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Duel au sommet de olyn



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» Auteur : olyn - Voir le profil
» Créé le 06/03/2013 à 20:49
» Dernière mise à jour le 06/03/2013 à 20:49

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Chapitre 20 : Se perdre et se retrouver
Accoudée au bastingage, je regardais la mer défiler. Le bateau filait sur les flots, nous emmenant vers les Îles Sevii à une vitesse que je soupçonnais d'être illégale. Plouf avait décidé de faire la course avec, s'amusant à plonger et à se propulser hors de l'eau tel un dauphin hyperactif. Il avait bien mérité cet instant de détente après sa victoire écrasante dans l'arène d'Auguste, et lui au moins, il se défoulait. Ce n'était pas le cas de tout le monde : à la demande de Léo, j'avais gardé Salade et Pleind'Soupe dans leurs Pokéballs, car il craignait que le bateau prêté par Ciléo ne résiste pas à leurs masses - d'autant plus qu'apparemment, son ami avait une malchance assez extraordinaire, et tout ce qui lui appartenait finissait soit en cendres soit en petits morceaux.

- Vous verrez quand vous ferez sa connaissance, nous avait avertis Léo avec un petit rire.

Puis il était parti vomir par-dessus bord tandis que son Alakazam le suivait comme son ombre. Grignotte avait jeté un long regard vers le Pokémon psy, avant de rejoindre Teigne pour une discussion à base de nombreux "Sablaireau" et autres "Singe". Maraude, elle, s'était isolée à l'avant du navire, préférant visiblement faire cavalier seul.

- Ton nouveau Pokémon n'a pas l'air de t'apprécier... commenta soudain Zack, ses premiers mots prononcés depuis que nous étions montés à bord.

Il se tenait près de moi, le regard également tourné vers l'horizon. J'en étais presque venue à oublier sa présence.

- Elle ne me fait pas encore confiance, mais ça viendra. À moins que tu ne lui aies donné des raisons de penser qu'elle doive craindre son dresseur ?

J'avais parlé sans réfléchir, mais c'était trop tard, et l'implication qu'il ne prenait pas soin de ses Pokémon flotta dans l'air entre nous deux, tangible.

- Pas que je sache, répliqua-t-il sèchement.

Le silence s'étira. Il fut brisé par une nouvelle régurgitation bruyante de Léo. Je grimaçai. Le pauvre vomissait tripes et boyaux depuis notre départ.

- Pourquoi est-ce que tu ne t'es pas téléporté directement sur les Îles Sevii si prendre le bateau te rend si malade ? lui demandai-je en coulant un regard vers son Alakazam.

Je me doutais bien que ce n'était pas aussi simple mais je préférais passer pour une idiote plutôt que de continuer à subir ce silence malsain qui s'était établi entre moi et Zack.

- Ça ne marche que s'il connaît l'endroit où on veut aller, m'informa Léo en s'essuyant la bouche. Et je ne peux pas l'y envoyer par PC, Ciléo a bidouillé mon système en voulant l'améliorer et a réussi exactement l'inverse : le réseau ne fonctionne plus sur l'ensemble des Îles.

- De toute façon on ne peut pas envoyer un Pokémon dans un centre si on ne l'a pas visité avant, objecta Zack.

Je me réjouis intérieurement qu'il participe à la conversation : il ne devait pas être si vexé que ça.

- C'est moi qui ait créé le système, répliqua Léo, tu penses vraiment que je serais incapable de contourner ses limitations si je le voulais ?

- ...Je vois ce que tu veux dire.

- Seulement il se trouve que Ciléo a encore fait des siennes et les gens ne peuvent plus envoyer leur Pokémon d'un centre à un autre, ni même les stocker. Sacré Ciléo...

La dernière syllabe du nom se retrouva allongée tandis que Léo se penchait encore une fois par-dessus bord, offrant le contenu de son estomac à l'océan.

- Oh, goût amande-poire cette fois ? fit-il en se redressant.

- Euh, de quoi tu parles ? interrogeai-je, complètement perdue.

