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A l'aube du pouvoir (T.1) de Raishini



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Informations

» Auteur : Raishini - Voir le profil
» Créé le 25/06/2013 à 19:17
» Dernière mise à jour le 16/11/2013 à 14:47

» Mots-clés :   Fantastique   Hoenn   Présence de poké-humains   Sinnoh

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Chapitre 33 : Retrouver ce qu'il manque
Quand il se réveilla en suffoquant comme s'il avait retenu son souffle, Jérémie ne réalisa pas immédiatement ce qui s'était passé. Cela restait encore trop confus en lui pour qu'il soit certain. Mais les dernières paroles du Cyril imaginaire ne cessaient de le faire vibrer...

" - Dans ce cas, tu ne me laisses vraiment pas le choix. Puisque tu tiens tant que ça à me virer de ta conscience, tu n'auras plus rien du tout. "

Avait-il rêvé, cauchemardé ? Ou bien était-ce quelque chose de bien plus surnaturel encore ? Tout lui avait semblé si détaillé, si conforme à la réalité, qu'il parvenait difficilement à se fixer un choix sur la nature de cette expérience atypique.

Ce qui troublait le plus Jérémie, ce n'était pas la scène en elle-même, mais plutôt le sens caché qu'elle revêtait. Qu'avait donc voulu dire Cyril par " tu n'auras plus rien du tout ", ou encore par " nous sommes dans ton monde " ? Cela n'avait strictement aucune signification pour peu qu'il en juge sur l'instant.

Et pourquoi donc Cyril était-il dans son esprit, comme mu par une volonté propre ? Il était mort. Définitivement et assurément. Alors pourquoi vivait-il en lui ?

- A cause de ce satané pouvoir je suppose, maugréa Jérémie.

En toute franchise, il ne savait pas s'il devait se réjouir d'entretenir un lien - si ténu soit-il - avec Cyril. Cela le troublait, l'ébranlait dans ses certitudes que les choses étaient irréversibles une fois accomplies. Adresser la parole à un ami décédé comme s'ils étaient encore du même monde le laissait abasourdi. Car il n'y avait tout simplement rien de plus illogique et trompeur que cette impression de normalité.

Dans un univers où les bases de Jérémie vacillaient, c'était un véritable piège que d'entretenir ce genre de chimères. Et si, un beau jour, il en venait à imaginer que Cyril soit encore vivant à force de le voir dans sa tête ? Dans ce cas, quelle assurance aurait-il de rester sain d'esprit ? Après tout il ne le retrouverait jamais dans la réalité.

Jérémie se secoua, mentalement tout du moins. Voilà bien une idée saugrenue. Cyril était mort, et on n'y pouvait rien. Il ne ressusciterait pas juste parce que tous deux s'étaient rencontrés dans un rêve bizarre. Et même si son ami lui avait semblé plus vrai que nature, ce devait être un simple fantasme de sa conscience. Oui, rien de plus...

- Jérémie, ça va ? demanda soudain la voix de Mathilde. J'ai entendu des cris venant de ta chambre...

Elle se tenait sur le pas de la porte lorsqu'il ouvrit. Sans plus tarder, il l'étreignit avec émotion. Un peu confuse à vrai dire, Mathilde lui demanda :

- Et bien, qu'est-ce qui me vaut ce revirement ?

- Tu ne peux pas savoir à quel point je suis désolé, expliqua Jérémie avec sincérité. Disons juste que j'ai eu le droit aux remarques d'un vieil ami, ajouta-t-il en regardant affectueusement un point invisible derrière Mathilde.

Si la jeune fille parut indécise, elle s'accorda toutefois un sourire éclatant. Pour sa part, Jérémie sentait quelque chose refleurir en lui. Au final peu importait sous quelle forme - réelle ou abstraite - Cyril lui était apparu : il allait mettre ses réticences de côté et accepter de suivre ses conseils.

Pokémon #129
Jérémie passa le reste de la journée à méditer pour lui-même les paroles de Cyril. Tout en se demandant où cela était censé le guider, il s'efforça d'interpréter au mieux leur entrevue onirique. Deviner la signification de son rêve se révéla bien plus ardu qu'il ne l'envisageait au départ. Mais il ne renonça pas, s'attelant à la tâche d'autant plus qu'elle paraissait insoluble.

