My immortal - EvanescenceUne délicieuse odeur de bacon fumé réveilla Cassy en douceur. Comme le soleil était déjà haut dans le ciel, la matinée devait certainement être bien entamée. Elle s'étira d'une façon étrangement féline avant de sauter sur ses pieds. Les effluves alléchants qui provenaient du rez-de-chaussée lui ouvraient l'appétit.
Elle n'avait pas besoin d'enfiler une robe de chambre étant donné qu'elle portait encore ses affaires de la veille. Elle descendit donc directement l'escalier pour rejoindre dans la cuisine Léa et Sandra, chacune assise devant une assiette d'oeufs brouillés généreusement garnie.
- Te voici enfin, nous ne t'attendions plus, lança aussitôt la dracologue de son habituelle ton piquant.
- C'est vrai, il est presque dix heures. Cela ne te ressemble pas de dormir aussi longtemps.
- J'avais la migraine, alors je ne parvenais pas à trouver le sommeil. J'ai été obligée de prendre un cachet pour parvenir à m'assoupir.
- Enfin, l'important, c'est que tu sois en pleine forme pour jeudi. Peter ne te fera pas de quartiers, j'en suis sûre.
- Tant mieux, car je souhaite un affrontement dans les formes.
Cassy sourit tout en prononçant cette phrase, puis se dirigea vers le placard d'où elle sortit une assiette. A son tour, elle cassa deux oeufs dans la poêle qu'elle remua avec l'extrémité d'une fourchette prise dans le tiroir face à elle. Quelques minutes plus tard, elle s'installait à table avec ses amies.
- Pas trop le trac ? demanda la Championne en la voyant engloutir son petit-déjeuner à la vitesse de l'éclair.
- Pas du tout. Je l'ai déjà vaincu une fois. Rien ne prouve que je ne suis pas capable de recommencer.
- Quand je pense que lorsque nous étions à l'école, tu nous serinais sans cesse, à Tina et à moi, que tu souhaitais devenir éleveuse pokémon, mais que le dressage ne te convenait pas... Qui aurait pu prédire cela ?
La jeune femme ne releva pas. Il y avait tant de choses que nul n'aurait su prédire. La mort de ses parents, les projets de la Team Galaxie, l'utilité des glyphes, l'existence des humains légendaires... Oui, plusieurs années auparavant, elle aurait sans doute traité de fou la personne qui lui aurait dit qu'elle défierait un jour une Ligue. A présent, plus rien ne semblait impossible.
- Qu'est-ce que tu vas faire aujourd'hui ?
- Hum... Comment ?
Perdue dans ses pensées, Cassy n'avait pas écouté la question posée par Sandra. Elle tourna vers elle un regard d'excuse tandis que cette dernière répétait ses paroles. Il ne lui fallut guère longtemps pour répondre :
- Je... Je crois que je vais aller faire un tour dans Johto. Peut-être à Doublonville ou... je ne sais pas, je verrais bien. Je m'entraîne quasiment sans répit depuis que je suis revenue, alors j'ai l'intention de profiter un peu de mon temps libre pour me promener. Après tout, cela faisait des mois que je n'avais pas mis les pieds dans cette région.
En réalité, elle savait parfaitement où elle désirait se rendre, mais elle ne tenait pas à ce que tout le monde soit au courant de ses projets. Elle espérait seulement que Lilith ne rentrerait pas à l'improviste, ce qui paraissait tout de même peu probable.
- Oh, c'est super, cela ! s'exclama Léa, enthousiaste. Si tu n'y vois pas d'inconvénient, est-ce que je peux t'accompagner ?
Le sourire forcé de Cassy se figea aussitôt en un rictus. Evidemment, elle aurait dû se douter que l'adolescente insisterait pour venir avec elle. Comment l'en dissuader, cependant, sans laisser planer le doute sur ses véritables intentions ? Elle respira profondément en réfléchissant à la meilleure façon de sortir de cette situation houleuse. Finalement, elle déclara :
- Moi, je n'ai rien contre, mais tu n'as pas quelque chose de mieux à faire que perdre ton temps avec moi ?
- Je viens juste de rentrer, que veux-tu que j'ai de prévu ?
- Justement, personne n'est au courant de ton retour. Tu ne crois pas que tu devrais en informer Tina ? Elle sera folle de joie d'apprendre que tu es à nouveau ici. Cynthia mérite également d'être au courant, je suppose. Après, pour les autres, c'est à toi de voir si tu désires leur écrire ou non.
- Tu as raison. Je vais rester et tenter de renouer un peu le contact avec tout le monde. J'espère seulement que cela va fonctionner : je suis restée auprès de Circé tellement longtemps.
Sa bouche se tordit en une légère grimace, signe que les derniers mois n'avaient pas été pour elle une partie de plaisir. Cassy n'avait rien demandé au sujet de son apprentissage des poisons et elle n'en avait pas parlé non plus. La jeune femme était seulement convaincue que son amie n'avait pas subi de mauvais traitements. L'humaine légendaire liée à Shaymin ressemblait beaucoup, du moins au niveau de son caractère, à Lilith et à Artémis. Elle était donc certainement très autoritaire, mais pas injuste pour autant.
- Si tu veux écrire à Tina, je vais te donner l'adresse de l'Arène de Rivamar, proposa Sandra en se levant pour débarrasser la table. Tu auras la maison pour toi toute seule, aujourd'hui, car je vais devoir m'absenter, moi aussi. Je vais aller voir Clément au Conseil Quatre pour l'informer de la venue prochaine d'une dresseuse prometteuse.