- Présage se sert de ses pouvoirs psychiques pour effacer le goût du vomi et le remplacer par un bien plus agréable, m'expliqua Léo. Il alterne entre différentes saveurs et s'amuse parfois à les combiner.

J'ai aussi rajouté une touche de vanille cette fois-ci
, précisa la voix mentale de l'Alakazam.

Léo se lécha les lèvres.

- Effectivement, constata-t-il. Tu t'améliores en tout cas, tes combinaisons sont de plus en plus subtiles.

- Les Pokémon psy sont vraiment surpuissants... murmurai-je, exprimant mes pensées à voix haute.

Et si je parvenais à en attraper un, qui pourrait se dresser sur mon chemin ? Je pourrais écraser la Team Rocket et affronter Vivian à armes égales...

- Ils ont leurs limites, comme toute forme de vie, nuança Léo. Présage est capable de me faire prendre un goût pour un autre ou d'entrevoir le futur, mais supprimer mon mal de mer se situe hors de son champ d'action.

Ça ne m'ôtait pas l'idée qu'il fallait que j'en capture un.

- Sur ce, je vais aller m'allonger dans ma cabine, nous dit Léo avec un hochement de tête à notre encontre. Profitez du voyage, on arrive dans quelques heures.

Dès qu'il fut parti, le silence malaisé refit son apparition. Je me retournai vers mes Pokémon, cherchant un échappatoire. Prise d'une inspiration subite, je sortis de mon sac à dos ma gourde ainsi qu'un récipient.

- Grignotte, viens voir ! l'interpellai-je.

Tandis que le Sablaireau s'approchait, je versai de l'eau dans le bol jusqu'à ce qu'il soit presque rempli à ras bord.

- Pour toi et Teigne, dis-je au Sablaireau en le lui tendant. Amène ce qui reste à Maraude quand vous vous serez désaltéré.

- Blaireau, acquiesça-t-il avant de partir rejoindre la Colossinge tout en s'efforçant de ne pas renverser son fardeau.

Je réprimai un sourire face à sa démarche plutôt comique. Zack émit un grognement.

- Je comprends vraiment pas pourquoi tu te compliques la vie, déclara-t-il. Ce serait bien plus simple de les garder dans leurs Pokéballs. Là au moins ils n'ont ni faim ni soif, et ils ne se fatiguent pas inutilement.

- J'aime les avoir avec moi, répondis-je, en sachant que cet argument ne le convaincrait jamais.

- Et ce faisant tu les condamnes à une vie beaucoup plus courte.

Avant que je puisse répliquer, il avait déjà embrayé sur un sujet différent :

- Tu penses être prête pour la prochaine arène ? Et le Conseil des Quatre juste après ?

- Je... non, pas encore, avouai-je. C'est pour ça qu'on se rend sur les Îles, non ? Pour s'entraîner en vue de ces challenges. Par contre, ajoutai-je avec un sourire, je sais que je suis prête pour notre prochain duel.

- J'en serais pas si sûr à ta place, me renvoya-t-il, bien plus sérieux que moi. Rien n'est encore joué.

- Ça te va bien de dire ça. Tu as perdu tout nos duels jusqu'à maintenant, je te rappelle.

- Comme si je pouvais l'oublier.

- Alors qu'est-ce qui te fait croire que la prochaine fois sera différente ? voulus-je savoir.

Il eut un haussement d'épaules.

- Le vent tourne, Léa.

Et apparemment, j'allais devoir me contenter de cette réponse des plus cryptiques, car il n'ajouta rien de plus. Ce foutu silence retomba entre nous tel un rideau de plomb. Je m'efforçai d'affecter une indifférence marquée, alors qu'en réalité je mourrais d'envie d'attraper Zack et de le secouer comme un cocotier jusqu'à ce que j'obtienne sa notice d'utilisation. Je redoutais le pire si notre séjour sur les Îles s'étendait sur plusieurs jours : on allait finir par se voler dans les plumes, et ça ne serait pas beau à voir.

