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A l'aube du pouvoir (T.1) de Raishini



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Informations

» Auteur : Raishini - Voir le profil
» Créé le 13/03/2013 à 20:21
» Dernière mise à jour le 16/11/2013 à 14:46

» Mots-clés :   Fantastique   Hoenn   Présence de poké-humains   Sinnoh

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Chapitre 28 : Complots
Le temps que le nuage de fumée occasionné se dissipe et que les esprits recouvrent tous leurs sens, une heure entière s'écoula. L'atmosphère avait quelque chose de déphasée, comme si Célestia se retrouvait déconnectée du reste du monde après un tel chaos. Du moins les spectres d'Orion et Dynamo continuèrent à flotter au-dessus des têtes, comme prêts à frapper. Personne n'était vraiment sûr qu'ils soient morts et Jérémie comprenait cette incertitude. Lui-même avait un doute en travers de la gorge.

S'il y avait également une chose dont le garçon ne cessait de s'étonner, c'est évidemment la montée soudaine du pouvoir de Mathilde. Certainement la colère y était-elle pour quelque chose, comme lorsque lui-même avait réussi à sauver Cyril après s'être énervé contre Ayashi. Il n'en restait pas moins que le pouvoir de la jeune fille l'avait ébranlé, tant par sa puissance que par son caractère imprévisible et changeant.

En revanche cette épreuve avait eu l'avantage de renouer les liens entre lui et Mathilde. Désormais elle ne l'ignorait plus et accepta même d'aborder le sujet de discussion qui avait été la cause de leur rupture momentanée : Tobias.

- Alors, tu veux vraiment savoir ? répéta Mathilde pour la cinquième fois.

- Puisque je te le dis, répondit Jérémie. Il faut que tu te confies, garder ça ne pourra que te faire plus de mal encore. Et crois-moi, j'en sais quelque chose.

Le garçon n'était pas prêt d'oublier la tension qui pesait sur ses épaules lorsqu'il taisait la mort de Cyril. Il ne souhaitait à personne de l'éprouver si peu que ce fût.

- Dans ce cas, autant y aller, dit Mathilde en soufflant nerveusement.

Elle gardait des séquelles de son combat avec Dynamo, mais dans l'ensemble elle demeurait en pleine forme. Jérémie avait de nombreuses courbatures. Hormis cela, il s'en tirait également à très bon compte. En l'instant, Mathilde paraissait toutefois blessée intérieurement. Ce fut d'une voix au timbre inégal qu'elle entama son récit :

- Tout a commencé en 1998, alors que mon père était depuis longtemps disparu. Il y a eu des rumeurs comme quoi il avait échappé aux griffes du Gouvernement et serait retourné faire des expériences en se cachant à Hoenn. Des choses terrifiantes ont commencé à circuler à son sujet. A en croire les journaux, mon père se livrait à des expériences étranges visant la génétique humaine et Pokémon. Et pour ça, il n'aurait pas hésité à se procurer des cobayes grâce aux hommes qu'il recrutait. D'ailleurs, il s'est avéré que Dynamo en faisait partie.

" Bientôt, mon père a eu toutes les forces de Hoenn et Sinnoh aux trousses. Et un soir, le 18 Mai 1999, il s'est rendu à Cimetronelle, dans notre ancienne maison. Il voulait que l'on vienne avec lui et agissait bizarrement. C'est là que Hyde et ses hommes ont débarqué. Acculé, mon père a tué plusieurs policiers devant mes yeux et s'est ensuite servi de moi comme otage. J'ai bien cru qu'il me tuerait aussi... car il était radicalement différent. "

La jeune fille acheva le récit sur une note maussade. Pour sa part, Jérémie amorça un geste vers elle puis se ravisa, hésitant à la serrer contre lui. Mathilde dut le remarquer car elle l'attira à elle pour se blottir contre son épaule et déclara :

- Merci, ça me fait du bien de l'avoir dit à quelqu'un. Tu ne peux pas savoir comme ton amitié m'est précieuse. Sans toi, je crois bien que je serais devenue folle. Maintenant à toi de faire le premier pas ! ajouta-t-elle en lui lançant un regard rusé. Va voir Olivia !

