[size=3]~ PARTIE I ~[/size]
* * *____La forêt était silencieuse, endormie dans un manteau de fraîcheur qui tardait à se dissiper malgré l'arrivée imminente du printemps. Les cimes des immenses sapins s'élançaient vers le ciel d'un azur timide et leurs rameaux ployaient légèrement sous la rosée et les quelques flocons blancs, sans doute tombés durant la nuit. Par endroit, la neige n'avait pas encore fondu et formait des taches éparses sur le sol. Les talus environnants laissaient apparaître de nombreuses traces, preuve d'un passage récent de Pokémon. Le soleil pâle filtrait à travers les branches des arbres et formait des morceaux lumineux et mouvants sur le tapis végétal. Une odeur d'écorce humide et de plante flottait dans l'air frais.
Tout était calme et...
Un craquement inaudible sur la gauche.
_Six silhouettes menues se faufilèrent avec grâce entre les sapins.
_Leurs fourrures se confondaient avec la poudreuse, blanche et immaculée. Leurs pattes griffues ne faisaient aucun bruit en s'enfonçant dans la litière de feuilles et de neige fondue de la forêt. Parfaitement coordonnés, les Absol avançaient en file indienne, suivant à la trace les empreintes du Pokémon qui marchait en tête. Tous semblaient pister quelque chose.
_Soudain, la troupe s'arrêta et les créatures humèrent l'air, la truffe relevée.
_Il ne leur fallut que quelques secondes pour repérer une délicieuse odeur, celle de la proie qu'ils traquaient depuis plus d'une heure.
_Le Pokémon de tête lança un regard entendu à ses compagnons et ses yeux rubis s'arrêtèrent sur une jeune Absol qui fermait la marche. Cette dernière soutint son regard avec impertinence. Ils restèrent un instant à se fixer, puis le meneur, comme si un quelconque message venait de passer entre eux, hocha lentement la tête.
La jeune louve baissa les yeux.
Ne pas faire n'importe quoi. On lui répétait cette phrase à longueur de journée, comme à un petit à qui on voudrait apprendre la vie.
Elle en avait assez.
_Malgré tout, lorsque la Meute se remit en chasse, elle suivit ses compagnons et les Absol disparurent de nouveau dans l'ombre des arbres.
Mortellement silencieux.
_Tapis dans les feuilles et aussi discrets que possible, les loups fixaient un point devant eux, figés par la concentration. À moins de cinq mètres, un magnifique Haydaim, paré de sa toison de printemps, broutait tranquillement les quelques touffes d'herbes qui s'échappaient d'un fin tapis de rosée. Les fleurs parme ornant ses bois majestueux s'épanouissaient avec beauté sous le soleil levant et sa fourrure d'un crème sombre était par moment secouée de tics, comme pour chasser des insectes pourtant inexistants. Le cervidé semblait distrait au milieu de la clairière, inconscient du danger qui le menaçait depuis l'ombre des arbres.
_De son côté, la jeune Absol s'impatientait : il était là, seul et vulnérable et la Meute ne passait pas à l'attaque.
_Elle souffla de lassitude, ce qui dut s'entendre car le Haydaim leva la tête, aux aguets.
_Le Pokémon de tête lança un regard noir en direction de la louve blanche. Maintenant que la proie se doutait de quelque chose, il faudrait faire vite et ne pas la laisser filer.
_Il se leva. Fit un pas en avant.
Le cerf s'éloigna en trottant dans la direction opposée et la forêt se referma sur lui.
_Lorsqu'il fut hors de vue, le meneur de la Meute se tourna vers la jeune créature, ses yeux rouges étincelants de fureur.
__—
_ On pouvait se passer de toi, si c'est pour faire rater la chasse ! murmura-t-il, les dents serrées.
_Ses griffes noires étaient crispées dans la terre et les feuilles humides.
La responsable regarda ses compagnons tour à tour, honteuse. Ils ne lui prêtèrent pas attention, attendant les ordres du meneur. Ce dernier fit un signe de la tête et tous reprirent la traque, prudents, sur les traces du cerf.
