How does it feel - Avril LavigneCassy ne parla presque pas durant tout le trajet retour. Elle réfléchissait. Ce n'était pas possible... Cela ne pouvait pas être possible ! Un corps repêché, identifié, alors qu'il ne s'agissait pas du sien. Pourquoi avoir conclu qu'il lui appartenait ? Se pourrait-il que la victime lui ressemble ?
Elle n'écarta pas cette hypothèse, toutefois retrouver un sosie d'elle-même, de surcroît dans une rivière avoisinant sa ferme, cela ne pouvait pas être le fruit du hasard. Quelqu'un avait commandité ce plan. Qui, et dans quel but ? Voici les questions qu'elle se posait. La Team Galaxie démantelée, Eric mort, aucun ennemi mortel ne subsistait.
Etait-ce une menace ? Sylvain ne s'y résoudrait pas, quant à Sven, il n'aurait pas besoin de cette macabre mise en scène s'il désirait l'effrayer. De toute façon, Lilith ne permettrait pas que le disciple de son amie Artémis se retourne contre sa propre élève.
- Est-ce que tu tiens le choc ?
La jeune femme mit une fraction de seconde à s'apercevoir que Sandra venait de lui adresser la parole. Elle jeta un coup d'oeil dans sa direction pour voir ses prunelles turquoise la scruter avec insistance, l'air anxieux. En guise de réponse, elle secoua la tête de droite à gauche.
- Je ne suis pas choquée.
- Tu viens d'apprendre qu'un corps qui n'est pas le tien vient d'être tiré d'une rivière à proximité de l'endroit où tu vivais. N'importe qui le serait.
- Mais pas moi ! Je vous assure, je vais bien. La seule chose que je voudrais savoir, c'est à quoi tout cela rime.
- Effectivement, cela ne peut pas être une simple coïncidence.
La dracologue fronça les sourcils en remarquant que son amie ne réagissait pas. Sans rien ajouter d'autre, elle accéléra le pas pour atteindre le digicode de la porte de l'Arène. Elle rentra une série de chiffres dans le but de désactiver l'alarme qu'elle avait enclenché avant de partir, néanmoins cela n'eut aucun effet.
- Vous vous êtes peut-être trompée, suggéra Cassy en la voyant ôter son gant afin de recommencer.
Cette fois encore, l'appareil n'émit pas le bip sonore habituel indiquant que le mot de passe était le bon. La Championne posa une main sur la poignée de la porte, qui cliqueta sous ses doigts pour s'ouvrir aussitôt.
- Quelqu'un est déjà ici, murmura-t-elle à voix basse tout en désignant l'intérieur d'un pouce.
- C'est forcément une personne qui connait le code d'entrée. Vous pensez qu'il peut s'agir de Peter ?
- Mon cousin, venir à l'improviste ? Il n'est même pas capable d'effectuer le déplacement lorsqu'il est attendu. Reste sur tes gardes.
Cassy regretta amèrement d'avoir laissé ses gants de combat dans son armoire à l'étage, même si elle s'était fait la promesse de ne plus utiliser leur puissance dévastatrice maintenant qu'elle avait quitté la Confrérie.
Sa paume se plaça instinctivement sur sa sacoche, prête à saisir la pokéball de Draco à la moindre menace. Sandra écarta un pan de sa propre cape. Apparemment, elle s'apprêtait à en faire de même si la situation devenait vraiment trop dangereuse.
Sur la pointe des pieds, elles pénétrèrent dans le bâtiment, bien décidées à démasquer l'intrus avant que celui-ci n'ait l'occasion de s'enfuir. Par simple précaution, la dracologue ouvrit le placard à balais en s'efforçant de ne pas faire grincer les gonds pour s'armer d'un solide manche en bois.
Elles avancèrent en silence, mais une latte branlante du plancher vint les trahir. Elle émit un craquement sinistre qu'il faudrait être sourd pour ne pas avoir entendu. Des bruits de pas précipités leur parvinrent alors de la cuisine. L'inconnu se rapprochait. La jeune femme, n'attendant plus, lança la sphère de métal devant elle.
