____Diana se rua à l'extérieur, retenant le cri de panique qui enflait dangereusement dans sa gorge. Derrière elle, le tissu écarlate servant de porte d'entrée retomba lourdement sur l'ouverture de la hutte avec un bruit semblable à un claquement. L'odeur de la forêt éveillée remplaça immédiatement celle, plus renfermée, de sa maison. Le regard rubis de la jeune louve parcourut la clairière et elle remarqua aussitôt l'attroupement qui se formait rapidement au centre de la place. Le cœur battant douloureusement au creux de sa poitrine, la jeune Absol s'avança en courant, arrachant des brins entiers d'herbes avec ses griffes sombres.
_Et soudain, elle fut prise d'un sursaut et s'arrêta brutalement.
_Son malaise augmenta d'un cran : les habitants étaient agglutinés en masse comme des Apitrini à du miel, ce qui forçait donc la louve blanche à se glisser entre eux.
_Chercher à comprendre ce qu'il se passait revenait à traverser cette assemblée et le moindre effleurement avec autrui la rebutait d'avance. Effectivement, les contacts physiques avaient tendances à provoquer chez elle de brutales réactions, sauf si elle y était préparée ou que le geste venait d'elle.*
_Malgré tout, réprimant son dégoût et poussée par la mauvaise impression que lui soufflait sa conscience, Diana traversa prudemment les derniers mètres qui la séparaient de l'assemblée pour venir se placer juste derrière un Tengalice. Ce dernier se retourna en un éclair et lorsque son regard jaune et malveillant tomba sur elle, il se décala sur le côté pour lui laisser un passage, compatissant. Diana lança un regard chargé de reconnaissance au Pokémon affublé d'une tignasse blanche et sa corne effilée fut suffisante pour lui permettre de s'avancer au premier rang. En effet, les villageois furent obligés de s'écarter, préférant sûrement éviter de perdre bêtement un membre : il aurait suffi d'un mouvement brusque de la part de la jeune louve et quelqu'un se retrouvait soudainement atrophié.
_Plusieurs dans l'attroupement grognèrent de mécontentement mais la louve des ténèbres les ignora royalement, un sourire crispé mais moqueur aux lèvres.
_L'espace où elle se faufila lui permit enfin d'apercevoir l'origine de toute cette agitation : encerclé au milieu des Pokémon désormais silencieux, Diana aperçut un jeune Absol qui tentait de parler haut et fort, la respiration fuyante et irrégulière.
_Elle reconnut Earl, un des Guetteurs du village.
_Puis, pendant un instant, son regard fut irrésistiblement attiré par une créature recroquevillée dans l'herbe : une petite Évoli brune inconnue au clan à l'aspect frêle et fétiche.
_Le cœur de la louve blanche fit un bond dans sa poitrine : de grosses larmes coulaient de ses yeux luisants de la renarde et son corps était secoué de spasmes irrépressibles.
_Son attention resta longtemps fixée sur le Pokémon Évolutif alors que l'étrange doute qui l'étreignait depuis un moment pulsait dans sa corne sombre.
Lancinant. Régulier. Désagréable.
_La voix claire du Guetteur la ramena soudainement à la réalité.
__—
_ Je vous assure que c'est vrai ! répéta-t-il de sa voix saccadée. Nous ne lui avons rien fais, c'est à peine si... si elle nous a prêté attention !
_À trois mètres de Diana, coincée entre un Bouldeneu et la queue d'un Lianaja, une petite créature bleue venait de lui faire signe.
_Usant une fois de plus du pouvoir persuasif de sa lame frontale, la louve des ténèbres glissa jusqu'à Riolu en souriant.
_Son expression se métamorphosa immédiatement à la vue de celle de la Pokémon Émanation, passant à un air plus qu'inquiété.
__—
_ Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
_L'interrogée ne répondit pas, baissant tristement les yeux.
__—
_ Riolu, répéta Diana avec gravité, qu'est-ce qu'il s'est passé ?
_Sa jeune amie plongea son regard émeraude dans celui, d'un écarlate brillant, de la louve tandis que passait dans ses yeux une étincelle furtive d'innocence.
__—
_ C'est...