Rageuse et impuissante, la jeune Absol les suivit, la mâchoire crispée.
_De son côté, le cervidé trottait dans la forêt évitant les racines et les troncs. Il était sûr d'avoir entendu un bruit - une respiration - ce qui avait suffi pour le mettre en garde : son instinct ne l'avait jamais trompé. Lorsqu'il se sentait en danger il fallait fuir. Ne pas hésiter et fuir.
Pour survivre.
_La forêt était toujours calme, les jeunes plantes et les Pokémon s'éveillaient tranquillement. Le soleil levant chauffait peu à peu les arbres alentour.
_Le Haydaim continua sa course sur une distance raisonnable, persuadé d'avoir semé ses poursuivants.
Il se trompait.
Car à quelques mètres derrière lui, la Meute le pistait toujours, plus affamée que jamais.
_Lorsque, de nombreuses minutes plus tard, le Haydaim s'arrêta pour boire, le petit groupe fit la même chose qu'un peu plus tôt : il se tapit sous les branches d'un sapin aux aiguilles douces et sombres. Les chasseurs devaient attendre le moment propice pour attaquer. Foncer tête baissée ne servait à rien, surtout qu'ils avaient une chance inouïe : un Pokémon plus futé serait parti en courant et aurait fui sans s'arrêter. Mais apparemment, ce n'était pas le cas de cette proie.
_En retrait par rapport aux autres, la jeune Absol tremblait sous l'excitation : l'odeur de viande fraîche lui parvenait par quelques délicieuses effluves et elle sentait qu'elle ne tiendrait pas longtemps avant de passer à l'attaque. Ses pattes tressautant légèrement, elle fixait le cerf avec gourmandise, les pupilles totalement rétractées.
_Le Pokémon de tête senti son impatience et tourna la tête vers elle avec une infime discrétion. Son regard dur était formel : ne pas intervenir. Pas maintenant.
_Mais les autres membres de la Meute commençaient visiblement à s'impatienter. Cependant expérimentés comme ils l'étaient, ils savaient qu'attendre le bon moment était primordial.
_La louve avala sa salive avec difficulté et se concentra sur la proie. Cette dernière, qui avait abandonné le ruisseau clair pour un buisson à peine fleuri, ne se souciait de rien.
_Les environs étaient calmes, la délicate rosée du matin achevait de fondre doucement sous le soleil qui inondait la clairière.
Maintenant.
_Le meneur se leva avec discrétion.
Pourtant cela ne suffit pas : le Haydaim se redressa d'un coup. Et au lieu de s'éloigner en trottant comme il l'avait fait un peu plus tôt il fit volte-face et détala à toute-vitesse.
_Le bruit de ses sabots martelant le tapis herbu gronda un instant dans l'air, fut remplacé par les feuilles humides soulevées sur son passage avant de s'estomper définitivement.
_La Meute, résignée, se leva doucement et s'avança dans la clairière. Le meneur n'eut pas le temps de se tourner vers ses compagnons qu'une silhouette le dépassa à toute vitesse.
__—
_ Non... souffla-t-il, effaré.
_Mais trop tard : la jeune Absol se lança à la poursuite du cerf.
_Le soleil tiède eut à peine le temps de se refléter sur sa corne noire qu'elle avait déjà atteint l'opposé de la clairière.
__—
_ NON ! N'y va pas !
_Ignorant ses paroles, la jeune louve continua sur sa course, rapide comme le vent, et prit de la vitesse tandis que son cœur s'emballait.
Le meneur tenta de la rattraper mais fut dépassé par un autre chasseur.
__—
_ Je vais la chercher, dit-il avec gravité.
_Le chef de Meute le regarda, hautain au possible, et acquiesça n'essayant même pas de le retenir.
L'Absol qui lui faisait face baissa la tête, soumis.
_Après un instant, il se mit à courir, lancé sur les traces de la jeune louve, ses griffes sombres fouettant l'herbe humide de la clairière.
