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Entre infini et au-delà de Cyrlight



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Informations

» Auteur : Cyrlight - Voir le profil
» Créé le 02/09/2013 à 00:26
» Dernière mise à jour le 02/09/2013 à 00:27

» Mots-clés :   Action   Drame   Fantastique   Mythologie   Suspense

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Chapitre 165 : Comme j'ai mal
Comme j'ai mal - Mylène Farmer


- Je t'ai dit de ne pas respirer !
- Ah parce que vous croyez que c'est facile, peut-être ?

Cassy était agrippée au porte-manteau vissé derrière la porte de sa chambrette pendant que Lilith s'efforçait d'accrocher une à une toutes les agrafes de la guêpière en satin noir qu'elle avait acheté expressément pour elle.

- Ton ventre est encore trop gonflé, je n'arriverai pas à la fermer si tu ne fais le moindre effort.

La jeune femme expulsa d'un souffle l'air restant contenu dans ses poumons jusqu'à sentir la peau de son abdomen se détendre un peu sous le tissu. Haletante, elle ne fut pas mécontente de s'éloigner enfin du battant lorsque la démone eut terminé. Elle se tourna vers le miroir pour contempler son reflet.

Effectivement, sa taille semblait s'affiner sous les baleines latérales qui maintenaient le vêtement en place. Jamais encore elle n'avait paru aussi mince et aussi élancée qu'à présent. Suite à de longues heures passées sur une chaise, puis debout avec un livre sur la tête, sa posture s'était améliorée, au point de creuser ses reins d'une cambrure joliment arquée.

- Alors ? Que dis-tu du résultat ?
- Assez impressionnant, je dois l'admettre.

Cassy était haletante d'avoir si peu respiré au cours des deux dernières minutes. Afin de compenser son manque d'oxygène passager, elle inspira profondément à quelques reprises, puis son souffle reprit un rythme plus régulier.

- Maintenant, voyons voir comment je vais t'habiller aujourd'hui.
- Je ne suis pas une poupée, vous sav... Eh !

Lilith ouvrit le premier tiroir de sa commode pour jeter la moitié de son contenu sur le lit, en pêle-mêle, alors qu'elle s'était efforcée de tout ranger avec soin. Elle n'interrompit le désordre qu'elle mettait dans la pièce que quand elle eut enfin trouvé l'habit qu'elle cherchait.

- Ce n'est pas mon genre, répliqua l'intéressée alors qu'elle lui tendait l'étoffe pliée. Je ne porte quasiment jamais de noir, c'est trop sombre.
- Sauf que je ne te demande pas ton avis. Si tel était le cas, tu serais mon égale, pas ma disciple. Enfile cela.

A contrecoeur, la jeune femme passa le haut satiné dont le col ample retombait sur sa poitrine décolletée, tandis que l'échancrure dans son dos descendait quasiment au niveau de ses reins, laissant ainsi apparaître la fermeture de la guêpière, ce qui conférait à l'ensemble une allure incroyablement séduisante.

- Voilà, je crois que c'est bon. Maintenant, dépêchons-nous, s'il vous plaît, sans quoi je vais être en retard.
- Tu n'as que dix pauvres malheureuses marches à descendre, cela ne va pas te tuer. Assis-toi.
- Pourquoi ?
- J'ai dit "assise".

La reine des Succubes et des Incubes enfonça ses doigts griffus dans ses épaules à demi dénudées pour la forcer à s'installer sur le rebord de son lit. Elle lui fit ensuite signe de se retourner afin de se positionner en tailleur, dos à la porte. Cassy s'exécuta, intriguée par le sort que son interlocutrice s'apprêtait encore à lui faire subir.

- Je verrais bien ma marque ici, si tu échoues, déclara-t-elle dans un ton qui ressemblait à un susurrement tout en effleurant le creux de ses omoplates. Exactement à l'endroit où Sven porte son glyphe. Ou alors, un peu plus bas, au niveau des reins, de sorte que les hommes ne la remarquent qu'au dernier moment.
- Rien ne vous prouve que je vais perdre le pari, alors autant cesser immédiatement toutes ces élucubrations sans queue ni tête.
- Mais justement, j'ai bien l'intention que tu réussisses. Au moins cela prouverait que mes enseignements commencent à porter leur fruit.

Lilith ouvrit la boîte entreposée sur la table de nuit pour en tirer quatre épingles. D'un unique mouvement, elle s'empara de la chevelure obscure de la jeune femme afin de la rehausser sur le sommet de son crâne. Seules deux mèches ne furent pas prises dans l'élégant chignon pourtant rapidement exécuté et retombaient, bouclées, contre sa gorge aussi blanche que la neige.

- Encore quelques semaines à passer entre mes mains et tu ne te reconnaîtras même plus la prochaine fois que tu te regarderas.
- Dois-je en conclure que vous avez l'intention de me défigurer ?
- Oh non... Non. Un si beau visage... Ce serait le gaspiller. Bientôt, tu seras la nouvelle moi, la libertine des temps modernes.
- Permettez-moi d'en douter. Personne n'est vous, vous n'avez aucun équivalent.
- C'est vrai, mais je fonde beaucoup d'espoir en toi. Passons à la dernière leçon de la matinée, ensuite je te laisserai travailler. Après tout, il ne faudrait pas être en retard, surtout si Cédric est déjà arrivé.

Cassy ne releva pas. Elle commençait sans s'en rendre compte à prendre goût à ce petit jeu pervers de séduction. Lilith ne devait même plus lui forcer la main : elle se sentait belle, irrésistible. Elle savait que bientôt, nul ne serait encore capable de lui résister bien longtemps, pas même un honorable père de famille et de surcroît collègue de son propre employeur.