Sans doute faisait-elle une énième référence au lien qui l'unissait à la vieille dame. Jérémie s'étonnait encore de n'avoir rien dit : malgré ce qu'elle venait d'apprendre sur eux, Olivia s'était montrée très réceptive envers leur cause et s'était rangée à leur avis. Décidément, Cyril l'aurait trouvée " super cool, la mamie ".

Après ce que la ville avait vu et subi, Jérémie et Mathilde étaient unanimement acceptés. Mais les adolescents ne comptaient pas rester longtemps. A priori la menace des Orokami n'était pas définitivement écartée et ils se devaient de la prendre au compte. De plus, ils étaient attendus chez Hyde.

Encouragé par Mathilde, Jérémie rejoignit Olivia chez elle sous prétexte de récupérer ses effets personnels.

- Désolé du dérangement, mais il faudrait pas que j'oublie mes affaires, prétendit-il d'une voix déformée.

Face à cette petite femme, il se trouvait en position d'infériorité ; un étrange coup du sort s'il en est. Olivia agita une main désinvolte :

- Pas de problème, je comprends que tu soies obligé de ne pas rester fixe. C'est normal quand on est en cavale après tout ! Enfin, nous donnerons nos impressions au Gouvernement. Même si j'ai peu d'espoir que ces têtes de cochons changent d'avis en ce qui vous concerne, ce sera un début. Tiens Jérémie.

Elle lui tendit ses vêtements en parfait état. Les coutures ne se voyaient même pas, comme s'ils étaient neufs. Ému plus qu'il ne le laissa paraître, Jérémie la remercia et l'embrassa poliment sur la joue avant d'ajouter sur un ton hésitant :

- Au fait... je dois vous dire...

- Quoi ? fit Olivia en gloussant. Que tu es mon petit-fils ? Mais ça, je le savais déjà.

Jérémie la regarda sans comprendre. Pour une surprise, c'en était une !

- C'est ce qui arrive quand on laisse traîner un médaillon avec photo de famille, expliqua-t-elle en lui remettant son pendentif orné d'un saphir. J'ai reconnu Hélia au premier coup d'œil. Impossible de le confondre avec un autre. Et puis je l'ai pressenti dès que je t'ai vu, tu es son portrait craché... Jérémie Marchal.

Pendant quelques secondes encore, le garçon dévisagea sa grand-mère d'un air ahuri. Désireuse de ne pas interférer, Mathilde s'éclipsa.

- Quant à moi je suis Olivia Rose Marchal. J'ai un certificat pour te le prouver si tu as encore des doutes.

En aucun cas le besoin ne se fit sentir. Jérémie enserra sa grand-mère avec une petite larme et assura :

- Quand tout ça sera fini, je viendrai avec papa, je te le promets.

- Je n'en doute pas. Le savoir bien portant est déjà une victoire pour moi. Et au moins tu m'auras déjà présenté ta fiancée, ajouta Olivia d'un ton taquin.

Olivia était prompte à plaisanter dès que l'occasion se présentait et Jérémie apprécia cela, même s'il se sentit rougir.

- Allez file petit sacripant, reprit la femme en chassant son petit-fils d'un geste impérieux. Tu ne vas pas t'éterniser ici alors que tu as tant de choses à faire !

Approuvant avec une tristesse teintée d'euphorie, Jérémie fit volte-face et partit après un dernier salut enthousiaste. Finalement il n'avait pas perdu aux changes en se rendant à Célestia, bien au contraire.

Jérémie endossa fermement son sac et rejoignit Mathilde qui guettait son retour à la sortie Ouest de la ville. Ils avaient fait le plein de vivres et repris leurs forces sans problème. Ce fut donc d'assez bonne humeur qu'ils prirent la route.