_La jeune Absol courait. Ses pattes touchaient à peine le sol de la forêt, et sa corne effilée et sombre fendait l'air avec aisance. Tel un éclair de fourrure blanche elle filait entre les arbres qui se faisaient plus nombreux. L'air frais glissait dans sa gorge et ressortait sous forme de nuages de buée qui formaient des traînées derrière elle. La louve bondissait au-dessus des talus, effleurait les sapins tandis que son rythme s'accélérait encore un peu.
_L'ivresse de la vitesse envahit son corps et ses membres, amplifiée par l'odeur de la proie qui lui parvenait. Elle laissa le vent gifler son visage, néanmoins contrainte de plisser ses yeux. Sa fourrure immaculée ondulait contre l'air qui sifflait sur les côtés de son corps. Autour d'elle, les arbres du bois défilaient à toute vitesse. Elle évitait chaque racine, chaque obstacle sur son chemin en sautant par-dessus avec grâce et rapidité.
_Une ombre se dressa devant elle. La corne de la jeune louve brilla. L'instant d'après, le rocher était tranché en deux et la créature déjà loin, avalée par la forêt.
Comme un mirage.
_Lorsqu'elle s'arrêta, à peine quelques minutes après, sa proie avait disparu. Son odeur tant appréciée s'était estompée avec la distance et les effluves de pomme de pin.
_La louve des ténèbres baissa la tête, laissa sa respiration saccadée soulever la fourrure blanche de son poitrail et serra les dents.
__—
_ Eh merde... jura-t-elle en fermant les yeux.
_En effet, si perdre la trace de son repas était frustrant, devoir affronter le regard furieux de ses proches le serait d'avantage. Elle hésitait entre s'enfuir et risquer de passer un sale quart d'heure si on la retrouvait, et revenir au village pour... passer un sale quart d'heure.
_Pourtant, sa décision fut vite prise : de toute façon ce n'était pas la première fois qu'elle gênait ses compagnons de chasse. Il suffirait seulement d'affronter le joug de son père en hochant de temps en temps la tête.
__—
_ Pour faire plus vrai, murmura-t-elle pour elle même.
_Puis la jeune louve blanche revint sur ses pas, en direction de la clairière où elle avait laissé ses compagnons.
Elle n'eut pas le temps de faire vingt mètres qu'un des chasseurs la rejoignit.
Il posa sur elle un regard chargé de reproches.
_Gabor était un Absol d'âge moyen, au regard éteint et à l'âme rongée par la honte. D'aussi loin que la jeune louve se souvienne, ce chasseur couvert de cicatrices avait toujours été présent au sein du village. Cependant, ce n'était apparement pas le cas puisqu'elle avait appris bien vite qu'il avait en réalité cotoyé des Humains pendant plusieurs mois. Cette entorse aux lois du clan semblait être une bonne raison pour que tout le monde le haïsse comme s'il s'agissait d'un démon. Jamais personne ne lui adressait la parole, si ce n'est pour lui donner des ordres. Mais ce n'était pas le pire : même rejeté et méprisé de tous, Gabor tentait d'être obéissant pour calmer le mépris des autres, sans réel succès. Et Ewen, le meneur de la Meute, lui rappelait bien qu'il n'avait aucun droit ici, aussi devait-il obéir pour rester.
_Malgré toutes ces histoires, la jeune Absol, loin d'être convaincue, sentait que quelque chose clochait, comme une certitude greffée dans sa conscience : les habitants mentaient. Tous.
Leurs regards... La jeune louve pouvait presque voir dans leurs yeux le mensonge suintant à travers une haine farouche.
_Certains villageois restaient muets face à ses questions pesantes, d'autres lui assuraient posément qu'avoir délaissé le clan aussi longtemps pour des Humains était une preuve de lâcheté et que cela suffisait pour renier ce "sans-honneur".