__—
_ ... les autres Guetteurs et moi-même avons surpris cette créature qui revenait de la forêt en galopant comme une folle. C'est elle qui a hurlé alors qu'elle passait la frontière du village.
_La foule se taisait, toute son attention ancrée sur l'Absol qui continuait de se justifier.
_Puis un bruit feutré se fit entendre et Balfor sortit de sa hutte, soulevant au passage la grande tenture pourpre semblable à celles des autres habitations. Le silence pesant qui régnait dans la clairière ne sembla pas l'intimider, bien au contraire, et il s'avança vers le Earl qui s'était arrêté de parler. Son air humble et fier ne laissait pas transparaître le trouble qui s'agitait en lui.
_Le grand loup blanc traversa sans mal l'attroupement qui s'écarta de son passage, certains le saluant en murmurant avec un respect évident.
__—
_ Qu'est-ce qu'il se passe ici ? fit-il d'une voix rendue autoritaire pour masquer son incompréhension.
_L'interrogé n'eut pas le temps de répondre : la petite Évoli éclata littéralement en sanglots et courut se réfugier entre les pattes avant de Balfor qui releva la tête, gêné.
__—
_ C'est... à cause d'elle, répondit l'Absol avec un mélange de crainte et de respect. Elle est... elle a débouché dans le village en hurlant de terreur.
__—
_ D'où venait-elle ? riposta aussitôt le chef, soudainement interessé.
__—
_ Je ne sais pas exactement, mais... quand je l'ai aperçue, revenant du territoire inconnu, le groupe de Guetteurs et moi-même l'avons suivie jusqu'ici. Elle ne vient pas du village, c'est tout ce que nous savons pour le moment. Elle semble... traumatisée, elle refuse de parler.
_Diana, qui s'était assise à côté du Riolu, jeta un regard à cette dernière qui si mordit la lèvre inférieure.
_Aux pieds de Balfor, réduite à une boule de fourrure tremblante, la petite renarde continuait de pleurer, mouillant de ses larmes le pelage immaculé du chef du village. Personne n'osait prononcer la moindre paroles, chaque regard rivé vers leur supérieur. Seul les sanglots du Pokémon Évolutif troublait l'intense moment de réflexion.
__—
_ Je vais essayer d'en apprendre plus, fit une voix féminine parmis l'attroupement.
_Une magnifique Mentali se détacha du groupe d'un pas léger et gracieux, ainsi qu'un vieux Polagriffe à l'allure chancelante et tous deux s'avancèrent au centre de la clairière.
_Le pelage mauve de la féline psychique avait la même couleur que les fleurs qui s'échappaient des touffes d'herbes vertes et le joyau rouge de son front luisait sous le soleil de midi comme une braise incandescente. Le Polagriffe qui la suivait était très vieux, à en juger par sa fourrure grisâtre et terne, mais dans son regard semblait briller l'étincelle d'une grande sagesse.
_D'un pas feutré pour l'une et fatigué pour l'autre, ils marchèrent jusqu'à Balfor et la Mentali s'inclina avec respect.
__—
_ Je sais parler aux enfants, dit-elle d'une voix douce. Laisse-moi essayer de la raisonner.
_Balfor regarda le vieil ours au côté de la chatte mauve et hocha la tête avec une reconnaissance pourtant assombrie par le doute.
__—
_ Je te laisse faire, Ambre. Tu as dix minutes pour en apprendre plus, auquel cas j'enverrai la Meute en territoire inconnu pour tenter de comprendre.
_La douce Mentali, que l'idée n'enchantait guère, s'allongea à côté de la jeune Évoli, veillant à garder tout de même une certaine distance pour ne pas effrayer l'enfant, tandis que Polagriffe s'éclipsait plus loin avec Balfor.
_La renarde leva un visage baigné de larmes vers son évolution psychique.
Ambre prit alors la parole de sa voix la plus tendre :
__—
_ Bonjour, je m'appelle Ambre. Je suis ici pour t'aider alors ne craint rien. Ça te dirait de m'expliquer pourquoi tu pleures ?
_La renarde renifla et baissa les yeux, muette.