Durant le trajet, Jérémie exposa à Mathilde sa thèse pour esquiver les rangs adverses. Mais la jeune fille émit un large bémol :

- N'oublie pas que je ne contrôle pas bien mes pouvoirs, je pourrais te faire tomber comme ça, tout d'un coup. Et puisque je n'ai pas envie d'avoir de la bouillie comme compagnon de route, c'est non.

Jérémie dut admettre qu'elle avait raison et n'insista pas. Résigné à marcher, il accéléra le pas. Ils atteignirent la première moitié de la route en une demi-heure et firent halte pour boire à l'abri d'un rocher en surplomb. Malgré la monotonie du paysage comme de leur marche, Jérémie était ravi de partager ces moments avec Mathilde. Après avoir cru ne jamais la revoir vivante, c'était un bonheur simple et plus qu'appréciable.

La jeune fille semblait également y prendre plaisir et alimenta de larges discussions avec Jérémie pendant leur périple, lui racontant des anecdotes diverses qu'elle avait surpris depuis le retour au calme à Célestia. Patient et intéressé à la fois, Jérémie répliquait aussitôt pour donner le change. De manière générale, il ressortait un profond chaos des informations que Mathilde lui divulguait. Chose qui ne l'étonna pas.

Il apprit notamment qu'un système de radar était en passe d'être lancé pour détecter l'énergie des Pokéman et la quantifier, mais aussi que des émeutes avaient éclaté dans certaines villes comme Voilaroc ou Joliberges. Fait plus intriguant encore, des hordes de pillards avaient commencé à sévir un peu partout, profitant de la confusion générale pour ravir leurs biens aux habitants déboussolés. Face à cela, la police à présent appuyée par les Orokami ne pouvait rien faire si ce n'est s'apitoyer du sort de la région. Globalement la situation était un vrai capharnaüm, conclut Jérémie avec amertume.

Sa colère atteignit son paroxysme lorsqu'il contempla la liste d'avis de recherches que Mathilde lui tendit. Un voisin d'Olivia venait de les recevoir par fax et ils n'étaient guère réjouissants. Tobias et Dynamo caracolaient en tête d'affiche avec des primes respectives de cinq millions de PokéDollars chacun. Matthias, Elvyre, Salomon, Maël et Orion avoisinaient désormais les quatre millions avec Cyril, preuve que personne n'avait découvert le corps de ce dernier.

- Mention spéciale à Xavier Solrei, alias Orion ou le " Faucheur d'Ébène ", pour avoir réduit la forêt de Vestigion en compost géant, lut Jérémie d'un air dégoûté. Et quant à Cyril, ils peuvent toujours chercher. Ils seront bien étonnés de voir que j'ai son pouvoir !

Mathilde hocha sombrement la tête en jouant à distance avec un caillou qu'elle soulevait par rafales successives.

Jérémie l'observa jouer un instant puis reprit sa lecture en redoutant le pire. Enfin, il trouva les avis qui l'intéressaient. Lui-même, Naïa et Ratchet étaient associés à une prime d'un peu plus de trois millions. Quant à Ariane, elle n'était pas encore recherchée, certainement car elle n'avait rien fait de répréhensible aux yeux des autorités. Du moins pas encore.

Avec des gestes agacés, il fourra les avis dans le sac de Mathilde. Qu'on les recherche malgré tout l'ulcérait. Comme s'ils n'avaient pas suffisamment de problème avec les Pokéman rivaux !

- Au moins on sait qu'Orion a le type Spectre, marmonna-t-il furieusement. Et vu que toi tu as le type Vol, il n'en reste plus beaucoup à distribuer. Mais je me demande pourquoi ces abrutis ne détaillent pas les capacités de chacun... Pourtant ils doivent bien les avoir vus à l'œuvre pour leur fixer une prime !

- Je suis complètement d'accord avec toi, approuva Mathilde. Mais regarde, personne n'a vraiment eu le temps d'être sûr que j'étais à l'origine des tempêtes, ajouta-t-elle d'un air docte. J'ai repoussé tous les policiers qui sont apparus à Célestia avant qu'ils puissent m'identifier. Quelqu'un devait savoir en partie la composition du groupe qui a assisté à la cérémonie, je ne vois que ça.

