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Aide-toi et le ciel t'aidera de Kydra



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Informations

» Auteur : Kydra - Voir le profil
» Créé le 17/06/2013 à 09:09
» Dernière mise à jour le 17/06/2013 à 09:09

» Mots-clés :   Aventure   Présence d'armes

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Chapitre 78 : Echo
Durant les jours qui suivirent, Vassili se montra d'humeur fort maussade. Inès lui demanda ce qui le tracassait ainsi. Il mentit tout d'abord en disant qu'il n'y avait rien, puis comme il mentait très mal, il lui avoua qu'il avait quelques soucis d'ordre personnel, mais qu'elle n'avait pas à s'en soucier outre mesure. Plusieurs fois, il eut envie de révéler ce qu'il avait appris, de dénoncer le dégoût que lui avaient inspirés les actes du colonel. Pourtant, jamais il ne l'avait fait, jamais d'ailleurs il ne pensa même qu'il pouvait le faire. Cette idée restait à l'état d'une simple envie qu'il ne pouvait de toute manière pas réaliser.

Ensuite, il chercha la raison qui le poussait à protéger ainsi son frère. Son avis oscillait entre trois hypothèses en fonction de son humeur. Cependant, il finit par se dire qu'il s'agissait sans doute de toutes à la fois. Quand il en voulait à Dimitri en tant que frère, il se disait que s'il ne pouvait pas le dénoncer, c'était parce qu'on le jugerait pour trahison et qu'il serait exécuté. Il ne pouvait pas se résoudre, après avoir perdu sa sœur, à condamner lui-même son frère à mort. A cette conviction, succédait parfois celle qu'il fût un lâche. S'il ne faisait pas apparaître au grand jour cette horreur, c'était simplement parce qu'il avait peur des conséquences. Le colonel était puissant ; sans doute, pour sauver sa vie, il n'aurait pas hésité à lui déclarer la guerre… Et il aurait assurément gagné, quand il savait les manipulations et les agissements dont il se montrait capable ! Il aurait alors peut-être payé de sa vie ses révélations, sans arriver à ne rien changer. La dernière raison, qui lui paraissait toujours la plus difficile à admettre, était l'impression que son frère avait en effet apporté beaucoup à leur armée en agissant de la sorte. Finalement, Vassili n'avait rien à se reprocher à lui-même et Dimitri n'avait qu'à assumer ses actes… S'il n'avait que faire de ses conseils, tant pis pour lui, puisque le résultat n'avait pas que de mauvais côtés !

Sa colère ne diminuait pas, même au fil des jours. Aussi, à chaque fois qu'il passait près de son frère, il s'arrangeait pour le contourner sans avoir à le regarder, ou encore moins qu'il fût à distance de lui adresser la parole. Eclair-de-Liberté ne comprenait pas ce qui stressait autant son dresseur et ce qui l'amenait parfois à changer brutalement de trajectoire. De temps en temps, quand le visage de Vassili s'assombrissait soudain, à la vue de son frère, l'Elecsprint le poussait doucement du bout du museau. Il espérait ainsi lui apporter un peu de soutien et l'encourager à se livrer. Cependant, l'affaire semblait tellement indicible qu'il éprouvait même de la répugnance à en parler à son Pokémon : il avait trop honte de son frère.

Quand, après plusieurs jours passés dans cette tension extrême, le colonel demanda à rassembler tous les rebelles, Vassili nourrit pendant un temps l'intention de ne pas y assister. Il n'avait cependant aucune bonne raison de ne pas le faire aux yeux de ses compagnons d'armes, puis, il ne pouvait pas se tenir à l'écart des informations importantes. Il ne pouvait non plus pas décemment demander qu'on lui rapportât ce qui s'y dirait : il donnerait l'impression de jouer un rôle étrange… Il s'y rendit donc, mais s'arrangea pour se trouver au fond, perdu dans la masse des rangs rebelles.