A mesure qu'il croyait avancer, cependant, Jérémie finissait toujours par se trouver dans une impasse. Ses réflexions tortueuses ne le menaient nulle part et il manqua plusieurs fois de pousser un cri de rage et de désespoir mêlés. Seul le souvenir de Cyril l'en empêchait. Inlassablement, il reprenait alors ses recherches méthodiques.

Non seulement il ne trouvait rien, mais en plus son entourage ne l'aidait guère. Mathilde croyait visiblement le récit qu'il leur avait fait de son rêve. Pas les autres, en revanche. Après lui avoir conseillé de se remettre à l'entraînement, ses compagnons étaient eux-mêmes retournés à leurs occupations en le laissant dans son coin.

Mathilde était restée à ses côtés, l'observant avec un mélange de curiosité et de compassion. Enfin, après avoir regardé Jérémie batailler contre l'énigme durant des heures, elle finit par remarquer d'un ton anodin :

- Cyril t'as dit que tu n'aurais plus rien. Dans ce cas, pourquoi tu ne cherches pas ce qui te manque ? Il voulait que tu redeviennes comme avant. Peut-être voulait-il donc t'enlever ce qui t'as changé ?

Jérémie la dévisagea en se fendant d'un large sourire. Une agréable chaleur montait dans ses entrailles tandis qu'il examinait les propos de Mathilde. Même si cela sous-entendait clairement qu'il serait démuni, il préférait le savoir plutôt que lutter contre un mal invisible.

- Tu veux dire... qu'il aurait bloqué mes pouvoirs, et qu'il me les rendra uniquement si je redeviens celui que j'étais avant ? énonça-t-il, surexcité.

- Oui, ça pourrait être une hypothèse, avoua Mathilde. Tu n'as qu'à essayer pour voir, on sera vite fixé.

Tendu par la concentration et l'impatience de découvrir le fin mot de cette histoire, Jérémie s'activa. Mais il ne se passa rien. Il agita la main d'un air incrédule. Toujours rien.

- Alors, c'était bien ça, dit Mathilde sans manifester la moindre surprise, pour sa part. Le pouvoir électrique de Cyril a du interférer avec le tien. Et donc les deux se sont auto-annulés, ce qui explique que tu ne puisses pas en faire usage.

- Cyril m'a ôté mes pouvoirs, murmura Jérémie d'une voix absente semblable à un souffle. Et tant que je n'aurais pas satisfait ses exigences...

- Tu seras aussi inoffensif qu'un Magicarpe, acheva Mathilde.

Pokémon #129
Ce soir là, le repas fut particulièrement silencieux. Les regards furetaient d'un visage à l'autre, comme si chaque convive soupçonnait son voisin. Le plus dur pour Jérémie était sans doute d'avouer qu'il était en majeure partie responsable de ce comportement.

Selon ce qu'il comprit durant le dîner, les autres avaient fait des progrès significatifs. Tous atteignaient le niveau supérieur et se montraient potentiellement capables de dompter la Clairvoyance dans les jours à venir. S'il trouva dans ces nouvelles un large motif de réjouissance, Jérémie n'en fit aucunement part. Avec les vagues qu'il avait soulevées, inutile de se faire remarquer plus que ça.

Bientôt, un journal télévisé vint le distraire de ses sombres préoccupations. Pour la millième fois semblait-il, le sujet abordé était les évadés d'Orowind et les Pokéman :

- Veillez tous à ne rien laisser de suspect vous échapper, il en va de la sécurité générale comme de l'avancement de la chasse à l'homme menée par les autorités, expliquait le journaliste aux cheveux gominés. Quoiqu'il est désormais bien difficile de parler d'hommes et de femmes quand on pense aux Pokéman. Ces énergumènes - faute d'un meilleur terme - témoignent de redoutables capacités proches de celles de nos amis les Pokémon. Il est éminemment conseillé de ne rien tenter d'insensé face à eux. Seules les forces compétentes seront amenées à le faire. Car, ne l'oubliez pas, il en va de votre survie.