_Mais au mépris de ce que pensaient les autres, la jeune louve avait développé une sorte d'attachement envers ce chasseur mutilé. Elle ne lui parlait pas beaucoup, mais eux deux savaient se comprendre comme des amis à la relation très distante.
_Pourtant, jamais elle n'oserait lui poser la moindre question sur son passé ou sur l'attitude des autres, car peut-être était-ce la vérité. Elle n'était pas devineresse, après tout.
_Ce qui l'attristait, c'est qu'elle prenait Gabor en pitié. Et elle se doutait qu'il n'aimait pas ça.
__—
_ Où est-il parti ? fit l'Absol d'une voix neutre.
_La jeune louve, surprise, s'arracha à ses pensées mais ne répondit pas, la tête basse.
Au même moment, elle vit Gabor s'éloigner sur les traces d'un Haydaim sûrement bien loin.
__—
_ Attend, n'y vas pas ! C'est trop dangereux ! fit-elle d'une voix suppliante. On ne connait pas le territoire au-delà d'ici !
__—
_ Si je ramène cette proie, mon honneur ne reviendra pas, mais au moins pourrai-je nourrir le village.
__—
_ Ils ne t'accepteront jamais, même si tu ramenais toute la viande de la forêt ! s'écria la jeune Absol.
_Gabor n'écoutait pas, continuant sa route sans s'arrêter.
__—
_ S'il-te-plaît, Gabor. N'y vas pas.
__—
_ Tu n'as pas besoin de moi, fit-il en se retournant.
_La louve crut déceler un demi-sourire sur le visage du chasseur qui hocha alors la tête et s'élança dans la forêt menaçante, silencieux comme une ombre.
_Après un instant, la louve, vaincue, fit demi-tour, persuadée que le laisser courir après une proie enfuie était une mauvaise idée. Surtout en territoire inconnu.
_Elle revint sur ses pas, perdue dans ses pensées. Mais à peine une minute plus tard, la Meute la rejoignit.
Le meneur, la respiration quelque peu fuyante, s'approcha et dit d'une voix étonnamment calme :
__—
_ Tiens, tiens. Qui voilà ?
__—
_ La Meute et un Ewen en colère, murmura-t-elle.
_La jeune louve soutint son regard, décidée à faire face à son erreur.
__—
_ Et... où est le Haydaim ? Non, attend, on va faire mieux : où est la proie que nous pistons depuis ce matin ?! cracha Ewen en martelant les cinq derniers mots.
__—
_ Parti. Je l'ai laissé filer, désolée.
_Pendant un instant, elle crut que la conversation s'arrêterait là, puis comprit qu'elle se trompait quand le meneur se mit à lui crier dessus.
__—
_ Bougre d'Absol imbécile ! hurla-t-il. Regarde où nous mène ton impertinence ! Combien de fois t'ai-je dit de suivre les instructions avant d'attaquer ?! Hein ? Combien ? Réponds !
_Ce que la jeune louve ne fit pas, bien au contraire. Elle s'enferma dans un profond mutisme évitant les regards furibonds de ses compagnons qui restaient aux côtés d'Ewen.
__—
_ On rentre, fit ce dernier.
_Puis, en bon meneur, il prit la tête du groupe. Les Absol se remirent à courir vers le village, perdus dans leurs pensées.
_La jeune louve ne prononça pas un seul mot du trajet, emmurée dans le silence, une triste pensée flottant dans sa tête : Ewen n'avait pas du tout parlé de Gabor.
_Le chemin du retour au village fut plutôt court, ce qui déplut à la jeune Absol. Elle aurait aimé profiter du silence de la forêt pour réfléchir à ce qu'elle allait dire aux villageois : qu'ils devaient se contenter du butin de leur famille ? Non. À quoi servait une Meute si elle n'était pas capable de ramener à manger ?
_ « Heureusement que l'hiver touche à sa fin » se dit-t-elle en grimaçant.
_Après quelques minutes de marche rapide, le sol de la forêt s'inclina légèrement, forçant le petit groupe à ralentir. Le sentier terreux, mis à nu par les passages incessants des habitants, serpentait entre les troncs massifs des arbres qui le bordaient.
