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» Auteur : GloomyKanon - Voir le profil
» Créé le 10/09/2013 à 01:03
» Dernière mise à jour le 23/10/2013 à 15:44

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Chapitre 1 - Press Start !
Yo, c'est Kanon. Certains ont peut-être lu ma fiction Devoratorium sur ff-fr.net ou tel ou tel forum, sous mes autres pseudonymes. Ils savent donc à quoi s'attendre (= du WTF). Pour les autres, bah… faites-vous une idée 8D et merci d'avance si vous vous lancez dans l'aventure qui vous est proposée ici (moins un voyage initiatique qu'un gros mindfuck). Je vais essayer de me cantonner à 10 pages chaque fois.

Commencée le 23/07/13.

Anyway, bonne lecture ! =D

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Chapitre 1
Press Start !


Pokétopia était le genre d'endroit dont l'animation ne déclinait jamais. Quelle que soit l'heure, les rues grouillaient de monde, attendant l'ouverture du prochain Colisée – il y avait des matchs du matin au soir, mais également du soir au matin – ou, pour les moins chanceux ou fortunés, se tassant devant les écrans géants et ceux des bars. Les établissements autour, même n'ayant rien à voir avec les challenges Pokémon, profitaient du flux incessant et avide de divertissements : casinos, attractions, boîtes de nuit…
Jamais le brouhaha ne faiblissait, mélange de musiques sortant d'un bâtiment à l'autre, des bruits de la foule, des cris des Pokémon, des manifestations d'artistes de rue, des présentateurs et des attaques lancées dans les colisées. Jamais les lumières ne s'éteignaient, celles des néons bariolés, des écrans démesurés, des spots, des décorations criardes, des publicités interminables.
Plus vive est la lumière, plus noire est son ombre. Plus forte est la clameur de la foule, plus les sons s'y perdent. Plus insouciants et alcoolisés les gens sont, plus on a de chances de passer inaperçu. Nos héros le savent très bien.
Certains casinos offraient contre des jetons des Pokémon rares, difficiles voire impossibles à trouver à l'état sauvage dans ce monde de plus en plus dominé par l'espèce humaine. Ces créatures destinées à devenir des trophées étaient gardées pour la nuit dans un centre de stockage. « Garder » n'étant qu'un terme pour faire plus joli : la sécurité était minimale, tellement qu'ils n'eurent aucun mal à s'infiltrer.
Une grille d'aération retirée de ses gonds vit en quelques secondes à peine passer une silhouette gainée de noir et chaussée de hauts talons. Un miracle que ces derniers ne firent aucun bruit en touchant le sol patiné de l'entrepôt… ça, ou le résultat d'une longue pratique, qui pouvait amener à se demander qui exactement se la jouait ninja dans une pièce pleine de Pokémon sans défense, plongés dans les limbes du sommeil.
Le « ninja » était en l'occurrence une jeune femme désorientée par la quasi-obscurité des lieux, après des mois passés sous un ciel nocturne pâli par les lumières vibrantes de cette île-attraction. Le cadre de la grille d'aération dégageait tout juste une lueur suffisante pour laisser deviner des formes sombres, angles des étagèrent et courbes des sphères.

- Je prends lesquelles ? chuchota-t-elle en direction du carré de ciel.

La tête de son complice se découpa brièvement sur le bleu roi livide.

- N'importe, on s'en fout. Grouille-toi juste ! répondit-il dans un souffle nerveux.

Elle leva les yeux au ciel et fit quelques pas silencieux entre les étagères. L'encre des étiquetages se fondait dans le noir : loin du regard de la foule, on n'avait pas besoin de faire briller le plus petit cartouche d'information. Elle finit par saisir deux sphères sur deux étagères assez éloignées l'une de l'autre, elle le supposait, pour leur donner des types différents. Elle les fourra dans son décolleté tout en retournant vers la sortie improvisée, dont jaillit un câble.

- Bah ça, souffla-t-elle platement, j'ai même pas eu le temps de dire « Rapunzel, gente demoiselle, descends-moi tes… »
- Dépêche-toi et grimpe ! la coupa-t-il.

