Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Entre infini et au-delà de Cyrlight



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Cyrlight - Voir le profil
» Créé le 18/03/2013 à 08:48
» Dernière mise à jour le 02/06/2017 à 20:35

» Mots-clés :   Action   Drame   Fantastique   Mythologie   Suspense

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Chapitre 59 : Kill for lies
« In the night I lie awake
so complicated and my soul
it wait its war with self control
I know that now I
I don't understand the games I play »


Kill for lies - Ulrik Munther



À la lumière de sa lampe de chevet, Cassy avalait les pages traitant de Giratina. Si la plupart des informations contenues dans cet ouvrage ne lui apprenaient rien de nouveau, l'auteur avait eu le mérite de se montrer aussi objectif que possible dans ses propos. Il ne présentait pas forcément le Dragon sous un mauvais jour, mais de façon plus nuancée.

L'adolescente apprit ainsi que le calendrier en usage devait son commencement, son an 0, à la première venue de Giratina dans le monde d'en bas. C'était lui qui avait révélé aux Hommes l'existence des dieux et, durant un temps, il avait continué à leur rendre visite, jusqu'à ce qu'il se volatilise, ce qui faisait probablement écho à son bannissement dans le Monde Inversé.

En dépit de cela, il n'en était pas moins décrit comme un traître qui se serait mutiné contre Arceus, ce que Lilith avait démenti lors de leur dernière conversation, arguant que son union avec le maître des dimensions était la seule véritable cause du conflit ayant déchiré les légendaires.

Sa lecture achevée, Cassy referma le livre d'un geste sec et l'abandonna sur sa table de nuit, avant d'éteindre la lumière. Elle tira sa couverture jusqu'à ses épaules, installa confortablement son oreiller et, épuisée car il était plus de deux heures du matin, ferma les yeux.

Elle les rouvrit sur un épais nuage brumeux qui l'enveloppait entièrement. Peut-être était-ce dû à sa lecture, mais Cassy avait le pressentiment, avant même de s'endormir, qu'elle se retrouverait ici, dans les limbes. Lilith n'avait pas l'intention de la laisser tranquille ; elle voulait avoir le dernier mot, comme toujours.

- T'es-tu enfin calmée, petite insolente ? demanda la Première en émergeant du brouillard et des ténèbres.
- Qu'est-ce que ça peut vous faire ?
- Je constate que non.

L'une comme l'autre, elles se bravèrent du regard, les sourcils froncés, les mâchoires serrées. Aucune ne voulait être celle qui baisserait les yeux en premier. Elles s'observèrent ainsi pendant plus d'une minute, jusqu'à ce que les babines de Lilith se retroussent pour former un sourire.

- Et réfléchir ? s'enquit-elle. As-tu eu le temps de le faire ?
- À propos de quoi ?
- De tout. D'Arceus, de Giratina... De moi. As-tu pris suffisamment de recul pour te faire un avis sur la situation ou es-tu encore trop enracinée dans tes vieilles croyances ?
- Je... J'aime mieux ne pas y penser. En revanche...
- Oui ? insista Lilith, qui semblait prête à tirer les paroles de la gorge de Cassy pour la pousser à s'exprimer plus vite.
- Vous aviez raison.
- J'ai toujours raison. À quel sujet ?
- Moi. Sandra a dit la même chose que vous, qu'il fallait que je devienne un dragon. J'en suis donc arrivée à penser que, en dépit de tous vos défauts et du dégoût manifeste que vous m'inspirez, vos conseils ne sont pas si mauvais que ça.
- Ils sont même très bons, il n'appartient qu'à toi de le voir. Tu es jeune, Cassy, et malgré les épreuves que tu as déjà traversées, tu es loin d'avoir découvert toute la cruauté que la vie nous réserve. J'ai des siècles d'existence de plus que toi, je sais donc de quoi je parle.
- Ça ne change rien au fait que...
- Que quoi ? Qu'à tes yeux, je suis une démone ? Tu as été élevée dans une conviction erronée de ce que sont le bien et le mal. Je suis loin d'être une sainte, mais c'est le cas de chacun d'entre nous. Aucun n'est blanc comme neige, nous avons tous notre part d'ombre. La seule différence, c'est qu'Arceus, lui, n'a jamais payé pour ses fautes.
- Je ne comprends toujours pas pourquoi je me retrouve impliquée dans cette histoire, marmonna Cassy. Quel est le rapport avec moi ? Être mêlée aux querelles du Créateur est bien la dernière chose que je souhaite. Qu'est-ce que je suis censée faire ?
- Ce que nous avons convenu. Quoi qu'il puisse se passer à l'avenir, effectuer ton apprentissage à Ébènelle ne sera pas vain. C'est ce dont tu as besoin pour survivre, car je ne pourrai pas te sauver la vie à chaque fois. Si tu as pu t'échapper au Bourg-Palette, c'est autant grâce à moi que grâce à la chance, mais elle ne te sourira pas toujours.
- Et si... Et si, en essayant de devenir un dragon, je me perds en chemin ?

