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Aide-toi et le ciel t'aidera de Kydra



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Informations

» Auteur : Kydra - Voir le profil
» Créé le 08/09/2013 à 16:12
» Dernière mise à jour le 01/10/2013 à 14:20

» Mots-clés :   Aventure   Présence d'armes

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Chapitre 87 : Danse-Pluie
Terreur-des-Hommes incarna parfaitement son rôle de mère durant les jours qui suivirent. Ses enfants devinrent progressivement bien plus obéissants que le premier jour où elle les avait rencontrés. Inira garda son assurance mais elle calma son arrogance. Quant à Aleph-Zéro, il se réjouissait de côtoyer sa progéniture quand il en avait le temps. Il faisait cependant toujours passer ses devoirs et les souhaits du colonel avant toute autre activité familiale. En ce moment, il était d'ailleurs très sollicité, car la défaite faisait l'objet de nombreuses interrogations, dont principalement la présence d'un éventuel Taupiqueur qui avait permis la destruction de quasiment toute la section de Victor.

On avait retrouvé quatorze corps sur les vingt et un hommes qui constituaient les subordonnés de Victor. Ce dernier restait lui-même introuvable. Sa capture était largement envisageable, en tant que cadre de l'armée rebelle. Héloïse fut reçue plusieurs fois par le colonel et Aleph-Zéro. Elle constituait un des suspects majeurs, ce qui la fit tomber dans une disgrâce totale : elle n'obtenait plus aucune mission qui nécessitât une quelconque confiance. Malgré cela, elle conservait une dévotion totale et se chargeait de toutes les tâches qu'elle pouvait assumer. On y voyait autant une preuve d'allégeance qu'une tentative de regagner la confiance de ses camarades pour les tromper à nouveau.

Contrairement à elle, Inès avait perdu une grande partie de son entrain. Elle pleurait sans se cacher la disparition de Vassili, en compagnie d'Eclair-de-Liberté. Les deux échangeaient souvent des silences interminables qui en disaient bien plus qu'un flot de paroles. L'Elecsprint ne touchait plus à la nourriture, mais il n'avait pas recommencé à s'automutiler. Il entretenait encore l'espoir de libérer son dresseur ; chaque seconde passée à attendre le rendait encore plus nerveux. On le voyait sans cesse prêt à bondir au moindre signal... Il effrayait les combattants qui n'avaient très peu ou jamais côtoyé de Pokémon.

Dimitri se montrait d'humeur massacrante. Il restait juste dans ses jugements, mais les punitions qu'il appliquait ne souffraient d'aucune clémence. Il priva trois jeunes recrues de nourriture pendant plusieurs jours parce qu'elles s'étaient battues. Un jeune homme qui avait pointé un allié avec le canon de son fusil fut interdit de port d'arme pendant deux semaines entières après avoir reçu un bon coup de poing. Il se trouva alors relégué à toutes les tâches ennuyeuses de vie courante. Même ses relations avec Aleph-Zéro avaient évolué : les deux forts caractères ne s'entendaient plus toujours aussi bien.

Le climat se refroidissait, la pluie arrivait. Les hommes se terraient dans les bâtiments. Pourtant, ce fut ce moment que choisit Dimitri pour se décider à agir. Il envoya des patrouilles d'éclaireurs loin en avant, afin de se renseigner sur les possibilités d'attaque. Ces hommes se chargeaient également de prendre contact avec la population afin de gagner des soutiens et de s'approvisionner en vivres et médicaments. Inira obtint de son père l'autorisation de participer aux reconnaissances, activité dont elle se garda bien de parler à sa mère. La jeune Mimigal avait déjà bien compris comment obtenir ce qu'elle voulait...

Après une semaine de patrouilles quotidiennes, le colonel décida tout à coup du départ d'une colonne commandée par Fabrice pour tirer parti d'une erreur tactique commise par l'ennemi. La mission n'avait rien de simple, mais elle avait ses chances d'aboutir. On demanda des volontaires pour partir... Naturellement, Aleph-Zéro fut le premier à se précipiter. Inira lui emboîta le pas ; sa candidature fut refusée par Dimitri lui-même, qui ne fut pas tendre avec elle :

................- Toi, non. Tu tiens à peine sur tes six pattes... Quand ton venin sera capable de tuer plus féroce qu'un Toudoudou, tu pourras peut-être partir. En attendant, je crois qu'il vaut mieux que tu restes au camp !

La frustration se lut facilement sur le visage dorsal de la petite araignée. Dimitri refusa pour la même raison le départ d'un jeune homme de quatorze ans, pourtant, il laissa de nombreux combattants âgés de quinze à dix-huit ans prendre part à la mission. Héloïse, après un long débat, réussit à négocier sa place. Le colonel reçut enfin le commandant Fabrice pour lui donner ses ordres, à la suite de quoi il convoqua Aleph-Zéro.

