For a New World de Maski

Suite à la dispute, personne ne parla jusqu'à ce qu'ils aperçoivent une ville, semblant déjà bien animée en ce début de matinée. Divers véhicules entraient et sortaient, encadrés par la foule qui emplissait les trottoirs.

« Wouaaah ! Il y a autant de monde qu'à la foire de ma ville ! s'exclama Lunick.

-Ca doit être un événement particulier, lui dit Sam.

-Le maire est super strict alors il n'organise que très rarement ce genre de fêtes. Il paraît que c'est pas rentable.

-Mais c'est horrible ! Comment on peut empêcher les gens de s'amuser ?! s'indigna Panéma.

-Il organise des concours ou des tournois Pokémon mais tout le monde préfère la foire parce qu'on peut jouer avec beaucoup de Pokémon.

-Euh, on devrait songer à trouver un moyen d'entrer dans la ville avec le Myota, leur rappela Sam.

-Bah puisqu'il est dans une cage on aura qu'à dire qu'on l'a capturé et qu'on est obligés de traverser la ville pour rentrer chez nous, proposa la scientifique.

-Et on fait comment si on nous demande où on habite ? Il vaut mieux que tu restes dans la forêt avec le Myota et l'un d'entre nous pendant que l'autre va glaner des informations.

-Lunick, c'est une excellente idée ! s'exclama la Ranger.

-D'ailleurs, il vaut mieux que ce soit toi qui y aille. Moi je vais encore faire des bêtises comme à New Wish. »

L'idée ne l'enchantait guère mais son compagnon avait raison. Posipi insista pour l'accompagner dans le Capstick. Il n'était pas rassuré à l'idée de savoir sa Dresseuse seule dans une région inconnue et si bizarre.
La Ranger prit soin de vérifier que personne ne la voyait sortir de la forêt et entra dans la ville.

La foule était bien trop occupée pour s'apercevoir de sa présence. Les uns bavardaient bruyamment, les bras armés d'énormes cabas remplis de légumes, de pain et de fruits, tandis que les autres surveillaient leurs enfants excités.
'' Ce doit être un jour de marché '', songea Sam.

Suivant la foule, elle se retrouva sur une place regorgeant de marchands ambulants qui faisaient affaire avec les nombreux clients. Il faisait un peu frais mais cela ne semblait nullement les gêner.

A la recherche de quelqu'un pouvant l'aider, Sam observait toute cette agitation d'un œil attentif mais peu intéressé. Elle aperçut alors un marchand de jouets échangeant quelques pièces contre un monstre violet et jaune, avec un enfant. Le petit garçon courut jusqu'au bord d'une petite fontaine et commença à s'amuser avec ses amis et son nouveau jouet. L'un des deux autres garçons plaça devant le monstre la figurine d'un homme vêtu de bleu et de blanc.

Intriguée, Sam se rapprocha. Parmi la foule qui allait et venait dans tous les sens, les enfants ne faisaient pas attention à elle.
Celui qui avait acheté le jouet sortit d'autres jouets et les posa sur le bord de la fontaine.

« Wouaaah ! fit le seul garçon à ne pas avoir de jouet, t'as amené pleins de trucs !

-Ouais ! J'ai pris tout l'équipement de Seiryu : son fouet azur, ses gants, ses Pistonfas avec ses balles en Callier et même sa East Door ! déclara-t-il fièrement.

-Ouais et moi j'ai Seiryu. Mais on n'utilise pas les balles sinon on va faire mal à quelqu'un. »

Ils posèrent les jouets et se partagèrent le minuscule fouet en plastique, les '' Pistonfas '' - qui étaient en réalité deux petits bâtons avec une poignée et un trou au bout – et les balles ainsi que les gants. Quant à la cage qu'ils appelaient '' East Door '', ils décidèrent de l'utiliser ensemble.

Celui qui avait apporté la figurine de ce '' Seiryu '' s'exclama d'une voix grave :

« Tu vas me servir à apprendre à mes apprentis à terrasser les satanées bestioles que vous êtes, maudits démons ! »

Sam faillit crier mais elle se retint. Elle n'en revenait pas que des enfants puissent jouer à ce genre de jeux. Tuer un Pokémon. Cela lui rappelait son père. Ce Seiryu devait être un chasseur de Pokémon et à la façon dont les enfants l'acclamaient, la jeune Ranger sut qu'il devait être redoutable.

« Prends mon fouet, Michel ! fit celui qui tenait la figurine du chasseur.

-Oui ! répondit un autre enfant en prenant le minuscule fouet azur qui était devant lui.

-Vise ses pattes ! Il ne pourra plus les utiliser !

-Yaah ! s'écria l'enfant en frappant la figurine du Pokémon avec son arme en plastique.

-Maintenant Jean, frappe-le à la tête avec les gants ! dit le troisième en donnant lui même un coup de poing au jouet violet et jaune, prends ça sale monstre !!

-Tu es pris au piège mon gros ! S'en est fini de toi ! Ouvre-toi maintenant : East Door ! »

Les trois garçons attrapèrent la cage et la posèrent sur la figurine. Malheureusement, le Pokémon en plastique était bien trop grand.

