Suivre son coeur de Clafoutis

Désormais, cette cloche cristalline était une habitude. Chaque matin, à 8 heures précises, elle résonnait à travers tout l'Institut. Elle annonçait le début des cours, et en l'occurrence, maintenant, le cours de Mr. Ivy pour la 1-C. "The Rewriters" arriva et à l'instar des autres groupes, s'installa sur la table qui leur était réservée. Mr. Ivy était déjà là. Sûrement que la peur d'être en retard le tiraillait encore. Au grand damne de tous, les jumeaux ne s'étaient pas représentés, avaient-ils décidé de sécher le cours ?
Le professeur se leva de son bureau et demanda le silence d'un coup sec sur le bureau :

« Euh... les enfants ! Enfin, je veux dire... les enfants...
–Oui ? s'interrogea un élève devant le ton hésitant de l'enseignant.
–J'ai deux... nouvelles à vous annoncer... euh... enfin trois mais... une n'est pas importante...
–Hein ?
–Alors euh... la semaine dernière... j'ai oublié de vous dire quelque-chose... d'un peu... on va dire... non-négligeable ? Oui, c'est le mot ! Hahaha !

Les élèves restèrent silencieux.

– Voilà, c'était la première chose... celle qui n'était pas très importante... la deuxième est que... vous connaissez la Sortie Forestière ? C'est le test annuel des premières années. Alors ... euh... voilà, voilà !
–...
–C'est après-demain.
–...
–Je veux dire... la sortie... c'est ... après-demain.
–... ... HEIIIIIIIIIN ?!!
–Hahaha... je ne sais pas pourquoi mais... je savais que vous alliez réagir comme ça, hahaha ! Hum... je ne sais pas ce qu'il m'est passé par la tête, j'ai oublié ce simple détail... hahaha ! »

Simple détail qui avait de son importance pour la plupart des élèves. Et alors que Mr. Ivy allait continuer son discours hésitant, la porte s'ouvrir brutalement :

« Waaaaaah ! Excusez-nous on est en retard ! »

Un silence général. Personne ne s'attendait à revoir ses deux individus aussi vite. Comme si deux fantômes venaient d'apparaître, la classe resta les fixait, pétrifiée.

« Hé ! Pourquoi vous nous regardez comme, ça ? On a quelque-chose sur le nez ?
–Oh ! reprit Ivy. Lann et Lynn ! Hahaha ! Ne vous inquiétez pas, vous n'êtes pas si en retard que ça... et de toute façon vous n'avez rien raté de véritablement important ! Hahahaha !

Décidément, ce professeur aimait se voiler la face. Après avoir fait signe aux jumeaux de regagner leur place, Ivy fit une nouvelle déclaration qui réveilla instantanément tous ses étudiants dubitatifs:

–Et la troisième chose c'est que... je vais vous rendre les tests de pré-requis de la semaine dernière !
–HEIIIIIIIN ?!! »

Ivy avait l'art de faire réagir ses troupes. En effet, lors de son troisième cours la semaine dernière, le professeur en avait profité pour tester les connaissances générales de ses élèves à l'aide d'un questionnaire. Test qui faillit couper court à sa réputation de "gentil prof" d'ailleurs. Pendant qu'il distribuait les copies, Ivy en profita pour expliquer ce qu'il devait annoncer il y a déjà quelques jours.

« Alors, la Sortie Forestière ! Hé, ne me regardez pas comme ça ! Personne ne vous a dit qu'il vaut mieux tard que jamais ?! Hum... hahaha ! Alors... donc, cette sortie commence après-demain, ce jeudi donc. Et elle dure une semaine entière ! Alors préparez-vous bien ! Enfin... dans le peu de temps qu'il vous reste ! Hahaha ! ... je vous ai déjà dis d'arrêtez de me regardez comme ça ? Je commence à avoir peur... Bref, cette semaine sera une véritable épreuve ! Puisque pour l'occasion, vos Pokédoll n'auront que sept gemmes Bronze sur elle ! Vous l'avez peut-être déjà remarqué, mais les Bronze sont tellement faibles qu'elles ne permettent au Pokédoll de fonctionner uniquement un jour ! Et à condition de faire le moins d'effort possible. En ce qui concerne votre nourriture, vous aurez vous aussi sept rations de survis ! Pas de jaloux !
–Mais professeur ! On sera seul dans une forêt sauvage ?!
– Non ! Bien sûr que non ! Vous serez dans une partie du Bois aux Chênes qui appartient, et qui a été spécialement aménagée pour l'occasion ! De plus, vous serez chacun avec votre groupe, bien entendu. Et si vous avez vraiment de gros problèmes, vous pourrez également utiliser un émetteur spécial d'urgence qui nous permettra à tous les coups de retrouver votre position et de vous sortir de là en un éclair ! Bien que théoriquement, il ne devrait rien se passer de véritablement grave... Enfin je crois, je ne suis professeur ici que depuis un peu plus d'une semaine, je ne connais pas tous les secrets de l'établissement ! Hahahaha !