- Triple buse ! beugla Ratchet à grand renforts de postillons. Tu parles sans rien savoir à l'abri de ton studio blindé ! Viens me causer et là tu verras ce que j'en fais... de ta sécurité !

Sur le coup, Jérémie crut qu'il aller cracher dans sa bouillabaisse. Mais Ratchet se contenta d'un grognement dédaigneux tandis qu'un chercheur interviewé par le journaliste annonçait solennellement :

- Nous sommes heureux de pouvoir vous informer de la mise au point des radars tant attendus ! Grâce aux échantillons prélevés à divers endroits par les généticiens, une détection de la signature énergétique émise par les Pokéman pourra être lancée !

- Concrètement, qu'est-ce que cela apporte ? demanda le journaliste.

- Tout simplement l'arrêt pur et simple des recherches hasardeuses ! déclara le scientifique d'un air déjanté. Fini le tâtonnement, les autorités pourront localiser les Pokéman aussi précisément que s'il nous suffisait de tourner la tête pour les voir ! Où qu'ils aillent, nous serons en mesure de les trouver !

- Tout à fait remarquable ! commenta le journaliste en levant les bras en signe de victoire. Quand donc devrions-nous voir ces petites merveilles équiper les forces de l'ordre ?

D'un geste minutieusement étudié, le scientifique pointa sa main vers l'objectif et leva deux doigts.

- D'ici deux jours environ, déclara-t-il. Soyez assurés que vous n'entendrez bientôt plus parler des Pokéman ! Et si les Orokami ne suffisaient pas, n'oubliez pas que l'élite du Gouvernement se tient prête à débarquer ici.

- On peut désormais affirmer que la situation est sous contrôle, conclut le journaliste en se permettant un sourire factice.

Soudain, la télévision s'éteignit et le calme revint.

- Quels hypocrites, ronchonna Hyde en posant la télécommande. Leurs enquêtes piétinent. Ce n'est rien de plus que de la propagande, du bourrage de crâne subventionné par le Gouvernement. Ils n'ont pas du tout la situation sous contrôle et bientôt, même l'élite ne pourra plus rien contre les Pokéman adverses. J'ai appris que, malgré leurs recherches concentrées uniquement sur les mauvais Pokéman, - puisqu'Orowind croit que je vous tiens sous ma coupelle -, les autorités n'étaient parvenues à rien.

Un lourd silence pesa, épais comme du caramel. Le temps que les dires de Hyde pénètrent les esprits, celui-ci avait déjà reprit le chemin de son assiette.

Hélas, il avait parfaitement raison, songea Jérémie avec amertume. Ce n'était pas en annonçant haut et fort leur victoire imminente que les autorités s'attireraient la bonne faveurs du peuple comme du destin. Surtout que la duplicité supposée du Gouvernement continuait de tarauder Jérémie depuis qu'il en avait discuté avec Mathilde. Hyde s'était rangé à leur avis et leur avait confirmé qu'Orowind n'était pas informée sur les Pokéman au moment de la capture - chose que lui-même avait " oublié " pour faciliter leur propre évasion.

Les doutes s'étaient alors mués progressivement en d'atroces certitudes. La source des problèmes se situait au Gouvernement. Mais tout restait encore flou quant à certains sujets, rien ne se rejoignait manifestement... Qu'en penser dans ce cas ?

Au moins une chose : s'ils n'intervenaient pas très vite, le monde sombrerait sans l'ombre d'un doute.

Pokémon #129
Fermement décidé à recouvrer ses pouvoirs en même temps que sa personnalité propre, Jérémie se leva aux aurores pour gagner un recoin du jardin. Un nombre incalculable de pensées fourmillaient dans sa tête, mais il parvint à faire le tri après une brève période de méditation. Il ne devait penser qu'à une seule chose, atteindre son but prioritaire. Rien d'autre ne devait le perturber et l'empêcher de se concentrer autant qu'il le faudrait.

Lorsque le soleil s'annonça dans toute sa splendeur, Jérémie était déjà en profonde réflexion. Il savait qu'une introspection si poussée ne serait pas facile, mais il devait absolument faire la lumière sur qui il était véritablement. Après de longs débats muets, il avait fini par en venir à cette conclusion évidente : la réponse se trouvait en lui et nulle part ailleurs.