................- Mon fidèle lieutenant... dit-il en l'accueillant à bras ouverts. J'aurais aimé que tu prennes la tête de toute la colonne, mais comme tu ne parles pas notre langue, je crains que tu ne sois contraint de rester lieutenant... Enfin, ça ne fait rien, de toute façon, tu n'es pas payé, ça ne changera donc pas grand-chose !

Le colonel éclata d'un rire nerveux. Il s'assit au fond d'une chaise qu'il tira à lui en la raclant bruyamment sur le sol. Il soupira, retira le poignard qui le gênait au ceinturon, puis il attendit. Au bout d'un temps qui parut une éternité à un Aleph-Zéro en alerte, il dit :

................- Bon, je vais te donner une mission que je ne peux confier qu'à toi seul...

Il sortit un carnet de sa poche pour griffonner rapidement un croquis sur une page vierge. Il dessinait vite, de manière désordonnée... Au final, son plan était tout de même clair.

................- Tu vas aller t'infiltrer par là... La dernière fois, on est passé par l'autre côté, montra-t-il. Il s'est avéré qu'il y avait des Pokémon et que les positions étaient plutôt renforcées, contrairement aux informations...

Il s'arrêta brusquement pour relever le buste. Il prit avec précaution la baïonnette sur la table, qu'il tira du fourreau avec une lenteur exceptionnelle. Puis, il la planta d'un geste violent dans le bois. Comme si de rien n'était, il reprit son discours, cependant avec un ton qui changeait progressivement ; il semblait qu'il prenait de plus en plus d'assurance.

................- Et tu vas t'infiltrer jusque-là. Ils ont presque quitté la zone, sans doute pour nous prendre à revers, mais nous serons déjà partis quand ils enverront l'aviation. Ensuite, nous ferons un petit détour par ici... La zone si bien protégée, selon Victor, ajouta-t-il avec un sourire carnassier. Surtout, ne passe pas par la zone où il n'a pas vu d'ennemis... Enfin, à ton initiative et seulement si tu le juges possible – c'est pour cela que je te donne la mission, tu es sans doute celui qui a un sens du mot « possible » le plus proche du mien – tu t'empares du village. On s'en va demain, il faut arriver là-bas avant que l'armée ne revienne. Ah, aussi, confie de bonnes missions à Héloïse, elle l'aura mérité plus que quiconque...

Le colonel fit signe à l'Insécateur de se rapprocher. Il sortit son jeu d'échecs.

................- Ça faisait longtemps... Quand je suis préoccupé, je n'ai pas envie d'y jouer !

Il regarda un long moment le plateau avant de jouer son premier coup. Enfin, il se décida à bouger son pion, en même temps qu'il prenait une grande inspiration pour parler.

................- Si tu peux, ramène Victor vivant... Après ton détour, fais-le escorter par Héloïse et un autre soldat de confiance. J'aimerais lui parler. J'aimerais lui parler de Vassili, lui parler de mon frère !

Son expression changea soudain ; son visage s'étira en léger sourire, puis il dit, en prononçant chaque mot lentement :

................- Naturellement, toi aussi, tu pourras lui parler, de mon frère, de Newton et de bien d'autres...

Pour la première fois, Aleph-Zéro emporta la partie sans aucun conseil. Dimitri le congédia dès l'issue du jeu. Aussitôt, l'Insécateur devait se rendre auprès de Terreur-des-Hommes. Il avait beau donner l'impression d'être indifférent à l'égard de ses enfants, il se souciait tout de même de leur sort, ainsi que de celui de leur mère. Il voulait donc s'assurer qu'elle avait pris la bonne décision.

................- J'aimerais, cette fois, que tu restes...
................- Aleph-Zéro, tu ne vas pas recommencer ! Je suis autant concernée que toi par la disparition de notre humain et cette défaite... Je vais venir. Comme cette fois, je reviendrai.
................- Très bien. Alors nous prenons les enfants... Je vais m'arranger avec le colonel.
................- Non ! Ils sont encore trop jeunes. Je ne veux pas qu'ils voient la guerre de si près. Nous avons déjà eu cette discussion. Cela ne sert à rien de la faire une deuxième fois. Niryo et Pascal se sont très bien débrouillés en notre absence. Allez, prépare tes humains...

En quelques heures à peine, tous les combattants avaient fini leurs préparatifs. Fabrice n'attendit pas pour donner le départ. La colonne n'eut même pas encore quitté le camp que les nuages gris qui obscurcissaient le ciel se mirent à déverser leur contenu... Sous une pluie battante, la troupe se mit en route.