Ces jeunes, et leurs problèmes d'hormones les rendant chiants, songea-t-elle avec philosophie, s'exécutant néanmoins. Il ne fallait pas lui donner un ulcère, hé ? Déjà que c'était éruption de boutons sur sa gueule, le pauvre gamin…
Il tira sur le câble pour l'aider à monter, tandis qu'elle s'aidait d'une étagère pas trop branlante stupidement placée à côté du conduit. C'était un atout providentiel, parce qu'avec juste un adolescent fluet et du matos qu'on ne pouvait même pas qualifier de seconde main, elle n'aurait pas été bien loin par-là. Tandis qu'elle se hissait dans le cadre, il passa ses bras sous ses aisselles et la tira sur leur échafaudage improvisé : des caisses empilées les unes sur les autres, même pas par eux en plus.

- Tu les as toutes les deux ? demanda-t-il, pressé.
- Évidemment. Relax, man, c'est pas la première fois qu'on fait ça non ?

Décontractée, elle lissa sa vieille combinaison noire moulante. Un petit pan au niveau de sa poitrine était abîmé, comme si on y avait arraché quelque chose, par exemple un écusson. Ça ne se voyait pas dans le noir, mais elle le sentait sous ses doigts, tel un rappel.
Quinn et Hellä s'étaient rencontrés deux ans et demi auparavant. Ils n'avaient rien en commun : elle avait vingt-et-un ans depuis peu, lui à peine plus de treize, elle était un peu paumée et lui, un sale môme sur la mauvaise pente. Oh, elle aussi, en fait, elle n'était pas vraiment sur le droit chemin – on ne s'engage pas dans la Rocket quand tout va bien dans sa caboche, à moins d'être taré.
Voler des Pokémon selon ce mode opératoire – ombres dans la nuit, infiltration discrète, passage éclair, échappée digne d'un fantôme – avait été leur pain quotidien jusqu'à ce que des dresseurs un peu trop fouineurs battent une fois de trop à plate-couture le Boss, marquant la fin de l'organisation. C'était il y a un an, et depuis Hellä travaillait ici, à Pokétopia. Si elle devait décrire ce qu'elle avait ressenti au moment de la chute de la Team Rocket, ce serait en deux mot : soulagement… et désorientation.
Que faire ensuite ? Les sbires étaient en cavale, fuyant les autorités. Après tout, très peu de larbins seraient attrapés. L'uniforme leur garantissait un certain anonymat. La police se concentrait avant tout sur les gradés, ceux connus des services. Hellä n'en faisait pas partie. Elle était un de ces fantômes qui entrent et sortent sans bruit, et elle joua de ce talent pour rallier un endroit plus neutre, plus sûr : Pokétopia.
La ville du péché, une Babylone extravagante et effervescente où il était facile de se fondre dans la masse. Elle avait repris son vrai nom, balayant son pseudonyme dans l'organisation, et trouvé un travail facilement. Elle n'était pas un top-modèle mais elle se débrouillait bien et n'était pas avare de sourires. Elle avait été hôtesse dans le casino de la Rocket avant d'endosser un uniforme…
Mais elle ne pouvait pas disparaître pour tout le monde. Elle l'avait compris la semaine dernière, quand Quinn s'était pointé sur son lieu de travail. Qui mieux que son ancien partenaire pouvait la reconnaître dans le public d'un match mondialement retransmis, en train de servir des boissons ? Le garçon qu'elle avait connu avait changé pendant cette année à errer sans but, mûrissant d'un coup. Cherchant à réparer ses erreurs passées. À devenir meilleur…
Une tâche effrayante quand on est seul au monde.
Hellä ne pensait pas être le modèle idéal – la preuve, ils venaient de voler leurs premiers Pokémon –, mais elle n'était pas dénuée de cœur non plus. Elle ne pouvait pas laisser un adolescent perdu tout seul. S'il essayait de se remettre sur les rails et qu'il avait besoin de soutien, elle n'allait pas le pousser sur le bas-côté comme une garce. Son plan était foireux, certes, mais elle ne se voyait pas serveuse dans cette cacophonie psychédélique toute sa vie, non plus…
Hellä n'avait pas eu l'occasion de partir en voyage initiatique. Elle ne se souvenait pas du premier Pokémon qu'on lui avait mis dans les mains, ni pour quelle mission crapuleuse elle l'avait envoyé sur le terrain. Les Pokémon ne l'intéressaient pas spécialement, comme les gens dans la foule n'attiraient que rarement son regard. Elle ne trouvait pas les matchs spécialement divertissants, elle n'avait jamais rêvé de battre la Ligue Pokémon. Elle appréciait un bon Pokéathlon, mais là encore, le dressage était quelque chose que les autres pratiquaient, pendant qu'elle les regardait de l'autre côté de l'écran en léchant des glaces.
Mais Quinn voulait faire ça. Il voulait expérimenter ce dont une adolescence dans la pègre l'avait privé. Il voulait un Pokémon, pour en capturer d'autres, s'améliorer et combattre les champions. Après, on verra, mais huit badges et une Ligue font toujours bien dans un CV, lui avait-il rappelé. Avec au moins huit badges officiels, elle pourrait sûrement faire quelque chose de plus intéressant que serveuse.
Alors, pourquoi pas ? Ces deux Pokémon volés ne manqueraient à personne, et ce serait leur dernier méfait, avait-il promis. Il gagnerait son pain honnêtement désormais, en livrant des matchs, en remportant des compétitions, en prenant ce qui se présenterait à lui dans les villes sur leur chemin. Hellä, quant à elle, avait un an de salaire et de pourboires monstrueux de côté. Voyager l'enchantait. Elle n'avait jamais opéré qu'à Kanto, quand elle était dans la Team Rocket. C'était parfait pour faire table rase.
… Après, ils avaient quand même volé des Pokémon. Départ exemplaire.
Quinn remit la grille d'aération en place et resserra ses boulons rouillés, la tirant de sa rétrospection des derniers événements. Puis il bondit au sol et tira d'un coin plus sombre que le reste un sac mou. Hellä comprit le message et l'imita, récupérant des vêtements plus passe-partout dans le bagage. Quinn se détourna et fit le guet, embarrassé, tandis qu'elle troquait son vieil uniforme Rocket pour un top en séquins et un jean moulant, ne conservant que ses talons hauts.
Après avoir remballé leur maigre matériel et vérifié que la voie était libre, ils se mêlèrent à la foule, direction le motel où logeait Hellä depuis un an et où Quinn avait fini par louer une chambre. C'était le moins cher de l'île, loin de tout, surtout fréquenté par des saisonniers et des vacanciers fauchés. Personne ne fit attention à eux.