A nouveau, il se retrouva dans la prairie de pervenches aux senteurs montagnardes. Et à nouveau, il retrouva Cyril, allongé nonchalamment dans l'herbe verte et l'œil rêveur. Des chaînes rocheuses et abruptes les cernaient tous deux en répandant une ombre protectrice et fraîche. Jérémie s'étonnait encore de ressentir les choses avec tant de netteté, comme si elles étaient réelles. Chaque contact, chaque odeur était saisissant de réalisme.

- Alors ? fit Cyril sans détourner la tête du ciel. Tu commences à comprendre ?

- Oui, déclara Jérémie sincèrement. Je suis là pour essayer de retrouver ce que j'ai perdu. Et je suis prêt à essayer n'importe quoi pour y parvenir.

- A la bonne heure ! s'exclama Cyril.

Il se leva promptement et dirigea sa main vers un promontoire rocheux qui les surplombait.

- Tu vois ça ? demanda le garçon en enchaînant avec un geste d'invite. Et bien c'est notre prochaine destination. J'éclairerai ta lanterne une fois que tu l'auras escaladé.

Et il se volatilisa dans un filet d'étincelles, laissant Jérémie seul au beau milieu de la prairie avant qu'il ait pu intervenir. Mais celui-ci ne songea pas à discuter : il se plierait à chaque demande et décision de Cyril si cela lui permettait d'atteindre son objectif.

Sans protester, Jérémie rejoignit la base du monument rocheux. Ce fut effectué en quelques foulées. Dès lors, il s'évertua à dénicher un passage, un sillon quelconque qui lui permettrait de rejoindre les hauteurs escarpées. Mais il n'y avait rien d'autre que des vires éparses et un plateau inaccessible. Jérémie comprit avec dépit qu'il allait devoir vaincre sa phobie du vertige et escalader la pente par ses propres moyens.

Lorsqu'il entama l'ascension, une seule chose lui vint à l'esprit : que lui arriverait-il s'il tombait et se fracassait le cou en bas ? Y aurait-il des répercussions dans la réalité ?

" Et puis ne commence pas avec ce genre d'idées, c'est ça qui t'a perdu, se morigéna Jérémie en crochetant une saillie de taille convenable. "

L'instant d'après, il se hissait difficilement sur une minuscule corniche pour reprendre son souffle. Il avait progressé non sans mal, dépossédé de la force que lui procurait ordinairement son pouvoir. Par là-même, Jérémie avait dû faire preuve d'adresse plutôt que de monter à l'aide de sa faible musculature. Et pourtant, il avait déjà effectué quelques manœuvres risquées qui avaient manqué le faire tomber. Pire encore, il n'était guère qu'aux premiers tiers de la pente, soit à environ quinze mètres.

Jérémie était déjà hors d'haleine et tétanisé par la hauteur. Avec un haut-le-cœur, il contempla la terre étrangement ondoyante et désormais bien éloignée sous ses pieds. C'était un de ces moments fatidiques où l'on ne pouvait plus faire demi-tour, un de ces moments fatidiques où l'on se contraignait à poursuivre.

Après un long moment de doute, c'est ce que fit Jérémie malgré ses réticences. Ses doigts gourds risquaient fort de ne pas soutenir la durée, mais il n'avait pas réellement le choix. Il enchaîna ainsi prises après prises, se balançant parfois pour en saisir une. Tel un acrobate de piètre niveau, Jérémie franchit les trente premiers mètres.

Malgré son manque de talent dans le domaine, il ne put que se sentir fier d'avoir accompli cette besogne et en oublia une bonne partie de sa peur par la même occasion. Tant qu'il ne risquait pas un regard en contrebas, Jérémie se savait capable d'achever la montée.

De toute façon, il devait réussir. A tous prix.

Enfin, après un effort long de plusieurs minutes, Jérémie sentit la roche s'aplanir en risquant une main un peu plus haut. Le garçon escalada l'ultime corniche qui le gênait et s'allongea à terre dans un gémissement soulagé. La tête lui tournait et il transpirait comme jamais. Il était exténué.

