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Les Héritiers du Nexirys - Tome I : Black Future de Ayumi-san



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Informations

» Auteur : Ayumi-san - Voir le profil
» Créé le 06/07/2013 à 14:49
» Dernière mise à jour le 21/10/2013 à 11:28

» Mots-clés :   Aventure   Fantastique   Présence d'armes   Présence de poké-humains   Région inventée

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Chapitre V : Une horreur sans nom
____« Les ténèbres... Ils m'entourent tel un impénétrable linceul de satin noir, plus étendus que le ciel lui-même.
_Autour de moi, des méandres obscurs se meuvent, ondulants comme le seraient les volutes d'une fumée épaisse et étouffante. Cependant, je crois percevoir des tons mauve sombre qui y ajoutent un aspect d'autant plus menaçant ; mais je reste plongée dans l'ombre. Le vide est si présent ici que j'ai l'impression d'étouffer.
Je n'ai pour seule compagnie que ce néant dans lequel je flotte, incapable de m'en libérer.
_Mais ce n'est pas Sa faute. Il n'a fait que ce qu'Il avait cru juste de faire, après tout. J'ai parfois le sentiment de ne pas être digne de Son choix, même réduite à l'état de songe.
Pourquoi moi ? Cela fait longtemps - une éternité - que cette question danse dans ma mémoire, indiscernable, vive et brûlante comme un feu-follet.
_Il l'a promis : j'aurai mon rôle à jouer. Alors j'attends. C'est long, très long... Il m'arrive de me mettre à douter ; à chaque fois que le découragement me gagne, c'est comme si m'enfonçais davantage dans l'oubli.
_Ça ne doit pas être permis, je ne dois pas abandonner parce que...
Parce qu'il y a cet étrange pressentiment qui m'étreint le cœur depuis un moment déjà. Parce que je veux croire à l'infime lueur qui brille faiblement au creux de ma poitrine, chaude et vacillante.
_Et aussi parce que depuis quelques temps - un mois ? une année ? -, je suis capable de bouger. Très peu, certes : mes mouvements se limitent à un membre tendu, un hochement de tête. Et je peux ouvrir les yeux, même si dans cette pénombre huileuse, la vue ne m'est pas d'une grande utilité. Parfois, des pulsions me traversent le corps, comme si mon fantôme de cœur redémarrait après tout ce temps, déversant dans l'esprit que je suis une sensation de fébrilité.
_Je porte lentement mon bras à mon buste, là où désormais, je peux sentir de faibles battements réguliers. C'est largement suffisant, pensé-je. Le fait de pouvoir me libérer peu à peu chaque jour fait progressivement croître mon espoir.
Il l'a promis, alors c'est pour bientôt. Je le sens.
Quand ? Combien de temps ?
_Pendant un instant, un infime souffle de vie, comme venu d'ailleurs, se glisse dans mon dos et remonte au creux de mon cou, me chatouillant au passage d'une tendre caresse.
La réponse me vient alors d'elle-même.
Ce soir, murmure-t-on à mon oreille. »



_Un silence surnaturel s'était étendu sur la forêt après la découverte du corps, à peine une heure plus tôt. Désormais, seule la brise fraîche s'engouffrant dans les hautes branches des arbres était percevable. Dans l'ombre, les feuilles frémissaient, ciselées par les rayons du soleil qui, au vu de sa position, n'allait pas tarder à annoncer la fin de l'après-midi.
_Diana avançait d'une démarche raide mais prudente, les crocs crispés sur sa lèvre inférieure et les muscles tendus sous son pelage d'ivoire.
Plus de trois heures s'étaient écoulées après sa fuite temporaire du village. Cependant, le paysage ne semblait pas décidé à changer. Seul le passage dans le territoire inconnu avait légèrement modifié l'environnement, remplaçant les arbres aux ramages plus verts que l'émeraude par d'immenses sapins portant fièrement des milliers d'aiguilles tournées dans toutes les directions.
_Entre les troncs plantés au beau milieu de la forêt, imperturbables cylindres de bois à la surface rêche et sombre, la louve blanche ralentit son allure et finit par s'arrêter. Les yeux à demi-clos, fixés sur le sol, elle sentit le découragement gagner encore du terrain.