Tandis que je ruminais sur l'éventualité d'un affrontement entre Zack et moi, un vrai combat éclata sur le pont, parce que s'il y avait une chose qui était certaine dans toute cette histoire, c'était que Monsieur le Destin adorait me faire des clins d'œil. Je n'en compris pas la raison, mais tout à coup Teigne décocha un coup de poing à Maraude, alors qu'elles avaient l'air de parler tranquillement quelques secondes plus tôt. Sous mes yeux, la Goupix tenta de riposter d'une morsure qui manqua largement la Colossinge, cette dernière s'étant déjà déplacée dans le dos de Maraude, infiniment plus rapide.

Mais qu'est-ce que ces deux-là fabriquaient ? Ça n'avait rien à voir avec les duels amicaux auxquels se livraient fréquemment Teigne et Plouf, ça j'en étais sûre. Connaissant le caractère de Teigne, la Goupix avait dû la provoquer... Il fallait que j'intervienne avant que ça ne dégénère. Ma main se dirigea vers la Pokéball de Teigne alors que je m'avançais vers les deux combattantes.

- Attends, fit Zack tout en me retenant par le bras.

Je voulus me dégager d'un mouvement d'épaules mais il tint bon.

- Attends quoi ? grognai-je. Je vais pas laisser mes Pokémon se tabasser entre eux !

- Ce genre de choses arrivent souvent entre Pokémon de la même équipe. Ce n'est ni plus ni moins qu'une saine rivalité. Et puis tu fais confiance à Teigne, non ?

- Bien sûr, mais c'est pas une raison pour la laisser brutaliser...

- Il te faut un Pokémon feu, me coupa Zack abruptement. Autrement tu passeras pas le premier match du Conseil des Quatre. Cette Goupix est ta seule chance de t'en sortir, et tant qu'elle refusera de t'obéir tu peux dire adieu à toutes tes ambitions.

Ses paroles me firent redouter le pire. Tous mes efforts anéantis à cause d'un seul Pokémon rebelle ? Je ne pouvais pas me le permettre... Les regards de Teigne et Maraude étaient posés sur moi, les deux Pokémon dans l'expectative. Je savais que la Colossinge en particulier attendait de voir ma réaction. Allais-je la punir pour avoir voulu remettre la Goupix à sa place ? Mon instinct me disait que j'aurais dû. Mais écouter mon instinct ne m'avait rapporté jusqu'ici que des cadavres de Pokémon.

Je plantai mes yeux dans ceux de Teigne et hochai la tête avec réticence. Immédiatement, Maraude se retourna vers la Colossinge, sans doute pour reprendre le combat. Sauf que Teigne ne lui en laissa pas l'occasion et l'étourdit d'un coup de poing, puis la chevaucha, la maintenant au sol par son poids supérieur. Maraude revint à elle quelques secondes plus tard et se débattit sans parvenir à échapper à l'étreinte de Teigne. Il y eut un échange de grognements entre les deux Pokémons, puis un jappement de douleur de la part de Maraude alors que Teigne lui tirait l'une de ses six queues. Je serrai les poings.

- C'est nécessaire, me dit Zack.

- J'espère que ça en vaut la peine, répliquai-je avec un goût de cendres dans la bouche.

Finalement, Teigne parut obtenir satisfaction, et elle relâcha Maraude au bout d'une trop longue minute. Je surveillai la Goupix tandis qu'elle s'asseyait sur son derrière et se mettait à discuter avec Grignotte. Elle avait l'air d'aller bien ; seule sa fierté avait été blessée. Le temps que le nœud dans mon estomac se dénoue, Teigne m'avait rejoint et levait sur moi un regard interrogateur.

- Colossinge ? demanda-t-elle, une des rares fois où je l'avais entendu prononcer son nom en entier.

Elle cherchait mon approbation, et moi je n'avais que des incertitudes au bord des lèvres.

- C'était nécessaire, m'entendis-je prononcer du même ton que Zack.

Quant à savoir si je croyais à ce que je racontais, c'était une autre histoire.