La démone, à côté d'elle, sortit un écrin de sa poche pour le lui glisser dans la main. Elle en fit aussitôt basculer la partie supérieure afin de voir ce qu'il contenait. Une somptueuse broche se trouvait à l'intérieur, en argent massif, sertie de pierres précieuses qui devaient valoir une fortune colossale.

- Je croyais que vous n'aimiez guère les bijoux ?
- Celui-ci est un peu spécial, tout d'abord parce qu'il n'est pas fait pour être utilisé comme tel, et deuxièmement car je l'ai forgée en personne.
- Que voulez-vous que j'en fasse ?

L'épouse de Giratina attrapa doucement l'ornement calé sur un morceau de velours puis en sépara l'aiguille qui servait d'ordinaire à le fixer dans un vêtement. Elle en tendit la pointe à la jeune femme, une lueur malveillante dans le regard.

- Je ne comprends toujours pas.
- Ah ? Pourtant, moi, je dirais que si. Souviens-toi, l'autre jour... Je t'ai dit qu'être sadique s'apprenait, ainsi que tout le reste. Il est peut-être temps de débuter, tu ne crois pas ?

Avec une lenteur exagérée, elle déplia les doigts de Cassy entre les siens pour planter l'extrémité de la broche acérée au bout de son index. Cela lui arracha un petit cri pendant que le sang, à la douce couleur écarlate, se mettait à jaillir. Elle le porta immédiatement à ses lèvres pour en réprimer l'écoulement.

- A part faire mal, je vois pas à quoi cela pourrait bien servir.
- Quel goût cela a-t-il ?
- Pas mauvais, il faut le reconnaître, mais pour cela, Sven vous a déjà précédée. Il a pris le scalpel, lui.
- Et tu as aimé ?
- Peut-être un peu...

Si elle se culpabilisait par moment d'avoir ce genre de pensées peu louables en tête, en parler avec Lilith ne semblait pas la déranger le moins du monde. Elle savait qu'intérieurement sa conscience la jugeait, or ce n'était pas le cas de la démone qui se contentait d'acquiescer distraitement à chacune de ses réponses.

- Je veux qu'à partir d'aujourd'hui, trois fois par jour, tu te transperces la peau avec une aiguille ou tout autre objet pointu que tu trouveras si tu n'en as pas sous la main, à intervalles réguliers. Pendant que tu le fais, ne cesse jamais de songer à des choses qui te sont agréables.
- Pourquoi cela ?
- Associer la douleur à un souvenir que l'on apprécie particulièrement est le meilleur moyen pour apprendre à l'aimer.

Cassy ferma les paupières afin de mieux se concentrer. Elle eut beau réfléchir, aucun évènement heureux qui aurait pu se produire au cours des dernières années ne lui revint en mémoire.

- Et si je n'en ai pas ?
- Je n'ai jamais dit que cela devait être plaisant dans le sens moral du terme. Physiquement, cela fonctionne aussi.

La démone lui lança un regard entendu face auquel elle s'efforça de rester de marbre. Quand enfin elle fut parvenue à fixer son esprit sur un pan de son vécu, elle retourna la broche entre ses doigts avant de l'enfoncer sur plus d'un demi centimètre de profondeur au centre de sa paume.

Cette fois-ci, elle ne cria pas. Seule une légère grimace de douleur lui tordit le visage durant quelques secondes, puis elle retira l'aiguille. Cela ne faisait finalement guère plus mal qu'une simple piqure, or elle s'était déjà blessée à plusieurs reprises avec des seringues en travaillant au laboratoire.

- Plus les cicatrices resteront longtemps, plus cela signifiera que tu t'appliques à la tâche.
- Et la douleur, elle s'efface, au bout d'un moment ?
- Lorsque le métier sera suffisamment rentré, tu verras que tu ne ressentiras quasiment rien.
- Même moralement ?
- Surtout moralement.

La jeune femme esquissa un sourire triste. Comme elle attendait ce jour béni avec impatience, où elle arriverait enfin à mettre de côté cette souffrance dont elle ignorait la cause, mais qui l'oppressait chaque jour davantage. Elle avait tellement hâte qu'elle cédait sans rechigner à la moindre volonté de Lilith, dans l'espoir que ceci suffise à accélérer le processus.

- Moi aussi, je peux te poser une question, Cassy ?
- Tout ce que vous voudrez.
- Pourquoi souhaites-tu à ce point mettre de côté ton humanité ?
- Je ne veux pas laisser mes émotions prendre le dessus. Cynthia pensait que c'était mon point faible, que mon coeur me dominait au détriment de ma raison. Et puis, je désire être autre chose, plus qu'une simple humaine. Désormais, j'espère bien voir plus grand.
- Ne va pas croire que je suis ma raison. Elle n'a aucun pouvoir sur moi, pas plus que mon coeur.
- Alors qu'est-ce donc ?
- L'instinct. Comme un pokémon, je me laisse guider par les sens. Oui, au bout d'un moment, tu ne ressentiras plus rien. Juste la chaleur, la fraîcheur, l'humidité, le vent dans tes cheveux... Seuls les besoins matériels te préoccuperont, et alors tu seras totalement vide à l'intérieur. Tu ne souffriras plus, mais tu n'auras pas non plus le moindre sentiment, la moindre réaction spontané, car tu n'y parviendras plus.
- Est-ce une mise en garde ?
- Non, juste ce qui t'attend si tu te décides à poursuivre dans cette voie.
- On peut faire taire ses émotions, mais je ne suis pas certaine qu'il soit vraiment possible de les annihiler complètement.
- C'est vraiment dommage.
- Quoi donc ?
- Tu ne seras plus là, dans un millénaire, pour en reparler.