Le discours commença par une habituelle harangue, ventant le courage et les mérites des combattants présents. Puis, le colonel en vint à son propos principal. Quand il annonça qu'il avait obtenu des informations intéressantes sur des positions et des manœuvres ennemies, Vassili réprima avec grande difficulté une grimace de dégoût. Il se maîtrisa, pourtant, il ne put s'empêcher de bouger, mal à l'aise dans les rangs. Enfin, il annonça que leur armée allait donc exploiter ces connaissances et créer deux groupes qui partiraient mener des actions de harcèlement. Il précisa que le commandant Fabrice serait responsable de la coordination de ces deux forces. Il marqua une pause, puis reprit du ton lent et solennel du politicien.

................- Naturellement, nous aurons une première partie commandée par le lieutenant Victor… Quant à la seconde, étant donnée la mort tragique de son lieutenant, Malik, je vous demande s'il y aurait ici un volontaire pour prendre sa tête. Il s'agit d'une mission difficile, très risquée, aussi, ne faites un pas en avant qu'à la seule condition de vous savoir capable d'affronter ces ennemis ! Dans la zone où je vais vous envoyer, il y aura l'armée, certes, mais également des Pokémon, à qui nous devons aussi – et malheureusement – imposer notre force avant qu'ils ne prennent trop d'assurance. Autant que faire se peut, je n'enverrai d'ailleurs que ceux qui seront volontaires pour partir…

Dans les rangs, les hommes échangèrent des regards discrets. Ils avaient tous envie de briller devant le colonel, mais le ton qui avait été employé ne laissait aucun doute possible : la probabilité de ne jamais rentrer dépassait largement celle de revenir sain et sauf. Entre les lignes, on comprenait que Dimitri tenterait là une action audacieuse, qui ferait des dégâts à l'ennemi, mais qui pourrait aussi s'avérer dévastatrice pour les rebelles, risque qu'il acceptait et qu'il demandait aux combattants qui y participeraient d'accepter aussi... De ce fait, plusieurs minutes s'écoulèrent sans que personne ne bougeât.

Enfin, Vaillant-Rescapé bougea une lame. Terreur-des-Hommes tenta de le retenir, mais l'Insécateur s'y attendait : il avança trop vite pour qu'elle pût tenter quoi que ce fût sans se faire remarquer. Bientôt, le Pokémon se retrouva seul devant toute la troupe. On aurait pu croire que le premier à se porter volontaire ferait arriver les suivants ; il n'en fut rien. Le colonel sourit, sans une once de surprise dans les yeux, puis il déclara :

................- Eh bien, lieutenant Aleph-Zéro, je me réjouis que tu honores ainsi la mémoire de Malik ! Que les courageux qui désirent se placer sous ses ordres pour cette rude mission avancent à leur tour.

Cette fois, l'appel eut plus de succès. L'Insécateur avait fait ses preuves, aussi, accepter de l'accompagner comme subordonné était vu comme un honneur. Son commandement était une valeur sûre, le simple fait qu'il se fût porté volontaire avait gravé dans l'esprit des combattants que tout espoir était loin d'être perdu. Le volume d'hommes nécessaire à constituer une troupe pour Vaillant-Rescapé fut atteint sans difficulté, mais sans exclure personne pour autant. Vassili faisait partie de ceux qui avaient choisi de le suivre.

A l'issue du rassemblement, le colonel s'approcha de son frère. Quand celui-ci vit qu'il souhaitait lui parler, il essaya de faire semblant de ne rien avoir remarqué. Il commença à partir, sans se retourner, mais Dimitri le retint par le bras.

................- Viens, Vassia, je t'en prie.

A contrecœur, le petit frère suivit son aîné jusqu'à son bureau. Dimitri referma lui-même la porte derrière eux, puis il s'exprima sur un ton suppliant que même Vassili ne lui connaissait pas.

................- Je préfèrerais que tu ne partes pas avec eux, dit-il simplement.

Le plus jeune ne répondit pas, autant pour attendre plus d'explications que parce qu'il voulait montrer encore une fois à son frère qu'il ne lui avait pas pardonné son comportement.