- Tu en as mis du temps, ricana Cyril en l'observant depuis l'autre extrémité du promontoire. J'ai pu faire une petite sieste en attendant.

- C'est facile à dire pour toi, rétorqua Jérémie en se demandant comment il devait prendre la réflexion de son ami. Sans ton pouvoir tu n'y serais pas parvenu.

- Et pourtant c'est bien sans mon pouvoir, et non avec, que je t'aie sauvé de Dynamo, articula Cyril.

L'espace d'un instant, Jérémie demeura figé par la vérité accablante de cette phrase. A court d'arguments, il se contenta d'un regard attristé vers Cyril et attendit qu'il reprenne.

- Voilà ce que je voulais t'expliquer, reprit celui-ci en se levant. Avant, quand tu n'avais pas de pouvoir, tu ne te souciais pas de la force de l'ennemi. Tu allais au devant du danger, même si tu te savais inférieur, car protéger tes amis était plus important que tout.

Lentement, précautionneusement, Jérémie se leva et chercha à comprendre exactement
ce que Cyril suggérait. Oui, il était vrai que quelque chose avait radicalement changé en lui depuis qu'il avait un pouvoir. Il n'appréhendait plus la situation de la même manière...

- Désormais, tu ne fais que te cacher derrière les autres en prétendant vouloir les sauver, asséna Cyril d'un ton cassant. Depuis ma mort, tu ne fais que douter sans agir. Regarde comment Ratchet, Ariane et Mathilde t'ont sauvé ! Le seul moment où tu as su être le Jérémie que nous apprécions tous, c'est lorsque tu as rassuré Mathilde alors que son pouvoir la dominait, tout comme tu l'avais fait pour moi auparavant...

Soudain, la lumière se fit. Jérémie comprenait. Comprenait ce qu'il avait perdu. La réprimande de Cyril avait amplement suffi pour le rendre à la raison. Ce qui lui faisait défaut, ce n'était pas le courage... mais la volonté. Car oui, il avait toujours douté dans les moments difficiles. Mais alors, il était mu par le désir de défendre ses amis comme ses convictions, chose qu'il ne faisait plus. Et s'il avait peur, ce n'était par pour lui.

Même après la perte de Cyril, il avait continué à vouloir protéger. Ce qui ne l'avait pas empêché d'être dubitatif lorsque le danger pointait le bout de son nez. Dans ces cas, il craignait pour sa propre personne, et non pour celle des autres. Là était toute la différence. Et cela, il ne parvenait à le réaliser que maintenant. La détermination lui avait manqué pour faire ce qu'il fallait...

Cette volonté qui, non seulement lui donnait la force d'agir, mais en plus dissipait ses angoisses. Voilà ce qu'il devait retrouver !

- J'ai compris et je suis prêt ! annonça Jérémie en hochant fermement la tête.

Face à lui, Cyril approuva silencieusement, le visage ourlé d'un sourire enfantin. Ses yeux pétillaient d'excitation et il s'approcha de Jérémie en jubilant.

- Dans ce cas, voyons si tu n'hésiteras pas à me frapper vieux frère ! s'exclama-t-il en roulant des épaules. Je précise que c'est dans le but de sauver tous ceux qui sont vivants. A toi de voir si tu sauras trouver les tripes pour agir sans te préoccuper de simples détails tel que le résultat !

Un peu incrédule aux premiers abords, Jérémie fit craquer les jointures de ses phalanges et se positionna. Puis il annonça d'un ton claironnant :

- Très bien, si c'est pour la bonne cause, je ne prendrai pas de gants !

Avant même qu'ils aient pu entamer la rencontre, Cyril éclata de rire et opposa ses mains :

- C'est bon ! Tu ne vas tout de même pas m'attaquer alors que tu n'as plus de pouvoir. Et puis... tu as réussi.

- Quoi ?

Jérémie baissa les poings sans comprendre. Cette réponse était si inattendue qu'il manqua perdre l'équilibre. Comment ça, réussi ? Juste en sortant une phrase, il aurait réussi ?