- Tu réfléchis trop, dit Jérémie en souriant. Ça ne peut pas être aussi tordu que ça. Des témoins ont du te voir entourée par le vent et déduire que tu le manipulais, tout simplement.

- Si les choses étaient si simples, souffla Mathilde avec morosité. Mais je sens qu'il y a un traque-nard derrière tout ça. Les Pokéman étaient censés rester un souvenir. Hyde a tout fait pour ça et, bizarrement, il se fait kidnapper par son frère assez facilement. Pourtant il est Inspecteur en Chef, ce qui laisse supposer qu'il réside presque continuellement à Orowind, la forteresse la mieux gardée au monde, ou au pire qu'il est sous bonne garde. Et puis les Plaques ont été récupérées alors qu'elles avaient été confiées à des hommes de confiance.

Interloqué, Jérémie leva un index réprobateur en ouvrant la bouche, mais Mathilde le coupa dans son élan :

- Une dernière chose : les hommes que mon père avait rassemblés autour de lui durant sa période de scientifique fou ont étrangement échappé aux autorités. Ces mêmes personnes qui ont participé à la cérémonie... Tu ne trouves pas ça bizarre toi ?

- Tu insinues quoi par là ? ironisa Jérémie d'un ton incrédule. Qu'on a " aidé " ton père à mener la cérémonie ?

- Exactement.

Malgré son scepticisme, Jérémie ne sut opposer des arguments. L'hypothèse de Mathilde était tout à fait plausible, même si elle paraissait tirée par les cheveux. Il y eut un silence pesant tandis que le duo sillonnait entre des coudes délimités par la montagne proche.

- Tu oublies qu'ils ont voulu exécuter Cyril, objecta Jérémie après une longue réflexion. Si on voulait " aider " les Pokéman, on aurait empêché ça. Or, c'est moi qui m'en suis chargé in-extremis, et je doute que l'on ait deviné exactement ce que je comptais faire.

- Oh, mais peut-être n'ont-ils pas forcément besoin de nous vivants, remarqua Mathilde d'un ton lugubre. Nos corps pourraient éventuellement suffire. Nous avoir en vie leur convenait, mais pas nécessairement. Si nous mourrions, tant pis pour nous, rien de plus. Peut-être qu'ils voulaient nous expérimenter en tant que cobayes ou un truc dans le genre. Mais au final ils ne semblent pas le vouloir forcément.

- Et tu sais que tu es glauque, parfois ? dit Jérémie, patraque. Si je résume le fond de ta pensée, des gens tirent les ficelles dans l'ombre pour donner des pouvoirs à des humains, puis veulent s'emparer d'eux pour faire des expériences ?

- Plus ou moins. Et ça expliquerait aussi pourquoi la plupart d'entre vous ont été capturés immédiatement après la cérémonie. Tu ne t'es jamais demandé comment ça se faisait ?

- Oui, c'est vrai... Mais dans ce cas, pourquoi je n'ai pas été enfermé mieux que ça à Orowind ? remarqua Jérémie. Et puis je n'étais pas le seul, tous les autres se sont enfuis. Alors ?

Pour une fois, Mathilde parut dubitative. Elle finit par répondre d'un ton hésitant :

- Je pense que les comploteurs n'ont pas donné de détails aux membres d'Orowind. Ils ont dû leur annoncer que des criminels ordinaires seraient en pleine nature et qu'ils devaient envoyer des brigades pour les arrêter. De plus, je te signale que tous les compagnons de Tobias étaient déjà recherchés avant ça. En tout cas, peut-être que les comploteurs voulaient observer les Pokéman à l'œuvre, comme dans un jeu géant, et que c'est pour ça qu'ils n'ont rien dit de nos pouvoirs.

- Tu veux dire qu'Orowind aurait été livrée en pâture pour une simple expérience en plein air ? constata Jérémie, effaré.

