Partie III : Amour
Angela et Jim étaient tout ce que Sam possédait.
Il avait rencontré Angela alors qu'ils étaient encore de jeunes gens et qu'ils étudiaient tous les deux à l'université de Céladopole. C'était au cours d'un projet consistant à monter ce que leur patron appelait un Pokédex, le tout premier du nom d'ailleurs, qu'ils étaient tombés amoureux et s'était embrassés pour la première fois. Ils avaient terminés leurs études ensemble et avaient finis par s'installer au bord de la mer dans une petite ville côtière.
Ils avaient ensuite eu un fils deux ans plus tard et l'avait appelé Jim, tout d'abord car c'était assez court et que Sam aimait avoir un gosse ayant un nom proche du sien. Il était particulièrement heureux avec sa famille dans le temps et n'aurait jamais changé de vie pour rien au monde.
Les dieux en avaient jugé autrement.
Angela avait été choisie par un comité de recherches scientifiques sur les Pokemons et leurs façons de vivre en différents milieux. Ainsi elle voyageait souvent à l'autre bout du monde mais la paie qu'elle recevait n'était pas pour déplaire au couple qui vivait grassement.
Sam travaillait comme directeur dans une entreprise de recherches médicales pour Pokemons et avait, grâce à cette promotion qui était rapidement arrivé dans sa carrière, pu faire construire une autre maison bien plus riche que la précédente et cette fois à Vaguelone. Il faut dire que le bord de mer était un endroit très cher et qu'Angela affectionnait particulièrement ; Sam ne manquant pas de vouloir lui faire plaisir avait désiré rester dans cet endroit.
Lorsque sa femme partait en voyage d'affaire dans des pays parfois tropicaux et où il fait bon vivre, elle emmenait souvent leur fils au cours de ces derniers, jugeant ainsi qu'il était bon de lui faire un peu découvrir le monde. Jim avait même capturé une fois un Pokemon encore inconnu de tous les comités scientifiques du monde et qu'ils avaient baptisé : Azurill. Il en était d'ailleurs très attaché et Azurill se trouvait avec lui lorsque se passa le drame de la vie de Sam.
C'est ce drame qui d'ailleurs le fit se lancer dans la chasse au Celebi au travers le monde dans le but que cela ne soit plus qu'un rien et que sa vie puisse finalement retrouver le sens qu'elle avait avant.
Angela devait prendre l'avion pour un pays bien plus au sud du leur. Jim étant en période de vacances scolaires, elle décida qu'il viendrait avec elle cette fois encore pour voir un peu du pays et sortir un peu de la maison. Il avait dix ans à l'époque.
Sam se rappelait encore la dernière fois qu'il serra sa femme dans ses bras à l'aéroport de Parsemile. Il déposait un baiser sur le front de Jim avant que ce dernier ne rejoigne sa mère puis reprit le chemin de la voiture.
Le crash eut lieu environ deux heures plus tard et il n'y eut aucun survivant. Sam vit les restes des corps de sa femme et de son fils à la morgue et approuvé que c'était bien eux. Il se souvenait encore de ses larmes en sortant du bâtiment des morts.
Il avait perdu son travail un mois après, devenu alcoolique et fou par la même occasion. Il ne sortait plus de chez lui, avait oublié ses parents comme ses parents l'avaient oublié après ses multiples refus de les voir. Sa vie n'était plus rien sans elle et lui, il le savait et avait rapidement perdu tout espoir de vivre à nouveau comme cela.
Jusqu'au jour où il lut la légende de Celebi sur un blog Internet. Alors l'espoir revint en lui et il put de nouveau voir le visage illuminé de sa femme et de son fils remonter en son esprit. Il comprenait qu'ils n'étaient pas définitivement morts et qu'il restait encore un mince espoir de les sauver. Et si cet espoir était vrai alors il devait tenter sa chance.
Il passa des nuits entières à surfer sur le net, regardant toutes les photos du Pokemon légendaire ayant été prises par le passé, lisant tout ce qu'il y avait à lire sur son sujet. Il menait des comptes, punaisait des images au plafond et les reliait par des fils de soie pour signifier l'ordre de passage dans divers lieux. Il avait découpé les cartes d'Atlas géographiques pour les coller au mur, avait trouvé dans cela la force de savoir où il était.
Son enquête dura un an. Une année longue à en mourir durant laquelle il arrêta non seulement de boire mais aussi de pleurer. Il n'avait plus de temps pour une simple larme car savait que sa femme et son fils étaient en vie quelque part et qu'il y avait encore de l'espoir pour qu'ils lui reviennent. Il ne pensait plus qu'à les revoir enfin et même leurs tombes n'étaient que de vieux souvenirs, que les reflets d'un rêve qu'il avait lui-même rêvé. Sa femme et son fils étaient en vie et, dès que la vision d'eux morts lui venait en tête comme avant dans les bois, il la balayait comme de la poudre. Tout cela n'était qu'un mensonge des dieux.
Cela fait il se lança à la poursuite de Celebi qui le renia sans même l'écouter, qui rit la fuite sans lui accorder ne serait-ce qu'un regard. Ils étaient pareils tous les deux : craintifs et reniant la vérité dès qu'elle venait frapper à leurs portes. Ils avaient beau se sentir complètement différents, l'un attirait l'autre comme un aimant. Il n'y avait aucune autre possibilité.
