Aide-toi et le ciel t'aidera de Kydra

De partout, les cris de joie s'élevaient, agressant les oreilles de Newton. Les humains amis avec Vassili étaient heureux, ils devaient avoir gagné. La sécurité revenait peu à peu. Aux voix des combattants s'ajoutaient les bruits de fouille et de casse. On était en train de tout mettre à sac. Sans doute cherchaient-ils le dresseur. Ou autre chose. Peut-être avaient-ils tout simplement besoin de se défouler, de se réapproprier le lieu, de marquer leur territoire ? Le Galopa l'ignorait, mais cela ne le concernait pas. Il était extérieur à toutes ces considérations. Il avait un autre but, bien plus simple.

A l'intérieur, l'odeur était très désagréable. Cela sentait le sang. Newton préférait de loin rester dehors. Il déambulait entre les corps, les murs explosés, les objets éventrés. Vassili n'était pas là. Il avait disparu. Et Vaillant-Rescapé n'était pas revenu, comme il avait dit qu'il ferait. L'équidé avait suivi les humains à travers tout le Centre, il les avait défendus et l'Insécateur n'était toujours pas arrivé. Le Galopa cherchait un point d'ancrage. Il voulait trouver quelqu'un avec qui il pourrait rester, au moins en attendant de trouver mieux. Une voix lui parvint. Il leva la tête, dressa les oreilles. Il reconnut l'élocution douce de Terreur-des-Hommes ; elle s'adressait à Eclair-de-Liberté.

Le cheval de feu prit son petit trot boiteux pour les rejoindre. Les babines de l'Elecsprint étaient tachées de sang, il pleurait à chaudes larmes. La Migalos semblait ne pas avoir dormi depuis des lustres. Newton le sentait bien, elle essayait de rassurer son interlocuteur, mais elle n'était en rien plus joyeuse que lui. Il y avait autant de larmes dans sa voix que dans les yeux du Pokémon électrique. Il s'approcha doucement, pour les pousser du bout du nez, amicalement. Terreur-des-Hommes n'avait aucune envie d'expliquer le grand chagrin dont elle était victime, aussi, elle maîtrisa sa voix pour obtenir un peu d'intimité :

................- Le colonel va arriver, par-là, désigna-t-elle d'une patte. Il sait que le combat est gagné, mais je pense qu'il sera content de te voir. C'est le frère de Vassili, lui apprit-elle d'une voix qui s'étranglait.
................- J'y vais ! annonça Newton joyeusement secouant les oreilles.

Le cheval de feu partit dans la direction désignée, péniblement, en boitant. Le faire se déplacer ainsi désolait Terreur-des-Hommes, mais elle savait qu'elle ne pourrait pas supporter une conversation avec lui pour le moment. Lui expliquer ce qu'il n'avait pas compris seul lui coûterait bien trop... Elle espérait de tout cœur qu'il survivrait à sa blessure aux jambes, car la guerre l'avait déjà suffisamment fait souffrir pour qu'elle y perdît encore une de ses connaissances…

Newton trottait d'une allure bancale sur un petit sentier. Soudain, il sentit une sorte d'instinct qui l'appelait. Il se détourna du chemin, entama un galop difficile. Il s'arrêta aussi vite qu'il était parti. Au-dessus de lui, une traînée d'étoiles disparaissait derrière un nuage d'où partait un arc-en-ciel, malgré l'absence de la moindre goutte de pluie. Le cheval de feu se cabra en hennissant. Aussi douloureux que fût ce mouvement, il ne pouvait s'empêcher de le faire, une force inconnue le lui commandait. Haut dans le ciel, il aperçut une grande silhouette ailée, qui ressortit en un instant du masque blanc. Enfin, l'attirance pour cette forme noire disparut et il eut l'envie irrésistible de rejoindre les humains.

Dimitri accueillit Newton d'une caresse. Il lui assura qu'on le soignerait. Le colonel était accompagné par Niryo, juché sur l'épaule de l'adjudant-chef Pascal. Le Marcacrin appela les trois petits Mimigal, pour qu'ils ne s'éloignassent pas trop. Il se glissa près de l'oreille du cheval enflammé.

................- Ne lui dis pas encore, pour la mort de leur père. Je ne veux pas qu'ils le sachent avant d'avoir au moins le réconfort de leur mère…
................- Leur père est mort ? s'étonna Newton qui ne comprenait pas à quoi Niryo faisait allusion.
................- Oui, Aleph-Zéro, ou Vaillant-Rescapé, si tu veux… On l'a appris par radio. Dimitri en a été très affecté, d'autant plus qu'apparemment, vous n'avez pas retrouvé Vassili non plus. Moi aussi, je suis bouleversé…
................- Vaillant-Rescapé et Vassili sont morts ? demanda une nouvelle fois le cheval de feu.
................- Au moins, pour l'Insécateur, c'est sûr, en effet. Vassili, on n'est pas sûr qu'il était dans la ville, ils ne l'ont pas encore retrouvé…
................- Il était avec moi, là-bas. J'en suis sûr.
................- Dimitri va devenir fou, se désola Niryo. Il espérait encore. Et nous aussi.

Les deux se turent. Niryo méditait sa tristesse, se retenant de se laisser pleurer. Les Mimigal ne cessaient de répéter être impatients de revoir leur père, qu'ils avaient tant de choses à lui demander et à lui raconter, ce qui était difficilement supportable pour le pauvre Marcacrin, qui n'osait rien répondre.

Newton reprit finalement la parole, hésitant :

................- J'ai vu dans le ciel, un grand oiseau. Je crois que c'est Ho-Oh. Je me souvenais de son… air.
................- Alors c'était bien lui, cet appel… Moi aussi, je l'ai senti passer. On raconte que c'est l'oiseau de l'équilibre entre Pokémon et humains, récita Niryo. Peut-être aura-t-il enfin consenti à venir voir ce qui se passait sur cette terre. Sans doute est-ce un peu tard, après tout ce que nous avons subi. Enfin, cela se serait-il passé autrement s'il avait accepté de nous aider la première fois ? Je n'en sais rien, seul Arceus pourrait le dire. Vaillant-Rescapé aurait sans doute été très différent. Pour son esprit, je pense qu'il en a été mieux ainsi… Aurait-il vécu plus longtemps ? C'était un guerrier, déjà un héros chez les humains… Il ne pouvait pas rêver d'une meilleure fin, de son point de vue.

Niryo s'aperçut qu'il avait perdu le Galopa depuis longtemps dans les méandres de sa réflexion. Il se tut, profitant du silence. Ho-Oh apporterait peut-être une aide à l'établissement de la paix dans la région, cependant, l'oiseau avait eu raison : il restait toujours un conflit entre humains à régler, un conflit qu'aucune amitié avec des Pokémon ne pourrait stopper simplement. Mais Dimitri n'avait-il pas dit que si ce coup d'audace réussissait, que si la ville était prise, la victoire leur serait assurée et ne serait plus qu'une question de mois ?