« Ah ! Tu résistes ! Rends-toi, tu es perdu ! Mais puisque tu ne veux pas t'incliner face à nous, nous allons te tuer ! Serges ! A toi de jouer maintenant ! S'écria l'enfant au fouet

-Va en enfer ! Pan ! Pan ! »

Sam avait l'impression que son cœur allait lâcher. Elle était incapable de bouger, incapable de détourner les yeux des trois enfants qui se disputaient à présent car le dernier, en plus de jouer le rôle de ce Seiryu, avait achevé le Pokémon en plastique.

'' Calme-toi ! Ce n'est pas le moment ! se reprit la jeune fille, tu as des informations à obtenir. ''
Elle haletait comme si elle avait couru un marathon.
Soudain, un des garçons demanda :

« Dites, vous êtes bien sûrs que Seiryu utilise des balles en Callier ?

-Bien sûr que oui ! Il n'y a que le Callier qui peut tuer tous les monstres ! En plus, c'est super parce que ça traverse tout sauf ce qui est en Callier ! Et puis, c'est la spécialité de notre région quand même ! Il n'y a qu'à Solaris qu'on en fabrique ! »

Cette fois, le temps s'arrêta carrément pour la Ranger. Elle ne connaissait que trop bien cette matière. Mais elle en ignorait l'origine. Son père devait donc acheter du Callier à des sociétés de Solaris. Avec tout l'argent qu'il possédait, il ne devait avoir aucun problème à s'en procurer.

D'un pas tremblant, Sam s'éloigna des trois garçons qui n'avaient rien remarqué. Elle transpirait et avait du mal à marcher. Elle avait la tête qui tournait. Elle avait l'impression d'avoir de la fièvre.

Et puis soudain, comme si le temps venait de se remettre en route autour d'elle, elle perçut les voix des autres personnes.

« Dix Pokédollars les trois salades.

-Je vais prendre un kilo de tomates.

-Maman ! Tu m'achètes ça ? S'il te plaît !

-Je suis vraiment épuisé ! Ce travail est bien payé mais pas de tout repos !

-Vous avez entendu ? Il paraît que des monstres ont attaqué Bordora !

-Oh, c'est vraiment horrible ! Il faut vraiment se débarrasser de ces sales bestioles ! Ce sont des démons ! »

'' Comment peut-on … laisser des enfants … jouer à ce genre de jeux … ? C'est vraiment … horrible … horrible … ''

« Alors je lui ai dis que je m'étais commandé un T-shirt sur Internet, en plus des billets. Et là, il m'a demandé s'il allait sortir de l'imprimante !

-Il est bien frais mon pain ! Venez acheter mes croissants, ils sortent tout juste du four !

-Oups ! Je dois vous laisser. Bonne journée !

-Oh oui ! C'est vraiment extraordinaire.

-Léa, ne t'éloigne pas trop de moi !

-Eh ! Venez, on va jouer au parc ! »

Cette fois-ci, elle n'en pouvait plus. La Ranger se mit à courir sans savoir d'où lui venait cette énergie. Elle pensait être au bord de l'évanouissement quelques instants plus tôt.
Elle réussit cependant à s'engager dans la bonne rue, se faufilant entre les passants qui la laissaient passer, ahuris, ne comprenant pas ce que cette jeune fille avait, se demandant si elle avait perdu la tête.

Des voix.

La Ranger atteint enfin l'extérieur de la ville.

Encore des voix.

Elle se dirigea vers la forêt.

Encore et encore des voix.

Non. Cette fois, c'était son imagination. Un instant, elle se demanda si elle ne délirait pas. Mais elle n'avait pas la force de réfléchir ni même de reprendre ses esprits. A vrai dire, cette dernière pensée ne lui traversa même pas l'esprit. Tout ce qu'elle voulait, c'était fuir. Fuir ces voix.

Ces voix qui résonnaient à présent dans sa tête et dont elle ne pouvait se débarrasser.

'' Prends ça sale monstre ! ''

'' Prends mon fouet Michel ! ''

'' Ne cours pas quand tu traverses ! ''

'' Vise les pattes ! ''

'' Ouvre-toi maintenant : East Door ! ''

'' Il fait bon aujourd'hui ! ''

'' Va en enfer ! ''

'' La pêche a été bonne. ''


… '' Pan ! Pan ! ''


Des images que Sam aurait voulu ne jamais revoir, ni même voir, remontèrent du fin fond de sa mémoire.
Les images d'une petite fille de six ans aux cheveux bleu clair et aux yeux rubis, portant une mignonne petite robe blanche avec des nœuds roses, demandant à son père souriant ce qu'ils faisaient dans leur stand de tir privé et pourquoi elle devait tirer sur une cible, en forme de Pikachu, avec des fléchettes dont le bout était en fait une ventouse.
Et son père, vêtu d'un élégant smoking, tenant un pistolet, se penchant vers elle et lui expliquant que les Pokémon étaient dangereux.