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Armes égales de phlarme



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Informations

» Auteur : phlarme - Voir le profil
» Créé le 14/04/2013 à 00:12
» Dernière mise à jour le 12/09/2016 à 22:16

» Mots-clés :   Drame   Région inventée   Romance   Science fiction

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Au bout du pont
Une ville, sombre, laide, écrasante. Ma ville. Des routes grises, des tunnels, des ponts, des montagnes géométriques, symétriquement désordonnés, un chaos d'ombres, de bruits et de peurs. Quelques pans d'un ciel rouge nimbé de fumée, de plaques de poussières et de nuages troubles.

J'ai dû grimper longtemps pour l'apercevoir. On nous dit à l'école que les hommes de jadis vivaient tous au même étage. Peu de sous-sol ou de hauteur, en vérité. On nous dit que la terre était remplie d'espace, de plantes, de baies et de Pokémon sauvages. Que c'est scientifiquement prouvé. Les mystiques disent que c'était un paradis, et que nous sommes là pour payer le mal que nous faisions aux Pokémon. Les Pokémon légendaires nous auraient privés de l'ancien monde pour nous punir.

À une époque, je dessinais beaucoup l'ancien monde. Peut-être croyais-je qu'en le voyant hors de ma tête, il prendrait plus de réalité. Je ne voulais pas penser à l'avenir : je préférais me dire qu'un jour tout changerait, qu'un Pokémon légendaire viendrait m'emporter vers mon monde où Lugia sait quoi d'autre ! Mon physique différent me servait d'excuse pour prétendre que ce n'était pas ma place.

Mais je l'ai dit, c'est ma ville. Je ne sais si nous sommes coupables pour elle, mais j'aurais dû avoir le courage de fuir, si je l'avais mérité.

- Evo, Evoli !

Oui, heureusement qu'elle est là pour me ramener au présent. Je suis incapable de maintenir mon attention. C'est un tort, pour une Hunter de la Team Mystère. Qui sait où je serais sans Evoli ?

Elle m'indique la fenêtre par laquelle j'avais prévu d'entrer. Nous avons été informés de la naissance d'un Evoli Shiney, dans cette maison. Un étage très haut, bien à l'abri des foules et des gaz nocifs, bien sûr. Comment pourrais-je avoir des remords ?

Un Démoloss est attaché près de la dite fenêtre. Bien, il faudra trouver une autre entrée. Encore de l'escalade en perspective. Pas que je sois incapable de battre ce Pokémon, mais il aurait le temps d'aboyer, et tout serait perdu. Evoli remonte sur mon épaule. Plus on est haut, mieux on peut guetter. Je lui fais confiance. Sa queue d'un gris argenté se mêle à mes cheveux, d'une couleur quasi semblable à la sienne.

De ses petits yeux noirs, elle fixe mon regard bleu d'un air complice. Les humains étant presque toujours châtains aux yeux marrons, mes cheveux et mes yeux aux couleurs étranges font de moi une sorte de version humaine du Shiney. C'est peut-être en partie pour cette raison qu'Evoli m'a fait spontanément confiance.

Je me souviens quand son œuf a éclot. C'était avant la mort de mes parents, lorsqu'ils étaient encore éleveurs. Ils payaient cher pour que les gens laissent leurs Pokémon chez eux. Ils les entraînaient, mais surtout, ils les accouplaient. Les petits étaient vendus en fonction de leurs aptitudes. Il y avait beaucoup de demandes au début. Bien sûr, au fur et à mesure, il y a eu de plus en plus de vols, et de plus en plus d'éleveurs.

Au final, il ne reste donc plus que des éleveurs faisant partie de diverses Teams. Mes parents voulaient que je m'en sorte et que je sois dresseuse. Je pourrais ainsi me défendre, ce qui devenait plus qu'indispensable. Ils savaient que je n'éprouvais rien pour les Pokémon normaux. Alors, à l'éclosion de cet œuf, ils ont sacrifié leur chance pour moi : ils m'ont donné mon Evoli Shiney. J'avais huit ans. Ils ont cru jusqu'au bout avoir déclenché cette passion chez moi. Ils n'ont jamais su pour Médhyena.

Deux ans plus tôt, j'avais rencontré un Médhyena doré. Il était seul, blotti dans les étages inférieurs, là où l'on refuse d'aller à cause des risques de contamination. Je ne sais si je mourrais jeune pour cette habitude, mais j'y passais mes après midi, pendant que mes parents travaillaient. Oui, je séchais l'école. En fait, pas tout à fait : je séchais les récréations. J'avais peur des autres.

J'étais trop jeune pour avoir des Pokeballs, et j'aurais considéré cette approche comme une trahison. Non, je venais nourrir Médhyena tôt chaque matin, et, après quelques mois, il venait lui-même me voir, me lécher, me sauter dans les bras. C'était mon premier Pokémon, et je pensais que ce serait le seul, à jamais. Il était différent et je l'aimais pour cela.

Quand mon père m'a remis cette Evoli presque blanche, j'ai compris. Médhyena et moi n'étions pas seuls. J'aurais voulu trouver tous les autres. J'ai déçu mes parents. J'avais le Pokémon de départ, j'avais les pierres, mais jamais je n'ai accepté de faire de voyage initiatique, jamais je n'ai accepté de donner une pierre à Evoli. Comment leur expliquer que je voulais Mentali ? Ça aurait été leur dire qu'Evoli et moi n'étions pas heureuses, alors qu'ils faisaient tout pour cela pour nous et que nous le savions. Ça aurait été révélé mon orgueil et m'exposer à leurs regards juges, si importants lorsqu'on fuit déjà le monde.

