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Entre infini et au-delà de Cyrlight



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Informations

» Auteur : Cyrlight - Voir le profil
» Créé le 28/03/2013 à 08:33
» Dernière mise à jour le 24/08/2017 à 23:01

» Mots-clés :   Action   Drame   Fantastique   Mythologie   Suspense

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Chapitre 69 : D'un souffle ou d'un cri
« Et si tu devais t'en aller loin de moi
Alors j'attendrai
Un signe de toi »


D'un souffle ou d'un cri - Cléopâtre



L'atmosphère était tendue dans le salon où ils s'étaient rassemblés tous les trois, après que Cassy et Sylvain se furent changés. Sandra préparait du café. Elle les rejoignit, un plateau à la main, et déposa brutalement une tasse sur la table basse, devant chacun d'eux. Quelques gouttes éclaboussèrent la surface en bois.

Assise sur le canapé à côté de Cassy, elle foudroyait sans cesse son cousin du regard, qui faisait mine de ne pas le remarquer. Un silence oppressant régnait dans la pièce, si gênant que les deux adolescents avaient envie de rentrer sous terre et de disparaître. Sylvain jouait avec sa cuillère sans oser lever les yeux et la jeune fille porta le breuvage à ses lèvres.

Elle le regretta aussitôt. Il était beaucoup trop fort, ce qui le rendait imbuvable. Elle aurait dû s'y attendre, puisque c'était Sandra qui l'avait fait. Avec elle, même un verre d'eau du robinet devenait toxique. C'était à se demander comment elle y parvenait. Un Smogogo n'était pas aussi répugnant que toutes les denrées qui passaient entre ses mains.

Sylvain fut plus intelligent. Après avoir passé plusieurs minutes à mélanger le contenu de sa tasse, il la reposa sans avoir avalé une seule goutte. Seul Peter but la sienne et, si le goût épouvantable lui arracha une grimace, il ne fit aucun commentaire. Il n'osait sûrement pas critiquer de crainte de rendre Sandra encore plus maussade.

- Je n'avais jamais prêté attention aux rideaux, commenta le Topdresseur avec l'intention de lancer une conversation, pour mettre un terme au malaise ambiant. J'aime beaucoup les attaches en forme de Minidraco, c'est très original.
- C'est vrai, renchérit Cassy en entrant dans son jeu.
- Sandra a toujours eu un goût certain en matière de décoration, affirma Peter.
- Je suppose que je le tiens de ma mère. C'est elle qui les avait choisis pour la chambre d'amis, celle dans laquelle tu passais tes nuits lorsque ton père partait à l'aventure en te laissant tout seul. Comme quoi, les caninos ne font pas des miaouss. Dans ma branche de la famille, nous avons le style, dans la tienne, vous avez le chic pour abandonner les gens.

Cassy secoua la tête en se tournant vers Sylvain, qui poussa un soupir contrit. Il aurait mieux fait de s'abstenir de parler, même si cela partait d'une bonne attention. Au même moment, l'horloge du salon sonna onze heures. L'adolescente en profita pour sauter sur ses pieds, sa tasse à la main.

- Je vais préparer le déjeuner. Sylvain, tu m'accompagnes ?
- Volontiers. Mieux vaut être deux pour s'assurer de ne rien faire brûler.

L'un comme l'autre, ils étaient pressés de quitter cette pièce dans laquelle ils ne se sentaient pas du tout à leur place. Des étrangers n'avaient rien à faire au milieu de retrouvailles familiales suffisamment houleuses ainsi. Cassy fut la première à franchir le seuil, Sylvain sur ses talons.

- Je ne comprends pas l'attitude de Sandra, déclara-t-il tandis qu'il vidait dans l'évier ce qui était censé être du café. Elle en veut à Peter de ne pas lui rendre visite plus souvent, mais elle se montre encore plus odieuse avec lui qu'avec nous depuis son arrivée.
- Moi, je la comprends. Elle a mal et elle essaye de lui infliger la même douleur pour qu'il en prenne conscience.
- C'est sadique. Ou stupide. Ou les deux.
- Les relations humaines et les sentiments sont loin d'être simples. Tu sais, je pense que les gens que nous aimons sont aussi ceux que nous parvenons à haïr le plus.

Le regard de Cassy s'assombrit. Elle songeait à la colère que lui inspirait Sacha, et Régis lorsqu'il la délaissait pour lui, mais aussi à ses propres parents. Dire qu'elle avait sauté du haut d'une falaise dans l'espoir de les retrouver, alors qu'à présent, elle ne franchirait pas trois mètres pour eux.

