Chapitre 24 : Le sang et la famille
Nathan Dialine était rarement en colère. Ou du moins, il ne le laissait jamais paraître. Etre maître de soi était un pré-requis quand on gouvernait. Il s'était toujours efforcé de paraître aimable et à l'écoute des gens sur lesquels il avait du pouvoir. Un gars comme Odion devait se faire obéir par la peur seulement. Nathan préférait user de la gentillesse. Ainsi, il gagnait facilement la loyauté de ses hommes, qui ne songeaient pas à se rebeller d'une façon ou d'une autre. Les menaces, les cris... Tout cela était affreusement barbare. Nathan était un homme distingué.
Mais actuellement, il avait beaucoup de mal à respecter sa propre façon de faire. Encore une fois, il avait reçu la preuve que Charlus Akenvas et Eléonore Sochenfort, ses collègues du Triumvir, étaient les pires incompétents que le monde ait jamais portés. Il ne devrait même plus s'en étonner, depuis le temps qu'il les côtoyait. Pourtant, maintenant que le plan qu'il avait mis en œuvre depuis des années commençait, tout devait être parfait ! La moindre erreur aurait été une insulte à son génie. Et qu'avaient fait ces deux idiots ? La plus grosse bourde qu'ils auraient pu faire.
Et le pire dans tout ça, c'était qu'ils en étaient fiers. Devant lui se tenait Eléonore Sochenfort, qui avait fini de lui raconter le fiasco qu'ils avaient provoqué à la Tour Scellé comme s'il s'agissait d'une étonnante victoire. Nathan crispa les mains sur son bureau, et se força à parler d'une voix maîtrisée, malgré son pouvoir du Chaos qui brûlait en lui, le suppliant de se déchaîner pour réduire Sochenfort en charpie.
- Bon... Lady Sochenfort, après vous avoir écouté attentivement, j'aimerai que vous répondiez à une question simple. Je ne vais pas utiliser de mots trop compliqués pour que vous compreniez. Qu'est-ce qui pourrait m'empêcher de vous faire exécuter sur le champ, vous et Akenvas, pour ce fiasco total et inconsidéré ?
Sochenfort cligna des yeux. Apparemment, elle s'attendait plutôt à des félicitations. Ce qui fit croître la colère de Nathan.
- Je ne comprends pas...
- Mes mots étaient encore trop compliqués pour vous ? Je reformule : donnez-moi une seule bonne raison de ne pas vous livrer à Odion pour qu'il s'amuse avec vous ?
- Nathan...
- Ce sera Lord Dialine, pour vous, Sochenfort, répliqua Nathan.
Eléonore dut percevoir le changement d'attitude chez Nathan, d'ordinaire toujours très aimable. Et ça plus qu'autre chose, ça l'inquiéta.
- Nous avons agis seulement pour votre intérêt et celui du Seigneur Diavil, se défendit la triumvir. Nous avions trouvé trois des personnes que vous recherchiez ! Ils sont bien devenus Gardiens, comme vous vous en doutiez, et tentaient de recruter Maître Narek et Stratoreus à leur cause.
- Et vous les avez aidé dans leur tâche.
- Mais nous...
- Ai-je ordonné une telle attaque ? Si seulement vous m'aviez mis au courant quand vous avez reçu cet appel de Medof. Mais non, il a fallu que vous partiez tous les deux pour vous dévoiler au grand jour devant Maître Narek en personne, qui aura désormais toute les raisons de se défier de nous !
- Mais c'était déjà un traître, protesta Lady Sochenfort. Il a conduit les Gardiens dans la Tour Scellée !
Nathan secoua la tête, accablé par la bêtise de son interlocutrice.
- Narek fait partie de la famille Congois. Ils servent ma famille depuis des générations. Vous croyez qu'un seul petit discours de Balterik aurait pu le pousser à la rébellion ? Oh, il l'a sans doute écouté, oui, et l'a même amené dans la Tour Scellée, par respect pour lui. Et je n'aurais rien dit, car je savais que Narek ne se serait jamais vraiment retourné contre nous tant qu'il n'aurait pas la preuve de ce que Balterik avançait. Et en vous pointant de la sorte, en faisant usage de vos pouvoirs, vous venez de la lui donner, cette preuve ! Pire, vous avez également envoyé Stratoreus, l'un des plus puissants Pokemon de la région, dans les bras des Gardiens !