À côté de Balfor resté en retrait, le vieil ours glissa un mot à l'oreille du chef qui resta neutre.
Diana, elle, serra les dents. Elle brûlait d'envie de hurler à la petite de parler, ainsi qu'à son habitude quand il s'agissait d'essayer de comprendre les tracas d'une jeune enfant, mais le bon sens de Riolu la retint. Cette dernière posa sa patte bleue sur celle de la jeune louve et plongea son regard vert dans celui de son amie.
Et lentement, elle secoua la tête de droite à gauche en souriant, comme pour détendre la situation.
_Puis, elle donna un coup de menton vers Ambre et Diana tourna la tête dans la direction indiquée : toujours étendue dans l'herbe douce, Mentali continuait de discuter avec l'Évoli qui commençait visiblement à s'intéresser aux histoires que son évolution lui racontait.
__—
_ Comment t'appelles-tu ? Tu peux tout me dire, tu sais. Regarde.
_Ambre se leva et le soleil éclaira sa belle fourrure mauve qui prit alors des teintes pastels ossillantes entre la lavande et l'améthyste.
__—
_ Je suis comme toi. Il faut avoir confiance, je ne te veux aucun mal.
__—
_ Je...
_La foule se figea une nouvelle fois, le souffle soudainement stoppé.
_Évoli rougit et baissa le regard, le museau enfoui entre ses petites pattes.
De son côté, Balfor plissa soudaidement les yeux, fixant un point sur le flan d'Ambre.
__—
_ Mais... qu'est-ce que c'est que ça ? souffla-t-il.
_Tous se tournèrent vers la Mentali qui suivit le regard du chef. Ses yeux tombèrent sur une marque vermeille tachant son pelage de lila. Elle mit un temps avant de comprendre qu'elle n'était pas blessée, s'assurant de ne ressentir aucune douleur.
_Alors, lentement, elle se tourna vers la petite Évoli qui sanglotait de nouveau. Quelques poils de la fourrure crème entourant son coup se tintaient lentement d'une étrange couleur écarlate.
_Ce fut le déclic.
__—
_ Oh merde... murmura Balfor.
_Son regard de rubis croisa celui, azuré, d'Ambre qui comprit à son tour.
Ses yeux s'écarquilèrent d'horreur.
_Dans un même temps, des chuchotements naquirent dans la foule et se muèrent bien vite en un véritable brouhaha, faisant voler en éclats le silence qui était maintenu jusqu'alors.
__—
_ L'Assemblée est suspendue ! s'écria le grand loup d'une voix blanche. Restez calme, il n'y a rien de grave !
_Il se tourna fébrilement vers la féline mauve.
__—
_ Ambre, emmène la petite avec toi, je vais chercher un guérisseur et je te rejoins.
_L'intéressée hocha lentement la tête, comme tétanisée, et vint saisir l'Évoli par la peau du cou. Cette dernière poussa un cri, incapable de se libérer, tandis que Balfor filait en direction d'un chemin terreux. L'assemblée s'écarta au passage de Mentali, en proie à de bruyantes interrogations. En retrait par rapport aux autres, dans un coin illuminé de la clairière, le Polagriffe resta sans bouger, suivant la scène du regard, une lueur triste voilant ses yeux d'ardoise.
_Diana restait figée de stupeur. Tout était allé si vite... Même elle, qui avait tendance à réagir toujours en avance, n'avait rien vu venir.
_« Ça va aller. »
_Pourtant, elle se mit à s'en vouloir. Un Absol possédait toujours un instinct plus développé par rapport aux autres Pokémon, mais pourquoi cette fois-ci, ni elle ni les autres membres de son espèce n'avaient su interpréter cette horrible certitude ?
Ce... frisson prémonitoire ?
_À sa gauche, Riolu s'assit silencieusement dans l'herbe et ferma les yeux.
_Ambre, la respiration haletante, s'engouffra dans sa hutte, suivie de Balfor qui avait finalement ramené le guérisseur. Les rayons de l'astre du jour chauffaient le toit sombre et la chaleur ambiante de l'endroit sembla calmer la petite Évoli.