- Comment réagirais-tu si une personne dont tu es très proche s'éloignait brusquement de toi ? demanda Cassy.
- Je ne sais pas. Je suppose que je ressentirais de la peine, mais je ne lui en voudrais pas forcément, car je penserais qu'elle a ses raisons. Mes parents ont tous les deux perdu la vie dans un accident, il y a quelques années. Ça m'a appris à relativiser.
- Oh, je... Je suis désolée. Je l'ignorais.

L'adolescente prit soudain conscience que si elle dissimulait soigneusement toutes les informations personnelles la concernant, Sylvain n'avait jamais évoqué sa famille avec elle, lui non plus. Il parlait beaucoup de ses études, des lieux qu'il avait visités, mais pas de tout ce qui le touchait de près.

- Ne t'inquiète pas, j'ai fait mon deuil, depuis le temps. C'est triste, mais c'est ainsi. La vie est faite de hauts et de bas. Après leur mort, j'ai pu compter sur le soutien de mon parrain, qui était le meilleur ami de mon père. Et moi aussi, j'ai un cousin. En fait, je suis un peu dans le même cas de Sandra. Je l'estime comme un frère, mais je ne le vois pas aussi souvent que je le voudrais, parce que j'étudie à Mauville, et lui exerce à Sinnoh. Il travaille beaucoup, d'ailleurs. Les vacances, le repos... Il ne sait pas ce que c'est, mais je l'accepte, parce qu'il est ainsi et pas autrement.
- Je n'avais jamais vu les choses sous cet angle, mais je continue à penser qu'il faut profiter des gens que nous aimons tant que nous le pouvons. Ce n'est pas une fois qu'ils ne seront plus là que nous rattraperons le temps perdu.

Sylvain acquiesça et sortit des assiettes du placard, pendant que Cassy prenait une panière pleine de pommes de terre dans le garde-manger. Elle les fit tremper dans de l'eau bouillante durant quelques minutes, puis les plongea dans un saladier froid. Une fois la peau ramollie, les deux adolescents entreprirent de les éplucher.

Ils avaient à peine commencé lorsqu'ils sursautèrent au son d'une porte qui claqua violemment. Sylvain fit un faux mouvement avec son couteau et se coupa le pouce, souillant de rouge le légume qu'il avait à la main. Des bruits de pas précipités résonnèrent dans le couloir, puis dans les escaliers, tandis qu'il examinait sa blessure.

- Va mettre un pansement, conseilla Cassy. Je vais continuer sans toi.
- Et pour Sandra et Peter, qu'est-ce que...
- Rien. Tu ne fais rien.

Elle était convaincue que c'était la dracologue qui venait de monter précipitamment à l'étage, et elle doutait des compétences de Sylvain pour la réconforter. Si elle-même parvenait à la cerner, ce n'était pas le cas du Topdresseur, comme leur conversation l'avait démontré.

- D'accord, marmonna-t-il. Je reviens tout de suite.

Il ne traîna pas. Il réapparut, le doigt pansé, avant que Cassy ait terminé l'épluchage et il l'aida à finir. Ils coupèrent ensuite les pommes de terre en lamelles et les mirent à dorer au four avec une noisette de beurre.

Le repas fut achevé bien avant midi, mais à la demie, personne n'était encore venu les rejoindre dans la salle à manger, où ils avaient dressé la table. Si les Champions tardaient trop, le déjeuner serait froid et ils pourraient tout aussi bien leur servir de la neige fondue ramassée dehors.

- Bon, s'impatienta Cassy. Va voir dans le salon si Peter est toujours là, et surtout s'il est encore vivant. Je m'occupe de Sandra.

Ils quittèrent la cuisine pour se séparer dans le hall. La jeune fille gravit quatre à quatre les marches jusqu'au palier et franchit d'un bon pas la distance qui la séparait de la porte donnant sur les appartements de la dracologue, qui faisaient presque face aux siens. Une série de pleurs et de hoquets s'échappaient de l'intérieur. Elle toqua un coup, ce qui eut pour effet de les interrompre.

- Fiche le camp ! tonna la voix cassée de Sandra. Tu ne manques à personne, ici, alors retourne d'où tu viens.
- Ce n'est pas votre imbécile de cousin, c'est moi, informa Cassy. Si vous ne descendez pas maintenant, le repas va être froid, et si vous voulez quand même le gaspiller, autant que ce soit en lui lançant votre assiette au visage, non ?