Sochenfort garda un silence embarrassé un petit moment, signe qu'elle devait commencer à réfléchir. Nathan n'osait même pas imaginer l'effort que cela devait lui coûter.
- Mais quelle importance, au final ? Lança-t-elle enfin. Narek a beau être un puissant dresseur, il n'en reste pas moins qu'un homme seul. Que peut-il face à nos pouvoirs ?
Nathan se demanda vaguement comment le Triumvirat avait pu survivre durant des siècles avec ce genre de personnages au pouvoir.
- Narek n'est pas qu'un homme seul, répliqua Nathan. Il est une image, un symbole. Il est le Maître de la région. La grande majorité des dresseurs le considèrent comme leur modèle. Ils le suivront dans tout ce qu'il dira. De plus, la famille Congois est très influente dans la petite noblesse. Toutes les petites et moyennes maisons de l'aristocratie, en clair, celles qui font vivre la région, vont se ranger sous son drapeau. Certaines par respect pour lui, d'autres pour saisir une occasion de nous faire tomber, nous les trois puissantes maisons, pour prendre notre place. Quant à Stratoreus, je ne doute pas qu'il soit écouté parmi les Pokemon sauvages.
Nathan cessa de parler, histoire que Sochenfort assimile bien ce qu'il avait dit et les conséquences.
- En clair, conclut-il, par votre action stupide, vous venez de nous mettre toute la région à dos, alors que j'espérais me débarrasser des Gardiens discrètement et manipuler le peuple pour les faire passer pour les véritables méchants. Vous avez fichu tout mon plan par terre, d'un seul coup, en quelques minutes. Mes félicitations. Maintenant, peut-être pourriez-vous répondre à ma première question ?
Sochenfort blêmit.
- Je suis désolée... je... Je ne savais pas... De grâce, Lord Dialine, pardonnez-nous !
- Je ne sais pas si j'y serai disposé. Quels sont vos arguments, dites-moi ?
- Nous vous servirons en tout, désormais, Charlus et moi ! Se dépêcha de clamer Sochenfort. Nous ne ferons que ce que vous nous direz de faire, et rien d'autre. Nous serons loyaux. Et nous... Nous avons quand même capturé la Rocket qui était avec eux. Elle sait sans doute plein de choses sur le plan des Gardiens et sur Archangeos.
- Maigre consolation. Mais bon, il est vrai que la faire parler serait bénéfique. Je ne sais pas ce que ces trois là fichaient dans la Tour Scellée, mais je doute sérieusement que ce soit pour recruter Stratoreus. De plus, les Gardiens se sont séparés en trois groupes. Madison piste ma sœur et Geran dans le Verger, et Dakon est parti pour les îles Esbroff, où il a été prévenu que les deux Malware et le chanteur des Go-rock se trouvaient. Je me demande ce qu'ils cherchent dans ces endroits si différents...
Bien sûr, Sochenfort n'avait aucune réponse à donner.
- Où est la Rocket actuellement ? Demanda Nathan.
- Euh, eh bien... hésita Sochenfort. Comme elle est sa fille, Charlus voulait l'interroger lui-même. Mais c'est alors qu'Odion s'est pointé, et qu'il a décidé de s'en charger. Nous n'avons pas pu refuser...
Pauvre Kelifa, songea Nathan. Pour un peu, il aurait presque pitié d'elle. Presque.
***
Kelifa nageait dans un océan de douleur. Dans cet océan, il n'y avait ni commencement, ni fin, ni temps. Seulement la douleur. Elle avait les bras liés à un crochet, de tel sorte qu'ils soient levés le plus possible. Ainsi, son tortionnaire avait tout loisir d'infliger ses châtiments le long de son corps, bien qu'il semblait préférer son visage. Kelifa s'étonnait vaguement de ne pas encore être morte, avec tout ce qu'elle avait déjà subi. Nul doute que le Prince des Ténèbres s'y connaissait en douleur.