- Tu peux me donner la mienne, s'il te plaît ? dit Quinn quand ils arrivèrent devant l'établissement.
- Oh, j'allais oublier, désolée ! répondit-elle en fouillant sans complexe dans sa brassière. Laquelle tu veux ? demanda-t-elle, tout sourires, en exhibant les deux Pokéball.

Quinn grimaça et répondit :

- Celle qui a moins été en contact de tes seins… ?
- OK, acquiesça-t-elle en lui tendant la Pokéball en question.

Quinn la saisit presque avec révérence, lui qui en avait volé des dizaines auparavant. L'étincelle dans son regard relevait de l'émerveillement enfantin et Hellä sourit. Ses émerveillements à elle remontaient à loin – une belle plage un été dans son pays natal (un mois trop court qu'elle tuerait pour revivre), un combat particulièrement serré entre Lovis le Teigneux et Chuck d'Irisia à la télévision –, et voir cela sur ce visage qu'elle avait connu renfrogné et encore rond lui réchauffa le cœur. Quinn était si absorbé dans sa contemplation qu'il sursauta quand elle lui souhaita bonne nuit.

- Bonne nuit, couina-t-il presque.

Elle avait presque atteint la porte de sa chambre quand il ajouta :

- Et merci pour m'avoir aidé !