- Singe, répliqua Teigne, sans que j'ai la moindre idée de ce que ça voulait dire, avant de s'éloigner.

- Ravi de constater que tu écoutes mes conseils, commenta Zack. Tu as peut-être une chance contre le Conseil des Quatre après tout.

Sans répondre, je quittai le pont et descendis jusqu'à ma cabine. Je me sentais fatiguée et vaguement nauséeuse, et je m'allongeai sur l'étroit lit avec l'intention de mettre à plat toutes mes pensées afin d'avoir une vue plus claire sur toute cette histoire. Au lieu de ça, je m'endormis sans le vouloir et ne fus réveillée que quelques heures plus tard par un Léo enthousiaste.

- On est arrivés ! cria-t-il en ouvrant la porte de ma cabine. Tiens, tu dormais ?

- Non non, j'étais occupée à courir le 100 mètres, rétorquai-je.

Humeur de la Léa réveillée brutalement : abyssale.

- En tout cas, on est arrivés, répéta Léo.

- J'avais entendu la première fois, grommelai-je en me levant.

Mon humeur s'améliora immédiatement dès que j'émergeai sur le pont. Un beau soleil d'été brillait dans le ciel sans nuages, et une douce brise soufflait, rendant la chaleur supportable. Je levai les yeux vers l'imposant volcan qui dominait l'île sur laquelle nous avions accosté et sentis un petit frisson me parcourir la nuque.

- Que quelqu'un me rassure : il n'y a pas de danger qu'il entre en éruption ? quémandai-je.

- Absolument aucun, me rassura Léo. Le mont Braise est endormi depuis des générations, et s'il devait se réveiller, nous en serions avertis bien avant par l'équipe de géologues qui est stationnée en permanence sur l'île. Ils surveillent l'activité sismique jour et nuit et prennent des mesures tout les mois afin de pouvoir prédire avec précision la prochaine éruption. Leur laboratoire se situe juste au pied du mont, on peut l'apercevoir d'ici, c'est le petit bâtiment jaune tout là-bas...

- On peut remettre la visite touristique à plus tard ? intervint Zack.

- Oh, fit Léo, coupé dans son élan. Bien sûr. Hum, le centre Pokémon est par là... indiqua-t-il en descendant du bateau.

Je rappelai mes Pokémon et le suivis. Nous quittâmes la crique où notre navire s'était amarré pour arpenter un petit sentier bordé de palmiers qui s'enfonçait dans les terres. Nous n'eûmes pas à marcher longtemps avant d'arriver dans une ville - quoiqu'elle en mérite à peine le nom, car je ne comptais qu'une poignée de maisons en plus de l'incontournable centre Pokémon. Je notai tout de suite que l'atmosphère ici était différente du reste de Kanto : plus calme et d'une certaine manière plus chaleureuse, à l'image du climat qui régnait sur l'île. D'ailleurs, les quelques habitants que nous croisâmes nous saluèrent tous avec de larges sourires - enfin, peut-être que je m'avançais trop et que ce dernier point n'était qu'une conséquence de la présence de Léo.

Nous avions à peine franchi les portes du centre Pokémon qu'une odeur de brûlé vint frapper nos narines.

- Oh non, pas encore ! s'écria une voix plaintive.

Le propriétaire de la dite voix était un jeune homme aux cheveux bruns retenus par un bandeau, qui à vue de nez avait l'air d'avoir le même âge que Léo et qui se trouvait actuellement penché sur une grosse machine qui occupait un bon quart de la salle d'accueil du centre Pokémon. La machine en question clignotait comme une guirlande de Noël et de la fumée se dégageait de sa partie droite.

- Un problème de plus, Ciléo ? s'enquit Léo.

L'interpellé releva la tête trop brusquement en entendant son nom, se cognant au passage contre l'un des nombreux tuyaux qui dépassaient de l'étrange machine.

- Léo ! s'exclama-t-il. Tu tombes à pic ! C'est une urgence !