Kelifa, dans son métier, avait déjà eu à interroger des prisonniers, et elle savait reconnaître un maître quand elle en voyait un. Mais elle ne parlerait pas pour autant. Odion pouvait tourmenter son corps autant qu'il le voulait, il n'aurait pas son esprit. Dans la brume qu'était devenu son champ de vision, elle voyait Odion passer et repasser devant elle, lui infligeant quelques cicatrices de plus au passage avec sa dague noire, tandis qu'il débitait ses divines absurdités.
- Je m'ennuyais, alors j'ai créé l'Univers, disait Odion. Je n'ai pas de connaissance directe du temps antérieur au temps, mais où que j'ai pu être, je suppose que rien ne pouvait me défier. Alors j'ai créé une nouvelle existence. Toute matière, toute énergie est la manifestation de mon esprit immortel. Je suis l'unique enfant de Mère, la Mort, et j'ai créé la Vie. Mère m'a laissé faire, car il ne peut y avoir de mort là où il n'y a pas eu de vie. Elle escompte donc que je lui donne des millions d'âmes, et c'est ce que je ferai.
Le Prince des Ténèbres se posta face à elle. Kelifa eut une bonne vision de ses yeux gris et froids, luisant d'une lueur de folie. En fait, elle ne voyait plus que ça.
- Mais vois-tu, même si j'ai doté de mouvement toutes les créatures, toutes ne me servent pas. Car j'ai aussi créé un adversaire... Geran ! Pourquoi l'ai-je fait ? Sans doute parce que... je m'ennuyais. Il prétend être mon frère. Mais bien sûr, je suis le seul de mon espèce. Il est juste ce que je dois vaincre pour avancer. Et j'apprends maintenant que tu as pris son parti, plutôt que celui du Seigneur Odion qui t'a donné la vie. Tu offenses la création. Ma création !
Odion lui prit le menton avec sa main gelée. Une aura noire et malfaisante se dégagea de ses doigts, faisant comme si mille aiguilles se plantaient dans le visage de Kelifa. Mais elle n'avait même plus assez de force pour hurler.
- Tu m'as défié, Kelifa Akenvas, poursuivit le fou. Tu as renié ma volonté, celle qui m'a fait créer un univers avec des règles. L'incarnation, pour contenir mon intellect et mes choix. Mais si j'ai créé le Don pour que mes adversaires puissent transcender les limites que j'ai fixé, il n'appartient pas aux êtres tels que toi de me cacher des choses. Dis-moi où est Geran ? Que fait-il ? Quel est son plan ? Il faut vite que je le tue. Mère réclame son âme plus que n'importe laquelle ! Et Archangeos ? Où se terre-t-il ?
Kelifa leva la tête pour lui cracher au visage. Odion fut surpris, mais pas en colère.
- Je ne comprends pas... Ce refus de parler n'a aucun sens. Il n'y a pas une pensée dans ta tête que je n'aie pas vu. Peut-être les y ai-je mises moi-même en créant ta race, à l'aube des temps... Mais aussi sûrement que j'ai fait cela, j'effacerai ton existence si tu t'obstines.
- Eh bien, qu'est-ce que tu attends donc ? Demanda Kelifa d'une voix rauque. Je m'emmerde comme ce n'est pas permis là. Quand est-ce que tu vas commencer à me torturer sérieusement ?
Odion haussa les sourcils. Puis, d'une main, il déchira l'uniforme de Kelifa de haut en bas.
- Mec, on m'a déjà violé, et trop de fois pour que j'en ai tenu le compte. Désolé de te décevoir, mais tu n'es pas bien doué. Si tu ne baisses pas mon pantalon, tu n'arriveras à rien. Allez, dépêche-toi, je n'ai pas que ça à faire !
Odion plissa les yeux de totale incrédulité, puis il éclata de rire.
- Moi, te violer ? Aucune femme sur cette terre n'est digne d'un tel honneur. Je suis Dieu, et ma seule amante est la Mort.
- Je croyais que c'était ta mère, la mort... Tu veux dire que tu baises ta mère ? Est-ce ce Pokemon ailé avec qui tu te trimballes tout le temps ? Tu es donc Poképhile, avec ça...
