Pokémon version Arc-en-Ciel T.1 : L'assassinat de Milolaidus

CHAPITRE VIII : EVA ET LES FRISONS

— VOUS ? !

— Oui, moi. Je suppose que je peux attendre encore un peu pour le tutoiement…

— Mais… Que ?...

— Tu te demandes ce que je fais ici ? C'est simple : tous les ans, un des chefs de confiance de l'E.d.S. est chargé d'arpenter la région et de faire le tour de tous les centres de l'association, répartis dans plusieurs villes, afin de faire un rapport détaillé. Vu que j'ai pas mal de temps libre et que j'avais envie de voyager un peu, je me suis spontanément proposé comme volontaire. Michael me remplace à Boulocity, tu sais, le jeune homme qui ta transporté sur son Galeking lors de ta première mission et avec lequel tu as eu l'air de bien t'entendre...

Brown savait bien que cela n'avait rien de rationnel, mais il appréciait assez peu de revoir Connor. Il lui rappelait de très mauvais souvenirs, et Brown avait le sentiment que Connor ne l'appréciait pas tellement non-plus. Sans doute quelque chose dans la façon qu'avait le chef de le regarder, comme s'il le dédaignait, ou qu'il attendait la prochaine catastrophe que Brown allait commettre. L'adolescent avait déjà eu du mal à se remotiver pour aller de nouveau à l'E.d.S., et Connor était vraiment la dernière personne qu'il avait envie de croiser.

— Dites-moi… Dis-moi… Non franchement je préfère rester au vouvoiement pour l'instant. Dites-moi, ça va peut-être vous paraître un peu présomptueux, mais le fait que vous commenciez votre vadrouille juste après mon départ et que vous alliez dans la même direction que moi, sachant que je suis sans doute le plus jeune membre de l'E.d.S., ce ne serait pas un peu plus qu'un hasard ?

Connor eu une infime seconde d'hésitation.

— C'est un peu plus qu'un hasard en effet.

Il poursuivi avant que Brown rétorque :

— Si tu veux tout savoir, c'est aussi pour pouvoir garder un œil sur toi que je me suis proposé. Tu ne vois pas d'objection à ce que j'essaye, dans la mesure du possible, de calquer mon rythme sur le tien ?

— Bah… Si un peu quand même…

— De toute façon je ne te demandais pas vraiment ton avis, en fin de compte, répondit-il d'un ton neutre. Vu qu'en ce moment tu es en plein voyage initiatique, tu vas devoir participer un peu partout dans la région. C'est ce qui était prévu. Je pense qu'il est bon que quelqu'un garde un œil sur ta progression ; fasse le lien, en quelque sorte, entre les différents centres.

— Bon… Et bien… Merci, je suppose.

Brown allait tenter plus ou moins habilement de s'esquiver pour rejoindre ses amis, mais ce fut Connor qui prit l'initiative et qui rentra dans le bâtiment de l'E.d.S., sans prendre la peine de conclure la discussion.

Brown, put enfin appeler Grey et Pauline. Quand ils se furent mis d'accord sur un lieu de rendez-vous, il se mit en route. Il ne put s'empêcher d'être préoccupé durant toute la soirée par l'arrivée de Connor, et par ce qui l'attendrait demain, à l'E.d.S., mais il préféra ne pas parler de ses angoisses à ses amis. Il les avait déjà assez barbés, ces derniers jours.
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Il fut appelé le lendemain, à dix heures moins dix, par Enzo lui-même, alors qu'il commençait tout juste son petit déjeuner. Une mission urgente requérait qu'il soit là dans les plus brefs délais, s'il l'acceptait bien sûr. Les membres disponibles commençaient déjà à se rassembler en hâte. Il n'aurait pas besoins de Pokémons particuliers, mais il devait se dépêcher. Enzo, enfin, lui conseilla de ne pas oublier son badge de membre et ajouta que ce serait pour lui une occasion de faire ses preuves. Brown n'était pas sûr que cela le rassurait.

Il se dépêcha de se préparer, ne prenant même pas la peine de finir son petit déjeuner, mit au courant ses amis de la situation et se dirigea au pas de course en direction du bâtiment de l'E.d.S. Après avoir prit trois fois la mauvaise direction, il dût conclure que, finalement, perdre quelques secondes pour se servir de son Pokématos était peut-être plus rentable.

Il arriva enfin en vue du bâtiment, haletant. Un petit groupe s'était déjà rassemblé devant. Brown reconnu Enzo, et, même s'il s'y attendait, Connor. Trois autres membres étaient déjà là, et un autre était en train d'arriver. Enfin une autre, une jeune fille à peine plus âgée que lui. Cela ne devait pas faire longtemps qu'elle avait fini son voyage initiatique. Voyant Brown arriver, Enzo l'interpella.

— Dis-donc, quand je te demandais de te presser, je ne te demandais pas d'y laisser ta vie, plaisanta-t-il. Si tu es déjà complètement épuisé avant même de commencer la mission, c'est mal parti. Ah, et n'oublie pas d'attacher ton badge.