- Oui, comme ça les personnes impliquées dans ce projet auraient pu noter des détails qu'elles ne pouvaient pas deviner en se contentant de nous tuer ou en nous enfermant avec des mesures ultra-sécurisées. En nous donnant l'impression d'être libres, ces personnes nous ont poussés à dévoiler nos facettes cachées, chose que nous n'aurions pas faite en étant prisonniers.

- Et Ratchet ? Et Cyril ? Ils ont été très biens enfermés, souleva Jérémie.

Mathilde se tourna vers lui d'un air contrarié, comme si elle jugeait sa répartie très malvenue. Enfin, elle leva l'index et s'expliqua :

- Je te l'ai dit, Orowind était certainement maintenue dans l'ignorance au sujet du plan et donc des pouvoirs. Du coup, les autorités ont observé Ratchet et Cyril avec des pouvoirs étranges et les ont enfermés en conséquence. Quant aux autres Pokéman, vu qu'ils n'avaient certainement pas montré leurs pouvoirs, on les a jetés dans une cellule ordinaire.

Cet exposé convaincant laissa Jérémie perplexe. Si Mathilde avait raison, la situation était encore plus grave qu'il ne l'imaginait aux premiers abords...

- Maintenant que les comploteurs ont eu ce qu'il voulait en terme d'analyse, ils jettent toutes les autorités sur nous, acheva Mathilde avec dédain. Ou peut-être qu'ils jouent au chat et à la souris.

- Reste maintenant à savoir qui sont ces comploteurs. Qui donc est assez puissant pour planifier un truc d'une telle envergure ? Un truc que même Orowind ne pourrait pas soupçonner ? Personnellement, à part le Gouvernement, je ne vois pas...

En pleine marche, Mathilde s'arrêta et Jérémie parcourut plusieurs mètres avant de le remarquer. Il la rejoignit sans comprendre et l'interrogea du regard.

- Mince, c'est évident, pourquoi je n'y ai pas pensé avant ? dit-elle en se tapant le front, surexcitée. Jérémie tu es génial !

- Quoi ? croassa le garçon en se demandant pour quelle raison il devait se réjouir.

- Mais tu viens de le dire !

Mathilde sauta sur place avec frénésie et exprima son raisonnement :

- Le Gouvernement ! Seul lui aurait pu organiser ce plan ! Il est l'autorité suprême, celle à laquelle Orowind et les G-Man doivent obéir ! Il serait donc facile à quelqu'un du Gouvernement de manipuler les autorités pour parvenir à ses fins !

Et le déclic se fit. En l'espace d'une seconde, Jérémie entrevit tout ce que la jeune fille suggérait à travers ses suppositions. A son tour, il entama une sorte de farandole avec Mathilde, convaincu d'être sur la bonne piste.

- En plus, il paraît que le Gouvernement va intervenir sous peu, informa son amie. Ce qui est assez logique : maintenant que nous avons joué à leur petite expérience, ils veulent abréger la course-poursuite au plus vite !

- C'est tout vu, nous irons rendre une visite au Gouvernement puisque c'est comme ça ! assura Jérémie d'un air rusé. Ce sera l'arroseur arrosé : Après notre entraînement, nous leur montrerons de quel bois on se chauffe !

Le sourire de Mathilde sembla glisser de ses lèvres tandis qu'elle s'immobilisait.

- Il y a juste un problème... dit-elle.

- Quoi donc ?

- Nous ne savons pas où est établi le Gouvernement et encore moins comment s'y rendre.

Cette fois-ci, Jérémie trouva matière à positiver malgré le pessimisme de Mathilde.

- Et si je te disais que Hyde pourrait nous aider ? souffla-t-il. Il a dit qu'il nous aiderait à trouver nos Pokémon. Et devine où ils sont ? ... au Gouvernement !

Le garçon fut heureux de constater que Mathilde souriait de nouveau. Visiblement, tout espoir n'était pas perdu. Son amie l'attrapa par le bras et le tira en avant. D'une voix enjouée, elle rajouta :

- Dans ce cas, qu'attendons-nous ? Tous chez Hyde !