Un rire étranglé se fit entendre, suivi du bruit émis par une personne qui se lève. Quelques secondes plus tard, le loquet fut tiré et le battant pivota sur la Championne, dont les yeux étaient rouges. Par réflexe, Cassy lui tendit le mouchoir qu'elle avait dans sa poche, avec lequel elle essuya ses joues humides.

- Sandra... murmura l'adolescente. Je sais ce que vous ressentez et je comprends votre réaction, mais est-ce que vous ne vous faites pas plus de mal ainsi ?
- Ce qui fait mal, c'est de le voir partir, et revenir des mois plus tard comme si de rien n'était, alors que je n'ai pas reçu un appel, pas une seule lettre entre-temps. La personne dont je suis la plus proche, c'est Clément, du Conseil Quatre. Je ne le vois pas plus souvent que Peter, mais lui, au moins, il sait décrocher un visiophone.
- Que s'est-il passé après que nous avons quitté le salon ?
- La conversation a fini de dégénérer. Tandis que je reprochais son comportement à cet idiot, il a répliqué qu'il n'avait pas l'intention de devenir un « Maître à la carte », comme Cynthia.
- Que... Quel est le rapport avec Cynthia ? bredouilla Cassy, qui avait soudain blêmi. Et qu'est-ce qu'il entend par cette expression ?
- Depuis un an ou deux, elle s'absente régulièrement de l'Élite des Quatre et délègue certaines tâches à ses collègues. Elle en fait toujours beaucoup pour la région, mais tout de même moins qu'avant. Elle a affirmé, dans une interview, qu'elle ressentait le besoin de s'accorder du temps pour penser à elle et à sa famille, sans quoi elle deviendrait folle. Moi, je suis d'accord avec elle, parce que c'est exactement ce que j'attends de Peter, mais ce bourreau de travail considère que c'est indigne de son titre et de ses responsabilités.

Cassy se mordit la lèvre et sentit une bouffée de haine la traverser, qu'elle dirigea contre le dracologue. Comment osait-il blâmer Cynthia alors qu'il ignorait tout de ce dont il parlait ? Elle, elle le savait. Ou, du moins, elle le soupçonnait. La Championne gardait un œil attentif sur Léa et continuait peut-être même à enquêter sur les glyphes dans les différentes bibliothèques de Sinnoh, pour tenter de les comprendre.

La colère se mua vite en culpabilité. C'était tout de même un peu la faute de Cassy si Cynthia était obligée de négliger son poste. Elle avait quitté la région en abandonnant Léa, obligeant la jeune femme à se sentir responsable d'elle et de sa sécurité.

Combien de temps cela durerait-il ? Combien de temps Cassy devrait-elle se cacher pour fuir ses poursuivants ? Combien de temps Léa devrait-elle restée tapie dans l'ombre de Cynthia pour assurer sa protection ?

L'adolescente possédait déjà la réponse à cette question : tout dépendait d'elle. Dès qu'elle serait assez forte, dès qu'elle aurait acquis un niveau suffisant auprès de Sandra, elle cesserait d'être la proie pour devenir le chasseur, et elle éliminerait tous ceux qui n'avaient eu aucun scrupule à en faire de même avec sa famille.

- Tu sais ce qu'est le pire ? demanda Sandra à mi-voix, tandis qu'elles se dirigeaient vers l'escalier, l'interrompant dans ses réflexions.
- Non. Quoi ?
- Ma propre faiblesse. J'ai beau me montrer aussi ignoble que possible, ça ne change rien au fait que j'attends toujours sa venue avec impatience. Je me hais presque autant que lui pour ça, pour être à sa disposition dès qu'il daigne me faire l'honneur de venir. L'année dernière, j'ai annulé mes vacances à Hoenn quand il m'a annoncé qu'il passerait me voir. Je suis pitoyable. Et sûrement masochiste, aussi.

Cassy ne releva pas. Elle se contenta de poser une main sur le bras de la Championne, qui ne le retira pas. Elle ne parut même pas avoir remarqué ce contact physique et se contenta de soupirer, les épaules voutées, le visage abattu.

- Est-il possible d'aimer et de détester quelqu'un en même temps ? s'enquit Sandra.
- Je pense que nos émotions peuvent être parfois paradoxales, oui.

Cassy esquissa un sourire en songeant à Lilith et aux sentiments contradictoires qu'elle lui inspirait, mélange de dégoût et de fascination, de défiance et de confiance, mais aussi à la Championne elle-même, qu'elle avait d'abord haïe et qu'elle admirait désormais, en dépit de son épouvantable caractère.