Et enfin aujourd'hui, il était devant lui, brûlé jusque dans sa chair et étouffé par la fumée mais prêt à user de ses pouvoirs pour le sortir de ce cauchemar, de ce mensonge.
Celebi pleura en entendant ce récit de la part de Sam. Depuis tant d'années ce dernier le poursuivait pour une simple histoire de temps qu'il voulait changer grâce à ses pouvoirs de voyageur temporelle. Il commença à tomber d'affection pour Sam, le même homme que celui qui venait de tenter de le tuer et qui avait presque réussit. Mais le sentiment qui trônait en son cœur et surpassait tous les autres, c'était avant tout de la pitié.
« Alors… depuis… »
Il toussa, ses poumons semblaient l'abandonner.
« Je ne veux que ta clémence pour me ramener mon fils et ma femme, murmura Sam qui pleurait à chaudes larmes sur le corps du légendaire. Je ne demande que ça, sors-moi de ce monde de brutes. »
Il rappela au passage Dracaufeu dans sa balle, ce dernier n'était plus véritablement utile et il valait mieux qu'il soit avec lui quand ils retourneraient dans le passé pour empêcher Angela et Jim de prendre l'avion.
« Ramène-les… »
Malheureusement Celebi refusa d'un signe de tête. Il n'en avait plus la force après la bataille et ne l'aurait pas fait de toute manière. Il y a dix ans, il avait remonté le temps et tué plusieurs centaines d'hommes sans faire exprès.
Un simple voyage peut changer des milliers de vies, déclencher une catastrophe. Le hasard et toutes les probabilités derrières sont parfois désastreux sur le changement du temps. Il ne voulait plus se le permettra et ce même pour un homme qui avait passé sa vie à le poursuivre dans ce but. Ce n'était plus son rôle.
« Je t'en prie… »
Il pleura, Sam versa toujours plus de larmes.
Son dernier espoir était en train d s'envoler et il ne ressentait pourtant aucune haine envers le petit Pokemon car il comprit qu'ils étaient identiques et ne faisaient au fond que suivre une réalité qui les dépassait totalement. C'était plus comme de l'amour pour lui qui se trouvait au fond de son cœur, de l'amour pour un petit être qui toussait au creux de ses bras et dont les yeux se fermaient sous la douleur qu'il ressentait suite à l'étouffement.
« Non, non ! Commença à crier Sam en sentant son corps devenir léger. Celebi ne pars pas, je t'en conjure ne pars pas ! »
Pourtant Celebi partait. Lui aussi en avait marre du poids de la vie sur ses épaules, en avait assez de s'en vouloir pour les morts dans le passé, et n'avait plus envie de fuir tous ses gens qui le voulait pour encore se battre. Il avait traversé le temps, vu la violence dont les hommes étaient capables et comprit la douleur de ceux qui subissaient cette violente ardeur des puissants. Le légendaire admettait qu'il avait vu trop de choses terribles.
C'est pour cette raison qu'il ne résista pas à cette douleur qui l'envahissait, pour cette raison qu'il se laissa mourir en paix dans les bras de son chasseur. Et, comme pour lui donner réconfort et se faire pardonner, le légendaire versa une larme qui tomba sur la main de Sam. Il ne lui en voulait pas le moins du monde, sa colère était légitime et ils étaient bien trop semblables, se détestaient trop pour ne pas s'aimer.
« Non ! »
Sam poussa ce simple cri qui voulait tout dire sur sa douleur quand il comprit que Celebi était mort pour de bon.
Il resterait à jamais dans ce rêve, ce cauchemar, privé de sa femme et de son fils avec lesquels il avait passé les plus beaux moments de sa vie. Il ne rattraperait jamais les années perdues à courir derrière Celebi, encore moins les gens qu'il avait laissés de côté pour mener des expéditions que tous avaient jugés comme stupides.
Celebi ne l'avait jamais abandonné, la vie l'avait fait.
Au moment de monter dans l'avion, sa femme et son fils ne savait pas que quatre vies allaient bientôt s'éteindre. Quand Jim avait secoué la main envers son père, il ne savait pas encore que la vie de ce dernier basculerait une fois que la sienne serait arrêtée.
Ce qui avait un sens avant n'en avait plus désormais. La vie se construit par soi-même mais peu soudain être détruite par d'autres quand le moment est venu. Une seconde, un choix ; tant de choses suffisent à la faire changer.
Sam décida de la changer.
Il fit tomber la balle contenant Dracaufeu sur le sol sans l'ouvrir et porta Celebi dans ses bras. Bien que sa cheville le fasse souffrir, il essaya de marcher en se tenant aux arbres et ce qu'importe la douleur qui lui traversait le corps. Il avança vers le temple d'un bas décidé, serrant contre lui celui qu'il haïssait mais aimait de tout son cœur car il lui avait confié le restant de sa vie. Son devoir était de lui rendre hommage en le brûlant tandis qu'il brûlerait aussi.
Dans le temple, son corps traversé de part en part par la chaleur des flammes, les dernières pensées de Sam allèrent à sa femme, son fils, sa vie, Celebi… Cela fait, il leva les yeux vers la statue du légendaire et lui adressa un simple « merci ».
Sam ne sut pas s'il réussit véritablement à prononcer ce mot. Peut-être était-il déjà mort et dans les bras de sa femme quand il le prononça. Peut-être même qu'il le disait au vrai Celebi, là-bas, dans un autre monde.