Les rideaux de velours rouge s'agitèrent tandis que deux hommes à la robuste carrure s'invitaient dans la petite pièce calfeutrée. Des encens répandaient un parfum capiteux entre les poufs rebondis et les étagères bordées de bibelots au style douteux. Des fauteuils en chintz s'alignaient autour d'une table basse disposée au centre de la salle. Enfin, un tapis aux motifs horribles recouvrait le sol.

- Alors c'est ça ta piaule provisoire Maël ? beugla Dynamo en jetant un regard critique autour de lui. On dirait une ancienne cachette de junkie retapée en salon de thé à l'ancienne ! Une vraie maison de vieille !

Il tâtonna le revêtement du tapis et afficha une expression de mépris.

- Ferme-la un peu et viens t'asseoir pauvre mijaurée, lui répondit Maël d'une voix calme sous son habituelle cagoule noire.

- J'avoue que c'est limite kitsch, remarqua Orion en se tournant vers leur hôte. Mais je vais pas faire le difficile alors que je pourrais crécher dehors.

- Voilà un bon état d'esprit, assura une femme aux cheveux mi-longs et bouclés d'un noir intense. Faut arrêter de râler alors qu'on peut se la couler douce, pas vrai Matthias ?

Elle tapota l'anneau en forme de crochet de serpent qu'elle portait à l'oreille et sourit d'un air goguenard en se tournant vers son voisin. Avec son rouge à lèvres couleur cassis, son regard de faucon au bleu acier et son expression vicieuse, elle était plutôt insolite. Cet aspect se trouvait renforcé par les collants rayés et rapiécés qu'elle portait par-dessus un paréo et un bustier, tous deux noirs.

- J'approuve Elvyre, ajouta le dénommé Matthias en hochant une tête aux cheveux blonds et sales.

- Je suis ta grande sœurette, donc c'est normal, répliqua Elvyre en tirant la langue. Ma parole a foi de loi pour toi.

La femme adopta une position la plus confortable possible et bâilla ostensiblement pendant que Dynamo s'insurgeait en ouvrant la bouche.

- Tu ferais mieux de te taire Matthias, quand on sait que tu te contentes bien souvent des poubelles, rétorqua-t-il avec une ironie mordante.

Sans doute pris de court, le concerné balaya la pièce d'un regard fuyant et finit par ajouter d'un ton cinglant :

- Vous vous êtes pas fait voir en venant ici, au moins ?

- Non, contrairement à toi on sait ce qu'on fait Matthias. Orion n'est pas un homme-spectre pour rien.

Le petit homme se trémoussa sur son fauteuil, mal à l'aise. Il avait l'air singulièrement misérable et répugnant, comme un rat malodorant pris au piège. S'il était apparemment furieux, il ne repartit pas à l'attaque et s'enferma dans un silence boudeur.

- Au moins je ne me suis pas pris une raclée par une gamine, moi ! lâcha-t-il finalement d'une petite voix.

- Ah bon, dois-je te rappeler ce que la petite Ariane t'as donné comme leçon ? s'esclaffa Dynamo tout en se renfrognant juste après. Et puis si tu n'es pas content, on a qu'à se battre !

- Allons, la voie de la violence ne mène que rarement à la réussite, déclara Salomon d'un ton mystérieux. Inutile d'en venir aux mains, ce n'est qu'une preuve de faiblesse intellectuelle.

Matthias et Dynamo, qui se lançaient un regard hostile, tournèrent la tête vers le colosse noir et cessèrent de se chamailler à distance. Une lueur de raison semblait les éclairer. Enfin, Orion et Dynamo prirent place dans les fauteuils vides.

- Purée, l'a pas changé d'un poil notre paroissien, commenta le deuxième en gloussant. OK, je m'incline devant ta divine parole. Mais que le mendiant se taise à l'avenir ou je me fâche.