Effectivement, les membres présents arboraient déjà leur badge de l'E.d.S. Brown se dépêcha d'accrocher le sien, entre deux halètements.

— À… À propos, c'est quoi… cette mission ? prononça Brown péniblement.

Il se tenait plié, les mains sur les cuisses, tentant tant bien que mal de récupérer de sa course. Enzo appela la jeune fille :

— Tu peux venir Eva ? Ca te concerne aussi.

Elle tourna la tête vers le chef, cessa la discussion passionnante qu'elle venait d'entamer avec deux membres qu'elle semblait bien connaître, et se dirigea vers Enzo et Brown. C'était une brune possédant de longs cheveux raides et des yeux marron clairs. Quand elle fut là, Enzo continua :

— C'est un appel venant d'un de nos membres, qui n'est malheureusement pas libre pour cette mission. Il a aperçu un inquiétant troupeau de Frisons sauvages, des Pokémons assez rares habituellement dans la région d'Alaubia. Ils semblent en pleine migration, mais ont dû s'égarer. Pour l'instant, ils sont encore aux alentours de la route 162, à quelques kilomètres d'ici, mais ils pourraient causer des dégâts, s'ils s'approchent trop près de Yellow-sur-Mer. Notre but est donc de les intercepter et d'essayer de leur faire rebrousser chemin, sans trop mettre le bazar.

— Une mission sans risque en perspective, quoi, commenta Brown, dubitatif.

— Si tu ne fais pas l'imbécile, cela se pourrait bien ! répondit sèchement une voix dans son dos.

Brown sursauta. Il n'avait pas vu Connor approcher. Enzo tenta plus ou moins habilement de désamorcer la tension qui commençait à se faire sentir.

— Sacré vieux Connor, toujours à faire le rabat-joie !

— Je te rappelle que je n'ai que trente-huit ans, je ne sais pas si le qualificatif « vieux » est vraiment celui qui se rapporte le mieux à moi.

— Comme quoi, trente-huit ans, c'est suffisant pour s'encroûter. Tu es encore fâché à cause de ce qui s'est passé sur la colline c'est ça ? Tu pourrais peut-être tourner la page, non ? Et puis il faudrait que tu m'expliques pourquoi tu es le seul à râler, alors que les autres membres qui étaient dans le groupe avec Brown disent beaucoup de bien de ce garçon et vantent le sang-froid avec lequel il a réagit dans une situation critique. N'est-ce pas ce que nous recherchons ?

— Alors c'est lui le nouveau ? coupa Eva. Je vois qu'en une seule mission tu fais déjà parler de toi. Deux chefs pour toi tout seul, rien que ça !

— Mais… Heu… protesta Brown, perdu.

— S'il-te-plait, Eva, la réprimanda Connor, excédé, tu peux éviter de te mêler de cette histoire ? Des personnes possédant du sang-froid, oui, des inconscients, non. Et puis, Enzo, tu parles de sang-froid, mais il s'est quand même mis à pleurnicher comme un gosse dès que l'histoire a été réglée.

— Tu vas trop loin, là, Connor ! grogna Enzo. Ce que tu dis est vraiment dégueulasse ! Enfoncer ce jeune comme ça après ce qui s'est passé, c'est écœurant ! Je peux te dire que j'avais un peu d'admiration pour toi, malgré tout, mais là, franchement, tu baisses dans mon estime !

— Dès le départ, je me suis opposé à ce qu'on fasse entrer un membre aussi jeune dans notre association. Tout comme je vois d'un mauvais œil le fait que tu ais été mis à la tête de l'E.d.S. de Yellow-sur-Mer. Toute cette histoire va mal finir, je te le dis !

— Il n'y aura pas de nouvel événement fâcheux, c'était un simple accident. Ca aurait pû arriver à n'importe qui, n'importe quand. Mais tu sembles avoir un sacré complexe par rapport à l'âge. Ce que je trouve très immature, d'ailleurs. C'est uniquement parce que je n'ai que vingt-trois ans que tu me penses incapable d'être chef ?

— Ce n'est pas qu'une question d'âge. Michael est à peine plus âgé que toi, mais je sais que je peux lui faire confiance pour gérer le groupe de Boulocity pendant mon absence. Toi, tu n'es pas seulement jeune, tu es aussi profondément immature. C'est d'ailleurs amusant que ce soit un reproche que tu retournes contre moi, alors qu'habituellement, c'est plutôt toi qui le reçois. Et ça, tu le sais très bien !

Mine de rien, le ton montait de plus en plus entre les deux chefs. Brown ne savait plus du tout ce qu'il devait penser de tout cela. Eva était plus indifférente. Après tout, Connor et Enzo ne s'étaient jamais véritablement appréciés. Ils devaient avoir un état d'esprit trop différent, et une sacré tendance à ne pas aimer se faire marcher sur les pieds.