Odion la gifla. Comparé au reste de ces coups, ça ressemblait presque à une caresse.
- Tes insultes ne peuvent m'atteindre, car je suis aussi leur créateur. Parle. Où se trouve Geran ? Et Archangeos ? Quel est votre plan ?
- Je suis une capitaine de la Team Rocket, pauvre crétin ! Je sers directement l'un des Agents Spéciaux. Si tu savais ce que 007 m'a infligé pour résister à la torture, tu n'insisterais pas. Comparé à ma formation, ta petite séance est une partie de plaisir, et tu ne m'arracheras pas un mot !
- Comme si j'en avais besoin... Ne m'as-tu pas écouté ? Je t'ai créé, donc je sais parfaitement tout ce que tu sais. Tes pensées n'ont aucun secret pour moi. Si je fais ça, c'est pour te donner une chance de racheter tes péchés et de mourir dans la joie d'avoir été tué par le Seigneur Odion, fils de la Mort et créateur de l'Univers !
- Mec, tu devrais vraiment songer à consulter...
- Je vois, fit Odion avec une pointe de tristesse dans la voix. Toujours pas décidée à expier tes fautes ? Eh bien, alors on va sérieusement passer au gros de notre affaire. Je vais essayer sur toi une torture que l'on avait l'habitude de pratiquer de mon temps.
- Pas trop tôt... Vas-y, montre moi ton truc.
Odion s'éloigna un moment, puis revint avec deux choses dans les bras. Une boite, et une casserole. Il y avait aussi un Eoko et un Noctunoir qui le suivaient.
- C'est quoi ça ? Demanda Kelifa, perplexe. Tu penses pouvoir me faire cuire là-dedans, pauvre débile ? Je suis bien trop grosse, tu devras d'abord me couper en morceaux. Faut-il donc que je t'explique tout ?
- Te faire cuire ? Quelle idée ! Me prendrais-tu pour un sauvage ? Cette marmite n'est pas pour toi, mais pour les Rattata.
Les yeux de la Rocket s'écarquillèrent un instant d'incompréhension.
- Des Rattata ? Serais-tu assez stupide pour penser que j'en ai peur, comme la plupart des femmes ?
- Leur utilité est autre que de t'effrayer, ma chère, dit Odion.
Il ouvrit sa boite et y plongea la main pour y retirer un Rattata, apparemment un jeune. Il le mit dans la marmite, ainsi qu'un second et qu'un troisième. Par manque de place, il en resta là, puis accrocha la marmite avec une chaîne sur le ventre de Kelifa.
- C'est assez agréable, signala Kelifa. Ils me réchauffent le ventre, et ça me donne sommeil ; c'est que je risque de piquer un petit roupillon si je continue à m'ennuyer ainsi.
- Ils te donnent sommeil dis-tu ? Railla Odion. Bientôt, ils vont faire bien plus que te tenir éveillée, fais-moi confiance, et tu seras prête à parler de tes amis.
Il s'éloigna à nouveau, et revint avec un chalumeau.
- Voilà un objet bien pratique, avoua Odion. Il peut cracher des flammes comme le ferait un Pokemon de type feu. Votre époque regorge de merveilles, je dois l'avouer. Mais après tout, c'est moi qui les ai pensées aux commencements des temps, et qui les ai mises dans vos esprits pour que vous les fabriquiez plus tard. Enfin bref... Pourrais-tu imaginer ce que je vais faire avec ça maintenant ?
Le regard horrifié de Kelifa lui appris que oui.
- Oui bien sûr que tu le sais, poursuivit Odion. Tu es quelqu'un d'intelligente...
C'est à ce moment que Charlus Akenvas arriva dans la salle de torture, observant sa fille d'un air intrigué, se demandant ce qu'Odion avait inventé.
- A-t-elle parlé, Seigneur Odion ? Demanda-t-il.
- Pas encore. Votre fille a une grande volonté, Akenvas. C'est une de mes plus belles créations, je dois l'admettre. Bien des Gardiens de l'Harmonie que j'ai torturés auraient déjà tout avoué. Mais ça ne saurait tarder à présent.
