouvrit et Dylan entra.
-Je peux te parler une minute ? demanda-t-il.
-Euh, oui, bien sûr. Qu'est-ce que tu veux ?
Dylan prit une chaise, s'installa à côté d'Arthur et le regarda dans les yeux.
-Tu vas faire une connerie.
L'adolescent fronça les sourcils et s'assit sur son lit.
-Quel genre de connerie ?
-Tu vas aller te castagner avec des types qui ont le double de ton âge et peut-être le triple de ta force. C'est une très mauvaise idée. Je sais que c'est Jeena qui te l'a conseillé, mais elle n'a pas dû se rendre compte que tu étais vraiment un débutant en combat.
-Elle s'en est rendu compte, répondit Arthur. Quand elle est venue me proposer de participer au tournoi, elle m'a bien demandé si je me sentais capable de ne pas me faire massacrer. Et elle m'a donné quelques conseils. Je ne pars pas à l'aveuglette. Merci quand même de t'inquiéter pour moi, conclut-il avec un sourire.
Son ami semblait réellement inquiet. Ses yeux bleu pâle fixaient Arthur comme s'il tentait de lire ses pensées.
-Tu es complètement cinglé, lâcha-t-il finalement. Tu vas te faire laminer.
-On verra bien. Oh, justement, il est huit heures.
Il se leva, sous le regard atterré de Dylan.
-C'est le moment de vérité, plaisanta-t-il. Je ne vais pas tarder à savoir si je dois retourner m'entraîner jour et nuit ou si je peux faire une pause.
-Comment ça, jour et nuit ? s'étonna Dylan.
-Tu ne le savais pas ? Quand je n'arrive pas à dormir, c'est-à-dire très souvent, je sors et je m'entraîne. Comme ça j'optimise mon temps. Bon, allez ! J'y vais, tu m'accompagnes ?
-Evidemment. Je participe moi aussi, et comme je suis plutôt bien placé, les gens veulent me défier. Il vaut mieux que je sois là.
Il se leva, remis la chaise à sa place et tous deux partirent vers le grand hall. Quand ils y arrivèrent, un combat avait déjà commencé, opposant un Grolem et un Givrali. Aucun des deux ne semblait avoir le dessus. Certains spectateurs pariaient sur leur ami, ou selon le type des deux combattants, puisque Grolem était avantagé. Ce fut d'ailleurs lui qui gagna. Arthur aperçut Tony et courut vers lui.
-Tony !
-Ah, c'est toi ! s'exclama ce dernier en se retournant. Tu veux défier quelqu'un ?
-Oui, mais je ne sais pas qui. Tu pourrais me dire qui est qui, voire me conseiller ?
L'organisateur fit un sourire immense.
-Bien sûr ! Alors, voyons voir… Tu ne t'es jamais battu, si je me souviens bien, alors tu pourrais… Moui, ça peut le faire. Bon ! Je te propose d'affronter Lucile Aryazni. C'est une Loupio, ça ne devrait pas être trop difficile pour toi de la battre. Enfin, si tu ne fais pas de conneries.
-Ça me va.
Tony prit alors son mégaphone et cria :
-Prochain combat : Arthur Lakan contre Lucile Aryazni ! Je répète : Arthur Lakan contre Lucile Aryazni ! Lucile, dépêche-toi, ton adversaire t'attend !
Arthur se plaça au centre du cercle formé par les résidents du château hybride, intimidé mais résolu. Une femme d'une trentaine d'années traversa la foule pour se mettre devant lui.
-Je te préviens, j'ai eu un mal fou à décrocher cette place, je ne te laisserai pas me la piquer !
-Je vais faire de mon mieux, c'est tout. Si vous voulez gagner, faites-en autant.
-J'y compte bien.