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- J'ai essayé de réparer le réseau en reroutant le canal principal, mais ça a généré un blocage au niveau du dématérialisateur et l'amplificateur s'est retrouvé en surchauffe. Il n'a pas dû apprécier la double charge...

Alors qu'il finissait de débiter son jargon complètement incompréhensible, des étincelles jaillirent de l'endroit qui fumait, et des flammes apparurent et commencèrent à prendre de l'ampleur. Ciléo brandit aussitôt une Pokéball ; ce fut un Évoli qui en sortit.

- Heureusement ça, ça marche encore, soupira le scientifique, avant d'ajouter à l'intention de son Pokémon : Jet de sable sur les flammes, Cléa !

Zack eut un petit rire étouffé en entendant le surnom de l'Évoli. Je le fusillai du regard alors que la petite Pokémon avec qui je partageais presque un prénom balançait tout le sable qu'elle pouvait sur l'incendie naissant. Les flammes se retrouvèrent vite étouffées, et Léo s'avança pour inspecter les dégâts.

- Attends... fit-il en plissant les yeux. Tu t'es servi d'un morceau de chewing-gum pour connecter le fil du rétrotracteur à la bobine de désengorgeage ?

- Je n'avais rien d'autre sous la main, se justifia Ciléo. Tu crois que c'est de là que vient le problème ? Moi je soupçonne plutôt le coupleur d'énergie, il a des ratés depuis que je l'ai amélioré...

- Bon, il va falloir tout reprendre depuis le début. Je sens qu'on va y passer la journée ! estima Léo en faisant craquer ses mains.

- Bonjour, au fait, nous lança Ciléo avec retard.

Nous répondîmes de concert.

- Ciléo, voici Zack et Léa, deux dresseurs qui collectent les badges, nous présenta Léo.

- Enchanté ! Je ne vous serre pas la main, ne m'en voulez pas... dit-il en levant ses deux mains noires de suie. Vous visitez l'île pour ses Pokémon exotiques ?

- Exactement, acquiesça Zack. On est venus pour s'entraîner, il n'est pas question de vacances.

Il avait prononcé cette dernière phrase en me lançant un regard appuyé. Zut alors. Comment avait-il deviné que je serais bien allée me baigner sur la petite plage de sable fin que nous avions longé tout à l'heure ?

- Pendant que vous y êtes, est-ce que vous pouvez me rendre service ? s'enquit Ciléo. J'ai promis au propriétaire de la salle de jeux sur l'île 2 de le dédommager, et comme c'est un passionné de vieux cailloux, je voulais lui offrir une météorite issue de ma collection personnelle, mais avec tous ces problèmes au centre Pokémon, je n'ai pas eu le temps...

- Le dédommager ? releva Léo. Qu'est-ce que t'as encore fait ?

- C'est pas ma faute si ses machines à sous sont si fragiles ! se défendit l'autre. Comment j'étais censé savoir que la manette allait me rester dans la main si je tirais dans le mauvais sens ? Bref, reprit-il à notre intention, vous voulez bien aller lui apporter la météorite à ma place ? Ça m'aiderait beaucoup.

- Sûr, on peut faire ça, accepta Zack.

Je m'étonnai de tant de bonne volonté de sa part lorsqu'il ajouta :

- Il va nous falloir un pass pour le ferry.

Il y a donc quelque chose qui l'intéresse sur l'une des îles ?
en déduisis-je.

- Dans mon sac, indiqua Ciléo d'un mouvement de tête. La pochette avant.

J'allai récupérer la météorite, qui s'avéra être bien plus petite que ce à quoi je m'attendais - elle tenait dans la paume de ma main -, et le pass, une carte plastifiée d'un beau bleu ciel.

- Ne traînons pas, me lança Zack en me faisant signe de me dépêcher.

- Merci pour votre aide ! nous cria Ciléo alors que nous sortions du centre Pokémon.

Nous suivîmes le petit chemin de terre en sens inverse, retournant vers le ferry. Zack marchait d'un pas plutôt rapide, ce qui m'amena à lui poser la question :

- Qu'est-ce qu'il y a qui t'attire tant sur l'Île 2 ?