Et puis, la Team Mystère a attaqué leur élevage, ils se sont défendus, ils sont morts. J'ai voulu me cacher, m'éclipser avec Evoli... Mais c'est elle qu'ils étaient venus chercher, et ils ne comptaient pas se laisser doubler par une gamine de dix ans. Au milieu de l'élevage ravagé, des cadavres de mes parents, de mon petit frère et de leurs Pokémon, j'ai compris que je ne fuirais pas, pas ce jour là. J'ai compris et je me suis retourné vers le chef de l'équipe, calme, Evoli dans les bras. Il avait un grand M rouge sur sa veste noire, les cheveux bruns, de beaux yeux bleus-violets nuit, une arme, probablement chargée, qui venait certainement de tirer les trois coups ayant déclenché ma réflexion. Son regard exigeant et dur me criait « donne Evoli ou meure ! Je me fous que tu sois une enfant. » Alors, je lui ai répondu :

- Evoli est à vous. Moi aussi. Je ne suis plus une enfant, puisque je n'ai plus de parents.

Il a comprit. Je n'ai pas souvent su étonner. Peut-être fallait-t-il que ma vie soit menacée. J'avais une dernière chose à faire, maintenant que j'étais adulte : je suis descendue capturer Médhyena.

Oh, mais nous voici au plus haut étage. En principe, on ne peut y accéder que par l'intérieur de ces bâtiments cossus. C'est pourquoi les ponts sont presque déserts. Ce n'est pas que les habitants ignorent que ces ponts servent surtout aux voleurs, bien au contraire. Ils ont peur de sortir, et ils ont raison. Pour la plupart, les Pokémon nous aident à y parvenir en grimpant ou en volant. Bon, ça me rend plus lente que les autres souvent, mais je préfère le faire moi-même. Au moins, quand mon Pokémon est K.O, je ne suis pas obligée d'appeler des renforts. Je déteste être dépendante.

Je déteste beaucoup de chose, c'est vrai. Une chose que j'aime vraiment ? Regarder mon chef en face, quand je lui rapporte une belle prise. Sentir la peur des autres devant lui, me dire qu'en étant à lui j'existe vraiment, qu'en ne le décevant pas, je brille de façon objective, puisqu'il en choisit les termes. Il me sauve du regard des autres...

« Alors, pas encore évolué ! » qu'ils aiment faire, et leurs rires sales, et leurs silences...

Un jour, il m'a parlé de faire évoluer Evoli. Je lui ai dit la vérité : j'ai les pierres, mais j'ai toujours refusé de m'en servir. Je craignais sa réaction. Il m'a seulement dit qu'il m'aurait bien vu avec Noctali, et qu'il avait les moyens de rendre mon Pokémon heureux. Je l'ai remercié sans répondre à son offre. Je crois que nous nous sommes compris... c'est entre Evoli et moi. Peut-être se moque-t-il de ce que nous ressentons l'une pour l'autre, mais il sait que c'est important pour notre efficacité.

Ensuite, il y a eu Gobou. Je faisais mon rapport au boss : une organisation rivale possédait un Salamèche, un Carapuce, un Bulbizare, un Zigzaton et un Médhyena Shiney dans un entrepôt trop bien gardé pour moi. Il faudrait faire intervenir les équipes de combat. Je m'inquiétais comme toujours d'avoir d'aussi peu bonnes nouvelles, mais il semblait préférer mon réalisme à l'héroïsme inconscient de certains.

Au beau milieu de ma description des lieux, un homme entra, souriant, tenant un petit Pokémon violet. C'était l'éleveur personnel du boss. Fier et plein d'entrain au début, il expliquait que ces deux ans d'élevage intensif avaient enfin porté leurs fruits en ce petit Gobou, qu'il savait que le boss désirait un Pokémon puissant, mais qu'il pensait que ce Shiney inespéré comblerait ses attentes. Son sourire s'était vite effacé.

Le boss attendit tranquillement que l'homme finisse son petit discours, puis il explosa : l'éleveur avait les parents parfaits, deux Laggron entraînés et connaissant de très bonnes attaques, il avait une pierre stase, il avait eu bien assez de temps. Le boss désirait un Gobou aux pouvoirs exceptionnel pour sa nouvelle équipe de combat, et on lui remettait ce Shiney, incapable de tenir dans une équipe officielle de tournois ? L'homme tenta de balbutier que d'autres portées étaient prévues, qu'il allait vite trouver le Pokémon parfait, mais il ne put aller bien loin dans ces explications. Penaud et confus, il avait lâché le Gobou, qui s'était niché sur mes genoux. S'en apercevant, il appela maladroitement le bébé Pokémon.

Celui-ci commença à courir dans le bureau, renversant tout sur son passage. L'éleveur se mit en devoir de l'attraper. Quand, après de multiples cavalcades pitoyables, il y parvint enfin, je ne pus retenir mes pensées moqueuses et murmurais : « pistolet à o ! ». « Félicitation pour ta nouvelle capture, », me dit le boss sans plus regarder l'homme trempé. « Et il faudra que je songe à faire changer cet éleveur. »

Et me voilà, au bout du pont, cherchant l'entrée du bâtiment 4, zone B. Je crois l'apercevoir, à quelques mètres derrière moi.

- Li ! Livo !

Evoli plante ses griffes dans mon épaule. Intrigué, mon regard va de ses yeux pétillants d'excitation et d'angoisse au ciel qu'ils visent. Approchant l'entrée que je comptais emprunter, un grand dragon noir se pose avec grâce. Il se penche, permettant à une silhouette de descendre de son dos, et replie ces ailes, privant mon regard de leur rouge si vif.

Mon intelligence jure ne pas reconnaître cet intrus, ce rival ; mon cœur... s'est tu depuis longtemps.