_« Qu'est-ce que je dois faire ? La journée touche presque à sa fin... Combien de temps vais-je devoir encore marcher ? Je n'en peux plus... »


_Un sentiment de rancœur et d'abandon s'empara vicieusement de son cœur. La fatigue, les récents événements retombèrent sur elle d'un coup et Diana sentit avec horreur sa vue se brouiller.
D'un geste sec, elle secoua immédiatement la tête pour chasser ses larmes et se redressa, reprenant son chemin, ignorant ses pattes en feu et d'où poignait une légère douleur.

_« Je ne vais pas me laisser abattre aussi facilement, ça ne me ressemble pas. Où qu'elle me mène, je dois suivre cette piste... Même si je suis quasiment persuadée que ce qui m'attend ne va pas me plaire. Pas du tout. »

_Comme pour confirmer ses dires, sa corne sombre lui envoya une pulsion qui la fit frémir.
_Relevant la tête, elle inhala pour s'assurer qu'elle suivait toujours la bonne voie. Sa bouche se tordit en un rictus dégoûté et elle se remit mécaniquement en marche, comme si elle acceptait presque l'idée martelant sa conscience.

___Je n'ai jamais autant détesté l'odeur du sang, murmura-t-elle pour elle-même avant de s'enfoncer entre les ronces folles perçant par endroit la litière de la forêt.


_C'est parfois plus simple d'imaginer les pires situations, pour être ensuite agréablement surpris.
Mais lorsque la réalité est plus atroce que ce à quoi on s'attendait, alors c'est la chute.
Le gouffre.
_À la lisière de la clairière qu'elle venait de rejoindre, Diana resta tétanisée d'horreur, les yeux écarquillés et tremblants, incapable d'effectuer le moindre mouvement. Un immonde goût acide remonta brusquement jusque dans sa gueule, brûlant sur son passage sa langue et son palais.
_La vérité était trop insoutenable, trop irréelle, et l'herbe... l'herbe poisseuse, plus rouge que des baies de houx. Un vermeil fascinant enlaçait chacun des brins, reluisant sous le soleil morne et blanc.

_« Mais qu'est-ce que... »

_Un silence de mort et lourd de sens s'était déposé au milieu de la trouée perçant les immenses arbres. Éloignés les uns des autres et disposés en une sorte de triangle, trois formes restaient sans bouger, inertes comme de la roche. Les rayons faibles mais agressifs de l'astre du jour dessinaient presque avec plaisir chaque relief de fourrure et la courbe immobile des membres ensanglantés.
_Malgré la distance qui la séparait du carnage, Diana put apercevoir le plus éloigné des corps : un pelage mauve tâché de cercles jaunes, une silhouette fine et élancée et dont la tête était affreusement inclinée sur le côté, formant un étrange angle avec le reste du dos.
_Un Léopardus. La nuque écarlate et totalement réduite en miettes.
_Diana détourna immédiatement le regard à l'opposé en hoquetant de dégoût.
Se figea.
Ses yeux effleurèrent d'eux-même la deuxième victime sans qu'elle n'eut le temps de les fermer.
_Malgré les quelques secondes durant lesquelles la jeune louve put supporter la vue qui se montrait à elle, elle fut incapable de nommer la forme étalée au sol, réduite à un simple morceau de pelage brun déchiqueté et éclaboussé de sang.
_Un cri venu des profondeurs de son âme naquit au fond de sa gorge avant d'enfler dangereusement.
Seul un murmure étranglé franchit le seuil de ses lèvres.
Un soubresaut parcourut ses pattes et elle eut juste le temps de tourner vivement la tête sur le côté pour renvoyer l'intégralité de son précédent repas, laissant dans sa bouche un écœurant goût de chair crue et de bile.