Les yeux de l'intéressée se mirent à pétiller en entendant prononcer cette phrase. Elle n'aurait jamais cru qu'elle prendrait autant de plaisir à obéir à l'épouse de Giratina, mais elle s'apercevait que tout cela était finalement une bonne chose car chacune de ses missions ne faisait que mettre son potentiel en valeur.
- Cassy, quand comptes-tu partir ?
- Dans une quart d'heure, vingt minutes tout au plus, je pense. Le temps pour moi de monter prendre une douche et de me changer.
- Alors je me chargerai moi-même d'enclencher l'alarme, informa la dracologue. Léa, te souviens-tu du code au cas-où tu veuilles sortir te promener dans Ebénelle durant notre absence ?
Tandis que la blondinette acquiesçait d'un signe de tête, la jeune femme prit congé pour remonter à l'étage. Elle se prépara rapidement, enfila une tenue de sport moins voyante que la plupart des vêtements que Lilith l'avait contrainte à acheter, puis quitta l'Arène, non sans avoir au préalable souhaité une bonne journée à ses amies.
Elle traversa le village afin de rallier la route 45, qui lui permettrait de descendre en direction du sud où elle pourrait rejoindre la Ville Griotte. Certes, le trajet aurait été beaucoup plus rapide et direct si elle avait choisi de chevaucher Dracolosse, mais elle répugnait à l'utiliser pour se déplacer quand un rude combat l'attendait.
Elle décida donc de parcourir les trois kilomètres et demi qui la séparaient de sa destination en marchant. De là, elle prendrait un bus à la gare routière qui la conduirait à Mauville. C'était précisément là-bas qu'elle se rendait. Elle avait besoin de parler à Sylvain et savait qu'elle le trouverait à l'Ecole des Topdresseurs.
Le trajet totale lui prit un peu moins de deux heures. Elle arriva sur place aux alentours de midi et demi, aussi préféra-t-elle faire une halte dans un service de restauration rapide pour s'y acheter un sandwich avant de rendre visite à son cousin.
Elle n'était encore jamais venue dans cette ville auparavant, mais se repérer ne lui posa pas le moindre problème. Depuis le jour où elle avait quitté sa ferme, elle avait quasiment passé plus de temps sur les routes qu'à l'arrêt, aussi le sens de l'orientation était devenu une seconde nature chez elle.
De surcroît la cité n'était pas très grande, à peine plus vaste qu'Ebénelle. Elle n'eut même pas besoin de demander son chemin à l'un des rares passants afin de trouver le bâtiment qu'elle recherchait. A l'exception de l'Arène et de la Tour Chétiflor, il s'agissait de la construction la plus importante.
Haute de deux étages, large d'une centaine de mètres et recouverte d'un toit aux tuiles violacées, Cassy se présenta devant l'entrée de l'établissement. Sa porte n'était pas électronique, contrairement à la plupart, mais en bois massif qui conférait au lieu un style ancien.
Elle se retrouva dans un petit hall où il régnait une chaleur étouffante. La lumière tamisée grâce à des lustres recouverts d'épais morceaux de tissu pourpre lui rappela vaguement la tente foraine d'Esméralda, à l'intérieur de laquelle elle avait pénétré lors de leur première rencontre.
- Je peux faire quelque chose pour vous, mademoiselle ?
La dresseuse n'avait pas remarqué la femme accoudée au comptoir à sa gauche lorsqu'elle était entrée. Il s'agissait d'une brunette élancée au sourire blanchi. Elle lui adressa un bref signe de tête pour la saluer avant de lui demander d'une voix qui se voulait posée :
- Oui, je suis venue rendre visite à Sylvain Galaksija. Pourriez-vous m'indiquer où le rencontrer, s'il vous plaît ?
- Je suis vraiment navrée, monsieur Galaksija a quitté l'Ecole des Topdresseurs ce matin de bonne heure sans dire à personne où il allait. Vous pouvez toujours l'attendre si vous le désirez, mais j'ignore à quel moment il va revenir. Cela peut être dans dix minutes comme pas avant ce soir.
- Je comprends, malheureusement je n'ai pas le temps de m'attarder ici.
- Je peux lui transmettre un message, si vous le désirez.
Cassy réfléchit une seconde à la proposition. Qu'aurait-elle pu lui dire ? Il n'y avait pas beaucoup d'options possibles : ou bien il la croyait morte, à l'instar de Cynthia, auquel cas elle se devait de le rassurer, ou alors il n'était au courant de rien, et dans ce cas il ne comprendrait même pas de quoi elle lui parlerait. A moins qu'il ne soit parmi les responsables de ce pseudo-assassinat, mais elle ne pouvait le croire. Cela ne ressemblait pas à ses agissements habituels. De plus, si quelqu'un de sa connaissance lui avait voulu du mal, il se serait arrangé pour l'avertir, comme à chaque fois.
- Ce ne sera pas nécessaire. Dites-lui simplement que sa cousine est passée.
- Ce sera fait, mademoiselle...
- Rilène. Cassy Rilène. Je vous remercie.
- C'est mon travail.
Elle adressa un sourire poli à la réceptionniste puis quitta l'endroit. Finalement, sa quête de réponses se soldait à nouveau par un échec. Tant pis, elle devait se faire une raison. Après tout, c'était peut-être juste un signe du destin. Maintenant qu'elle avait quitté le Bourg-Palette, plus rien ne la rattachait à sa vie d'autrefois.
Katharina Granet était désormais morte, aussi bien de façon symbolique qu'officielle. Cette part d'elle qu'elle croyait étouffée à jamais dans les tréfonds de son âme allait enfin cesser de la hanter pour de bon. Elle n'aurait désormais plus à mener deux vies de fronts, et pourrait dire adieu à celle qu'elle était jadis.