— Je te rappelle que le choix de me nommer chef reposait sur plusieurs personnes qui savaient parfaitement ce qu'elles faisaient ! Si j'ai été nommé, ce n'est peut-être pas pour rien !
ET TOI ! Est-ce que tu peux dire que tu es un chef plus légitime que moi ? Tout le monde sait pourquoi tu as été élu. C'est tout simplement parce que tu étais un très bon dresseur, et parce que tu as fait jouer quelques relations. Comme si posséder quelques badges récoltés dans je ne sais quels régions paumées et être un ami du neveu de la sœur d'un des fondateurs de l'E.d.S., ou je ne sais quelle autre magouille, faisait de toi un bon chef ! D'ailleurs, si tu ne voulais pas te coller un autre mérite que celui qui est réellement le tien, peut-être que tu ne serais pas aussi réticent à accepter un simple petit match, de temps en temps !

— Tu joues les psys maintenant ?

— C'est toi qui fais cette interprétation !

— Ecoutes, mon petit Enzo...

— STOOOP ! ! !

Les deux chefs se turent d'un coup. C'était Brown qui avait crié. Connor, Enzo et Eva tournèrent des yeux ronds vers l'adolescent. Derrière eux, d'autres membres avaient aussi tournés la tête, curieux de voir ce qui se passait.

— Ca ne va plus du tout, là !

Brown fixa alternativement Connor et Enzo, haletant, à la fois par énervement et parce qu'il n'avait pas encore totalement récupéré de sa course. Il y eu quelque secondes de flottement. Alors qu'autour de lui, on commençait à se demander s'il allait reparler, il continua :

— Je crois qu'on s'est mal compris ! Tout d'abord, comment toute cette affaire à commencée ? C'est simple : j'ai eu le malheur de m'intéresser à l'E.d.S. après avoir assisté, ou plutôt vu le résultat, d'une brillante mission sur la route 157, ou des membres avaient sauvés deux enfants de la noyade. Evidemment, n'ayant pas fini mon voyage initiatique, je ne pouvais pas m'inscrire. Peu après, alors que je n'avais rien demandé à personne, par le plus COMPLET des hasards j'insiste, je me suis retrouvé à devoir sauver mes amis d'un groupe de voleurs qui les avaient pris en otage, pratiquement par la force du destin. J'ai eu beaucoup de chance et cette histoire aurait pu très mal tourner. Au final, je n'ai pas vraiment eu de mérite particulier dans tout ça, et si vous aviez étés là, vous l'auriez bien remarqué. Mais visiblement, ça a l'air d'avoir convaincu certaines personnes de faire une exception et de me permettre de m'inscrire ici.

— C'est une initiative qui est venue de Karl, le chef de l'E.d.S. de Verdion-les-Champs, intervint Connor. Dès le départ, je n'étais pas chaud pour cette idée.

— Vraiment ? répondit Enzo, en haussant un sourcil.

— Oui !

— Je m'en fou ! cria Brown. Au début, moi, innocemment, je voyais plutôt les choses d'un bon œil, mais, finalement, je crois que je me suis trompé. Ici, je suis la bête curieuse qui a été exceptionnellement acceptée. Ici, on est en train d'attendre de moi le moindre faux pas qui prouvera que m'avoir inscrit était une mauvaise idée.

— Ca, c'est uniquement l'attente de Connor, le corrigea Enzo. D'ailleurs, je trouve son comportement totalement inacceptable, et, crois-moi, on va en entendre parler à l'E.d.S., tu peux me faire confiance.

— Mais bon sang, poursuivi Brown, ignorant Enzo, c'est censé être une association ici ! Vous êtes bien des bénévoles, et votre but est bien d'aider les autres, non ? Vous croyez que je veux venir ici pour prouver quelque chose et participer à des luttes intestines, qui se déroulent PENDANT une mission urgente ? J'hésitais déjà à revenir, mais cette fois, ma décision et prise : je m'en vais !

Brown tourna les talons, et parti aussi vite qu'il était possible de le faire sans courir, en direction opposée du bâtiment.

— Bon débarras ! marmonna Connor.

Brown n'avait pas entendu, mais Enzo, si. Avant de courir après Brown, il s'adressa, furieux, à Connor :

— Tu fais honte à toute l'E.d.S. ! Crois-moi, je ne manquerais pas d'évoquer cette histoire lors de la réunion de samedi prochain, et tu vas devoir t'expliquer avec tous les autres chefs et avec le président lui-même. Nous verrons ce qu'ils en penseront !

Brown, en vérité, n'avait pas encore tout à fait l'intention de quitter l'E.d.S., mais il trouvait que les chefs, et en particulier Connor, avaient vraiment exagérés, sur le coup. En faisant mine de partir, il verrait bien s'il allait provoquer quelques réactions. Effectivement, il entendit bien vite les pas d'Enzo frappants le pavé derrière lui. Il fit mine de ne se rendre compte de rien, continua à marcher au même rythme, et ne se retourna que quand il sentit le contact de la main du chef sur son épaule.