................- En tant que frère, je te demande de rester, répéta Dimitri sur le même ton.
................- Je n'ai pas envie de faire plaisir à mon frère… Pourquoi veux-tu que je laisse Aleph-Zéro partir sans moi ? demanda sèchement Vassili.
................- Je ne veux pas que tu t'exposes. J'ai perdu ma sœur jumelle dans cette guerre, si je peux éviter de perdre mon petit frère, je le ferai. Et ce malgré ta haine nouvelle envers moi.
................- Mais Aleph-Zéro, lui, il peut… Tu recommences avec tes stupidités, Dimitri !
................- Non. Lui, il s'en sortira, parce qu'il est un Pokémon. Il est fort, rompu au combat, endurant et bon tacticien !
................- Il n'abandonnera pas ses hommes, il mourra avec eux.
................- Si ça devait se passer, alors, je préfère ne le perdre que lui. Il fera du bon travail et j'ai besoin d'un lieutenant comme lui. Un simple soldat, j'en ai de nombreux sous la main. J'ai besoin de toi en vie, avec moi.
................- Dimitri, ton attitude me dégoûte ! Je vais me battre avec mes camarades, je vais mourir avec eux. Je ne suis pas différent parce que je suis ton frère ! De toute façon, tu ne vaux même pas que je t'accorde mon intérêt. Tu salis notre image, celle de la Révolution… Alors rien que pour ne pas m'abaisser à un tel niveau, je partirai. Si tu refuses, alors, fais-moi donc exécuter pour traitrise, je n'obéirai pas à ton ordre de rester. Tu n'es qu'un monstre répugnant !

La main du colonel effleura son pistolet, comme si sa proposition était une possibilité à envisager. Puis, il fit un effort non feint pour maîtriser la marque des émotions sur son visage. Pour ne rien en laisser paraître, il ne parla pas. Il congédia son frère d'un signe de tête, signe par lequel il lui indiquait aussi qu'il ne lui demanderait plus de rester auprès de lui après cette entrevue. Pourtant, quand la main de Vassili saisit la poignée de la porte, Dimitri murmura, suffisamment fort pour se faire entendre :

................- Tu me vois peut-être comme un monstre, Vassia, mais alors, je suis un monstre qui aime son petit frère. Je ne veux pas te perdre… Je ne peux pas te perdre : je ne m'en remettrai pas.

Vassili ne se retourna pas, feignit de ne rien avoir entendu, ou plus exactement, de rejeter cette affirmation. Il claqua même la porte et alla faire son sac pour son départ imminent. Il ne voulait absolument pas rester dans ce camp. Déjà, ce lieu le déprimait depuis qu'il savait ce qu'on y faisait, puis, surtout, il refusait de bénéficier de quelque régime de faveur que ce fût. Après tout, se disait-il, si chacun demandait à celui à qui il tenait de ne pas partir, le colonel pourrait toujours rêver pour organiser le départ, il n'aurait aucun candidat.

Inès rejoignit son amant, elle ne faisait pas partie des partants. Elle lui adressa un sourire timide, visiblement forcé. Elle posa la main sur l'épaule de Vassili.

................- Je t'admire, tu es très courageux. Je n'ai pas osé me porter volontaire, dit-elle, honteuse. J'aurais dû venir avec toi, on ne doit pas avoir peur, ce n'est pas digne de nous. Même si la mort nous attend, nous devons…

Vassili se retourna et posa l'index sur les lèvres de la jeune femme.

................- Ne me parle pas de ce qui m'attend. Je n'y pense pas. Je sais que je dois foncer si je veux partir. Une fois dans la forêt, mon sac sur le dos, je ne pourrai plus reculer. J'aurai peur, mais il sera trop tard. Je ne suis pas courageux, c'est comme cela que j'accepte mon avenir : en refusant de l'envisager, puis en attendant d'être au pied du mur.
................- Le résultat est le même… Tu seras un héros, je serai une lâche.
................- Je ne veux pas que tu meures… Mais je vais te dire, quand même : tu peux encore dire que tu pars avec nous. Ne réfléchis pas, dis-le et comme moi, tu auras peur, mais tu ne pourras plus reculer. Il n'y a qu'Aleph-Zéro qui puisse partir serein, ajouta-t-il en lâchant un rire nerveux.
................- C'est pour ça que je t'aime : tu ne me retiens pas, au contraire ! Tu es un homme formidable !