Sans se retourner, elle lui fit un petit salut militaire et s'enferma dans sa chambre. Quinn avait son nouveau Pokémon pour s'occuper. Elle aussi, maintenant qu'elle y pensait.
Sans se presser, Hellä fit un peu de rangement, remplissant sa valise et son sac de ses maigres possessions. Si les vêtements grunge qu'elle affectionnait avaient l'air de revenir des tréfonds de l'Enfer, ses bagages étaient neufs. Quand Quinn lui avait proposé sa petite magouille, elle n'avait su résister : il lui fallait des nouvelles affaires trop cool !
Tout était plutôt excessif, dans le coin, mais les objets étaient magnifiques, et les fournisseurs les vendaient pour trois fois rien au moindre petit défaut. Sa tente qui se dépliait toute seule (une innovation, pourquoi s'emmerder avec des piquets ?) avait une tache de rouille au niveau de la fermeture éclair et son cabas fourre-tout une rayure sur une décoration argentée. Le reste était plein de petits défauts comme ça. Pas de quoi fouetter un Chaffreux, en gros. Elle avait à peine eu à recoudre une minuscule déchirure sur son sac de couchage violet à grosses fleurs roses tout choupi-kawaii !
Tout ça sentait bon le neuf, l'aventure et les voyages. Elle était impatiente de partir, à présent. Le bateau pour Johto partait à 7H du matin – elle jeta un coup d'œil à son Pokématos : encore trois heures. Elle vérifia qui ne lui manquait rien dans la chambre, et elle finit par en revenir à la sphère rouge posée sur le lit.
Hellä n'espérait pas devenir une vraie dresseuse un jour – elle avait appris longtemps auparavant que l'espérance était un poison, et qu'il valait mieux se contenter de l'accessible pour être heureux. Elle ne s'attendait pas à accomplir quelque chose d'extraordinaire, à devenir quelqu'un de bien. Elle n'était pas foncièrement mauvaise, alors pourquoi vouloir changer ?
Ça n'allait rien changer, décida-t-elle en saisissant la Pokéball. Elle admira sa surface presque aussi lisse qu'un miroir, vit son reflet s'y mouvoir, un peu flou et déformé. Elle réalisa que, même si elle l'avait volé, c'était à elle à présent. Ce n'était pas un Pokémon attribué au hasard avant une mission, pioché dans la réserve des sbires de bas niveau, puis replacé dans le lot au retour. C'était son Pokémon, bien qu'elle n'aimait pas trop comment ça sonnait – ça faisait un peu maître parlant de son esclave, mais elle ne pouvait pas parler d'ami ou de compagnon. Pas encore.
À présent curieuse de connaître ce que le sort lui avait attribué, Hellä lança la Pokéball d'une main légèrement tremblante.
L'idée qu'il puisse s'agir d'un Wailord lui traversa l'esprit mais le motel ne subit aucun dommage au moment où la sphère libéra, dans un faisceau rouge, son locataire. La silhouette était même fluette, et elle s'avéra être une bestiole au pelage brun touffu, dotée de grandes oreilles. Elle se secoua, déboussolée de se retrouver dans un endroit inconnu.
Hellä n'était pas une encyclopédie vivante, mais elle connaissait bien ce Pokémon. Tous les sbires le connaissaient. En voler un pouvait rapporter gros, très gros.
C'était un Evoli.
La petite créature fit quelques pas hésitants, regardant autour d'elle. Puis ses grands yeux bruns se plongèrent dans les siens, interrogateurs et légèrement craintifs.

- Trop mignon ! ne put s'empêcher de s'exclamer Hellä.

Le Pokémon sursauta à ce son aigu. Hellä s'empressa de se recomposer une attitude sereine, histoire de faire bonne impression.
… et puis screw it, elle n'avait jamais su faire bonne impression avec les humains, alors ça n'allait pas commencer avec les Pokémon, beaucoup moins chiants en matière d'étiquette !

- Salut, moi c'est Hellä, se présenta-t-elle en s'accroupissant face à Evoli, rabattant une mèche de cheveux derrière son oreille. On dirait bien qu'on est une équipe maintenant. (Elle chercha ses mots.) J'aime pas exprimer ça comme ça mais, euh, bon, t'es mon Pokémon quoi, et je suis ta nouvelle dresseuse. Mais on pourra sûrement être plus que ça quand on se connaîtra mieux.

Wow. C'était plutôt lamentable. Des études disaient que les Pokémon comprenaient les humains, et qu'ils étaient très intelligents. Est-ce qu'elle venait de se taper la honte devant une intelligence supérieure ? OK, elle le faisait tout le temps, mais elle restait rarement en compagnie des têtes, alors elle s'en foutait de les traumatiser un jour dans leur vie. Mais là, elle allait être collée à cette bestiole pour, genre, toute sa vie ?
C'était encore plus définitif que le mariage, le dressage, en fait !
Evoli s'avança d'un pas, les narines frémissantes. Hellä saisit le message et lui tendit la mains pour qu'il la renifle. Puis le Pokémon recula et s'assit sur son séant, la considérant avec dubitation. Attendait-il qu'elle engage la conversation ?

- Euh, juste, t'es un mec ou une nana ? demanda-t-elle avant de se corriger, parce que les termes n'étaient pas vraiment appropriés. Un mâle ou une femelle. Un mâle ou une femelle. Whatever. Si t'es un mâle tu peux couiner deux fois et si t'es une femelle une fois ?

