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Aide-toi et le ciel t'aidera de Kydra



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Informations

» Auteur : Kydra - Voir le profil
» Créé le 09/03/2013 à 11:50
» Dernière mise à jour le 09/03/2013 à 11:50

» Mots-clés :   Aventure   Présence d'armes

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Chapitre 68 : Conversion 2
Vaillant-Rescapé marchait vers le poste de commandement, d'un pas décidé, nourrissant les griefs qu'il portait au colonel. Il se préparait à un face à face mémorable, durant lequel il allait lui démontrer qu'il fallait se plier à sa situation et non le placer sous un commandement humain. Il arriva à la porte, pensant entrer sans permission, pour bien commencer. Cependant, il n'en eut pas le loisir, puisque Dimitri lui-même sortit pour l'accueillir.

...........- Je suis content que tu sois venu, dit-il. Entre, je vais te montrer quelque chose qui devrait te plaire.

Il posa une main sur son épaule pour l'inviter à entrer et précéda l'Insécateur à l'intérieur, où se trouvaient déjà le commandant Fabrice et les deux lieutenants Malik et Victor. Les hommes firent mine de se lever pour laisser le Pokémon seul avec le colonel. Celui-ci les invita à rester pour continuer à vaquer à leurs occupations sans se soucier d'eux. Il s'assit ensuite à la table, en maintenant sa jambe blessée tendue. Devant lui se trouvait un plateau quadrillé de noir et blanc qui n'évoquait rien à Vaillant-Rescapé. Dimitri pria son invité, d'un geste, de prendre place en face de lui. Il disposa les pièces du jeu d'échecs sans un mot, sous l'œil étonné de l'Insécateur.

...........- C'est un jeu qui intéresse souvent les gens dotés d'un bon sens tactique et ils y sont généralement doués... Tu seras un bien rude adversaire pour moi dans quelques parties, j'en suis persuadé !

Le colonel expliqua les règles en quelques minutes. Il parlait tellement vite que même une personne ayant déjà une idée du jeu dont il s'agissait n'aurait pas pu tout retenir… Puis il déplaça son premier pion et laissa l'Insécateur agir. Vaillant-Rescapé dévisagea son interlocuteur, incrédule. Comme il n'obtint pas de réaction, il se résolut à pousser une pièce du bout de sa lame, pour enfin faire avancer les choses. Dimitri continua à jouer, toujours silencieux. Au bout de quelques coups, il s'adossa au dossier de sa chaise et, relâchant les épaules il déclara, comme s'il s'agissait d'une évidence :

...........- Tu feras un excellent sergent. Tu ferais sans doute un tout aussi bon lieutenant, mais il est encore trop tôt : les hommes n'y sont pas prêts et tu n'es pas habitué à notre mode de combat. Ta réaction de la dernière fois l'a prouvé.

Comme s'il l'avait insulté par mégarde et déclenché une réaction soudaine de sa part – ce qui n'était nullement le cas : l'Insécateur était resté volontairement de marbre – il reprit en relevant vivement le buste.

...........- Mais ça viendra vite, ne t'en fais pas, tu as déjà une expérience suffisante du combat pour t'adapter rapidement...

Il se tut ensuite quelques instants. Vaillant-Rescapé ne manifesta aucun signe ni de consentement ni de désaccord et fixa son regard sur le jeu. Dimitri posa les pieds sur le dossier d'une chaise à côté de lui.

...........- Si j'étais toi, je ne ferais pas ça, dit-il en montrant une de ses pièces en indice.

L'Insécateur se retrouvait complètement décontenancé par l'entretien, tout comme il l'avait déjà été la première fois. Il ne savait pas où voulait en venir Dimitri. Bien qu'il fût entré avec une mauvaise image du colonel, il ne se sentait ni mal à l'aise, ni en mauvaise compagnie et ce malgré l'impression de ne rien maîtriser. Encore comme cela c'était produit à l'hôpital, il lui reconnaissait une certaine aura d'autorité naturelle et avait envie, sinon de lui faire confiance, d'au moins l'écouter jusqu'au bout.

...........- Tu as ta place parmi nous, autant militairement que politiquement... et même « humainement », si tu me passes l'expression !