Ivy avait réellement un don pour rassurer ses élèves.

–Hé ! Pas la peine d'avoir peur ! Et donc, pour réussir cette épreuve, il vous faudra "survivre" la semaine entière et en plus, avoir au moins une Pokédoll par groupe avec encore un minimum d'énergie ! Dans le cas contraire, la mission ne sera pas accomplie. Et n'espérer pas rester au même endroit à paresser une semaine entière ! Nous aussi on va en profiter pour nous amuser un peu ! Oh ! J'en ai peut-être trop dis, là ! Hahahaha ! Hum, bref. Voilà, j'ai fini d'expliquer pour la sortie et ... j'ai fini de distribuer les copies ! Je vous laisse un peu de temps pour les relire et si vous avez besoin d'aide vous savez où me trouver ! ... Enfin, je reste dans la classe quoi, donc c'est facile de me trouver... Allez ! Au travail !

Malgré certains grognements de protestation, la plupart de la 1-C se plongea dans leur nouvelle copie fraîchement corrigée. Certain rire se firent entendre. En effet, Ivy avait dessiné sur chaque copie un petit visage humoristique accompagné d'un mot d'encouragement. Il fallait quand même constater que les rires s'estompaient rapidement une fois que la note était aperçue.

« Oui ! s'exclama Célio. 70/100 ! Tu as eu combien toi, Yuki ?
–Hum ! 70/100... comme toi. Ça va être dur de nous départager si on continue comme ça...
–C'est marrant qu'on a eu la même note ! Et toi Shiro ?
–... ... ... Il fait beau aujourd'hui.
–Shi...Shiro ?
–Le soleil brille, les oiseaux chantent...

Agacé, Yuki arracha rapidement la copie des mains de la demoiselle.

–... ... 2/100... sérieusement ? s'étonna Yuki un peu sur le choc.
–... Oui, il fait vraiment beau aujourd'hui.
–Arrêtes de renier la réalité ! 2/100 ! C'est la note de groupe qui va en prendre cher !
–... Si tu regarde bien, Mr. Ivy m'a donné un gentil message d'encouragement !
–Hein ? Vraiment ?! Alors voyons voir... "Courage ! Tu ne peux pas aller plus bas ! Probablement !" ... ... ce prof est vraiment optimiste.
–Mais il a raison ! La prochaine fois je ferais sûrement plus ! Comme par exemple 3/100 ou 4/100 ! Il ne faut jamais perdre espoir dans la vie. Partir du bas pour monter plus haut... ce n'est pas ça ta politique, Yuki ?
–Ou..oui... je me souviens avoir dis ça mais... il ... faut être réaliste...
–Et... hésita Célio devant la situation. Et toi Fa ? Tu as réussis ?

La demoiselle était en larme. Elle regarda un instant ses compagnons avant de se précipiter vers le bureau de Mr. Ivy :

–Oh ? Mr. Doremi ? Vous avez un problème ?
–Noooooon ! s'écria Fa. Ce n'était pas des fautes d'orthographes !
–Ah ? Là ? Oh, j'ai remarqué que vous avez un certain problème dans l'utilisation des genres... comme là par exemple "Je suis gentille avec ma Pokédoll". Comme vous êtes un garçon, il fallait écrire "Je suis gentil", et ça arrive plutôt souvent ce genre de fautes dans votre copie...
–Nooooooon ! Professeur !! Je SUIS une fille !
–...
–Pourquoi vous me regardez comme çaaaa ? Vous ne me croyez pas ?

Fa avait du mal à retenir ses émotions qui s'écoulaient chaudement sur ses joues.

–Euh..., hésita Mr. Ivy, vous ... vous en êtes sûr ?
–Ouiiiiiiiiiiiiii ! Comment je pourrais ne pas le savoir !
–Vous ... vous savez... je sais que des fois certaines personnes désirent tellement le sexe opposé qu'ils ont des confusions avec leur propre personnalité mais je ne savais pas qu'on pouvait avoir ce problème aussi jeune...
–Noooooooooon !! JE SUIS UNE FILLE !! Ce n'est pas marqué dans vos registres ?!
–Eh bien, à vrai dire...

L'enseignant sorti ses fiches de la classe 1-C et le résultat fut sans appel.