_« C'est quoi... ce... bordel... »

_Les yeux obstinément fixés sur le sol, elle fut incapable de redresser la tête, le cœur martelant douloureusement sa poitrine affolée. Face au sinistre spectacle qui s'offrait sadiquement à elle, Diana perdit peu à peu la fierté dont elle faisait preuve jusqu'ici.
_Les barrières du supportable érigées dans sa conscience volèrent en éclats alors qu'au creux de sa poitrine, une partie d'elle-même se fissurait irrémédiablement.
L'odeur du sang en décomposition, marquée partout, imprégnait les troncs et possédait littéralement la moindre particule de l'air souillé de ses relents métalliques.
_La louve blanche sentit le malaise croître au fond d'elle. Sa tête se mit à tourner.
_Alors qu'elle se sentait glisser dans une inconscience nauséeuse, un murmure résonna à ses oreilles, si faible qu'elle crût presque avoir rêvé.
Le temps se figea plusieurs secondes puis de nouveau, la plainte s'éleva, rauque mais bien présente.
_Diana leva lentement les yeux droit devant elle.
À quelques pas, au centre de la clairière, un rayon de soleil eut le temps d'accrocher l'ombre d'un mouvement au sol.
Le troisième corps.


_Lentement, la jeune louve redressa la tête sur ses pattes en tremblant. Un long frisson glacé traversa sa colonne, faisant se hérisser sa fourrure blanche.
Le cœur au bord des lèvres, elle s'avança prudemment dans le halo de lumière se déversant dans l'espace découvert, faisant luire l'herbe maculée d'écarlate.
Au sol, baignant dans une véritable marre vermeille alimentée par son propre sang, le Pokémon esquissa un geste désespéré. Une profonde plaie rougie barrait le bas de sa gorge. La victime impuissante se noyait dans son liquide vital, le souffle mêlé à d'étranges gargouillis. Parfois, une petite bulle se formait au niveau de ses narines, prouvant qu'elle respirait encore faiblement.
_Quand elle fut arrivée à sa hauteur, Diana put identifier sans mal la créature qui lui jeta un regard mauvais, un Arbok à l'expression méfiante et figée de douleur.
Réprimant la nausée qui paralysait son corps, la jeune louve prit une faible inspiration et ouvrit la bouche pour parler.
_Elle frémit au son de sa voix, rendue méconnaissable par la terreur et le dégoût.

___Qu'est-ce que... qu'est-ce qu'il s'est passé ?

_Le Arbok fut parcouru d'un frisson nerveux tandis que sa collerette se décolorait peu à peu.

___Une... Une chasse qui a mal tournée, on dirait bien... fit-il en un souffle d'où perçait, malgré la situation, un semblant d'ironie.

_La louve blanche avala avec difficultés avant d'enfoncer ses griffes dans l'herbe teintée qui émit un immonde bruit de sucions.

___Mais qui ? fit-elle d'une voix éraillée. Qui vous a fait ça ?

_Le serpent mauve déglutit douloureusement, faisant s'échapper de longs filets de sang chaud de sa blessure.
Il ne trouva le courage de continuer qu'après plusieurs secondes.

___... Un Pokémon fou furieux, répondit-il finalement.

_Un rictus de mépris déforma son visage tendu et son œil se vidant lentement de vie transperça son interlocutrice comme une pure lance de glace.

___... Comme toi.

_La Pokémon Désastre se pétrifia d'horreur alors que les poils de son dos se dressaient brusquement comme des aiguilles d'ivoire. Son cœur rata un battement.
Dans son esprit embrumé, les pièces du puzzle se mirent aussitôt en place, morceaux d'une vérité innomable.
_Lorsqu'elle fut enfin sûre de comprendre, une angoisse maladive déferla dans sa tête comme un torrent d'eau glacée, puis inonda le moindre muscle de son corps.

___Grand, assez vieux. Un regard de bête, brillant d'une folie meurtrière, et un pelage... blanc... blanc comme le tien, découpé de cicatrices et d'entailles.
___Non... Non, ce n'est pas possible ! Pas lui... Il n'aurait pas fait ça... pas une chose aussi immonde...! murmura Diana en secouant lentement la tête de droite à gauche.
___Et pourtant, ricana faiblement l'Arbok toujours étendu au sol.