En face Matthias le toisa à nouveau, mais il s'abstint de la moindre réplique. Maël prit une longue inspiration, joignit les mains en accent circonflexe et déclara :

- Nous ne somme pas là pour nous donner querelle, est-ce bien clair ?

Une lueur froide ourlait ses yeux d'émeraude et, bien que ceux-ci soient la seule partie visible de son visage, les autres approuvèrent. Apparemment, il n'avait pas besoin d'autre expression que celle de son regard pour imposer le respect.

- Merci bien pour cette intervention pleine de bon sens, reprit Salomon en scrutant le plafond d'un air absent. Maintenant, aurais-tu l'amabilité de leur expliquer pourquoi ils ont reçu ce message télépathique ?

- J'y viens, assura Maël en se rapprochant encore plus de la table basse. Tout d'abord, si j'ai trouvé ce repaire à Féli-Cité, ce n'est pas pour rien. Aussi déplaisant soit-il, ajouta l'homme en observant Dynamo renifler avec dédain. La ville est grande, c'est certainement le coin le plus difficile à repérer. Par ailleurs, la route au nord nous permettra de nous entraîner sans trop de problèmes ; les cachettes n'y manquent pas.

Un silence pesant s'était installé, et tous avaient les yeux rivés sur Maël. On aurait entendu les mouches voler. Voyant que personne n'avait rien à déclarer, Maël poursuivit :

- Pour en revenir au message d'appel, j'ai forcé Naïa à vous le transmettre pour que nous soyons tous réunis. Murdoch, Ursule et Orlando étant morts, nos forces sont affaiblies. Notre groupe d'origine, suite à ces pertes et la trahison de Tobias, est considérablement diminué. Et face à nous, l'opposition est toujours plus grande. Par conséquent, je vous propose de nous allier pour abattre le Gouvernement.

Sa suggestion fut accueillie par un flot d'acquiescements enthousiastes. Même Salomon approuva silencieusement en hochant de la tête.

- Judicieuse idée, commenta Elvyre en s'étalant langoureusement dans son fauteuil.

- Je crois savoir que vos Pokémon sont détenus au Gouvernement, remarqua Maël. J'ai encore les miens, qui sont au nombre de six, puisque je n'étais pas enfermé à Orowind. Le hasard veut que nous soyons six également. Aussi je propose d'en confier un à chacun d'entre vous pour avoir une aide supplémentaire le moment venu. Du moins jusqu'à ce que vous récupériez vos propres Pokémon, évidement. Alors, qu'en pensez-vous ?

Nouveau murmure d'approbation assez explicite. Pour la première fois depuis le début de la réunion, Maël laissa transparaître un certain contentement :

- Parfait, dans ce cas nous n'avons plus qu'à faire comme Orion le suggérait avant que tout ne commence, c'est-à-dire atteindre le niveau supérieur.

- Voilà, je me demandais quand est-ce qu'on allait citer mon glorieux nom, dit Orion avec suffisance.

Personne ne releva, comme si chacun était habitué à ce genre de remarque.

- Je suppose donc que personne n'a atteint ce niveau là ? observa Maël.

Un murmure de dénégation parcourut l'assistance.

- Très bien, nous allons devoir mettre le paquet, reprit Orion. En face, Hyde aura sûrement tout fait pour superviser la progression des autres Pokéman, histoire de les monter contre nous et de nous foutre une raclée.

L'assentiment fut général et les regards se voilèrent différemment selon les personnes. Mais on sentait néanmoins l'impatience bouillir furieusement en elles. L'impatience de se mettre au travail sans plus tarder, d'abattre tous les obstacles qui pourraient avoir le malheur de se dresser sur leur chemin. Une volonté de meurtre commune s'établissait entre les Pokéman et un silence songeur succéda aux paroles d'Orion.

- Au fait, je peux faire quelque chose pour ta clavicule, reprit ce dernier en détaillant l'os de Salomon, bordé par un large hématome. Un petit transfert d'énergie vitale et... hop, elle serait comme neuve !