–Hein ? Hein ? "Fa Doremi, Sexe : Indéterminé" ?! Mais qu'est ce que ça veut diiiiiiiiiire !!
–Au début, j'ai cru que "Fa" était le nom d'une fille, mais en vous voyant, je suis vite revenu à la réalité ! Je veux dire, regardez-vous ! Il n'y a aucun doute, vous êtes un garçon ! Vous portez même l'uniforme des garçons !
–Comment ça "regardez-vous" ?! Ça ne se voit pas que je suis une fille ?!
–Je... je suis désolé de briser vos rêves mais ... vous ... vous êtes un garçon...
–Noooooon ! Ce n'est pas vraiiiii !

Edouard Ivy posa une main compatissante sur l'épaule du pauvre garçon-manqué.

–Il fallait que quelqu'un vous le dise un jour... »

Le visage encore embué par les larmes, Fa retourna à sa place avec sa copie. Et dans un moment de doute, elle se tourna vers Shiro.

« Dis, Shiro. Est-ce que je suis un garçon ?
– ... ... ... ai-je le droit de garder le silence ?

Ce fut le coup final.

–Waaaaaaaaaah ! Ouiiiiiiiiiin !

Fa craqua. La triste réalité l'assomma.

– Ouiiiiin ! Mais je suis une fiiiiiiiiille ! »

Célio et Yuki voulu compatir au malheur de la jeune fille, ou jeune garçon, mais ils se ravisèrent rapidement en apercevant sa note.

« 100/100... grogna Yuki. Je ne peux pas pleurer pour elle dans ces conditions.
–D'une certaine manière ... murmura Célio, je ... je te comprends...
–Hum, j'ai besoin de me rassurer, reprit Yuki. Regardons la copie de Shiro, ça va m'aider... »

Rapidement, Yuki subtilisa encore une fois la copie de son amie et se mit à la lire. Peu à peu, son visage devint blanc, puis un peu bleu avant de finir complètement vert.

« Raaaaaaaah !! explosa t-il. Mais c'est quoi toutes ses horreurs ?! Depuis quand le type Feu bat le type Eau ?!
–Hé ! protesta Shiro. Personne ne t'as appris à ne pas lire le travail des autres sans permission ?
–Parce que tu appelles ça du travaille ?! Le Feu qui bat l'Eau ! N'importe quoi !
–Si jamais tu enflammes une petite goutte d'eau, elle va s'évaporer ! On peut donc en déduire que le Feu est plus fort que l'Eau !
–Théoriquement ..., ajouta Célio,... elle n'a pas tort...
–C'est quoi ce raisonnement absurde ?! Et là : "Le type Fée bat tout les autres parce qu'il est trop mignon !"
–Mais c'est vrai !
–En quoi le fait qu'il soit "Trop mignon !" le rend plus fort que d'autres ?! Et c'est pas fini ! "Comment imaginez-vous votre futur ? Réponse : Comme un gros pain au chocolat !"
–Hé ! Il m'a donné 2 points pour cette réponse !
–Je crois que c'était une question bonus... et il a certainement dû avoir pitié...
– Quoiqu'il en soit, rends-moi ma copie !
–... ah... je n'ai même plus la force de protester...

Abattu, Yuki se laissa s'écrouler sur la table.

–Mais ! voulu le rassurer Célio. Si on compte toutes nos notes, on a une moyenne d'environ 60/100 !
–Oui ! compléta Shiro. C'est ça l'esprit ! Le travaille de groupe !
–Le travaille de groupe serait plus efficace si on n'avait pas un boulet avec nous !!
–Yuki... tu prends ça trop à cœur. Essaie d'être optimiste comme Célio !
–Raaaah ! Laissez-moi tout seul, je ne suis qu'un loup solitaire incompris, entouré d'idiots...

Pendant que Fa continuait de pleurer toute les larmes de son corps, et que Yuki maudissait Shiro, cette dernière exposait fièrement les "explications" ses étranges réponses à Célio.
Quant aux Pokédoll, elles jouaient paisiblement sous la table. Osselait et Pichu se regardaient droit dans les yeux. Pichu avec un énorme sourire naïf et Osselait avec son désormais habituel regard examinateur. L'espace d'une seconde, Osselait se demanda si donner un gros coup de son os sur la tête du Pichu lui ferait perdre son sourire. Finalement, il n'en fit rien : son os était beaucoup trop précieux pour être utilisé sur un être tel que ce Pichu. Chlorobule, elle, essayait tant bien que mal d'approcher Riolu, qui lui, faisait tout son possible pour l'éviter. Ce jeu de chat et la sourie dura un bon moment, jusqu'à ce que Chlorobule utilisa sa Poudre Dodo afin de calmer radicalement sa proie. Impuissant, Riolu se transforma en véritable poupée appartenant entièrement à la petite plante... Heureusement pour lui, sa terrible angoisse combinée au sommeil ferait qu'il ne se souviendra de rien à son réveil. C'était pour le mieux.