_Les Absol marchaient prudemment en raison des pièges traîtres qui parsemaient le sol - pierres et feuilles glissantes - et du chemin qui devenait de plus en plus escarpé.
_D'ici, la jeune Absol pouvait voir le village niché au creux d'un vallon : les étranges maisons faites de branches et de ramages et disposées en cercle autour d'une place où la neige avait fondu, laissait apparaître un sol d'herbe piquée de fleurs mauves et bleues, en avance pour la saison. Dans un coin reculé, à la lisière de cette clairière, une sorte de hutte plus grande que les autres habitations laissait imaginer qu'elle appartenait à un membre important. À quelques pas de là, des villageois s'affairaient aux tâches habituelles - vente de baies et autres fruits déjà mûrs, entraînements des plus jeunes et restaurations des maisons abîmées par l'hiver - ou discutaient simplement en attendant le retour de la Meute.
_Lorsque cette dernière pénétra dans le village, plusieurs habitants accoururent. Ewen, visiblement encore énervé, lança un ordre à ses chasseurs et ces derniers se dispersèrent, rejoignant leur familles.
_La jeune Absol tenta de s'éloigner pour rejoindre son amie, une Riolu qui l'attendait plus loin.
__—
_ Non, non. Tu restes ici, toi, lança Ewen en lui barrant la route. Tu vas devoir expliquer ton comportement.
__—
_ J'arrive, fit-elle à son amie avec un clin d'œil.
_Puis la jeune Absol prit un air buté et elle suivit le meneur dans la grande hutte.
_Lorsqu'ils soulevèrent la tenture qui servait de porte et entrèrent, la louve sentit immédiatement l'odeur particulière de l'habitation - cuir et sève sèche -.
Elle soupira d'aise, oubliant presque ce qui l'attendait.
_Un bruit de pas sur le sol de terre battue l'arracha à ses pensées. Un magnifique Absol au pelage immaculé et aux yeux rouge luisant de sagesse s'avança vers elle, la tête haute et la dévisagea avec une expression résignée.
_Ewen prit la parole :
__—
_ Balfor, je viens te voir à cause d'elle, fit-il en désignant la jeune louve du menton. Elle a désobéi à mes ordres et s'est lancée à la poursuite d'un Haydaim que nous pistions depuis ce matin.
__—
_ Mais... commença-t-elle.
__—
_ Tu n'as rien à dire, l'interrompit Ewen. (Puis, se retournant vers le chef :) Inutile de préciser qu'elle a fait rater la chasse.
_La jeune Absol leva les yeux au ciel tandis que Balfor la transperçait de son regard de rubis.
__—
_ Je vais discuter avec elle et trouver une punition exemplaire, asséna-t-il de sa voix dure.
_Ewen hocha la tête, apparemment satisfait, et fit demi-tour.
_ « Il ne va pas la punir, comme d'habitude » se dit-il mentalement.
_Un rictus de mépris se dessina sur son visage lorsqu'il sortit de la hutte.
_Allongée devant la cheminée vide de la moindre flamme, la jeune Absol souriait.
À côté d'elle, Balfor ne semblait pas aussi détendu.
__—
_ Diana... fit-il.
_L'intéressée sursauta et ouvrit les yeux d'un coup. Son père ne l'appelait que rarement par son prénom et quand il le faisait, c'est qu'il y avait quelque chose qui le taraudait. Car oui, la louve blanche commençait à s'habituer de plus en plus aux surnoms qu'on lui donnait sous l'effet de la colère qu'elle avait un peu trop tendance à provoquer chez son entourage.
__—
_ Diana, reprit Balfor en se raclant la gorge, tu sais bien que je n'aime pas quand tu désobéis à Ewen...
__—
_ Papa, le coupa-t-elle, Ewen est un imbécile profiteur qui n'attend qu'une chose : prendre ta place en temps que chef du village.
_Balfor souffla.