- Draco, utilise Ligotage !
- Stop, arrête ! s'écria une voix féminine aiguë. C'est moi !
La créature s'immobilisa aussitôt, reconnaissant en même temps que sa dresseuse ce timbre si particulier. Une tête blonde aux grands yeux bleus, quoique moins innocents qu'autrefois, fit son apparition dans le couloir. Léa semblait avoir gagné une bonne quinzaine de centimètres depuis qu'elles l'avaient confiée à la Maîtresse des poisons, et son corps était à présent celui d'une jolie adolescente.
- Je n'en reviens pas... murmura Cassy en la fixant, bouche bée, comme si elle craignait que ce soit un fantôme.
- J'ai appris tout ce que j'avais à apprendre. Circé a tenu sa part du marché et a accepté de me rendre ma liberté. Je suis revenue ce matin. Comme je ne savais pas où vous trouver, je me suis rendue directement ici. Après tout, avant mon départ, c'était encore notre quartier général.
La dresseuse ne répondit pas immédiatement. Elle se contenta d'observer son ancienne consoeur qui lui adressait un sourire chaleureux, les yeux pétillants de bonheur. Elle semblait réjouie de recouvrer son ancienne existence. Comment la jeune femme allait-elle bien pouvoir lui expliquer que la Confrérie n'était plus ? Cela risquait fort de lui briser le coeur.
- Sandra, vous voudriez bien me rendre un service, s'il vous plaît ? Pourriez-vous nous préparer du café ? Je crois que depuis tout ce temps, nous avons grand besoin de discuter.
- Pas de problème. Installez-vous donc dans le salon, en attendant. Vous y serez sans doute mieux qu'ici.
Cassy invita l'adolescente à la suivre dans la pièce voisine, dont l'accès se situait sur leur droite, où elles s'installèrent chacune dans un fauteuil. Léa ne paraissait pas comprendre cette distance qu'elle cherchait à imposer entre elles, contrairement à la porteuse du glyphe dragon chez qui cette mesure était devenue instinctive.
- Après notre combat aux Colonnes Lances, la Team Galaxie s'est démantelée. Sans Hélio, elle n'avait plus de raison d'être. Et sans ennemi... Nous non plus. Tu te souviens ? Nous avions déjà évoqué cette possibilité par le passé.
- Oui, je me rappelle. Vous n'êtes pas revenues sur cette décision ?
- D'un commun accord, il nous est clairement apparu que dissoudre la Confrérie était la meilleure chose à faire, sans cela comment reprendre nos vies, celles qui nous appartenaient réellement ?
- Je comprends. C'est vrai que, maintenant qu'il n'y a plus aucune menace, nous n'aurions pas servi à grand-chose. Où sont les autres, par contre ? Pourquoi es-tu la seule à te trouver ici ?
- Léa... Quand je dis que toute cette histoire est terminée, je le pense réellement. J'ai coupé chaque lien qui me rattachait aux autres, et je suis persuadée qu'elles en ont fait de même de leur côté.
- Mais... Pourquoi ?
- Tu verras, quand tu seras un peu plus âgée. Tu t'apercevras bien vite que les choses ne sont pas faites pour durer. Nous formions une équipe, certes, mais nous n'étions pas amies, seulement collègues. Sans la Confrérie, rien ne nous forçait à nous revoir, ce que nous n'avons d'ailleurs pas fait.
- Moi, vous étiez mes amies.
- Je ne t'interdis pas de rendre visite aux autres, si tu le désires. Je t'explique simplement le choix pour lequel j'ai opté et les raisons qui m'y ont conduite.
Le visiophone sonna, de l'autre côté du mur. La voix étouffée de Sandra leur parvint lorsqu'elle les informa qu'elle se chargeait de prendre la communication. Les deux filles purent ainsi poursuivre leur conversation sans être interrompues.
