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Entre infini et au-delà de Cyrlight



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Informations

» Auteur : Cyrlight - Voir le profil
» Créé le 31/05/2013 à 08:32
» Dernière mise à jour le 31/05/2013 à 08:34

» Mots-clés :   Action   Drame   Fantastique   Mythologie   Suspense

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Chapitre 127 : Ici-bas
Ici-bas - Mylène Farmer


Comme Cassy disposait encore d'un laps de temps suffisant pour se rendre à Celestia, elle décida de flâner encore un peu dans les rues d'Unionpolis, à tenter de donner un sens aux mystérieuses paroles de Kiméra. Darkness. L'obscurité. Qu'entendait-elle par le fait qu'elle la possède déjà en elle ? Elle n'appartenait pas aux ténèbres, en dépit de ce que désirait Lilith, et cela ne serait jamais le cas.

A nouveau, son regard se posa sur les deux tours de la cathédrale. Elle leur jeta un regard blasé, avant que ses lèvres ne s'étirent en un léger sourire. Elle avait désespérément cru en Arceus tout au long de son enfance sans même savoir qu'il existait, et maintenant qu'elle en avait la preuve irréfutable, elle choisissait pourtant de lui tourner le dos sans regret.

Même si elle fuyait la lumière de la sorte, cela faisait-elle forcément d'elle une âme assombrie par le mal ? Ne pouvait-elle pas simplement demeurer à Galopa entre le deux, sans être entièrement bonne, ni complètement mauvaise pour autant ?

Sans s'en apercevoir, ses pas l'avaient d'eux-mêmes conduits jusqu'à l'entrée de la cathédrale. Etait-ce un signe ? Non, sans doute Arceus ne voulait-il rien avoir à faire avec elle. Il devait la mépriser depuis les cieux, comme chacun des êtres humains insignifiants autour d'elle. Pourquoi se préoccuperait-il d'une espèce sous-développée quand il pouvait la laisser vaquer à sa propre destruction sans intervenir, la laissant ainsi gésir dans sa propre misère ?

La pluie se mit soudain à tomber, aussi drue que glacée. En quelques secondes, la jeune fille fut trempée jusqu'aux os. Il lui fallut cependant beaucoup plus de temps pour accepter de se réfugier à l'intérieur. Après tout, ce n'était qu'un édifice. Seuls les fidèles et ceux qui avaient la foi lui donnaient cette connotation religieuse. Faute de cela, il ne s'agissait que d'un assemblage de briques et de mortier.

L'intérieur était étrangement silencieux. Un courant d'air s'engouffra par la porte que Cassy venait de laisser entrouverte pour aller éteindre les cierges qui brûlaient jusqu'alors le long des murs. Elle sentait comme une présence indésirable dans la lourdeur de cette atmosphère.

L'icône d'Arceus lui faisait face, à l'autre extrémité de la nef où conduisait un tapis rouge, sali par les ans. Elle le suivit sans marcher sur le sol dallé couvert de poussière, ignorant totalement le Coquiperl empli d'eau sacrée lorsqu'elle passa à côté.

Elle put constater, une fois arrivée à destination, que la statue était loin d'être à la véritable échelle. Pour preuve, le regard de l'Alpha se situait quasiment à la hauteur du sien. Un rictus fendit le visage de Cassy en contemplant celui que tous prenaient pour leur Dieu béni.

- J'espère seulement que tu t'amuses bien. Depuis le début, tu savais quel sort nous guettait, ma famille et moi. Qu'as-tu fait pour m'aider ? Pour nous aider ? Tu m'as laissé errer pendant des mois, une enfant sans nom, sans origines. Je n'étais plus rien, ni personne. Et je me retrouve désormais à protéger cet univers que tu as pourtant créé ! L'aimes-tu réellement, lui, ou le méprises-tu comme nous autres humains ? Jusqu'à preuve du contraire, seule Lilith s'est manifestée jusqu'à présent pour me venir en aide. Où es-tu donc, toi le tout-puissant ? Le sort de ton oeuvre t'intéresse-t-il à ce point si peu pour que tu ne daignes même pas tenter de le sauver ?