Evoli émit deux sons doux.

- Cool, voilà qui va faciliter le délire. Bon, cutie pie, on part dans trois heures, annonça-t-elle en se levant. Je vais te filer un peu de bouffe et bon, si t'as faim, bah mange. Et, euh, ajouta-t-elle avec embarras, je sais pas ce que t'aime alors si ça te plaît pas, tu me diras. Moi je vais faire une sieste, fais comme tu le sens en attendant.

Et, sans autre forme de procès, elle s'étala sur son lit en virant ses bottines à talons.
Quinn vint la réveiller après ce qui lui sembla à peine quelques minutes, tapant discrètement à sa porte.

- J'arrive, lui lança-t-elle pâteusement, et il cessa de toquer.

Evoli, qui s'était lové près de ses jambes, s'étira voluptueusement avant de s'asseoir et de la regarder remettre ses chaussures, l'air d'attendre quelque chose.

- Ah, oui, attends, fit-elle en attrapant sa Pokéball.

Il regarda la sphère d'un air malheureux.

- Je te relâcherai sur le bateau ? proposa-t-elle. Je veux juste pas te perdre dans la foule.

Satisfait par le compromis, il se laissa rappeler. Hellä fourra la sphère dans son soutif' en se disant qu'elle devrait trouver un autre système à l'avenir. Deux Pokéball réduites passaient, mais au-delà ça allait ressembler à rien. Elle se dépêcha de retoucher son maquillage, noua un bandana sur son crâne pour retenir ses cheveux et fourra ses derniers effets dans sa valise.
Elle checka une nouvelle fois ses affaires, passa son sac en travers de son épaule et attrapa la poignée de sa valise. Elle passa devant le miroir et sourit à son reflet. Une nouvelle aventure commençait pour elle aujourd'hui. Elle était juste sur le point de l'entamer. Elle prit une profonde inspiration, la relâcha lentement et rejoignit Quinn.


Θ

[justify] Le Rémoraid filait comme le vent sur la surface de l'océan. C'était le navire le moins cher faisant la navette entre Pokétopia et Johto – pour de meilleurs services, on pouvait solliciter le Lanturn, ou mieux, le Roigada. Mais Pokétopia avait un certain standing, aussi ce n'était pas si mal, quand on n'avait jamais eu une cuillère en argent dans la bouche avant même ses premières quenottes. Le bateau était décoré comme le Pokémon dont il portait le nom pour le rendre plus attractif.
Le voyage jusqu'à Johto, ou plus exactement jusqu'à Ville Griotte, prendrait six heures en tout. Hellä ne savait pas à quoi s'attendre avec cette ville : c'était Quinn qui avait organisé leur départ. Il lui avait avoué avec embarras qu'il avait planqué une voiture volée qu'ils pourraient récupérer pour aller plus vite. Au lieu de le juger, Hellä avait juste pensé qu'elle allait être bonne pour conduire, vu qu'elle ne pouvait pas laisser un adolescent de 16 ans prendre le volant. Qu'est-ce qui lui avait pris de passer son permis ?
Appuyée au bastingage, elle goûta au vent empli d'embruns sans parvenir à se réveiller. Elle ne rêvait que de la couchette mise à sa disposition dans sa petite cabine. Mais Quinn vint se placer à côté d'elle, son Reptincel sur les talons. Quand il avait vu l'Evoli, il avait soupiré de soulagement – le lézard de feu semblait bien mieux lui convenir que l'adorable renardeau. Ce dernier était d'ailleurs assis à ses pieds, contre sa jambe, en train de la regarder avec insistance.

- Oh, désolée, dit-elle en le soulevant pour qu'il puisse voir la mer.

Avisant l'expression joyeuse du Pokémon, Quinn s'enquit avec curiosité :

- Tu le comprends ?
- Bah, c'est comme un gosse de 3 ans, exposa-t-elle. Tu piges que dalle, mais tu devines.
- J'ai plus de mal avec Reptincel, avoua-t-il dans un souffle, admirant son starter regardant autour de lui.
- J'trouve pas, vous êtes guindés tous les deux, trancha Hellä en grattouillant le crâne d'Evoli de ses ongles au vernis écaillé.
- … comment tu peux savoir ça ? Même moi je sais pas ça sur lui !
- Langage corporel, mon jeune padawan. (Elle lui mit solennellement une main sur l'épaule.) Un jour, la Force te reconnaîtra comme elle l'a fait pour moi. Et tu comprendras.