Agréablement surpris pour autant qu'on le devine d'après son expression, Salomon approuva sereinement. Il contempla sa blessure d'un regard indéfinissable. Au vu de son importance, il était surprenant que l'homme ne témoigne aucune souffrance. Mais les autres ne s'en étonnaient pas, signe qu'ils le connaissaient bien.

- Ouais, c'est très beau tout ça, mais on oublie le plus important... L'est où la Naïa, là ? baragouina Dynamo en fronçant les sourcils. Je croyais que tu l'avais capturée pour qu'elle nous envoie ton petit message de ralliement ?

- Elle s'est malheureusement enfuie, répondit Maël sans trahir une quelconque émotion. Avec son pouvoir de type Psy, elle n'a eu qu'à se téléporter pour me fausser compagnie. Je ne pouvais pas anticiper. Mais ce n'est pas grave, toute erreur est rattrapable.

- Donc, si je comprends bien, je suis le seul à avoir buté un ennemi ? reprit Dynamo en laissant poindre une once d'arrogance. Moi j'ai tué le rouquin, et vous, qu'est-ce que vous avez fait de spécial ?

Il y eut un échange de regards interrogateurs tandis que Dynamo observait ses compagnons d'un air impérieux. Visiblement, personne n'avait mieux à proposer. L'homme gloussa et ajouta d'un ton cynique :

- Je vois que vous faites du bon boulot les gars.

- Moi j'ai tué un Orokami, se défendit Orion en croisant les bras d'un air rêveur. D'ailleurs c'était grisant...

Elvyre répliqua à son tour, offusquée :

- Pour ma part, je n'ai croisé personne si ce n'est deux-trois flics, alors ne jette pas la pierre à tout le monde.

A côté d'elle, Matthias confirma également, comme pour se donner une excuse.

- Pour ma part, j'ai obligé Tobias à s'amputer le bras en le lui desséchant, fit-il en secouant la tête avec conviction. Il est peut être mort du coup.

La main de Salomon se leva vers lui et il parut statufié l'espace d'un instant. Les autres se turent également : une déclaration de Salomon était tellement rare qu'il valait la peine d'en bénéficier lorsque l'occasion se présentait.

- Ne dis pas de bêtises, on voit que tu ne connais pas Tobias comme je le connais. Tu présumes de tes forces comme de sa faiblesse. Il est tenace et possède des ressources insoupçonnées. Je suis convaincu qu'il est encore en vie. Intéressé qu'il est par Arceus, je ne vois qu'un lieu où il aura pu trouver refuge.

Muette mais fatale, la réponse flotta distinctement sur les lèvres, masqua les yeux. Les Pokéman étaient ahuris et cela se voyait. Finalement, Elvyre se chargea de clarifier la pensée générale :

- Quoi, tu veux dire qu'il serait au Mont Couronné en ce moment même ?

- Parfaitement. Si tu ne me crois pas, demande donc à ce cher Orion de faire une rapide analyse des lieux. Je suis certain qu'il y trouvera là de quoi nous interpeller.

Devant l'insistance de ses camarades, Orion approuva et se positionna en tailleur. Puis il entra dans un état de méditation palpable.

Durant une vingtaine de secondes, il ferma les paupières et se concentra, les muscles de sa mâchoire parfois agités de tics nerveux. Autour de lui, l'ambiance était étouffante, l'attente plus qu'intenable. Enfin, l'homme blanc ouvrit les yeux en inspirant bruyamment, comme s'il avait vu une chose effrayante, et déclara :

- Il... il y est, exactement comme Salomon l'avait prévu. Son énergie vitale est tout simplement exceptionnelle. Aucun d'entre nous ne lui arrive à la cheville.

Elvyre laissa échapper une exclamation scandalisée, doutant manifestement de cette déclaration qui ne souffrait aucune réplique. A nouveau Salomon leva une main et dit :

- En ce cas, l'union fera la force. Nous irons de ce pas vers le Mont Couronné... et nous anéantirons le parjure.

Les vivats ne tardèrent pas à répercuter sa proposition en échos. Tous approuvaient, tous avaient choisi de se liguer face à la menace.