Ils reculèrent chacun de trois pas et un coup de gong retentit, donnant le signal du début du combat. Lucile se rapprocha très rapidement d'Arthur et lui décocha un coup de poing puissant en plein visage. L'adolescent recula sous le choc. Son adversaire tenta un nouveau coup de poing, mais Arthur para et balança sa jambe, qui heurta le flanc de Lucile, la faisant chanceler. La lutte dura une minute et sembla infinie à Arthur, mais le gong retentit enfin, signalant la fin de la première manche. Les deux combattants se séparèrent, essoufflés. Lucile se transforma. Elle flottait sur une fine couche d'eau, ce qui lui permettait de combattre sur la terre ferme alors qu'elle était un Originel marin.
-Je reste, déclara Arthur.
Ces deux mots surprirent toute l'assemblée. En effet, un combat humain/Originel se soldait souvent par une défaite pour l'humain.
Lucile lança une attaque Bulles D'O qui atteignit Arthur de plein fouet sans lui faire trop mal. Il essaya de lui asséner un coup sur le sommet du crâne mais elle esquiva. Il tendit la jambe pour la stopper et frappa de toutes ses forces.
Et ainsi de suite pendant un long moment. Finalement, Arthur parvint à mettre Lucile à terre et à l'assommer, lui-même étant à bout de forces.
-Et le vainqueur est Arthur Lakan ! Bravo Arthur, tu grimpes d'une place sur la pyramide.
-Super, souffla l'adolescent exténué.
Dylan vint l'aider à se relever et à sortir du cercle.
-Tu as une veine de pendu, tu sais ? Gagner son premier combat en handicap H/O, c'est pas donné à tout le monde.
-Pour être tout à fait honnête, avoua Arthur, j'avais l'intention de me transformer. J'ai parlé un peu trop vite.
Dylan resta un instant muet de surprise.
-Ah ouais quand même… T'es vraiment pas croyable !
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Le lendemain, Arthur se réveilla avec un mal de crâne à rester au lit toute la journée. Il se leva tout de même, parce qu'il n'avait pas envie de perdre une journée entière.
-Croisons les doigts pour que personne ne vienne frapper à la porte, marmonna-t-il. Et aussi pour que personne ne crie trop près de moi.
Il se rendit alors compte de deux choses : premièrement, c'était ridicule de sa part d'exiger du silence dans un endroit où cohabitent une cinquantaine de personnes. Deuxièmement, s'il avait mal à la tête à chaque fois qu'il se battait, la vie allait être très difficile. Il avait l'impression d'avoir trop bu.
-Et pourtant, Arceus sait que je ne bois jamais !
"Attention mot tabou !" cria Zebibron dans son esprit.
"Rhaa, ta gueule… Je viens de dire que j'avais mal à la tête et toi tu hurles !
-Désolé. Mais il faut vraiment que tu te rentres dans le crâne que tu ne dois pas prononcer les noms des légendaires.
-Ouais… 'Scuse-moi, j'ai l'esprit en bordel, là.
-J'avais remarqué. Je m'efforce de remettre un peu d'ordre, d'ailleurs. Non mais sérieusement, comment tu peux avoir la gueule de bois alors que tu n'as rien fait de ta journée après ce combat ?!
-Mais j'en sais rieeen… Fous-moi la paix, s'te plaît, sinon je sens que ça va être l'enfer.
-OK. Je retourne ranger tes souvenirs. Sans les regarder de trop près, ça va de soi."
Arthur ferma la « porte » et se dit que son symbiote avait en effet grand intérêt à ne pas regarder sa mémoire de trop près. Il râla une nouvelle fois et alla se laver. Il avait passé l'après-midi de la veille allongé dans l'herbe sous une pluie battante, il était couvert de boue et très étonné de ne pas avoir attrapé un rhume.
Une fois certain qu'il pouvait sortir dans le bruit sans tourner de l'œil, l'adolescent ouvrit sa porte et traversa les couloirs pour aller manger. C'est à ce moment que les ennuis commencèrent.
-Arthur ! Eh, Arthur ! Attends une seconde, s'il te plaît.
Arthur se retourna et mit un doigt sur sa bouche.
-J'ai mal au crâne, alors pitié, parle moins fort. Qu'est-ce qu'il y a ?
Dylan afficha un sourire moqueur.