Il laissa sa phrase résonner dans le silence, semblant savourer le trait d'humour avec un léger sourire, à peine perceptible. Il fit mine de réfléchir, puis, saisissant une pièce qu'il déplaça lentement, il déclara posément :

...........- Echec et mat… Je pense que je devrais mieux t'expliquer ce pour quoi nous nous battons. Manifestement, la dernière fois, nous avons du mal nous comprendre, toi et moi. Nos idéaux sont non seulement compatibles, mais en plus nous pouvons tous deux tirer parti de notre entente ! On refait une partie ?

Sans laisser le temps à Vaillant-Rescapé de réagir, Dimitri replaça les pièces sur l'échiquier. La partie recommença. De temps en temps, comme si cela lui avait été inspiré par le coup précédent, le colonel précisait sa pensée sur de nombreux sujets. Il donnait des éléments de réflexion, par bribes. Son discours le passionnait, l'énervait parfois, le faisait rêver, mais jamais il ne prononçait de paroles indifférentes. L'Insécateur écoutait, prenant goût au jeu en même temps qu'il développait son intérêt pour le point de vue de son interlocuteur.

Au dehors, Terreur-des-Hommes et Vassili trouvaient le temps long. La première attendait impatiemment le retour de son ami alors que le second voulait rendre visite à son frère. Finalement, ce ne fut pas la personne attendue qui sortit : Malik entrouvrit la porte. Quand il vit Vassili, il le pria d'entrer avant de quitter le bâtiment avec les autres membres du commandement.

...........- Tu me manquais déjà, fit Dimitri, toujours en pleine partie avec l'Insécateur, en guise d'accueil à son frère.
...........- Tu me manquais aussi... Mais ce n'est pas raisonnable de monter si près du front avec une jambe en moins ! Comment feras-tu si on se fait attaquer ?
...........- Oh, je peux très bien courir... J'en souffrirai un peu, mais je ne veux pas passer ma vie à l'hôpital : je ne suis pas médecin ! L'occasion était trop bonne ; vous partez dans deux semaines, aux ordres de Fabrice, pour former une nouvelle zone d'attaque. Nous recrutons bien en ce moment et je vais en profiter pour placer ici-même une nouvelle compagnie à l'instruction. Comme je devrais pouvoir marcher d'ici là, je ne pouvais pas manquer d'accompagner mon petit frère au front... Ah tiens, et puisque tu ne voulais pas de responsabilité et que j'avais besoin d'un cadre, j'ai nommé Aleph-Zéro sergent.

Le plus jeune leva les yeux au ciel. Le colonel se tut un moment, pour réfléchir, affalé dans sa chaise. D'un doigt, il désigna son échiquier pour s'adresser à Vaillant-Rescapé :

...........- Echec et mat, encore... Mais tu joues mieux que mon frère ; il a toujours été mauvais ! Pour le reste, je te laisse réfléchir, tu as tout ton temps. Mais tant que tu n'es pas sûr de ta décision, je ne veux pas te voir au combat. Tu peux disposer, sergent, puisque la partie est terminée. Pour ma part, j'ai un peu de travail.

Vaillant-Rescapé se leva prudemment. Il salua militairement le colonel et sortit du bâtiment par l'arrière. En même temps, Dimitri prit la porte principale. L'Insécateur le suivit discrètement de loin, se sentant taraudé par l'envie d'en apprendre plus sur lui. Le chef des humains se rendit dans la pièce à moitié défoncée qui servait de prison. Avant son arrivée, on avait fait sortir tous les occupants, qui se trouvaient maintenant alignés devant l'entrée, assis et les mains attachées dans le dos.

Le colonel déambula un moment devant les prisonniers. Il parlait, calmement, mais Vaillant-Rescapé ne se rapprocha pas assez pour comprendre ce qu'il disait, de peur de se faire repérer en train d'espionner. Quand Dimitri eut terminé son discours, il se campa devant son auditoire, attendant que celui-ci réagît. Finalement, la plupart des humains se leva. Puis ceux-ci s'engagèrent dans la végétation. Un des rebelles lança à leur égard ce qui avait tout l'air d'une insulte, mais le colonel le réprima si sèchement qu'il ne vint à l'idée de personne d'autre de se risquer à l'imiter.