_Les rayons du soleil reflétèrent faiblement la corne noire de la jeune louve qui avait baissé le regard, transformant ses yeux en deux lames écarlates et luisantes.
Ce n'était pas lui. Ce n'était pas lui.
_La voix rauque de l'Arbok la tira du conflit faisant rage dans sa tête.

___Une si belle renarde, je ne vois pas où était le problème... La chasse n'a ja...
___Qu'est-ce que..., commença-t-elle en un souffle, sous le regard incompréhensif de la victime. Qu'est-ce que tu viens de dire...?

_Un silence de plusieurs secondes lui répondit, pesant comme une chape de plomb glacée.

___Une simple créature un peu trop aventureuse, une proie comme il y en a toujours eu...
___Tu ne comprends pas ! siffla Diana qui avait peur d'avoir saisi la situation. Cette proie, comme tu dis, que tu poursuivais afin de t'en régaler, elle est rentrée au village. Elle... elle avait eu beaucoup de chance d'échapper à un prédateur tel que toi...

_Le serpent mauve crispa les paupières, cherchant à distinguer l'expression de son interlocutrice à travers l'écran devenu flou de son regard.

___Ça n'a plus d'importance, maintenant...
___Oh, dois-je comprendre que mon Crochetvenin a fait effet ? interrogea faiblement le serpent avec une pointe de satisfaction. Personnellement, j'espérais qu'il se déclenche plus tôt afin de rattraper cette Évoli plus facilement, mais...

_Il poussa un gémissement alors que du sang coulait de sa gueule, dégoulinant sur la grande collerette décorée de motifs jaunes ornant son cou lacéré.

___Mais il y a eu cet espèce de malade qui nous a bondit dessus. Il a ordonné... à la gamine de s'enfuir avant de massacrer mes compagnons comme un barbare. Il n'a eu qu'à plonger ses crocs dans ma gorge puis s'est effondré à son tour.
___Il s'est effondré ? répéta l'Absol d'une voix minuscule. Où... où est-il ?
___Même avec les blessures que nous avons eu le temps de lui infliger, ce bâtard s'est trainé sur une bonne distan...
___Où est-il ?! hurla-elle de nouveau, la colère et la peur faisant trembler sa mâchoire et ses dents. Où est celui qui vous a fait ça ? Qu'est-il devenu ?!

_L'Arbok tourna les yeux vers l'orée de la clairière, à l'opposé de l'endroit d'où était venue Diana.
Il émit un rire faible et sadique avant de planter ses pupilles vides dans celles de la jeune louve.

___Vas-y, tue-moi ! cracha-t-il, la gueule écarlate. Je sais que tu meures d'envie de m'achever, je le lis dans ton regard noyé de rage !

_Il plissa les paupières d'un air de défi et la concernée leva brusquement sa patte au-dessus de sa tête.
Un rayon de soleil fit luire ses griffes sombres comme la nuit.

___N'oublie pas... de me trouver un bel Hiiro.

_Diana stoppa net son mouvement, les sourcils froncés, une expression indéchiffrable peinte sur ses traits.

___Oui... Je vois la surprise marquée sur ton visage, reprit le serpent avec un calme froid. Tu crois que je ne suis pas renseigné ? Laisse moi deviner : tu viens du clan qui vit au cœur de la forêt, à plusieurs kilomètres de ce territoire "inconnu", comme vous l'appelez. Vous respectez avec beaucoup d'honneur les défunts et leur rendez gloire avec ces objets rouges signifiant les valeurs qu'ils incarnaient de leur vivant. C'est quelque chose d'important pour vous, n'est-ce pas ?

_Il émit un rire pitoyable, à demi-noyé dans l'écarlate de son sang.

___Et bien quoi, continua-t-il, la voix rauque et empressée, j'ai tort ? Non, ta surprise n'est pas feinte. Laisse-moi te dire une chose, espèce de petite garce : vous prétendez rendre hommage aux morts de cette façon, mais qu'en est-il des victimes de vos chasses ? Ont-elles aussi droit à ces petites cérémonies pour obtenir le repos éternel ? Non, tu le sais très bien. Ton expression ahurie vaut tout les trésors de la forêt, et je constate donc que j'ai entièrement raison.