Elle n'obtint aucune réponse, mais il fallait dire qu'elle n'en attendait pas. Le moment venu, elle risquerait certes de faire les frais du courroux de l'Alpha, cependant pour l'heure, elle ne songeait qu'à le braver davantage. Elle souhaitait, ne serait-ce que par ses paroles, lui faire mal, lui provoquer une souffrance au-delà des mots, comme celle-là même qu'il lui avait laissé endurer sans intervenir.

- Je sais que tu m'écoutes, Arceus ! Ne fais pas semblant. J'ignores où tu te trouves, mais je suis certaine que tu m'entends, alors pour une fois ne te défile pas, et prends la peine de suivre jusqu'au bout. Tu n'es rien d'autre qu'un minable. Un dieu méprisant qui n'a aucune pitié pour ses sujets et qui est encore moins capable de s'en faire respecter. Lilith et Giratina reviendront forts, peut-être plus que toi. Ce jour-là, ils se vengeront, et moi je les regarderai faire, sans rien tenter pour les arrêter. Après tout, n'est-ce pas exactement le même sort que j'ai subi grâce à toi ?

Un sourire machiavélique illumina son expression, tandis que son regard s'éclaircissait d'une lueur dangereusement mauvaise. Oui, c'était un défi, mais non, elle ne provoquait pas la guerre. Il la lui avait déclaré tout seule bien longtemps auparavant. Désormais, elle se contentait d'assumer les conséquences de la volonté divine.

Cassy comprenait enfin son attachement à la liberté de Lilith. Elle était là aux heures les plus sombres de sa vie, elle l'avait guidée lorsqu'elle s'était crue perdue, et dès lors, elle ne l'avait jamais véritablement abandonnée, ce qu'elle ne pouvait néanmoins pas dire de tous les autres.

Alors, oui, elle aiderait la reine des Succubes et des Incubes à se venger de l'Alpha, même si cela la menait à son tour à combattre un dieu. Elle voulait elle aussi régler ses différents avec Arceus, aussi n'en raterait-elle pas l'occasion. Il méritait de payer pour ce qu'il faisait, ou plutôt ne faisait pas. Depuis la création du monde, il n'apportait que le malheur à l'espèce humaine.

- Comment peut-on nourrir autant de haine en étant encore si jeune ? s'enquit une voix derrière elle.

Cassy sursauta. Prise par le feu de sa tirade, elle ne s'était pas demandée si quelqu'un d'autre pouvait se trouver à l'intérieur de la cathédrale. Elle se retourna d'un bond, pas mal à l'aise, mais au contraire furieuse de s'être faite surprendre de la sorte.

Une jeune fille qui devait avoir à peu près son âge s'asseyait sur l'un des bancs en bois sombre. Vêtue d'une longue robe blanche un peu ample qui descendait jusqu'à ses pieds, elle était d'une beauté éblouissante. Une cascade de cheveux blonds, quoi plus courte que celle de Cynthia, tombait dans son dos cambré et cernaient son visage doux, à l'apparence glacée. Deux yeux aussi bleu que le ciel du grand nord en illuminaient la blancheur.

- Je ne vois pas en quoi cela te regarde ?
- Je suis la soeur Yohanna. C'est moi qui suis chargée de garder la cathédrale aujourd'hui, et de veiller à ce que personne ne trouble sa quiétude, or c'est exactement ce que tu viens de faire.
- Si tu crois que je vais me confesser pour si peu...
- Et si tu te contentais plutôt de répondre à ma question ?

La voix de la jeune fille était extrêmement mélodieuse, d'autant plus que l'écho la portait en résonance dans tout le reste de la nef. Elle semblait cependant teintée d'une once de mélancolie, qui conférait à sa détentrice un vague air de Momartik, dont la magnificence s'imprégnait constamment d'une note funèbre.

- Et toi ? Tu es aussi jeune que moi, alors pourquoi es-tu nonne ?
- Parce qu'il s'agit là de ma voie et que j'ai décidé de la suivre.
- Bien sûr. Comme si n'importe quelle personne sensée décidait de s'enfermer dans un couvent à dix-sept ans de son plein gré.