Comme pour dissiper ses doutes, Cyril se calma et ajouta :

- Je n'ai pas besoin que tu agisses. Ta volonté. Je la sens de nouveau flamboyer en toi. Et c'est tout ce que je voulais. Dorénavant, je sais que nos amis pourront compter sur ton soutien infaillible. D'ailleurs... tu pourras également compter sur moi.

Le ciel, le sol et tout le reste disparut soudain pour se fondre en un tourbillon multicolore tandis que Jérémie tombait. Son estomac lui parut remonter dangereusement et sa gorge se noua... La voix de Cyril l'accompagna dans sa chute en résonnant longuement :

- Félicitations Jérémie ! Je sais que tu en es capable, que tu peux sauver le monde. Bonne chance et... que la force guide tes pas !


Pendant ce qui lui parut des heures, Jérémie virevolta parmi les méandres d'un fleuve indiscernable et imaginaire qui lui donna le tournis. Enfin, il atterrit mollement sur du gazon frais et humide. Il était revenu dans le monde réel.

De toute évidence, il n'avait pas bougé de sa place mais juste basculé sur le dos. Hormis quelques gouttes de sueur et un rythme cardiaque légèrement élevé, il ne gardait rien de son expérience insolite avec Cyril.

C'est alors qu'il fut hélé par Mathilde à grands renforts de gestes. Elle fut sur lui avant même qu'il ait pu rassembler ses esprits et le gratifia d'une étreinte à lui briser les côtes. Constatant que quelque chose lui échappait, Jérémie haussa un sourcil interrogateur.
Plus loin, il vit que les autres avaient également accouru vers lui. Qu'avait-il donc qui puisse justifier un tel comportement ? On aurait dit des visiteurs au chevet d'un malade...

- Tu vas me dire ce qui te passe par la tête des fois ? s'exclama Mathilde d'une petite voix en renforçant son étreinte.

- Pourquoi tu me dis ça ? dit Jérémie en comprenant de moins en moins. Je n'ai fait que m'isoler pour réfléchir, rien de plus...

- Des étincelles virevoltaient autour de toi et tu as gelé l'air et la pelouse ! répliqua Mathilde, presque scandalisée qu'il n'ait pas remarqué.

Quand Jérémie se redressa et scruta les côtés, il fut forcé d'admettre qu'elle avait raison. Tout était prisonnier de la glace dans un rayon de trois mètres, et une désagréable odeur de brûlé emplissait l'atmosphère. Apparemment, sa petite investigation avait eu plus d'effet que prévu. Manquant de rire sous le coup de la surprise, Jérémie tapota affectueusement l'épaule de Mathilde et ajouta :

- Ce n'est rien, les problèmes sont terminés à présent.

Pendant quelques secondes de silence, la jeune fille le dévisagea d'un air perplexe. Puis elle sembla comprendre et lui adressa son plus beau sourire.

- Alors c'est bon, tu as réussi l'épreuve de Cyril ? s'exclama-t-elle avec enthousiasme.

- Les doigts dans le nez, assura Jérémie en tirant la langue.

Derrière eux, les autres suivaient leurs échanges avec intérêt. D'ailleurs, Hyde se permit une petite intervention :

- Mathilde m'a fait part de ton expérience troublante, et tu seras peut-être ravi de constater que c'est exactement ce qu'il faut faire pour atteindre la Clairvoyance.

- Vraiment ? demanda Jérémie en osant à peine y croire. C'était une expérience étrange, tout semblait réel...

- Il est normal que tu aies ressenti les choses comme si elles étaient réelles, expliqua Hyde. Tu as projeté ton esprit dans ton monde intérieur, tu as donc conservé tes sens. Tu as découvert qui tu étais, tu as su voir ton âme. Par conséquent, tu devrais pouvoir utiliser la Clairvoyance, il n'y a plus qu'à faire un essai.

Pendant quelques exquises secondes, Jérémie promena un regard satisfait sur ses camarades et prit la main de Mathilde dans la sienne. Si la vie avait toujours été aussi agréable, il n'aurait jamais trouvé matière à déprimer. Quoiqu'il en soit, le garçon se fendit d'un large sourire et déclara :
- Dans ce cas... des volontaires ?