- Euh... puis-je savoir ce que vous allez lui faire ?
Les yeux d'Odion s'éclairèrent, comme s'il appréciait qu'Akenvas lui ait posé la question.
- Eh bien, voyez-vous, cette casserole accrochée au ventre de Kelifa contient trois jeunes Rattata. Je vais la faire chauffer avec mon chalumeau. Quand les Rattata sentiront la chaleur, ils seront affolés. Quand ils sentiront leurs pattes et leur moustache chauffer, ils seront prêt à tout pour sortir. Les Rattata ont une dentition assez développée. Où pensez-vous qu'ils creuseront un tunnel pour échapper à la chaleur ?
Akenvas avait saisi, et maintenant, il regrettait amèrement d'avoir posé la question. Mais Odion continua, tout à son bon plaisir d'énoncer des tortures.
- Après être rentrés dans son ventre, ils dévoreront ensuite le gros intestin de notre amie Kelifa ; cela devrait prendre jusqu'à dix minutes, j'ai calculé. Après, toujours selon mes prévisions, ils devraient monter et s'attaquer à l'estomac. Et enfin, ça sera soit les poumons, soit le cœur. Vous parieriez sur quoi, vous ?
Akenvas avait blêmit.
- Sei... Seigneur Odion, il serait... regrettable que la prisonnière meure. Même sans les informations qu'elle possède, elle nous serait utile...
- Oui oui, je ne compte pas la tuer trop vite. C'est pourquoi j'ai amené avec moi ce Noctunoir et cet Eoko. Noctunoir est très proche du royaume des morts, et il pourra me signaler le moment où Kelifa s'apprêtera à mourir. Alors, je me servirai d'Eoko pour la soigner, pour que je puisse recommencer ensuite. Aussi, j'ai envisagé d'essayer de la maintenir en vie avec le pouvoir de guérison d'Eoko en reconstituant ses organes pour voir jusqu'où les Rattata pourraient monter. S'ils parviennent à creuser plus, ils pourraient arriver jusqu'au cerveau ! Ça serait amusant non ?
Odion éclata de rire, et Akenvas s'empressa de quitter les lieux, sur le point de vomir. Et pendant près de deux heures, la salle ne résonna plus que des cris de Kelifa.
***
- Lord Dialine ?
Nathan leva le nez du rapport qu'il était en train de rédiger pour dévisager sa secrétaire.
- Oui ?
- Madame votre mère est ici. Elle vous prie de bien vouloir la recevoir.
Nathan fronça les sourcils. Ce n'était pas du genre de Mère de venir le voir au Centre Général.
- Faites-là entrer, répondit-il.
Fastia Dialine pénétra dans le bureau de son pas impérieux, bien que Nathan sentit grâce au Don qu'elle était bien moins confiante et sereine qu'elle ne voulait l'afficher. Nathan respectait sa mère. C'était une femme forte et digne, qui lui avait tout appris sur les rouages de la politique et de l'art de gouverner. Nathan pouvait même dire qu'il l'aimait, comme un fils aimait sa mère. Contrairement à la plupart des autres Agents du Chaos, Nathan n'avait pas de problème avec ce genre de sentiment. Nier l'amour, ça serait nier son humanité. Et Nathan était humain avant d'être un serviteur de Diavil. Garder son humanité était le meilleur moyen de ne pas finir comme ce taré d'Odion. Alors oui, Nathan aimait sa mère, il aimait même sa sœur, à un certain niveau. Toutefois, contrairement à la plupart des gens, l'amour ne l'empêcherait pas de faire ce qui était nécessaire pour atteindre son objectif final. En clair, il n'aurait aucun problème à éliminer Adélie si jamais elle devenait trop agaçante. Mais il espérait ne pas avoir à en arriver là.
- Mère, fit Nathan en se levant. Que me vaut ce plaisir ?
- Tu le sais bien. Il se trouve que ma fille est l'une des personnes les plus recherchés du pays. Tu espérais que ça ne me ferait rien ?
Nathan haussa les épaules.
- C'est de son seul fait ce qui lui arrive, mère.
- Tu connais Adélie. Elle est bornée, irréfléchie, ne mesurant jamais les conséquences de ses actes... Mais il s'agit de ta sœur, Nathan.