Lilith jaugea l'adolescente du regard, avant d'esquisser un sourire. Il avait perdu sa félinité et, pour la première fois, Cassy crut voir passer dans ses yeux un éclat de douceur et de compassion. Il disparut néanmoins aussi vite qu'il s'était manifesté.

- Toi et moi, nous nous ressemblons bien plus que tu veux le croire, avoua la femme. J'étais comme toi, au début. Je faisais confiance à Arceus et j'étais convaincue qu'il avait de l'affection pour moi, mais un jour, tout a basculé. Je me suis retrouvée toute seule, et Giratina a été là. Je me suis raccrochée à lui, tout comme tu t'es raccrochée à ton ami Régis. Quand Arceus l'a appris, il m'a exilée dans ton monde, un monde dur et inhospitalier pour moi, l'humaine d'en haut. Si je n'avais pas eu la volonté de retrouver mon mari à n'importe quel prix, j'aurais sûrement baissé les bras à maintes reprises. Ce qui compte, dans la vie, au-delà du bien et du mal, c'est la motivation qui nous pousse à agir. Toi et moi, nous sommes toutes les deux portées par la vengeance. Nous voulons prendre notre revanche sur ceux qui ont brisé notre existence.

Cassy prit une profonde inspiration. Bien qu'elle désapprouve toujours une partie de ce qu'était Lilith, elle commençait à la voir sous un autre angle. Un peu plus... humaine, en quelque sorte. Cela lui coûtait de l'admettre, mais elle venait encore de viser juste en établissant ce parallèle entre elles.

- Et si je renonce ? demanda la jeune fille. Si je refuse de m'impliquer dans cette histoire ?
- Renoncer ? Tu as déjà essayé, Cassy. Et si tu as replongé, ce n'est pas parce que tes ennemis t'ont retrouvée, mais parce que tu t'es aperçue que tu n'étais pas à ta place, au Bourg-Palette. Tu m'as dit il y a un instant que tu avais peur de te perdre, mais t'es-tu jamais trouvée ?

L'adolescente frissonna lorsque Lilith saisit son poignet et retroussa la manche de la chemise qu'elle portait pour dévoiler son glyphe. Du bout de ses ongles acérés, elle le caressa.

- Tu as été marquée, Cassy. Ton destin est tracé d'avance et tu ne peux y échapper. Il finira toujours par te rattraper.

L'intéressée ouvrit la bouche, sans qu'aucun son n'en sorte. Elle avait déjà tenté d'interroger Lilith à ce sujet, mais cette dernière avait refusé de répondre à ses questions, indiquant qu'elle n'était pas encore de taille à entendre la vérité. Pour s'en montrer digne, Cassy devrait s'affermir.

- Nous ne nous verrons plus avant un moment, lâcha soudain la Première. Voilà qui devrait te réjouir, non ?
- Certes, mais pourquoi ? Parce que vous n'avez plus rien à me dire ?
- Non. Parce que ton organisme commence à lutter contre le poison qui coule dans tes veines.
- Je vous demande pardon ? s'exclama Cassy.
- Il y a deux ans, lorsque tu te trouvais aux Colonnes Lances, mon Séviper t'a mordue. C'est grâce à son venin, légèrement modifié par Darkrai, que je peux pénétrer tes rêves et te parler. Il établit une sorte de lien entre ton esprit et le Monde Inversé.
- S'il se dissipe, pourquoi ai-je été souffrante, la nuit précédente ?
- Justement parce que ton corps résiste à ses effets. Je n’avais encore jamais testé ce poison sur un humain et je ne pensais pas qu'il durerait aussi longtemps. Tu vas encore te sentir très mal, quand tu vas revenir à toi, or tu vas avoir besoin de toutes tes forces pour ton entraînement. C'est pourquoi je ne peux pas continuer à t'attirer ici.
- Je...