Avant que Vassili ne répondît, Inès sortit de la pièce. Sans aucun doute, elle allait partir elle aussi. Vassili sentit sa gorge se nouer… Elle venait de le complimenter pour ce que son frère n'avait pas fait envers lui. S'il lui avait conseillé de partir, c'était justement pour se dire qu'il était différent de Dimitri. Pourtant, il le regrettait déjà, car il avait trop peur de la voir mourir sous ses yeux. Il versa une larme, la seule qu'il n'arriva pas à retenir, qui coula dans son sac. Il prouverait à son frère qu'on pouvait être exemplaire ! Malgré le sacrifice, il devait laisser Inès partir au combat.

Vaillant-Rescapé se préparait lui aussi au départ. Il s'était rendu à l'armurerie, dans la petite salle où se trouvaient ses œufs. Il les regardait avec bienveillance et amertume, se disant qu'il ne pouvait pas vraiment leur dire « au revoir ». Terreur-des-Hommes se glissa derrière lui. De la voix la plus aimable qu'elle le pût, masquant au mieux ses émotions et ses inquiétudes, elle lui murmura :

................- Pourquoi as-tu été volontaire ? Tu n'as rien à leur prouver de plus… Nous sommes acceptés ici ! Dimitri a dit que ce serait dangereux. Et surtout, il y a les œufs.
................- Les Pokémon m'ont provoqué, à mon tour de leur montrer de quel bois je suis fait. Maintenant que nous sommes là, nous devons aider les humains… Je prends de l'importance chez eux, et ça me plait. Je retrouve un peu de ce que j'avais perdu. Surtout, Dimitri avait besoin de quelqu'un. Je sais que j'en suis capable ! Nous sommes d'accord là-dessus tous les deux : pour remporter la victoire, il faut de l'audace ! Les œufs me manqueront, mais je reviendrai, je te le promets. Tu ne resteras pas longtemps toute seule avec eux, je serai là pour l'éclosion !
................- Il est hors de question que je reste ici à t'attendre, Vaillant-Rescapé ! Hors de question, tu m'entends ! Tu n'iras pas te battre et jouer les héros alors que je jouerai la maman Roucool au campement humain… Nous risquons notre vie ensemble, ou nous couvons les œufs ensemble.
................- S'il te plait… Je serais plus rassuré si tu restais…
................- Je serais plus rassurée si tu restais, singea la Migalos en prenant un ton ridicule.
................- Mais, Terreur-des-Hommes… Les œufs ?
................- On les prend, ou on les laisse aux soins de Dimitri. C'est tout ! Puisque tu es sûr de revenir, je ne vois pas le problème…
................- Très bien, très bien… Alors, on les prend ! Imagine… S'ils éclosent alors que nous ne sommes pas là ?
................- Ce n'est pas ce que tu disais tout à l'heure… Ils ne seront pas en sécurité avec nous…
................- Ce sont des œufs… On n'attaque pas des œufs ! S'ils éclosent, alors nous les renverrons ici. Mais je voudrais leur expliquer pourquoi nous avons dû partir, pas les abandonner.
................- Vaillant-Rescapé… Je suis fier de toi, tu es enfin presque un papa, s'exclama Terreur-des-Hommes en l'étreignant. Allons, je vais préparer une Toile solide pour les porter et les protéger des chocs du voyage.

Terreur-des-Hommes relâcha lentement sa prise sur l'Insécateur. Elle se dirigea vers les œufs, puis, adressant à son ami un regard bienveillant, elle commença à tisser avec application. Vaillant-Rescapé resta un moment à contempler son talent. Enfin, quand il sentit ses pattes le démanger à force de ne pas bouger, il quitta son poste, repartant aux côtés du colonel, pour régler les préparatifs et obtenir ses dernières consignes.