« Au faite, Shiro ! remarqua Célio. Tu vois, Lann et Lynn sont redevenus comme avant !
–Oui... hahaha... je me suis vraiment conduite comme une imbécile...
–Ne dis pas ça ! Tu as juste voulu suivre ce que ton cœur te disait ! Tu pensais faire la bonne chose !
–Hahaha... Célio, tu es vraiment gentil. »

Le garçonnet lui adressa un sourire gêné, et alors qu'il voulu répliquer, un cri soudain l'en empêcha :

« Quoi ?! Uniquement 98/100 ? Et tu oses encore me critiquer ?!
–Tu parles comme si tu avais eu plus que moi ! Idiote !
–Mes réponses étaient plus précises que les tiennes ! Toi, tu ne t'es juste contenté de répondre le plus simplement possible !
–Contrairement à certaine, je ne passe pas mon temps à étaler ma vie sur mes copies ! Comment comptes-tu atteindre la perfection si tu ne vas pas toujours à l'essentiel ?
–Je suis beaucoup plus proche de cette perfection que toi, en tout cas !
–C'est ça, imbécile ! Continue de réagir comme ça, et c'est sûr que tu va l'atteindre cette "Perfection" ! Ah !

Encore, encore une fois. Lann et Lynn se disputaient. Et c'étaient toujours cette discussion qui n'avait pas vraiment de sens... comme s'ils se criaient dessus parce que c'était un besoin. Un besoin vital.
Et encore une fois, les deux adversaires ne purent se calmer sans devoir en revenir aux mains. Une fois de plus, les coups pleuvaient, des gémissements de douleurs se faisaient entendre et de minces filets de sang entachaient le sol... Le professeur Ivy sauta de son bureau les séparer.

–Attendez ! Mais qu'est-ce qu'ils vous arrivent ! Ce n'est pas bien de se battre !
–Ah ! s'exclama Lynn. Voilà le bleu qui apparaît ! Je me suis toujours demandée ce que vous fichez ici, dans cet Institut !
–... Lynn ? Euh... mais qu'est-ce qu'il te prend ? Je ... je ne comprends pas !
–Hé ! continua t-elle. On est dans la prestigieuse Institut de Johto, non ? On n'est pas censé avoir les meilleurs professeurs de la région ?
–Sache que j'ai eu les meilleures notes de toute ma promotion ! Mais là n'est pas la question ! Vous... vous tellement gentils d'habitude ! Vous mettez même une agréable ambiance dans la classe ! Alors ... pourquoi ?
–"Les meilleurs notes" ? rebondit Lann. Oh. Ils acceptent les pots-de-vin, ceux qui forment les nouveaux enseignants, maintenant ? Ou alors votre promotion devrait être vraiment faible. C'est vrai quoi ! Vos cours sont tellement pitoyables !
–Lann ! protesta Ivy désemparé. Je... je ne te permets pas ! S'il vous plaît... calmez-vous ! Ne m'obligez pas à user de mon autorité...
–"Votre autorité" ? s'amusa Lynn. Un bleu incapable comme vous ? Humpf ! Au moins, vous avez plus de tripes que ce "Kazé". Très bien, ne vous donnez pas cette peine. J'en ai ma claque de ce cours de toute façon.
–Tss, ajouta Lann d'un ton méprisant. Je n'aime vraiment pas être d'accord avec elle dans ces situations mais... Moi aussi je m'en vais. On se reverra à la sortie forestière, "professeur". »

Edouard Ivy ne pu empêcher ses deux élèves de quitter la salle. Comme tous les autres, il ne comprit pas la situation. Ces deux enfants étaient habituellement si adorables ! Quelle mouche les avait piqués ?

« C'est comme la dernière fois...
–Dîtes, vous pensez que c'est grave ?
–Je ne sais pas... cette dispute était étrange, si vous voulez mon avis...
–Lann... Lynn...
–Je pensais qu'ils s'étaient réconciliés !
–Pourtant ils ont eu 98/100... alors, pourquoi se disputer? »

Les interrogations des élèves étaient naturelles. Un autre incident, aussi inattendu que celui de la veille, s'était déroulé. Cette fois-ci, le doute n'était pas permis : ce n'était pas une simple dispute anodine. Il régnait une réelle tension entre les deux jumeaux. Non, pas uniquement, il y avait aussi un mur invisible entre eux et le reste du monde. Un mur qui les enfermait dans un monde impossible à atteindre de l'extérieur. Lann et Lynn, les deux anges déchus. Que leur étaient-ils arrivés ? En ce moment, c'était la question à laquelle la classe entière voulait trouver une réponse. Cette fois-ci, le soleil n'allait pas revenir aussi facilement, la brume allait s'installer pendant un moment... et avec la ferme intention de rester le plus longtemps possible.