Cassy n'eut pas l'occasion de poursuivre sa phrase, car les contours de Lilith étaient déjà en train de devenir flous. Elle oublia d'ailleurs ce qu'elle voulait dire tandis qu'elle sentait une force occulte l'arracher aux limbes pour le ramener dans son corps.

Elle cligna faiblement des paupières. Allongée sur son lit, le visage orienté vers le plafond, elle avait l'impression que tous ses muscles étaient ankylosés, ce qui ne les empêchait pas de trembler. Elle attendit que cette sensation s'estompe un peu pour se lever. Les jambes flageolantes, son équilibre était précaire.

Elle prit appui sur les murs et sur le mobilier pour s'aider à tenir debout jusqu'à la salle de bain, où elle se désaltéra au robinet. Elle se passa ensuite de l'eau sur le visage et cela lui fit tant de bien qu'elle décida de prendre une douche, bien qu'il soit cinq heures du matin. En plus de la tonifier, le jet la débarrassa de la sueur qui rendait sa peau moite et collante.

Emmitouflée dans son peignoir, Cassy regagna son lit, mais ne se recoucha pas tout de suite. Elle était encore secouée, nauséeuse, et n'avait plus sommeil. Elle cala son crâne dans le creux de sa main. Ses cheveux à la fausse couleur rousse étaient humides, en raison de l'eau qui les avait éclaboussés.

Elle jugea utile de s'accorder un moment pour réfléchir et faire le point sur la situation, sans quoi elle avait le sentiment que sa tête risquait d'exploser. Elle était loin de tout savoir et, pour l'heure, Lilith ne voulait rien lui révéler, mais elle pouvait toujours établir de nouvelles déductions, comme elle le faisait autrefois.

Tous ces éléments étaient forcément liés, même si elle ignorait de quelle façon. Elle était persuadée que ce n'était pas un hasard si Éric avait mené des recherches sur les Gijinkas. La reine des Succubes et des Incubes lui était-elle apparue en rêve, à lui aussi ? Cassy se mordit la lèvre, s'en voulant de ne pas avoir songé à poser la question à Lilith. Ne le lui aurait-elle toutefois pas dit, si cela avait été le cas ?

Toujours était-il qu'Éric enquêtait à ce propos avant sa disparition et celle de leurs parents. Là encore, y avait-il un rapport ? Se pouvait-il que ce soit pour cette raison que des gens s'en soient pris à leur famille ? Comment auraient-ils pu savoir ce sur quoi l'adolescent travaillait, cependant ?

Cassy ne se souvenait pas très bien des notes de son frère, qu'Émilien avait partiellement déchiffrées des mois plus tôt et qu'elle avait brûlées à son retour de Sinnoh, mais elle se remémorait certains détails, qui prenaient désormais tout leur sens. La première humaine, Giratina et le Monde Inversé, les Gijinkas... Éric connaissait la vérité à leur sujet.

Restaient les glyphes. Dix-sept types de pokémon. Dix-sept symboles, que son aîné avait représentés. Pour le moment, Cassy n'en avait croisé que quatre. Le sien, naturellement, mais aussi ceux de Lilith, Sven et Léa. La Première venait à l'instant de lui affirmer qu'elle ne pouvait plus échapper à son destin. En allait-il de même pour eux ?

Dans ce cas, à quelle destinée étaient-ils promis ? Lilith semblait redoutable et Sven paraissait avoir plus d'un tour dans son sac, mais Léa... Elle n'était rien de plus qu'une petite fille fragile et innocente. Cassy frissonna à la pensée de toutes les horreurs qui pouvaient la guetter. Elle espérait que Cynthia gardait encore un œil sur elle, même après tout ce temps, et surtout qu'elle saurait la protéger en cas de nécessité.

Tandis qu'elle se rallongeait, le regard de l'adolescente se posa sur la pile de feuilles abandonnée sur son bureau. C'était le dossier que Sandra lui avait réclamé et qu'elle avait pu finir dans les temps, au prix d'un travail acharné et fastidieux qui n'était probablement qu'un avant-goût de ce qu'elle aurait à endurer à l'Arène.

Malgré cela, Cassy esquissa un sourire. À défaut de comprendre ce qui l'entourait, elle avait un objectif, celui de s'affirmer en tant que dragon. Qui sait ? Peut-être que tout lui paraîtrait plus clair lorsqu'elle l'aurait accompli. Rassérénée par cette pensée, elle parvint à se rendormir, profitant du peu de temps qu'il lui restait.