_La lumière du soleil brûlant à son zénith filtrait par une fenêtre constituée de branches entrelacées et formait une tache claire sur le sol de terre battue. À droite de l'entrée se trouvait un buffet clair de bois vernis.
_Le guérisseur, un Kecleon vert à l'air grave, s'installa sur le comptoir et commença à sortir de sa besace un flacon contenant un étrange produit de couleur pêche et plusieurs compresses.
_Ambre déposa la renarde sur un tapis gris posé au sol et se tourna vers Balfor, son regard d'azur devenu pâle et vide.
__—
_ Ce n'est pas grave... en es-tu vraiment sûr, Balfor ?
__—
_ Je ne sais pas, Ambre... Je ne sais pas.
_Allongée dans un coin de la clairière, Diana se morfondait. Il ne devait pas être loin d'une heure de l'après-midi, à en juger par la position du soleil, et Mentali ne revenait toujours pas. La plupart des villageois avaient repris leurs occupations là où ils les avaient laissés. D'autres, en revanche, semblaient fermement décidés à attendre le retour de la féline psychique, couchés au milieu de la place herbeuse baignée par le halo tiède.
_Les odeurs de la forêt s'éveillant après l'hiver - mousse et terre humide, bourgeons s'ouvrant à la vie, sève fraîche des sapins - flottaient délicieusement en l'air, mais personne ne semblait le remarquer.
_Devant le plus grand arbre du village, jouissant d'une place ombragée, Polagriffe et Earl semblaient en grande discussion. Le vieil ours n'avait jamais été très bavard, mais chacune de ses paroles prononcées étaient empreintes d'une sagesse remarquable. Souvent, les villageois se rendaient dans sa hutte, installée au creux d'un immense chêne, afin de recevoir ses conseils ou simplement pour se faire soigner en cas de problèmes trop importants pour que les guérisseurs s'en occupent.
Polagriffe était en quelque sorte l'Ancien du village, respecté et admiré de tous de par ses connaissances sur la vie et les sciences.
Balfor aussi était aimé du peuple, mais seulement parce qu'il en était le chef, et que sans lui, la communauté ne tiendrait pas une semaine. Chacun savait qu'avoir un meneur était important pour garder le bon sens des choses.
_Diana s'arracha à ses pensées et enfonça ses griffes dans l'herbe pour se retenir de bondir dans la hutte de Mentali.
À côté d'elle, Riolu prit la parole d'une voix rassurante :
__—
_ Je suis sûre qu'elle ne va pas tarder.
__—
_ J'ai la désagréable impression qu'il est arrivé quelque chose, Riolu. Mais je ne peux pas quitter le village.
_La jeune louva lâcha un soupir de frustration mêlé d'ennui et posa son menton sur la végétation douce. Une brise fraîche caressa timidement sa fourrure immaculée. Devant ses yeux, un brin d'herbe frémit sous son souffle chaud.
_Captivée, elle ne remarqua pas le regard luisant de sa compagne.
__—
_ Tu penses à l'Évoli ? s'enquit cette dernière.
__—
_ Je ne sais pas trop à quoi songer, tu sais... La blessure de la petite ne semblait pas profonde car elle n'a que peu saigné. Et puis, Mentali et mon père vont bien s'occuper d'elle, surtout qu'ils sont épaulés d'un guérisseur...
_Riolu sourit tristement.
__—
_ Mais ?
__—
_ Mais je ne suis pas tranquille. C'est comme... comme un poids qui pèserait sur ma conscience m'empêchant de réfléchir à autre chose que cette histoire. Earl a dit que la petite était allée sur le territoire inconnu, ce qui veut dire qu'il n'y a qu'à cet endroit que se trouvent les réponses à mes - nos - interrogations.
_La Pokémon Émanation secoua lentement la tête de gauche à droite avec un sourire faussement exaspéré.
__—
_ Quoi ? demanda soudainement Diana.
__—
_ Qu'est-ce que tu as derrière la tête, stupide Absol butée ? J'ai beau être plus beaucoup jeune que toi, je reconnais facilement la concentration masquée derrière ton air innocent. Je pourrais presque voir les rouages de ton cerveau tourner à plein régime...
__—
_ N'importe quoi.