Et bonjour l'imagination pour le nom, vraiment...

- Rien de bien spécial, me répondit-il, mais on a le pass et on peut explorer les Îles à notre guise. Ne viens pas me dire que tu n'es pas impatiente de voir quels sortes de Pokémon on trouve ici.

- Avant toute chose il faut qu'on passe donner la météorite au mec de la salle de jeux.

- Ça peut attendre... me rétorqua Zack.

- Non, ça peut pas, lui renvoyai-je.

Il s'arrêta de marcher et se tourna vers moi. Nous nous affrontâmes du regard. Presque inconsciemment, ma main droite dériva vers mes Pokéballs. Les coins de la bouche de Zack se retroussèrent en un sourire.

- Jouons ça sur un seul Pokémon, proposa-t-il.

- D'accord.

Nous choisîmes chacun une Pokéball et en libérâmes les occupants respectifs au même instant. Grignotte se retrouva face à face avec l'Alakazam.

- Tu savais qui j'allais prendre ? me demanda Zack avec un haussement de sourcils.

- Non, mais Grignotte est toujours un bon choix.

- Blai, renchérit mon Sablaireau en toisant son adversaire.

- C'est pas plus mal au final. Ce sera l'occasion pour Alakazam d'obtenir enfin la victoire sur ton rat des sables.

- C'est quand tu veux, le duel, au lieu de fanfaronner.

- Oh, mais j'ai déjà commencé.

Et effectivement, maintenant qu'il le disait, je remarquai qu'une aura dorée émanait de l'Alakazam. Foutus ordres donnés mentalement.

- Tunnel, ordonnai-je à Grignotte. Ne le laisse pas voir où tu es !

Le Sablaireau disparut sous terre avec un couinement affirmatif. L'aura pulsante du Pokémon psy se renforça d'une deuxième couche, plus foncée celle-là. Protection ou bien attaque à venir ?

C'était maintenant ou jamais pour Grignotte... Comme s'il m'avait entendu, le Sablaireau jaillit de son trou, réussissant à déséquilibrer l'Alakazam. Le Pokémon psy roula à terre, lâchant l'une de ses précieuses cuillères dans sa chute, et Grignotte pressa son avantage, ses griffes sifflant vers le ventre exposé de son adversaire.

Tchink.


Le bruit à consonance métallique me fit écarquiller les yeux. L'Alakazam venait de bloquer l'attaque du Sablaireau avec sa cuillère restante. Waouh.

- Tu l'as entraîné à faire ça ? interrogeai-je, mi-étonnée mi-envieuse.

Zack ne m'offrit pour toute réponse qu'un sourire arrogant. Typique. Un couinement étouffé de Grignotte me replongea dans le combat, signalant sans aucun doute qu'il venait se prendre un Choc Mental. Les deux Pokémon se regardaient droit dans les yeux, toujours engagés dans leur lutte physique.

- Ton autre bras ! hurlai-je à Grignotte.

La deuxième paire de griffes du Sablaireau balaya l'espace. Je vis l'Alakazam lever faiblement une main pour essayer de contrer également ce coup, ce qui s'avéra être une tentative sans espoir. La force et la vitesse clairement supérieures de Grignotte lui permirent de toucher au but, et un battement de cœur plus tard, trois sillons ensanglantés marquaient la fourrure de son adversaire. Le corps tout entier de l'Alakazam frémit, puis les deux Pokémon se désengagèrent, chacun s'écartant de l'autre avec méfiance.

Une seconde de latence, une seconde pour respirer, pour souffler, et puis l'air vibra à nouveau entre eux. Grignotte fonça alors que je lui criais d'en finir, fermant les yeux pour échapper au regard chargé d'énergie psychique de l'Alakazam. Il frappa des deux bras, se servant de la figure en X qui lui avait déjà apporté la victoire contre le Pokémon psy lors de leur combat au siège de la Sylphe SARL. Sauf que cette fois-ci, l'Alakazam avait l'air d'avoir trouvé une parade : juste avant que les griffes du Sablaireau ne l'atteignent, ses yeux dorés étincelèrent et un nuage de poussière enveloppa soudain les deux Pokémon, les soustrayant à notre regard.