_Dans les branchages des sapins alentours, le vent s'agita nerveusement, comme pour confirmer les paroles du mourant.
La fugitive abaissa lentement son membre, l'esprit marqué au fer rouge par les propos qui venaient d'être prononcés avec tant de mépris.
Et si... et s'il avait raison ?
_Elle secoua la tête. Cette créature était un monstre à langue de serpent, responsable de la mort de l'Évoli. Il magnait les mots comme des lames affûtées et tranchantes, blessant droit au cœur quiconque les écoutaient trop longtemps.

___Vous n'êtes... que des égoïstes, et lui un meurtrier. Je ne...

_Le Arbok serra les crocs, comme pour retenir le mince fil le reliant encore à la vie. Lorsque un rayon de soleil compatissant vint caresser son corps longiligne, son regard s'attarda une longue seconde sur Diana avant de se fermer lentement.

___... je ne vous le pardonnerai ja... jamais...

_Son dernier gémissement fut plus léger que le souffle de la brise, à peine hachuré par le sang inondant sa gorge.
Un filet vermeil s'échappa de ses lèvres et glissa lentement sur le côté de son menton.
_Diana ferma les yeux avant de faire brusquement demi-tour, le corps tremblant.
Elle traversa la clairière en silence, insensible à ce qui l'entourait, comme plongée dans un brouillard filandreux.
Après quelques pas, l'herbe éclaboussée d'écarlate laissa de nouveau place à un tapis d'aiguilles craquant au moindre de ses pas.
Continuer d'avancer. Pour être sûre.
Juste pour être sûre. Une fois pour toute.
_La jeune louve se mit à courir entre les sapins alors que son cœur s'affolait d'un coup.

_« Où est-il ? »

_Elle serra les dents, ce qui étouffa le cri qui remontait dans sa gorge. La peur lui dévorait le ventre comme une bête folle et affamée, désordonnant ses mouvements et brouillant ses sens.
_Malgré les regards éperdus qu'elle jetait autour d'elle, Gabor restait introuvable. Selon les propos du Arbok, il avait été blessé et n'avait pu parcourir une grande distance. Il était forcément dans les environs, il suffisait seulement de le chercher.
_Diana ralentit soudainement sa course, soulevant les aiguilles brunes tombées au sol, alors que sa respiration se bloquait d'un coup.
Malgré les certitudes qu'elle avait insufflé à son esprit et le fait de deviner ce qui l'attendait, elle ne put s'empêcher lâcher un soupir pareil à un sanglot.
Pour la première fois depuis longtemps, et sans qu'elle ne fut capable de les retenir, deux sillons cristallins roulèrent sur ses joues sombres, noyant ses prunelles rouges.

___Pourquoi... Pourquoi toi... lâcha-t-elle faiblement, les yeux rivés sur le tas de fourrure blanche jonchant le sol.


_Son temps de réaction fut long. Dix secondes, tout au plus, le temps pour elle d'espérer vainement la présence d'un corps. Rien ne se passa.

___Non... Non, non !

_La jeune louve se rua en avant, soulevant furieusement des touffes entières de poils longs et neigeux sans pour autant trouver quoique ce soit.
Un brusque frisson secoua ses membres.
_Il y eut alors ce quelque chose dans son âme, déjà fissuré comme de la porcelaine, qui tomba en poussière. Ce fut si surprenant qu'elle ne put se retenir de gémir avant de porter ses griffes tremblantes à sa poitrine, là où désormais une sensation de froid semblait figer son cœur. Pendant un instant, elle se sentit pareil à une coquille vide et creuse, comme si toute la violence dont elle avait été témoin avait divisé son esprit en deux parties dont l'une ne réagissait plus, plongée dans un état second.
_Elle se reprit pourtant et lâcha un gémissement alors que ses crocs s'enfonçaient dans sa lèvre inférieure.