-Mal au crâne, hein ? Pas étonnant, avec la quantité d'attaques que tu t'es prise en pleine face. J'ai justement un remède, je voulais te le passer hier mais je ne le trouvais plus.
Il sortit de sa poche une petite bouteille remplie d'un liquide bleu foncé. Arthur l'examina avec méfiance.
-Tu en prends un peu, genre une cuillère, et une heure plus tard tu n'as plus mal. C'est efficace à 100%, et sans effet secondaire.
-Merci beaucoup. C'est sûr que je vais en avoir besoin. Bon, c'est tout ou tu avais autre chose à me dire ?
-Quelqu'un te cherche pour te défier. Au bruit que fait ton estomac, je suppose que tu vas d'abord faire un crochet par la case « p'tit-dèj' ». Allez, bon appétit !
Il repartit. L'adolescent fourra la bouteille dans la poche de sa veste et alla manger. Bien entendu, loi de Murphy oblige, il fut victime de la traditionnelle bataille de bouffe organisée presque tous les matins par les autres ados lève-tard du château. Il eut beau se cacher sous une table comme la plupart des adultes, il fut rapidement couvert de nourriture et dut retourner dans sa chambre pour se changer. Comme presque tous les matins.
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-Eh, Arthur ! Jeena veut te voir, elle t'attend en salle info. Elle dit que c'est urgent.
-Tout de suite ? Bon, d'accord.
Arthur changea de direction et dévala les escaliers en direction de la salle informatique, où il trouva en effet Jeena, reconnaissable à ses cheveux rose fluo et sa manie d'inventer des jurons improbables.
-Nom d'un Escargaume boiteux ! Saleté de machine inutile !
-J'espère que ce n'est pas à moi que tu parlais, se moqua Arthur en entrant dans la pièce.
Jeena sursauta et se retourna brusquement.
-Oh, tu es là ! Non, ce n'est pas à toi que je parlais, c'est à cet ordi débile qui n'arrêta pas de planter.
-Et comme je n'y connais rien, je ne vais pas pouvoir t'aider. Il paraît que tu voulais me voir ?
-Oui, je voulais te demander un service. Tu pourrais m'accompagner dans la forêt ? Je crois qu'un voyageur temporel est arrivé, et comme tu en es un toi aussi, tu pourrais me donner un coup de main pour éviter tout malentendu.
-Ah, je vois. D'accord, je viens. C'est où exactement ?
-À un kilomètre de la zone P, répondit la jeune femme. Mais en ce moment ils ont tendance à déborder un peu sur la zone neutre.
« Ben voyons… Le jour où les Purificateurs respecteront autre chose que leurs propres règles, on verra débarquer un deuxième Gardien des Abysses ! »
-Evidemment. Bon, on y va ? Enfin... Dès que tu auras terminé de t'énerver sur ce pauvre ordinateur.
Jeena lui donna une légère claque en riant et lui prit la main pour l'entraîner vers la grande porte.
Ils sortirent et se dirigèrent directement vers l'endroit où Jeena croyait avoir repéré un hybride.
-Comment tu comptes passer la falaise, au fait ? demanda Arthur au bout d'un certain temps. Je ne me rappelle pas avoir vu d'échelle ou de passage quel qu'il soit.
-C'est vrai, répondit-elle.
Son ton vague indiqua à l'adolescent qu'elle avait une autre idée en tête et que cette idée concernait son Originel. Et de fait, une fois au pied de la falaise, Jeena se transforma.
-J'en étais sûr ! s'exclama Arthur d'un ton triomphant. J'étais certain que tu étais une hybride Créateur !
-Grimpe sur mon dos au lieu de tergiverser. Je te rappelle qu'il y a peut-être quelqu'un qui nous attend.
Arthur obtempéra, ravi de se faire transporter « par le Créateur », et sa camarade utilisa sa Plaque Vol pour décoller et se poser en haut de la falaise, où elle se transforma à nouveau.
-J'espère que tu as bien profité du voyage, parce que je ne le referai pas de sitôt. Je ne me transforme presque jamais, les gens ont souvent l'impression que je suis le vrai et ça m'énerve.