Zack m'adressa un autre sourire qui suintait l'arrogance. Je lui renvoyai un regard calme et empli d'assurance - avant de croiser les doigts pour Grignotte dans mon dos.

Un couinement de douleur retentit.

Suivi d'un grognement.

Puis le silence.

Lorsque la poussière retomba et que les deux Pokémons redevinrent visibles, nous les découvrîmes écroulés l'un sur l'autre, tous les deux vivants mais clairement pas en état de continuer à se battre. Zack fit la moue.

- Match nul ? suggérai-je.

- Techniquement, ça peut se produire, mais c'est rarissime...

- Ah non, attends ! Je sais comment nous départager, annonçai-je. Pierre, papier, ciseaux.

Zack émit un grognement mais ne protesta pas.

- À trois : un, deux, trois !

Un poing fermé rencontra une main ouverte.

- Haha ! triomphai-je. Comme je le disais, direction l'île 2 pour livrer la météorite.

- Ta chance ne durera pas éternellement, tu sais, m'avertit Zack alors que nous rappelions chacun notre Pokémon.

J'en étais bien consciente, mais je préférais ne pas penser à ce qui se passerait lorsqu'elle m'abandonnerait.

***

- Blai.

- Alakazam.

- Blaaaiii.

- Alakazam.

Cet étrange dialogue se déroulait juste sous nos nez, à Zack et moi, alors que nos deux Pokémon qui s'étaient affrontés en duel plus tôt se livraient à une joute verbale.

- De quoi ils parlent à ton avis ?

- Aucune idée... me répondit mon homologue dresseur.

- Je parie que ça a un rapport avec leur combat de tout à l'heure.

- M'étonnerait, estima Zack. Alakazam n'aime pas ressasser le passé. Sa nature de Pokémon psy le porte à se projeter dans l'avenir.

Nos autres Pokémon se trouvaient tout autour de nous, engagés dans diverses activités. À peine arrivés sur l'Île 2, nous nous étions arrêtés pour pique-niquer, contraints et forcés par l'appel de nos estomacs. Nous avions choisi une petite plage ensoleillée pour ce moment de détente, et la moitié de nos Pokémon en avaient profité pour aller jouer dans l'eau - Plouf, Pleind'Soupe, et Teigne affrontaient le Léviator de Zack, son Noadkoko et son Roucarnage dans une partie endiablée de "Arrose-moi si tu peux". Salade, lui, avait préféré rester au bord, à absorber les rayons du soleil. Le Dracaufeu de Zack se tenait près de lui, mais contrairement à Grignotte et l'Alakazam, ils ne se parlaient pas. Quant à la Rhinocorne, elle somnolait près de nous, ouvrant parfois un œil pour vérifier qu'elle n'était pas en danger de se prendre une gerbe d'eau, j'imagine.

Restait Maraude, qui bien sûr se tenait à l'écart de chacun des groupes, le plus loin possible de nous sans toutefois se trouver hors de notre vue.

- Tu devrais la faire évoluer, me conseilla Zack alors que je fixais la Goupix du regard, songeuse. En tant que Goupix elle est trop faible, et tu vas avoir besoin de puissance.

- Pour l'arène de Jadielle ? interrogeai-je en mordant dans mon sandwich.

- Nan, elle te sera pas utile pour l'arène. Je te parle de plus tard.

- Plus tard... répétai-je.

Se projeter dans le futur, pour agréable que puisse être l'activité, m'amenait un lot de questions sans fin. Allais-je réussir à rentrer chez moi si je triomphais du Conseil des Quatre ? À en croire la prophétie de Morgane, la clef résidait dans le fait de vaincre le Pokémon le plus puissant. Je supposais que ce fameux Pokémon correspondait à celui que j'avais entrevu dans ma vision, et dont la statue se trouvait au manoir de Cramois'île, car tout cela faisait beaucoup de trop de coïncidences autrement.