Quinn resta stupéfait devant ce message cryptique – Hellä se jura, à sa tête hallucinée, de lui faire regarder Star Wars. Il y avait des films qu'on ne pouvait pas manquer, merde ! Levant les yeux au ciel, elle cala une mèche de cheveux derrière son oreille. Elle avait oublié qu'elle portait un bandana et le dérangea. Le nœud était lâche et, aidé par le vent, se défit.

- Oups ! s'exclama Hellä en sentant le bout de tissu s'envoler.

Elle eut à peine le temps d'ajouter « Dommage, je l'aimais bien… » qu'Evoli échappa à son étreinte, bondit sur le parapet et fit demi-tour, l'utilisant comme tremplin pour bondir en direction du bandana en cavale. Sa petite gueule se referma sur un angle du tissu et il retomba souplement sur le pont.
Un ange passa. Le petit Pokémon, sous l'œil halluciné des touristes, trottina jusqu'à sa nouvelle maîtresse et lui tendit son bien. Hellä cligna plusieurs fois des yeux, prise de court par ce revirement. Elle avait eu peur, un instant, qu'il tombe à la flotte – ça aurait été l'Enfer pour le récupérer ! –, d'autant plus qu'elle ne tenait pas spécialement à cet ornement : c'était juste un carré de tissu noir avec un papillon bleu dessus, quoi.
Mais Evoli la regardait avec ses grands yeux brillants de fierté. Ne pas le féliciter serait comme dire à un gosse que le Père Noël n'existait pas, et qu'il n'y avait que des Cadoizo (et encore, juste dans les régions froides). Si elle pouvait mentir, c'était bien pour une raison, non ? En plus, même si ce n'était pas grand chose, l'attention était touchante.

- Oh, c'est trop gentil mon chou ! roucoula-t-elle en s'accroupissant pour lui gratter une oreille.

Evoli ferma les yeux de contentement puis remua la tête, ramenant son attention sur le bandana. Hellä le récupéra, hésita, puis le replia et le noua autour du cou de la petite créature.

- Il te va beaucoup mieux à toi qu'à moi, regarde, sourit-elle en tirant un petit miroir de son sac.

Le petit renard cligna plusieurs fois des paupières devant son reflet puis lui adressa un sourire accompagné d'un roucoulement. Tandis que Hellä lui grattouillait encore les oreilles, incapable de résister, Quinn l'observa avec stupeur, l'ignorant capable de tant de tendresse envers les Pokémon. Ce n'était pas qu'elle était cruelle par le passé, quand on leur mettait à eux, sbires, un Pokémon moyen, de fonction tout juste, dans la main. Elle était juste… indifférente à l'époque, pire, détachée, ne sortant les créatures de leur Pokéball que lorsqu'il le fallait.
En même temps, il renvoyait cette toute jeune adulte à qui on avait mis un gamin dans les pattes en guise de coéquipier, et qui l'avait pris comme tel. Sans lui demander de mûrir, de grandir, se contentant d'un « Ah ouais, j'avais oublié que j'étais comme ça aussi. Geez, ça me rajeunit pas ! » à chacune de ses insolences, de ses maladresses encore un peu enfantines.
Est-ce qu'elle savait seulement à quel point ça l'avait fait réfléchir ? Confronté à la désinvolture plutôt qu'à l'agressivité gratuite, Quinn avait tâché de réviser son comportement, de faire le tri entre ses succès et ses échecs… pour réaliser que les seconds étaient plus nombreux que les premiers. Hellä, avec sa psychologie inversée inconsciente, lui avait fait reconsidérer la voie qu'il avait choisie.
Être un voleur ? Toute sa vie ? Il avait pu constater qu'on sortait rarement de ce cercle vicieux. C'était facile, de prendre par la force ou la ruse, cela donnait un sentiment de puissance. Chaque méfait accompli emplissait de la fierté mal placée du travail bien fait. Et c'était bien plus plaisant que faire face à les problèmes et les combattre.
Alors, quand après un an de réflexions tortueuses et d'errances, il l'avait revue à la télévision – le temps d'un passage éclair sur le public d'un colisée –, il s'était remémoré les remarques idiotes babillées aléatoirement, des chansons bizarres fredonnées gaiement sur les chemins et des confiseries en tout genre qu'elle lui enfonçait dans la gorge quand il « devenait trop chiant ». Écrasé par le poids de sa solitude, de sa culpabilité, mais pire, celui de sa frustration – lui qui n'avait rien accompli ni achevé –, il était sorti du Centre Pokémon qu'il squattait entre deux immersions en forêt, pris la route de la ville la plus proche (en l'occurrence, Ville Griotte) dans sa voiture volée et était monté dans le premier navire en partance pour Pokétopia.
Elle avait accepté son plan, à peine hésitante, en avisant son apparence misérable, son début de moustache à l'abandon et ses cheveux plus ou moins retournés à l'état sauvage. Avant de comprendre, il s'était retrouvé avec un rasoir et une lotion contre l'acné entre les mains, tandis que Hellä reprenait son rôle de « fille plus âgée avec un môme dans les pattes » avec un aplomb sidérant. Elle lui avait coupé ses cheveux avant de le jeter dans la douche, et lavé ses fringues pendant ce temps, arguant qu'elle n'irait nulle part avec un Ursaring des montagnes.
Ou un Teddiursa à moustache. Elle n'était pas sûre.
Le mélange de conseils narquois et de piques désinvoltes était pour lui ce qu'une grande sœur devrait être, mais jamais il ne l'avouerait à cette femme qui n'avait sans doute accepté de le suivre que par pitié et désir de voyages.