- Ça ne m'avait pas échappé.
C'était d'ailleurs pour ça que Nathan espérait toujours faire d'elle la mère de son héritier. Du pur sang Dialine, avec un double Don et les pouvoirs d'un Agent du Chaos mélangés. L'enfant qui en découlerait serait l'être le plus puissant au monde ! Capable de vaincre le Seigneur Diavil lui-même, et établir le triomphe des Dialine sur le monde pendant des générations. Car il y avait une chose à laquelle Nathan était plus attaché qu'à servir le Seigneur Diavil. Cette chose, c'était le nom de sa famille.
- Tu es le plus puissant des Triumvir, poursuivit Fastia. Il faut que tu l'aides, Nathan... Qu'importe ce qu'elle a pu commettre comme crime ou les gens avec qui elle s'est liée, il faut que tu l'aides !
- Pour l'aider, encore faut-il que je la retrouve, signala Nathan. Mais elle se cache bien, et ne semble disposée à se rendre. Mais pourquoi vous inquiétez-vous tant, mère ? Je croyais que vous avez coupé les ponts avec elle depuis qu'elle s'était enfuie de la maison. Que vous l'aviez presque reniée.
Fastia s'assit lourdement sur la chaise devant le bureau de Nathan. Elle était encore jeune, mais semblait avoir pris dix ans d'un coup.
- C'est ma fille, dit-elle simplement. Je l'ai portée, je l'ai mise au monde, je l'ai élevée... Et qu'importe son caractère, ce qu'elle a pu faire, ce qu'elle pourrait faire... Ce sera toujours ma fille, et je l'aime. Quand tu auras à ton tour des enfants, tu sauras que quoi qu'ils puissent faire ou devenir, tu ne pourras que les aimer pour toujours.
Nathan fut surpris. Sa mère, si rigide, n'était pas vraiment du genre à se laisser aller à ce genre de sentiment.
- Bien sûr mère, fit-il. Vous l'aimez. C'est aussi ma petite sœur. Nous aimons tous deux Adélie.
- Elle tient tant de votre père... J'ai l'impression de le revoir en elle...
Cette phrase ne plut pas à Nathan. Il se rappelait bien de son père, contrairement à Ad qui était très jeune quand il avait disparu. Nathan admirait son père. Il était après tout le chef et l'héritier de la maison Dialine. Un homme fort et respecté de tous. Qu'une insignifiante comme Adélie ait plus hérité de lui que Nathan le rendait malade.
- Je vais la retrouver mère, je vous le promets.
Nathan savait déjà où elle était, bien sûr, mais ne pouvait se déplacer lui-même avec tout ce qu'il avait à faire ici. À la place, il avait envoyé Madison. C'était elle qui lui avait demandé, à cause de son obsession de battre Adélie. Il espérait que la haine de Madison à l'égard de sa cousine ne soit pas telle qu'elle ne puisse s'empêcher de la tuer. Ce ne serait pas aussi catastrophique que l'idiotie de Sochenfort et d'Akenvas, mais ça contrarierait Nathan. Un peu. Il devrait expliquer ça à sa mère, et pourrait faire une croix sur son héritier pur sang. Car Nathan comptait bien perpétrer le nom de la famille.
C'était son rôle, en tant que seul héritier mâle. Et ça le dégoûterait de s'accoupler avec n'importe quelle autre fille qu'une Dialine. Toutes les autres leur étaient inférieurs. C'étaient des fourmis. Rien de plus, rien de moins. Un être comme Nathan, si puissant, si pur, ne devrait pas avoir à se souiller avec une femme inférieure. Adélie était insignifiante, certes, mais c'était une Dialine. La seule qui restait. Le nom de Dialine, la pureté de leur sang... Nathan y était très attaché. Pourquoi, alors qu'il allait bientôt dominer le monde au nom du Seigneur Diavil ? Car Nathan se savait mortel, contrairement à Odion. Un jour, il viendrait à mourir. C'était comme ça. Et ce qu'il laisserait derrière lui, son héritage, ce sera la continuité de sa famille. Il n'y avait rien de plus important. La famille...