__—
_ ... pour tenter d'élaborer un quelconque plan pour arriver à tes fins...
__—
_ Tu m'ennuies, Riolu.
__—
_ ... ce qui t'amènera forcément à désobéir... encore une fois. Tu paieras le prix de tes actes et...
__—
_ Raah, mais arrête d'être parano, un peu ! s'emporta d'un coup Diana. Toi et tes treize printemps**, vous commencez à être vraiment lourds avec votre air supérieur et agaçant !
_La petite louve bleue resta un instant muette, puis un sourire victorieux illumina son visage juvénile.
__—
_ Eh bah voilà ! Je préfère quand même cette Diana-là à celle qui se morfond dans son coin en louchant sur un brin d'herbe !
_L'intéressée se figea une demi-seconde puis s'empourpra de honte lorsqu'elle comprit le manège de son amie.
__—
_ Attends... tu veux dire que tu ne pensais pas ce que tu disais ? Je veux dire... quand tu assurais que j'allais encore n'en faire qu'à ma tête, c'était de la mise en scène ?
_Riolu acquiesça en se mordant l'intérieur des joues pour ne pas rire.
__—
_ T'es vraiment qu'une sale petite emmerdeuse.
__—
_ Peut-être, mais il y a un peu plus de temps d'attente écoulé maintenant. Et je suis sûre qu'Ambre sera là d'une seconde à l'autre. Et entre nous, je suis persuadée que l'Évoli est en bonne santé et qu'elle lui a tout raconté. Je pense que ce qu'on va apprendre sera suffisant pour satisfaire ton insatiable curiosité...
_Kecleon se redressa, une seringue vide entre ses doigts.
_Dans la pièce, le silence était total. La respiration de la petite Évoli s'élevait encore, rauque, mais à voir la tête du guérisseur, les nouvelles n'étaient pas bonnes.
La lourde tenture grenat qui servait de porte stoppait le moindre souffle de vent et amenuisait les bruits extérieurs. Une légère odeur de produit médicinal flottait dans l'air.
__—
_ A... Alors ? demanda Ambre d'une voix chevrotante.
__—
_ Les effets anti-douleur ne vont pas tarder à faire effet. D'habitude, lorsqu'un Pokémon se fait empoisonner, il est facile de le guérir tant qu'on a ce qu'il faut sous la main.
_Le visage de Kecleon s'assombrit davantage.
__—
_ Cependant... la morsure d'un Crochetvenin est dangereuse car elle libère dans l'organisme un poison très puissant et foudroyant. Dans ce cas-là, il faut vite soigner la victime car son espérance de vie se met aussitôt à baisser de minute en minute, récapitula rapidement le Pokémon Multicolor.
__—
_ Heureusement que tu étais équipé d'élixir de Baie Pêcha ! sourit Ambre avec fausseté.
_Le guérisseur marqua un léger temps d'arrêt, comme pour peser l'importance des mots qu'il s'apprêtait à prononcer.
__—
_ Oui, mais le seul problème, c'est qu'on a trop attendu. Il s'est écoulé trop de temps entre le moment où cette petite s'est fait mordre et celui où je lui ai injecté l'anti-poison. De plus, son âge et sa taille ne jouent pas vraiment en sa faveur...
__—
_ Quoi ?! s'écria la féline mauve.
_Elle verrouilla son attention sur le visage de Kecleon, cherchant à comprendre le moindre changement d'expression, la plus petite once de plaisanterie.
_Mais rien ne modifia l'air attristé du guérisseur qui baissa alors les yeux tandis que ses épaules s'affaissaient.
__—
_ Je suis désolé.
_En toute politesse, le docteur salua Balfor, reclus dans un coin, et sortit de la hutte en silence sous l'expression ahurie de Mentali.
_Cette dernière, après un temps d'hébétude, poussa une plainte chargée de douleur et s'approcha de la renarde qui leva la tête vers elle.
__—
_ Pourquoi n'as-tu pas dit que tu étais blessée ? Questionna-t-elle avec une voix qui se voulait douce.
_La petite sembla s'éveiller d'un long sommeil et son visage enfantin prit soudainement une étrange expression.