- Bon, dodo, décida Hellä en s'étirant.

À ses pieds, Evoli roucoulait, béat, fier de son nouvel ornement. Le Reptincel de Quinn le fixa avec perplexité, se demandant comment il pouvait se satisfaire de si peu.

- Tu devrais te pieuter aussi, honey, ajouta Hellä à l'adresse de Quinn. On a encore du temps pour ça, pas la peine d'arriver crevés à Johto.

Elle lui frotta le crâne, profitant que ses talons compensaient les quelques centimètres qu'il avait en plus. Reptincel eut le droit au même traitement, et il la regarda partir, les deux pattes sur la tête, vers sa cabine, son Pokémon sur les talons.

- Bienvenue dans mon Enfer, lui glissa Quinn.

Mais c'était lui qui était allé la chercher en toute connaissance de cause. Réprimant un sourire, il reprit :

- On devrait les imiter pour gagner du temps. Comme ça, en arrivant à Ville Griotte, on pourra directement s'inscrire à la Ligue.

Rien que l'idée lui donnait des palpitations. La Ligue. Le rêve de tout gamin normalement constitué. Ce rêve avait tendance à s'effriter et à changer durant le voyage initiatique, mais le fait est qu'il restait toujours un peu le premier amour des aspirants dresseurs. Quinn ne faisait pas exception, mais il désespérait d'avoir la chance de ne serait-ce que l'effleurer du bout des doigts il y avait encore une semaine à peine !
Quinn capta une lueur intéressée dans les yeux bleus de son Pokémon et son pouls s'accéléra encore d'une joie naïve.

- Ça va être dur mais on peut y arriver, bredouilla-t-il d'excitation. On va se trouver d'autres partenaires et gagner.

Il réprima férocement un élan de manque de confiance en lui. Ce n'était pas le moment d'avoir des doutes. Il pouvait le faire. Il avait mal commencé, très mal. Mais un mauvais départ ne signait pas la fin de la course, n'est-ce pas ?

- Viens, dit-il à son Pokémon.

Il prit la direction des petites cabines mises à leur disposition : une couchette, des casiers, une table. Le voyage ne durait que six heures, après tout. Sa valise et son sac reposaient dans le casier le plus bas et il vérifia qu'il n'avait rien mis d'indispensable dans la première plutôt que dans le second. Sa main finit par se refermer sur un étui et il le sortit de la valise.
C'était celui de ses lunettes de soleil opaque, du style aviateur redevenu à la mode récemment. Elles étaient censée masquer ses traits juvéniles et lui donner un air plus intimidant. Quand elle les avait vues, Hellä avait juste commenté que des tas de gens aimaient se cacher derrière ce genre d'accessoires, notamment les timides. Quinn avait rougi malgré lui, et rétorqué qu'il aimait simplement les lunettes – ce qui était une semi-vérité, quelque part…
C'était une bonne chose qu'il ait vérifié, songea-t-il en mettant l'étui dans sa besace. Il pourrait chausser ses lunettes juste avant de sortir de la cabine. Dans le sac, il tomba sur sa vieille paire de goggles aux verres rouges. Son regard glissa sur Reptincel qui le regardait faire comme un enfant curieux – sauf que les enfants n'avaient pas des traits aussi renfrognés. Quinn avait entendu dire que les Dracaufeu avaient très mauvais caractère. Il espérait que celui-ci ne lui donnerait pas trop de fil à retordre quand il évoluerait.
La sangle des goggles avait encore beaucoup de marge, assez pour le dragon qu'il posséderait à l'avenir, avec un peu de chance. Il revit la frimousse ravie d'Evoli quand Hellä lui avait cédé son bandana. Reptincel lui avait semblé sceptique, mais peut-être que Quinn pouvait appliquer les mêmes méthodes que son ancienne partenaire pour apprivoiser ce Pokémon ?