-Compris. C'est par là qu'on doit aller ?
Il pointa le Nord. Jeena hocha la tête et ils reprirent leur marche.
Quelques minutes plus tard, ils s'arrêtèrent. Jeena tourna sur elle-même et râla que les gens du passé étaient incapables de tenir en place.
-Merci. J'en déduis que ton hybride ne nous a pas attendus et s'est fait la malle ?
-Exactement. Avec un peu de chance il ne sera pas parti vers la zone P, mais je n'y crois pas trop.
-Tu n'as pas un truc, genre un détecteur de gens ?
-Tu t'es cru dans un film ?! On n'a pas ça, au château ! Je te rappelle qu'on est censés ne pas exister.
Une voix retentit alors :
-Eh, vous deux ! Oui, vous ! Ne bougez plus et mettez les mains en l'air.
Les deux hybrides choisirent la prudence : obéir, ne pas poser de questions idiotes, voir comment ça se passe avant d'attaquer.
-Je crois qu'on l'a trouvé, chuchota Arthur.
La voix reprit :
-Vous êtes qui ? Je vous préviens, vous n'avez pas intérêt à me mentir !
-Vous voulez savoir quoi, exactement ? Nos noms ne vous serviraient pas à grand-chose, alors j'imagine que vous essayer simplement de vous assurer que nous ne voulons pas vous tuer. Je me trompe ?
S'ensuivit un instant de silence pendant lequel Arthur crut qu'il allait se faire tirer dessus.
-T'es une maligne, toi ! Alors ? Qu'est-ce que vous faites là ?
-On cherche quelqu'un, tenta Arthur. Pour le protéger. Et, euh…on croit que c'est vous.
-Qu'est-ce qui vous fait dire que j'ai besoin de protection ?
Jeena commençait à perdre patience. Elle mit les mains dans ses poches et parla sur un ton sec :
-Vous voyez beaucoup de gens dans le coin, vous ? Non, n'est-ce pas ? Eh bien je vais vous dire pourquoi : ils sont tous morts ! Des gens comme vous, qui croyaient qu'ils pouvaient survivre dans cette foutue forêt et qui se sont fait massacrer par une bande de fanatiques. Alors oui, conclut-elle, vous avez besoin de protection, parce que qui que vous soyez vous n'avez aucune chance de leur échapper seul.
-…
-Et vous savez quoi ? Je crois qu'ils nous ont repérés. Sortez de votre cachette et venez avec nous. À moins que vous ne préfériez mourir ?
Un bruit de chute. Arthur se retourna et vit un homme se relever. Il les regarda de ses yeux noisette.
-Si vous m'avez arnaqué, je vous jure que je vous étripe, affirma-t-il.
-Si vous voulez, réplique Jeena. En attendant, venez, il ne fait pas bon rester ici trop longtemps, surtout maintenant qu'ils savent que nous sommes là.
-Mais de qui vous parlez, à la fin ? s'énerva l'inconnu.
-Des Purificateurs, dit Arthur. On est juste à côté de leur territoire et ils ont tendance à « déborder » un peu. Ils se sont mis en tête de tuer tous les hybrides qui auraient le malheur de croiser leur chemin. Je fais partie de ceux-là. J'ai réussi à m'échapper de justesse, mais j'ai vraiment cru que ma dernière heure avait sonné. S'ils nous tombent dessus, ils ne nous feront pas de cadeaux.
-Exactement ! cria quelqu'un un peu plus loin.
Tous les trois se tournèrent vers l'origine de la voix, à savoir un Purificateur pointant son arme vers eux.
-Trois d'un coup ! On dirait bien que j'ai de la chance.
-OK, souffla Jeena, je m'occupe de lui. Vous, filez. Je vous rejoins dès que j'ai terminé.
Arthur et l'inconnu prirent la poudre d'escampette. Tandis qu'ils couraient, ils entendaient les sons du massacre que Jeena était en train d'opérer. Elle les rejoignit rapidement et ils purent retourner au château.