___Putain, où est-ce qu'il est ? Gabor ! hurla-t-elle à pleins poumons. Gabor !

_Une première pulsation lui traversa le corps comme une décharge électrique, stoppant d'un coup ses pattes devenues folles.
Fuis.
_Diana se recula en tremblant, les yeux rivés sur le tas disloqué de fourrure ivoire. Dans sa tête, l'ordre se fit entendre de nouveau, claquant comme un coup de fouet. Elle porta sa patte sur sa corne échauffée. Au creux de la lame sombre, un frémissement lui parvint, vif et affolé.
Fuis !
_La fugitive sursauta. La Meute ! Elle allait forcément la sentir ! Si elle était encore en exploration sur le territoire inconnu, il ne faudrait pas plus de quelques minutes aux Absol pour repérer ce parfum et comprendre ce qu'il s'était passé.
Ils étaient peut-être même déjà en route.

___Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ? souffla-t-elle en redressant la tête.

_Elle leva les yeux, cherchant autour d'elle la moindre trace, le moindre indice pouvant témoigner de la présence du loup blanc. Rien. Pas même une traînée de sang, il ne restait rien de Gabor. Seule sa fourrure tachée de vermeil demeurait étalée au sol, caressée par la légère brise qui s'était levée, chassant l'odeur métallique à travers la forêt.
_Résignée, elle jeta un dernier regard devant elle avant de se détourner alors que dans son cœur, la tristesse laissait peu à peu place à une boule acide d'amertume et de rancœur.

_« Si tu crois que je vais abandonner aussi facilement, tu te trompes. Je découvirai ce qu'il s'est passé et, où que tu sois, je te trouverai... mort ou vif. »

_Elle bondit en avant, en direction opposée du village : revenir sur ses pas ne serait pas suffisant, il lui fallait faire un grand détour pour ne pas croiser son père et les chasseurs.
_Malgré la fatigue alourdissant ses membres et les innombrables interrogations dansant dans sa tête, elle maintint un rythme régulier sur une longue distance. _Lorsqu'elle estima être suffisamment éloignée, elle bifurqua sur sa droite et entreprit de longer un large bosquet alors que la même question revenait la tarauder, insupportable et insistante.
_La jeune louve ferma les yeux.

_« Où est-il ?... Est-ce que... »

_Elle fut soudainement arrachée à ses pensées et, alors que son cri restait coincé dans sa gorge, son flanc heurta violemment le sol. Une douleur aiguë lui transperça le membre avant gauche et Diana couina avant de s'immobiliser complètement.
_Plusieurs secondes s'écoulèrent durant lesquelles seul le vent dans les sapins se fit entendre, puis elle ouvrit lentement les yeux. Allongée sur le ventre et légèrement sonnée, elle essaya de remuer doucement ses pattes afin d'évaluer les dégâts. Une onde de douleur lui permit de constater qu'elle n'était pas indemne : un éclat de branche s'était logé entre ses griffes et sa pointe avait pénétré sa chair sur environ cinq centimètres.

___Aïe..., souffla-t-elle alors qu'elle avançait son visage au-dessus de l'écharde.

_Lentement, elle ouvrit la bouche et, du bout de ses crocs, la mordit afin de la déloger.

___Aïe, putain ! couina-t-elle alors que ses yeux s'embuaient de nouveau.

_Irritée, elle empoigna l'aiguille à pleines dents et, les paupières plissées, donna un brusque coup de tête vers l'arrière, ignorant la douleur qui lui traversait le membre.
_La pointe de bois céda presque aussitôt et elle l'envoya rouler entre les troncs en jurant. Entre ses griffes, un liquide chaud empoissa sa fourrure.
_Diana donna un coup de langue sur la blessure et se releva péniblement. Derrière elle, une racine s'exhibait fièrement sous les rayons tièdes du soleil.
_Avec un regard mauvais, la louve blanche se détourna et reprit son chemin, appuyée sur trois pattes pour limiter l'écoulement du sang susceptible de trahir sa présence ici.


_Lorsque enfin la fugitive franchit la frontière entre le territoire inconnu et le cœur de la forêt, elle s'autorisa un soupir de soulagement. Elle avait profité d'être seule pour enfouir et étouffer les événements de la journée dans son esprit, créant dans sa mémoire une véritable barrière mentale. Ainsi, elle pourrait oublier les images de sang l'ayant marquée et tenterait plus tard de faire le point sur les actes de Gabor. De plus, le chemin jusqu'au village était encore long, la prudence était donc de mise.