- Tu… tu les veux ? s'enquit en brandissant les lunettes, se sentant stupide. J'ai l'autre paire alors… je me suis dit… tu vois, je les avais achetée pour partir en voyage initiatique, gamin, mais comme ça ne s'est pas fait… (Ça ne ressemblait à rien du tout, s'admonesta-t-il mentalement.) Bref, si tu les veux pour ton nouveau départ, tu peux les prendre. Avec de la chance tu pourras encore les mettre en évoluant.

Ce que c'était niais ! Reptincel devait le penser, car il les regardait avec dubitation, lui et les lunettes. Quinn finit par lâcher :

- Je sais que notre rencontre n'est pas la meilleure du monde. Et que tu aurais pu avoir un meilleur dresseur que moi. Être le trophée d'un dresseur ayant battu je ne sais quel Colisée dans cette espèce d'île flashy. Je ne peux pas affirmer que je vais être extraordinaire mais… je peux te promettre d'essayer.

Ce disant, il rougit. N'était-ce pas présomptueux ? Il n'avait livré encore aucun combat ! Et tout le monde connaissait la propension des sbires à se faire écraser par des gamins fouineurs. Et si en fait il n'était bon qu'à être un larbin qui crochète des serrures pendant que sa binôme s'infiltre tel un spectre ? L'idée était terrifiante, et entraînait avec elle le cortège habituel des doutes insidieux.
Mais Reptincel parut satisfait et essaya de passer les goggles autour de son crâne. Quinn l'aida par réflexe jusqu'à ce que les verres teintés reposent au dessus de son arcade sourcilière prononcée.

- Elles pourront servir en cas de projections de poussière, réalisa Quinn.

Comme la redoutée Tempêtesable. Bon sang, c'était une idée de génie en fait. Reptincel essaya de les positionner sur ses yeux et y parvint comme sur des roulettes. Un rictus fier dévoila ses crocs.
Quinn ne put s'empêcher de sourire à son tour. Soudain, il n'avait plus du tout envie de dormir, même alors qu'il avait passé la nuit à essayer de voler des Pokémon. Reptincel semblait tout aussi impatient que lui d'en découdre, et cela balayait ses doutes plus efficacement que tout ce qu'il avait essayé jusque-là. Un Pokémon pareil pour starter ne pouvait qu'être un signe du destin, non ?

- Et si on faisait connaissance ? proposa-t-il. Enfin, autant que possible vu que je parle pas le Pokémon… tempéra-t-il.

Reptincel se hissa sur le lit, remonta ses goggles et attendit qu'il lui propose un système de communication. Ce que Quinn s'empressa de faire, se rendant compte à quel point il était difficile de comprendre un Pokémon. Mais en une heure, il parvint à connaître ce qu'il aimait manger et à cerner quelques traits de caractère. L'adolescent ne put s'empêcher de sourire. C'était un peu comme si l'aventure commençait déjà.
Non, elle avait déjà commencé…


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Gagner son pain honnêtement en envoyant ses Pokémon se battre. It's a Pokémon life for you, mate.

Vous venez de terminer le premier chapitre de cette fiction. Déjà, merci, c'est vraiment sympa. J'écris ce truc pour le fun, sans prise de tête (même si, avec, mon perfectionnisme, je risque d'entrer en mode sérieux à un moment >>), voyons donc où ça va nous mener.

N'hésitez pas à commenter si vous avez aimé, ou si vous avez un truc à dire, voire à proposer, IDK, à vos claviers ! J'en suis à la rédaction du chapitre 8, là…