CHAPITRE XI : Le voleur [2/2]
Un jeune garçon brun, allongé, le bras gauche sous l'oreiller, l'oreiller sous la tête, le bras droit le long du corps, dormais. Soudain, il se mit à remuer. Cela commença par quelques mouvements du bout des doigts, presque inconscients, et des tremblements de paupière, puis le garçon prit conscience de son environnement, et se réveilla tout à fait. Il chercha un instant à se rappeler ce rêve qui l'avait particulièrement accaparé, mais les souvenirs semblaient lui sortir de la tête, et filer, comme de l'eau, sans qu'il puisse les retenir. Il comprit bientôt que rien ne lui reviendrait à l'esprit, et laissa tomber, pour se consacrer à la tâche hautement délicate consistant à s'extirper de son lit.
Justement, Grey, dans le lit d'à côté, se réveillait lui aussi. Quand ils furent enfin debout, ils s'habillèrent, sortirent, et trouvèrent Pauline dans la salle à manger, visiblement déjà complètement opérationnelle pour la journée.
- Bien dormi les gars ?
- M'oui, marmonna Brown, en écho au « oui » légèrement plus convaincu de Grey.
Ils prirent un plateau, et allèrent se servir leur petit-déjeuner. Brown en profita pour achever de se reconnecter avec le monde terrestre, qu'il avait quitté durant plusieurs heures. Quand les plateaux furent remplis et que la connexion fut établie, lui et Grey s'installèrent à la table de Pauline. Brown en profita pour mettre ses deux amis au courant de ce qu'il avait prévu, juste avant de se coucher.
- J'ai réfléchi, énonça-t-il, en guise de préambule.
- Ah, tiens ! fit Pauline. Qu'est-ce qui t'a pris ?
- Pauline… soupira Grey.
Brown ignora son intervention.
- Il est prévu que nous repartions demain, n'est-ce pas ? Mais pour une fois, j'ai envie de rester ici un peu plus longtemps. J'aimerais commencer à m'investir réellement dans l'E.d.S., et je voudrais donc rester deux ou trois jours de plus. Vous avez mon numéro, nous pourrons toujours nous retrouver plus tard. Je vous rattraperais.
- Tu veux vraiment que nous partions devant ? demande Pauline, étonnée.
- Oui. Et puis, ça ne me fera pas de mal de voyager un peu seul, et de m'entraîner en solo. Ce n'est absolument pas contre vous, bien sûr ! D'ailleurs, n'étais-ce pas ce qui était prévu au début du voyage ?
- Pas de problème, fait comme tu veux, répondit Grey.
- Je trouve que c'est une bonne chose, moi, que tu t'investisses dans une association, renchérit Pauline. Tu projetais depuis longtemps de faire du bénévolat ?
Tandis qu'elle parlait, Brown venait de mordre dans une tranche de pain de mie recouverte de roquefort. Pauline se demanda encore une fois comment il parvenait à avaler ce genre d'aliments au petit-déjeuner. L'adolescent déglutit, puis répondit :
- Non, ça m'est venu comme ça. J'ai vu des membres de l'association (vous étiez là), ça m'a eu l'air sympa, je me suis renseigné, et puis après, pour appuyer ma demande, j'ai été me faire un gang de cambrioleurs. Le truc normal quoi…
- L'ironie, c'est la nouvelle technique que tu as trouvée pour aborder ce passage traumatisant de ta vie ? interrogea innocemment Pauline.
- Tu va cherche trop loin, soupira de nouveau Grey. Au fait, je ne suis pas sûr d'avoir totalement comprit. Ca consiste en quoi, au juste, ton association ?
- Et bien… Soit des gens nous demandent des services, soit ce sont les membres qui font des propositions, et nous nous chargeons d'apporter notre aide, en nous aidant nous-mêmes de nos Pokémons. Les domaines peuvent être assez vastes. L'idée, entre autre, je pense, est de montrer que les Pokémons peuvent nous servir pour nous entraider.
- Oui oui… Je vois le genre. Et bien, amuse-toi bien !
- D'ailleurs, je vais y retourner dès maintenant, fit Brown en guise de conclusion, en s'empressant de finir son petit-déjeuner.
Il sortit bientôt de table, remonta dans sa chambre pour préparer quelques affaires qu'il mit dans un sac normal, plus petit, tiré tout droit de son sac sans fond, redescendit et repassa devant Grey et Pauline. Cette dernière avait elle aussi finie son repas, mais elle tenait compagnie à Grey. Brown les salua tous les deux, et se dirigea vers la sortie. Une voix, dans son dos, l'interrompit dans son élan :
- Une dernière chose Brown… Tu ne penses pas que tu pourrais arrêter un peu de porter ces chaussures à scratch ? Ou au moins, trouve-t'en des mieux. Ca devient ridicule, là !
- Que veux-tu, Grey ? Elles ont presque une valeur sentimentale pour moi, maintenant. Et puis, si je les assume suffisamment, je vais peut-être même lancer une nouvelle mode ! Après tout, n'est-il pas plus pratique de fermer des scratchs que de nouer des lacets ? Ca pourrait faire un bon argument. Bon, allez, salut !
Brown sorti de l'hôtel avant que ses amis aient le temps de faire d'autres éventuelles remarques.