Les combattants devaient effectuer un immense détour pour contourner les positions ennemies. Etant donné la dangerosité de la zone, le commandant avait estimé à plusieurs semaines leur temps de déplacement avant d'atteindre leur objectif. Cette perspective n'enchantait personne, car l'hiver venait d'arriver, ce qui leur promettait de rudes journées à passer dans l'humidité et la faim. Les contacts avec la population seraient limités au maximum, car les militaires s'étaient bien établis et bénéficiaient de sympathisants mais surtout de nombreux moyens de pression. Bien que toujours repoussée vers le Nord, l'armée tenait avec encore la région avec ses dernières forces, largement suffisantes pour remplir cette mission.

En quelques jours à peine, la pluie avait réussi à émousser totalement le courage des jeunes et à largement entamer même celui des plus aguerris. L'eau tombait du ciel depuis leur départ sans jamais les laisser profiter d'une moindre accalmie. Ils se déplaçaient constamment trempés de la tête aux pieds, rares étaient ceux qui avaient réussi à préserver une seule de ses affaires au sec. Pour encore en rajouter à leur désespoir, ils n'avaient pas croisé âme qui vive depuis le début de leur périple, se déplaçant dans des zones hostiles très vallonnées. Les rares habitations qui parsemaient le chemin avaient jusque-là était soigneusement évitées.

Quand le commandant choisit de se déplacer sur une ligne de crête, les combattants furent effarés de voir que leur situation pouvait encore empirer. Avec le gain d'altitude, le froid mordant se joignit aux intempéries pour leur mener une vie impossible. La nourriture, rationnée, ne suffisait pas à apporter suffisamment de calories ne serait-ce que pour les réchauffer quelques instants ; les feux étaient tout naturellement interdits, pour ne pas donner d'indication de leur passage. Aussi, quand Fabrice demanda un volontaire pour se rendre dans une ferme voisine un peu en contre-bas pour y acheter des vivres, les volontaires se bousculèrent.

Fabrice aménagea des journées de repos, où chacun pouvait s'abriter comme il le pouvait, le plus souvent sous une bâche tendue entre deux arbres. Lors d'un de ces moments, alors que chacun soignait les nombreuses blessures de ses pieds lors d'une pause, Aleph-Zéro fut appelé par le commandant Fabrice. Celui-ci hésita quelques secondes la bouche ouverte, se demandant comment il allait établir le dialogue, puis se lança finalement :

................- J'ai les ordres pour toi, de la part du colonel. Tu prends la tête de treize volontaires, pour former le peloton « suicide ». Ta première mission est de te renseigner sur les positions ennemies dans Vybles. Je veux ta décision le plus tôt possible : si on attaque ou non et comment. Notre attaque dépend entièrement de ton opinion, je me plierai à ton avis. Si on doit le faire, tu commanderas toujours le peloton, je te donnerai ton objectif. La mission principale sera d'extraire Victor au pire, de prendre la zone au mieux. Nous devrons économiser nos effectifs pour marcher ensuite sur Hacampa. Je désignerai moi-même tes volontaires...

Aleph-Zéro acquiesça d'un signe de tête. Son affectation lui plaisait énormément : il savait que la réussite d'une mission reposait souvent sur l'action de la première ligne, cette sorte de commando qu'il allait diriger. Cependant, il n'ignorait pas non plus que le taux de mortalité était bien plus élevé dans cette unité que dans n'importe quelle autre et que cette perspective serait loin d'enchanter Terreur-des-Hommes. Il espérait que Fabrice ne la laisserait pas en faire partie.

Son vœu fut exaucé : la Migalos se porta volontaire, mais le commandant refusa sa candidature. Il constitua le groupe de deux types d'humais bien distincts : de jeunes combattants téméraires qui hurlaient, prêts à s'entre-tuer pour être pris et de volontaires plus discrets mais non moins motivés, des vétérans efficaces. Les recalés de la première catégorie s'épanchèrent durant de longues minutes, presque au bord des larmes, très déçus de ne pas pouvoir saisir cette opportunité d'une nouvelle création de commando suicide. Eclair-de-Liberté faisait également partie de cette sorte de candidats, mais malgré tous ses jappements, il ne réussit pas à convaincre le commandant. Héloïse, par contre, fut intégrée par Aleph-Zéro sans aucune négociation.

Aleph-Zéro choisit de partir en éclaireur avec seulement deux hommes des plus aguerris, craignant particulièrement le manque de discrétion propre aux humains. Il se mit en route, méditant sur sa condition. Sa première interrogation portait sur cette décision de le faire diriger un groupe tel que celui où il était affecté. Son esprit toujours un peu suspicieux ne pouvait s'empêcher de lui suggérer une volonté d'en finir avec lui... Cependant, cette fois, son orgueil s'acharnait à écraser cette première pensée : Dimitri le trouvait particulièrement compétent, ce qu'il était assurément, et lui confiait donc une mission de la plus grande importance. Il finit par trancher en décrétant qu'il reviendrait vivant, ce qui, dans tous les cas, ferait échouer la première hypothèse et nourrirait le sentiment qui accompagnait la seconde.