_« J'aurai tout mon temps ce soir pour... y réfléchir... »

_Alors qu'elle sentait sa gorge se serrer, un craquement venu de sa gauche s'éleva parmi les arbres et elle se redressa vivement, les yeux grands ouverts. Le silence figea l'endroit pendant plusieurs secondes, puis un nouveau bruit se fit entendre et une créature émergea des fourrées en maugréant.

___Pfff, c'est même pas drôle, grogna Riolu, empêtrée dans les ronces et les feuilles.

_Elle se figea en voyant Diana tout aussi surprise qu'elle.
Les yeux écarquillés, la louve bleue se libéra vivement des buissons au moyen de grands mouvements avant se se mordiller la lèvre inférieure.

___Merde..., fit-elle en se frottant nerveusement la nuque.
___Qu'est-ce que tu fais là ? interrogea l'Absol sur le qui-vive.

_La Pokémon Émanation haussa les épaules avant de lancer un regard furieux vers son amie.

___T'avais dit que tu me rejoindrais devant le dojo, tu te souviens ? Sauf que quand je suis sortie, personne ne m'attendait et ça m'a énervé.
___Comment savais-tu que j'étais là ? Tu m'a pisté ?
___À vrai dire, je n'avais pas beaucoup de chance de te trouver hors du village après l'interdiction de Balfor, mais bon, c'est connu, le jour où tu obéiras, les Poussifeu auront des dents*.
___Et tu n'es pas allée plus loin ? Tu n'as franchi la frontière du territoire inconnu ?
___Nan mais ça va pas ? Je ne m'appelle pas Diana, moi, je ne m'aventure pas aussi loin juste pour... Pour quoi, d'ailleurs ? Et pourquoi toutes ces questions ?

_La louve blanche s'autorisa un second soupir de soulagement avant de s'asseoir.
Intriguée, Riolu inclina la tête sur le côté, l'expression interrogative.

___Ça va pas ? fit-elle en s'approchant de son amie. T'es toute pâle et tes yeux sont un peu rouges (ha, ha)...

_Diana lui lança un regard surpris.

___Ok, encore plus rouges, reprit la créature bleue. Tu as faim ? Tu as mangé ?
___Oui... euh non... enfin si, mais euh...

_Alors qu'elle se mordait l'intérieur des joues, son amie haussa un sourcil, incrédule.

___Eh, mais tu saignes ?! s'exclama-t-elle en s'approchant. Comment tu t'es fait ça ?
___C'est rien, juste une mauvaise chute, répondit l'intéressée. Je... quoi ?

_Elle s'interrompit en voyant Riolu tendre un bras vers elle, le visage neutre.

___Donne la pa-patte.
___Hein ?
___Roh, ça va ! soupira la louve bleue, ses prunelles malicieuses et émeraudes parcourues de paillettes plus obscures. Donne-moi ta patte, je te dis, je vais arranger ça.

_Diana s'exécuta, incompréhensive, puis écarquilla les yeux en voyant la Pokémon Émanation glisser sa langue rosée entre ses griffes, à l'endroit même de la blessure où le sang avait séché.
_Malgré elle, elle rougit et baissa les yeux.

___Euh... Riolu... Qu'est-ce que tu fais... ?
___Ze dézinfecte, répondit calmement l'interrogée en braquant son regard de jade dans celui, rubis, de son amie qui tourna légèrement la tête sur le côté.
___Bah tu peux me lâcher, c'est bon, là, je pense. Merci.

_Elle obéit avec un sourire amusé.

___Ne le prend pas mal, Dia'.
___J'aurais pu mal réagir, tu sais, répondit cette dernière avec un sourire mauvais.

_Riolu inclina la tête vers le bas et la louve blanche vint ébouriffer les poils cyan de son crâne avec affection.