- Tu crois qu'il était sérieux ? demanda Grey à Pauline.
- Bah, tu sais, c'est Brown…
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« L'AFFAIRE DE L'HOMME AU MASQUE D'OURS, PLUS QU'UN ACTE ISOLE ? Un homme, qui n'apparaît que sous un masque de lama, prétend défendre, entre autre, de nouveaux rapports entre les Pokémons et les humains, ainsi que le libre arbitre des Métamorphs. Alors que le verdict du jugement de l'homme au masque d'ours approche, que faut-il pensez de ce rebondissement ? Notre enquête page 23. »
« Ils n'en on toujours pas fini avec ça ? s'étonna Brown, intérieurement. À tous les coups, ça va juste se révéler être une énième secte d'illuminés, et rien de plus ! ».
Brown détourna son regard de la une du Figuyro, exposée sur la devanture d'un stand de journaux, et poursuivi sa route. Il trouva rapidement le bâtiment de l'E.d.S. de Pourprion. Il s'approcha. Alors qu'il posait la main sur la poignée de la porte principale, et qu'il s'apprêtait à entrer, il senti l'air siffler dans son dos, suivi par le bruit d'un battement d'aile. Il se retourna, pour faire face à un Airmure en pleine phase d'atterrissage. Le vent provoqué par le mouvement des ailes d'acier lui ébouriffa les cheveux.
- Qu'est-ce que ?…
Quand l'Airmure se fut posé sol, un dresseur, que Brown reconnut immédiatement, en descendit. Il rappela son Pokémon, et rejoignit le jeune garçon, devant l'entrée.
- Et bien, je vois que quand j'arrive, tout le monde accourt ! s'exclama Brown, mi-étonné, mi-hilare. Je ne pense pas qu'il y ait besoin d'en faire autant, tout de même !
- J'arrive tout droit de Verdion-les-Champs, répondit Connor en fronçant les sourcils. Je n'y peux rien, si tu as décidé de te rendre à l'E.d.S. exactement au moment où moi-même, j'arrivais.
- Admettons.
Brown posa une nouvelle fois sa main sur la poignée.
- Attend, un instant…
- Quoi ?
- S'il-te-plaît, Brown, laisse-moi parler.
Le garçon se retourna, et observa plus attentivement le chef de l'E.d.S. de Boulocity. Quelque chose clochait. Quel était ce sentiment, que laissait transparaître son visage, et son attitude ? Se pouvait-t-il que Connor soit… embarrassé ?
- Tu sais, je me sentais obligé de te le dire… Je pense que je n'ai pas été très sympa avec toi, depuis tes débuts à l'E.d.S.
Et bien oui ! Incroyable ! Non seulement il était embarrassé, mais en plus, il s'excusait. On lui aurait dit qu'il assisterait à cela, un jour, Brown ne l'aurait jamais cru. Il resta muet.
- L'accident sur la falaise m'avait beaucoup inquiété, et j'ai peut-être prit les choses trop à cœur, ce qui fait que parfois, j'ai été dur. Voir injuste.
Connor, qui avait détourné le regard en disant cela, comme un enfant prit en faute, ce qui achevait de déconcerter Brown, fixa de nouveau les yeux de l'adolescent. Celui-ci, quand à lui, continuait toujours de dévisager Connor, sans qu'un seul son ne s'échappe de ses lèvres.
- Enfin, il faut me comprendre… Je pense à l'E.d.S. Et aussi à la sécurité de ses membres, bien entendu. Ce genre d'accident n'était encore jamais arrivé, et, de plus, il a été déclenché par un membre très jeune, que nous n'aurions pas accepté, habituellement.
- …
- Donc…
- …
Vous cherchez à vous excuser, ou à vous justifier ?
Connor quitta instantanément son air penaud, ce qui rassura beaucoup le jeune garçon.
- Brown ! Je… Je ne suis pas obligé de m'excuser !
Brown réalisa que la remarque qu'il venait de faire, dans cette situation, n'était peut-être pas très habile.
- Oui, oui, fit-il maladroitement, je suis content que vous vous excusiez ! Je les accepte, vos excuses. D'accord. Oublions tout ça.
- Oui. Repartons de zéro. Ce sera mieux pour tout le monde. Je passe devant. Je vais installer mes affaires dans la chambre que Pedro, le chef de ce bâtiment, ma gracieusement prêtée durant mon séjour à Pourprion. Je te laisse prendre tes repères ici.
Connor ouvrit la porte, sous le nez de Brown, sans ne plus jeter le moindre regard au garçon. Instantanément, il avait reprit son visage habituel, déterminé et assuré. C'était comme si la scène qui venait à l'instant de se produire n'avait jamais eue lieu. Brown, néanmoins, était satisfait que Connor ait accepté de se remettre en cause, bien qu'il l'ait fait de façon malhabile. Ce chef de l'E.d.S. venait de regagner plusieurs points dans l'estime de l'adolescent.
Il sortit de ses pensées, ouvrit la porte, et entra enfin dans le bâtiment. Après la mission « publicité » qui avait tournée au sauvetage d'urgence, et la mission « détournement de Frisons » qui avait faillit tourner au désastre, il était temps de commencer à prendre un rythme à peut-près normal dans cette association. Il était temps de faire des choses de membre de l'E.d.S., quoi…