- Et les autres, alors ? Où sont-elles ? interrogea l'adolescente. Et Tina ?
- Tina va bien. Circé lui a sauvé la vie. Elle travaille désormais à l'Arène de Rivamar. Marion est repartie pour Fiore, Esméralda a...
- Cassy, appela soudain la Championne.
- Une seconde, j'arri...
- Cassy !
A l'écoute de son ton autoritaire, la jeune femme se leva d'un bond. Que se passait-il ? Etait-ce en lien avec l'appel visiophonique qu'elle venait de recevoir ? Craignant le pire, elle ouvrit la porte à la volée pour se précipiter dans le couloir, où la dracologue se tenait debout, le combiné à la main.
- La voilà, je vous la passe.
Elle lui tendit l'objet et contraignit la dresseuse à s'asseoir sur le petit banc qui faisait face à l'écran. Le visage échevelé de Cynthia s'y trouvait déjà. Elle s'approcha un peu plus de la caméra, comme si elle cherchait à la distinguer encore davantage.
- Cassy, tu m'as fait tellement peur !
- De quoi voulez-vous parler ?
- Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Je t'ai cru morte, moi !
- Ah... Vous avez regardé le journal télévisé. Pour tout vous dire, je n'en ai pas la moindre idée. Une chose est sûre, cependant : je suis parfaitement vivante. Ce n'est donc pas moi que la police a retrouvée noyée. Ils se sont trompés.
- J'étais folle d'inquiétude. Imagine ma réaction lorsque j'ai appelé Régis pour avoir de tes nouvelles et qu'il m'a appris que tu ne travaillais plus au laboratoire depuis près de trois semaines.
- Il vous a dit pourquoi ? s'enquit aussitôt la jeune femme en se mordant l'intérieur de la joue.
- Seulement que vous aviez quelques... divergences d'opinions. Il paraitrait que tu ne parviennes toujours pas à t'entendre avec Sacha et lui m'a dit qu'il n'appréciait guère... l'influence que Lilith a sur toi. Oh, Cassy, je t'en prie, dis-moi que tu n'es pas avec elle !
- Et même si c'était le cas, qu'est-ce que cela changerait ?
Elle lui lança un regard ferme, qui parut surprendre un instant la Championne de Sinnoh. Il était grand temps pour elle de lui faire comprendre qu'il s'agissait de sa vie, et qu'elle la mènerait à présent comme bon lui semblerait. Devant une détermination aussi farouche, quoique silencieuse, Cynthia s'inclina :
- Tu as raison, cela ne changerait rien.
- Pour le moment, je suis avec Sandra. Je suis venue ici dès que j'ai quitté le Bourg-Palette afin de reprendre mon entraînement. J'ai bien l'intention de défier Peter très prochainement.
- Pourquoi ?
- Je dois admettre que les combats me manquent, et je n'imagine pas d'autres défis plus grands que celui-ci. Rassurez-vous, je n'ai pas l'intention de devenir Maître de la Ligue de Johto, même si je réussis à le défaire.
Son interlocutrice acquiesça d'un signe de tête, ses boucles blondes s'agitant autour de ses traits fatigués. Elle s'apprêtait à raccrocher lorsqu'elle interrompit son geste et reporta le combiné à son oreille.
- Je suis heureuse de savoir que tu vas bien.
- Je vous remercie. Cynthia...
- Oui ?
- Félicitations pour votre bébé.
Elles échangèrent un sourire sincère, puis coupèrent la communication en même temps. Cassy n'était pas mécontente d'avoir revu son amie de toujours, mais elle ne se sentait pas prête à lui refaire une place dans sa vie. Elle avait une fois encore eu la preuve de sa tendance à la materner, or cela n'était plus nécessaire. Elle devenait une personne forte, accomplie, ainsi qu'elle le prouverait au monde entier le jour où elle affronterait Peter sur le Plateau Indigo.