Chapitre 2 : Etat critique
Un mois plus tard...
Plus que deux mois et tous les peuples de l'Antarctique migreraient vers le pôle. Peut-être que certains étaient déjà en route ?
Polarhume songeait à cela allongé sur son lit de glace. La mer était avant à deux cent pas de chez lui (Il avait compté !), à présent, elle n'est plus qu'à cent vingt-cinq pas. La glace fondait extrêmement vite, et personne ne comprenait encore pourquoi. D'habitude, elle fondait bien plus lentement que ça quand on passait du cycle de nuit au cycle de jour.
Certaines grottes de glace en bord de mer avaient déjà été englouties durant ce premier mois, et Polarhume se demandait quand la mer serait à leur niveau.
Le pic où s'était réuni le village un mois avant était à présent à moitié dans l'eau et monter dessus reviendrait à le faire s'écrouler. Parfois même, des gros morceaux de banquise se détachaient et se dirigeaient vers le large en fondant. Bien souvent ils ne dépassaient pas le cercle polaire avant d'avoir fondu entièrement. C'est peu dire que la glace fondait vite, non elle fondait à vitesse grand V. Et de ce qu'en disaient les adultes, ça allait en crescendo.
Pour la première fois de toute sa vie, Polarhume voyait le village en effervescence et en continuelle inquiétude au fur et à mesure des jours qui passaient. Les Tiplouf et les Otaria ne se baignaient plus, le toboggan de la mort avait lui aussi sombré dans les abysses glaciales du cercle polaire Sud. Et ne parlons pas de toute la côte de l'Antarctique. Selon les Lokhlass, toute la côte fondait de la même façon, à n'importe quel endroit que l'on soit. Quelle pouvait bien être la raison de cette fonte prématurée et violente ?
C'est sur cela que discutaient les Hexagel avec le roi. En attendant, tout le monde s'activait à aller pêcher ou déménager des grottes plus loin.
Les Dimoret n'étaient toujours pas revenus, sauf un qui était parti informer un peuple à quelques kilomètres du village.
Le peuple Pingoléon se joindrait au voyage avec le village. Quelques habitants de là bas ne tarderaient pas à arriver pour aider en cas de besoin.
Polarhume, après avoir médité tout cela, sortit de la grotte en pleine après midi, et constata qu'il faisait vraiment chaud pour une région polaire comme celle ci. Il marcha une heure dans le village et regardait passer les Polagriffe qui faisaient des aller-retours de l'eau à la banquise. Parfois on entendait des gros fracas de glace qui tombait dans l'eau. Le Pic était en pleine dislocation.
Polarhume avait eu l'idée de monter sur la colline où il était monté le premier jour du cycle de jour. Mais pas pour se prélasser cette fois. Il voulait avoir une vue globale de la fonte des glaces, et observer à quelle vitesse elle fondait. Mais il remarqua que la colline avait rétréci ! La fonte des glaces ne se limiterait-elle pas à la banquise et son épaisseur qui rétrécissent ? Fondrait-elle également par le dessus ?
Finalement il fit demi-tour pour en informer Oniglali et Polagriffe, qui eux étaient à la besogne pour construire d'autres grottes/maisons loin de la côte en remplacement de celles qui avaient été détruites.
- Polagriffe ? S'enquit le jeune ourson.
- Oui mon petit, qu'y a t-il ? Répondit Polagriffe.
- Vous voyez la colline à quelques pas d'ici ? Elle rétrécit également, la dernière fois que j'y suis monté, c'est à dire il y a un mois, elle était bien plus grande.
- Comment ça ?!
Polagriffe était étonné et regardait à présent longuement la colline, qui rétrécissait à vue d'oeil.
- Impossible... reprit-il.
- La glace font par le haut également !
- Non seulement nous sommes pris par les côtés et en bas mais aussi par le haut ?!
Polagriffe eut à peine le temps de finir sa phrase qu'un très gros fracas se fit entendre suivi d'une fissure dans la partie de glace où se situaient les travailleurs.
Tout le monde regardait dans la direction du pic... qui n'y était plus. Ils étaient tellement ébahis qu'ils ne voyaient pas le morceau de banquise sur lequel ils étaient accrochés commençer à se décrocher et dériver lentement. Ce fut Polagriffe qui donna l'alerte :
- Qu'est ce que vous faîtes ?! Vous voyez pas que la banquise se détache ?! Sautez de l'autre côté, on ne peut plus rien faire pour le pic, il est dans l'eau à présent !
Tous les autres semblèrent se réveiller et sautèrent de l'autre côté de la banquise.
- Petit, étant donné que tu ne sais pas nager, je vais te lancer d'accord ?
- D... D'accord allez y, mais visez un tas de neige s'il vous plaît... fit Polarhume d'un air inquiet.
Polagriffe prit Polarhume dans sa patte et le lança au loin vers la banquise, et heureusement, vers un tas de neige. C'était comme être projeté par une catapulte. Il atterrit enfin après d'interminable secondes tout droit dans le tas de neige. Le temps de se ressaisir, d'en sortir et il se précipitait devant la côte pour regarder si Polagriffe allait bien. Son sauveur avait lui aussi sauté, il n'y avait plus aucun danger.
Polagriffe demanda un conseil pour ce soir avec tout le monde devant la colline cette fois puisqu'il n'y avait plus de pic.
Le soir venu, tout le monde se rassembla devant la colline, même les enfants étaient présents cette fois. Ce fut Oniglali et le roi Hexagel qui apparurent en premier suivis de Polagriffe. Ce dernier prit assez vite la parole :
- Chers amis, vous avez pu voir cet après midi pourquoi nous sommes réunis cette fois ci sur la colline. Effectivement le pic a sombré également dans l'eau, et une partie de la banquise s'est détachée quand des travailleurs étaient encore dessus. L'état de l'Antarctique devient critique. Je vous demande donc de préparer un strict minimum d'affaires dès ce soir, nous partirons demain pour le pôle !
La nouvelle fit écho dans toute l'assemblée qui se dispersait lentement. Le peuple discutait de ce qu'il allait prendre comme «strict minimum». Polarhume lui allait demander un renseignement à Polagriffe, qui semblait beaucoup plus inquiet maintenant qu'avant de prononcer ses paroles.
- Polagriffe ? Demanda Polarhume timidement.
- Oui petit ? Répondit Polagriffe avec une douceur inhabituelle.
- Combien de jours mettraient-on d'ici au pôle ? Est ce que la fonte n'aurait pas le temps de nous rattraper ?
- Je ne crois pas, mais il vaut mieux partir demain. Si nous devions attendre encore deux mois, la totalité du village serait sous l'eau. Et quant au nombre de jours que nous mettrions, cela pourrait aller d'un mois à un mois et demi selon les conditions...
- D'accord, merci Polagriffe...
Sur ces mots, Polarhume s'en alla préparer ses affaires pour partir le lendemain. Il n'embarquerait que sa peluche, un bout de tissu trouvé sur la côte.