La lucidité avant la fin.
__—
_ Je n'ai rien senti, grimaça-t-elle. C'est seulement quand je suis arrivée ici que j'ai commencé à me sentir mal. J'avais les pattes qui me picotaient et un peu mal à la tête. C'est quand... quand tu m'as prise par la peau du cou que j'ai senti la douleur.
_Ambre s'allongea devant la renarde.
__—
_ Je suis désolée... murmura-t-elle.
__—
_ C'est pas grave, sourit tristement Évoli.
_Un long silence s'en suivit, suspendu pendant plusieurs secondes.
__—
_ J'ai peur...
__—
_ Non, non... fit Ambre. Je suis là...
__—
_ Un jour... Un jour, mon père s'est endormi, commença la renarde. Il ne s'est jamais réveillé. Est-ce ce qu'il va m'arriver ?
_Les yeux azurés de la chatte mauve se noyèrent de larmes.
__—
_ Tu vas faire le grand voyage pour le royaume du silence. Tu vas y retrouver ton père. Et puis... si tu vois...
_Elle s'interrompit, incapable de continuer. Assis dans un coin de la hutte, Balfor baissa tristement les yeux.
__—
_ J'aurai bien aimé que ma maman soit là pour me faire un câlin..., couina le Pokémon Évolutif. Mentali... Ne me laisse pas seule, s'il-te-plaît. Tu peux... rester avec moi ?
__—
_ Bien-sûr, ma petite, je suis là.
_Comme pour confirmer ses dires, Ambre se leva mécaniquement et vint s'allonger contre la renarde qui se détendit alors.
_La féline psychique lui donna un coup de langue derrière l'oreille, signe d'affection commun chez les Pokémon du village.
__—
_ Merci... murmura l'Évoli.
__—
_ Ambre, interroge-là, intervint soudain Balfor. Utilise la légilimencie, il faut que nous sachions ce qui l'a attaquée !
__—
_ Il en est hors de question, répliqua Mentali en grinçant. Je ne violerai pas ses pensées avant le grand voyage.
__—
_ Il faut qu'on sache !
_Mentali, baissant le regard, resta muette et posa lentement sa tête sur le petit corps de la renarde. Imperceptiblement, elle ferma les yeux et un long moment s'en suivit, accompagné d'un silence pesant.
_Lorsque la féline mauve, plusieurs minutes après, ouvrit les yeux, un murmure s'échappa de sa gorge nouée :
__—
_ Bon voyage...
_La petite Évoli se détendit soudainement, comme plongée dans le plus beau des rêves. Ambre sentit le cœur de sa protégée ralentir et s'estomper comme un souffle contre son flan.
Un dernier soupir, et sa douleur cessa.
_Deux larmes brûlantes glissèrent sur une fourrure de lilas et gouttèrent lentement sur un pelage de cuivre.
__—
_ Qu'est-ce que tu as appris ? demanda alors Balfor comme s'il était impassible à ce qui venait de se jouer.
__—
_ Je te l'ai dit, répondit Mentali en reniflant, la voix basse et noyée d'eau salée. Je ne suis pas ici pour savoir qui est responsable.
_Elle planta ses yeux inondés dans ceux du chef qui comprit alors et sentit une pointe de colère gronder en lui. Comme à l'habitude de sa fille,
_Balfor crispa ses griffes sombres dans la terre et six sillons se creusèrent sous ses pattes avant. Puis il releva aussitôt la tête avec mépris et serra les dents pour ne pas commettre l'irréparable.
__—
_ Je n'ai rien appris. Du tout.
[size=3]oOoOoO~OoOoOo[/size]* Aphenphosmophobie. Car oui, il existe des gens sur cette Terre qui redoute le contact physique, que ce soit une main sur l'épaule ou le câlin d'une mère, d'un ami. Chez Diana, cette peur est beaucoup moins importante, mais elle a tout de même tendance à éviter de se faire toucher (comme moi).
** Équivalant à douze ans. Chez les Pokémon sauvage, il serait plus logique de s'exprimer ainsi que comme les Humains même si dans cette fanfic, l'âge n'est pas converti et reste donc le même chez les deux espèces.