___Je plaisantais. Bon, si tu me disais pourquoi tu es là, maintenant ?
___Ah oui, je voulais t'en parler mais j'ai oublié. À vrai, si je suis ici, c'était à l'origine parce que je te cherchais. J'ai d'ailleurs eu de la chance de tomber sur toi...
___Tu me cherchais aussi loin du village ?
___J'en avais pas l'intention, au début. Puis j'ai eu une étrange impression et c'est ce qui m'a amené ici.
___Une étrange impression ?

_La créature bleue hocha la tête, perdue dans ses pensées.
À l'ouest, le soleil commença à disparaître à l'horizon, embrasant de ses rayons d'or et de lumière les cimes des sapins du territoire inconnu.

___Ouais, j'ai jamais ressenti ça avant, c'est un truc de fou. Tu vas dire que je ne maîtrise pas encore l'aura - et c'est bien vrai - mais franchement, c'est tellement fort que les ondes me parviennent jusqu'ici.
___Tu les sens encore ? questionna Diana, soudainement interressée. Ça vient d'où ? Du territoire inconnu ?
___Plutôt de la frontière. Et pas très loin d'ici, je pense.

_Son regard vert croisa celui de la jeune louve qui s'était redressée.

___Il est tard, Diana... On devrait rentrer.
___Je veux juste voir de quoi il s'agit. T'es quand même pas venue ici pour faire demi-tour maintenant ?
___J'ai dit non.
___Et moi je te dis qu'on y va.
___Tu sais même pas où c'est.
___Je trouverai.
___Et si on se fait prendre par les Guetteurs ?
___Euh... On est mal ?

_Riolu ne put retenir un petit rire qui fit ressortir son côté enfantin.

___Allez, on va voir et on rentre juste après, promis.
___Ok, ok, céda la petite louve bleue en reprenant son sérieux. Je vais te montrer.


___Voilà, c'est ici.

_Diana se stoppa soudainement et redressa la tête. À ses côté, Riolu gardait les yeux rivés sur l'entrée de la grotte qui lui faisait face.
_La cavité de pierre, haute d'à peine un mètre trente, avait été recouverte au fil des ans par les racines mousseuses des arbres et en demeurait donc imperceptible. Seul un arc de roche dépassant de l'enchevêtrement végétal laissait vaguement deviner la présence d'une ouverture.

___C'est drôlement bien caché. T'as vu comme la végétation s'est développée, ici ? Personne ne peut faire attention à ça... à part moi, fit la Pokémon Émanation avec un petit sourire victorieux.
___Oui... murmura Diana en pâlissant à vue d'œil.

_Elle sentit avec horreur sa digue mentale vaciller dangereusement alors que remontaient soudainement les événements de la journée.
Puis d'étranges vagues lui parvinrent alors, l'attirant irrésistiblement vers l'orifice de pierre, comme si son esprit venaient d'être entravé par des chaînes invisibles qui tentaient de la tirer au cœur de la roche ; cependant, la voix préventive de son instinct ne se manifesta pas.
_Sentant le trouble de son amie, Riolu sursauta avant de s'affoler en voyant son expression nauséeuse.

___Eh, ça va ? Diana !
___Oui, oui, répondit cette dernière avant de se pencher en avant.

_« Pas maintenant... Ne craque pas maintenant, ce n'est vraiment pas le moment... »

___Allez, on rentre, à présent. Tu l'avais promis.

_« Mais... »

_Pour accompagner ses précédentes paroles, la créature bleue se détourna, reprenant la direction du village, inconsciente du combat qui faisait rage dans la tête de son amie.

_« Il y a... quelque chose... »

___Il faut revenir..., articula finalement la louve blanche en se redressant lentement, comme hypnotisée, les yeux luisants d'un étrange éclat rouge.

_La Pokémon Émanation se détourna et la regarda sans comprendre avant de se figer, craignant de deviner les pensées de Diana.
Tout en jetant un regard indéchiffrable vers l'entrée de la grotte, cette dernière prit une inspiration, les dents serrées.

___Il faut revenir ce soir.


[size=3]oOoOoO~OoOoOo[/size]

*Bon, pour ceux qui n'auraient vraiiment pas compris, ça équivaut à "quand les poules auront des dents".