Le colonel se lança dans un nouveau discours, bien plus véhément que le précédent. L'Insécateur n'entendit toujours pas tout de là où il était… Pourtant, il put distinguer quelques répliques cassantes et comprit que Dimitri avait fait relâcher tous les soldats, pour ne garder que leurs cadres. Il les accusait à présent de tous les maux et ses phrases cinglantes faisaient sourire les combattants qui encadraient les prisonniers. Quand il eut terminé, il fit demi-tour, retourna en en direction de son poste alors que les militaires regagnaient leur cellule improvisée.
Dimitri se tourna vers la cachette de l'Insécateur quand il passa devant lui. Vaillant-Rescapé se croyait bien dissimulé, cependant, le colonel ne le laissa pas s'imaginer une seconde qu'il avait tourné le regard dans sa direction par hasard.

...........- Il ne faut jamais croire que ceux contre qui tu te bats soient tous identiques, docilement conformes à l'idée que tu te fais de ce que tu appelles l'ennemi, Aleph-Zéro. Je crois que tu peux le voir par toi-même. Il n'y a pas les humains d'un côté et les Pokémon de l'autre… Non, c'est bien plus compliqué que cela. Tout comme pour nous, nous ne nous battons pas contre les hommes qui constituent l'armée : nous n'affrontons que ses dirigeants… Ceux que nous avons relâchés ne sont que des militaires ! Les garder prisonniers, voire les tuer serait une idiotie ! Ils font partie de ceux que nous défendons, si nous nous attirons les foudres de la population, nous ne pourrons vaincre. De même, si les Pokémon ne font pas la distinction entre ceux qui les comprennent et ceux qui les détestent, vous ne pourrez pas survivre, vous ne vous créerez que des ennemis supplémentaires !

Vaillant-Rescapé ne se montra pas, ne bougea pas. Il attendit que le colonel eût disparu dans son bâtiment avant de sortir de sa cachette. Puis, il alla cueillir des baies. Sur le chemin, il ne se pressa pas, flânant en se remémorant toutes les paroles de Dimitri. Il était maintenant au moins convaincu d'une chose : il lui devait le respect, qu'il acceptât ou non de se placer sous ses ordres. On lui avait offert la confiance, il pouvait refuser de donner la sienne. S'il n'acceptait pas les conditions implicites fixées par Dimitri, il devrait alors quitter les humains, sinon il ne serait pas un Pokémon d'honneur.

En réalité, une partie de lui-même avait du mal à accepter ce que Dimitri lui avait raconté des dresseurs, en l'illustrant d'exemples de sa sœur Masha. Pourtant, on s'acharnait tant à lui répéter de telles paroles, Terreur-des-Hommes incluse, qu'il ne pouvait plus les réfuter aussi simplement. De plus, les opinions du colonel ne lui déplaisaient pas et il pensait même l'apprécier, pour un humain. Il ne lui restait que la peur de défendre les humains contre ses semblables s'ils les attaquaient, mais on lui avait assuré qu'il changerait de front si cela devait se produire.

A y réfléchir, il ne trahissait même pas ses anciennes opinions : elles étaient relativement compatibles avec celles des rebelles, comme il lui avait été dit. Il se prit même quelques secondes à penser que la leur était plus viable et que leur lutte avait plus de chances d'aboutir que celles des Pokémon. Dans un instant d'égarement, il se dit même que la guerre serait déjà gagnée si les deux camps s'alliaient...

Il mit enfin la lame sur des baies Sitrus. Il en cueillit trois qu'il mit de côté avec un soupir de détermination. Puis, il en mangea quelques-unes en se sentant regonflé par leur goût sucré. Il allait reprendre une vie normale et apaisée avec lui-même, comme il n'en avait pas connu depuis si longtemps ! Il reprendrait sa carrière presque là où il l'avait laissée. Il était prêt à se battre et à reconnaître la nouvelle autorité... Il devrait être fidèle mais cela ne lui faisait plus peur. Il ne réfléchit que quelques secondes avant d'être sûr qu'il était aussi prêt à mourir face à ces autres humains : les ennemis. Il rêva même d'expliquer aux autres Pokémon pourquoi ils devaient s'allier et qu'on le comprendrait.