__—
_ Peut-être, mais c'est un chasseur hors-pair et aussi le chef de la Meute, qui n'existe que grâce à lui. Les villageois malades ou trop vieux pour chasser peuvent compter dessus. La Meute...
__—
_ Oui, je sais, le coupa de nouveau sa fille. La Meute est un groupe constitué des meilleurs chasseurs du village. Cette équipe de chasse, dirigée par le "vaillant" Ewen, a pour devoir de ramener de la nourriture aux habitants. Elle donc responsable de la chasse mais s'occupe également des missions de sauvetage, quand quelqu'un est en danger. Je connais le refrain, merci...
_Nouveau soupir.
__—
_ Si je t'ai laissé participer aux chasses, ce n'est pas pour les faire rater, Diana.
__—
_ Mais ce n'est pas moi ! répliqua-t-elle en haussant la voix. C'est lui qui a attendu le dernier instant ! Le Haydaim était là, juste à côté, et il n'a rien fait ! J'ai juste voulu tenter ma chance avant que notre dîner nous échappe !
__—
_ Ce qui n'a pas été très efficace, grinça le chef avec un soupçon d'agacement.
_Diana resta muette de stupeur. D'habitude, son père ne s'attardait pas sur ce genre de problème, il lui ressortait le même air fâché et elle s'en sortait indemne, souvent sans aucune punition, si ce n'est prêter main-forte à Cériflor à l'Herboristerie du village. La punition "classique" et "pas si terrible que ça", selon la plupart des habitants. Encore fallait-il résister aux relents médicinaux parfois peu engageants des plantes destinées aux soins des souffrants.
_Balfor prit une inspiration tandis que Diana enfonçait ses griffes dans le sol terreux, redoutant tout de même ce qui l'attendait.
__—
_ Je... commença-t-il.
_Il se racla fortement la gorge, comme pour se donner un courage inutile.
__—
_ En temps que chef du village, je me dois de faire cesser tes agissements, Diana.
_Cette dernière hésita un instant entre éclater de rire et soupirer gentiment. Fort heureusement pour elle, la louve blanche choisi la deuxième option.
__—
_ Tu parles comme si j'avais commis un meurtre, plaisanta-elle. Tu n'as pas besoin de prendre cet air si humble pour te faire respecter.
__—
_ Et pour cela, continua son père, j'ai décidé que tu ne participeras plus aux chasses de cette saison et ce jusqu'à ce que tu saches te comporter comme une vraie Absol : loyale et obéissante.
_La déclaration tomba comme un coup de tonnerre sur la pièce. Plusieurs secondes s'écoulèrent durant lesquelles Diana ne su pas quoi dire, trop abasourdie.
_Enfin, elle se leva, réprimant la vague de colère que menaçait de l'étouffer. Une expression dure et glaciale s'était peinte sur son visage sombre.
__—
_ Punis-moi si ça te fait plaisir, papa. Mais sache au moins qu'en ce moment même, un vaillant chasseur traque toujours le Haydaim en territoire inconnu.
__—
_ En territoire inconnu, mais...!
__—
_ Il le fait pour nourrir les familles, continua la jeune louve.
__—
_ Il n'a pas fait ça, murmura Balfor. Qui... qui est-ce ?
_Diana n'eut pas le temps de répondre, un cri suraigu retentit depuis l'extérieur.
Un cri d'horreur. Puis le silence.
__—
_ Qui est-ce, Diana ? Dis-le-moi !
_La jeune Absol resta pétrifiée. Une horrible certitude s'insinua dans son esprit et son cœur accéléra brutalement. Venants de la clairière centrale du village, des éclats de voix enflèrent jusqu'ici, de villageois comme d'enfants. la louve des ténèbres ouvrit la bouche, et, après un temps, fixa son père de ses yeux luisant d'incompréhension.
__—
_ Gabor... souffla-t-elle.
_Et sans attendre l'autorisation du chef, Diana s'engouffra à l'extérieur de l'habitation, tel un courant d'air affolé.
Éclats de voix. Puis silence complet.
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