Le regard de l'autre se voila une seconde et Cassy fit mine de n'y prêter aucune attention. Elle se contenta de remonter sur son épaule la lanière de sa sacoche qui avait légèrement glissé avant de s'éloigner en direction de la sortie. Elle s'apprêtait à en franchir le lourd battant lorsque la fille l'interpela à nouveau :

- Ce que tu fais s'appelle du parjure, tu en as conscience ?
- Et lui ? demanda l'intéressée en désignant la statue d'Arceus du revers de la main. Ce qu'il fait, comment cela s'appelle-t-il ?
- Encore faudrait-il savoir pour quelles raisons tu lui en veux.
- Ce ne sont pas tes affaires.

L'adolescente vit avec étonnement que son interlocutrice se levait pour marcher dans sa direction, le visage toujours aussi hermétique. Elle ne s'arrêta qu'à un mètre d'elle pour plonger son regard dans le sien, comme si elle cherchait par tous les moyens à y déceler quelque chose.

- Tu as énormément de rancoeur envers l'Alpha. Je suis pourtant certaine que c'est un être bon et miséricordieux.
- Ah oui ? Alors dis-moi, depuis que tu es ici, combien de prières l'as-tu vu exaucer ?

L'autre resta silencieuse un long moment, puis tourna ses yeux emprunts d'une tristesse non feinte vers l'icône. Finalement, elle souffla dans un murmure que Cassy eut un mal fou à entendre :

- J'imagine... J'imagine que ce n'est pas ainsi que les choses fonctionnent. Il ne peut rien pour nous dans cette vie là, mais nous jugera en fonction de nos actions dans la prochaine, raison pour laquelle il faut vivre dans la droiture et se repentir de nos erreurs pour implorer son pardon.
- Tu ne t'ai jamais simplement dit qu'il ne pouvait pas exister ou, puisque je sais que ce n'est pas le cas, n'en avoir juste rien à faire de nous.
- Si nous ne pouvons plus nous fier à l'Alpha, alors en quoi devrions-nous croire ? En quoi devrions-nous fonder l'espoir ?
- Je te répondrais en nous-même, en l'espèce humaine qui n'est pas encore condamnée à condition cependant que l'on se donne la peine de la raisonner. Qui sait ? Les réponses se trouvent peut-être ailleurs.
- Ailleurs qu'auprès d'Arceus ? Permets-moi de me montrer sceptique ?

L'adolescente prit la main blafarde de la soeur dans la sienne pour la déposer sur le haut de sa poitrine. L'autre n'esquissa même pas un mouvement de recul, l'air étonnement paisible pour dire qu'elle discutait des fondements de sa propre foi avec une parfaite inconnue qui cherchait désespérément à lui prouver qu'elle avait tort.

- Et si elles étaient là ? Dans ton coeur ?

La jeune fille blonde lui adressa un sourire peiné avant de laisser son bras retomber contre son flanc. Elle allait tourner les talons, sa longue robe flottant dans son sillage telle une traînée fantomatique, lorsqu'elle se ravisa. Elle déclara d'un ton monotone, presque las :

- J'ignores ce dont tu tiens Arceus responsable, mais une chose est cependant certaine : je n'ai jamais vu personne le haïr comme toi tu le fais.
- Moi si.
- Tu es certaine que tu ne veux rien me dire ? Je pourrais peut-être t'aider, après tout, qui sait ?
- Je ne devrais même pas être ici, si la pluie ne m'avait pas forcée à m'abriter.
- Prends donc cela comme un signe du destin.
- Non, comme les giboulées qui tombent sur Sinnoh depuis ce matin.

L'autre n'insista pas et ce fut cette fois autour de Cassy de l'interpeler au moment où elle s'apprêtait à disparaître par une porte dérobée.

- Attends ! Yohanna, c'est bien cela ?
- Oui ?
- Je ne suis pas la seule. Toi aussi, tu portes une lourd fardeau avec toi. Et j'ai comme l'impression qu'en dépit de tes belles paroles, tu n'es pas plus convaincue que moi par le rôle que joue Arceus dans l'univers.

La soeur se contenta de lui dire au revoir, puis quitta la nef pour de bon. La jeune fille en fit de même de son côté, ne sachant que penser de cette rencontre aussi étrange qu'inattendue.