Mes pensées revinrent aux paroles de Zack. Faire évoluer Maraude... J'en avais la capacité, la pierre Feu achetée à Céladopole n'avait jamais quitté le fond de mon sac. Mais était-ce vraiment sage ? La Goupix n'avait pas du tout l'air de vouloir faire partie de l'équipe, et même si elle se tenait à carreaux pour l'instant, la forcer à quoi que ce soit ferait voler en éclats cet équilibre précaire. Je résolus de lui proposer l'idée d'ici quelques jours si son comportement s'y accordait.

Je terminai mon sandwich en quelques bouchées, malgré son goût pas terrible.

- J'en ai un peu marre de manger ces trucs tout préparés... grommelai-je. Qu'est-ce que je donnerais pas pour un bon gratin de patates.

- Rhinocorne ?

La Rhinocorne de Zack venait de se lever, et elle me dévisageait de ses petits yeux marrons.

- Euh, salut, dis-je, incertaine.

- Rhino ? répéta-t-elle, l'air perdu.

Son regard passa de moi à Zack, qui baissa la tête avec un soupir.

- J'ai manqué un truc ? demandai-je en sachant que la réponse était oui - la réponse était toujours oui, de toute façon.

- C'est son surnom, maugréa Zack.

- Hein ?

- Patate, clarifia-t-il. C'est comme ça que son dresseur précédent l'avait surnommée, et elle ne réagit qu'à ça.

J'éclatai de rire.

- Et après tu oses... te moquer des surnoms... de mes Pokémon ? fis-je, le souffle court, ma phrase entrecoupée de moments d'hilarité incontrôlables.

Il me répondit d'un geste rude. Pour une raison obscure, cela ne fit que redoubler mon fou rire. Le voir vexé de la sorte avait quelque chose d'irrésistiblement drôle.

- Non mais... Patate, quoi, articulai-je avec difficulté. Patate !

Je ne vis rien venir.

Une ombre tomba du ciel, silencieuse et mortelle. Il y eut une violente bourrasque qui envoya valser toutes nos affaires, suivie d'un tourbillon de sable qui m'aveugla. Je me plaquai au sol par réflexe. Durant un instant je n'entendis que mon propre sang qui battait à mes tempes, et puis le battement de grandes ailes s'imposa à mes oreilles, avant de décroître progressivement. Je recrachai le sable que j'avais dans la bouche et risquai un regard vers le ciel. Le coupable s'enfuyait à tire-d'ailes. Un Rapasdepic. Et dans son bec, il tenait sa proie.

Mon sac à dos.

Mon sac à dos, où se trouvait toutes mes affaires. Mes réserves de nourriture. Mon stock de Pokéballs. Mon Pokédex.

Et Souris, les deux Poilus, et Princesse.

- Non ! Reviens ! criai-je au Pokémon en sachant bien que c'était inutile.

À mes côtés, Zack était déjà debout. Je l'entendis siffler, et quelques secondes plus tard son Roucarnage répondit à l'appel. Il l'enfourcha d'un bond, et le décollage du Pokémon oiseau m'arrosa à nouveau de sable. Je les suivis du regard tandis qu'ils s'élançaient à la poursuite du voleur. Le Rapasdepic avait beaucoup d'avance, mais le Roucarnage gagnait peu à peu du terrain.

Alertés par l'incident, mes Pokémon me rejoignirent, formant un cercle autour de moi.

- Tor ? s'enquit Plouf en crachant un petit jet d'eau en l'air.

- Non, il est trop loin... dis-je, ayant compris ce qu'il suggérait. Et même si tu pouvais l'atteindre avec ton Hydrocanon, tu risquerais de toucher Zack.

Comme toujours, mon jeune maître a agi trop impulsivement, critiqua l'Alakazam.

- Blaireau, lui fut-il répondu.

Alors que Zack et son Roucarnage allait rattraper le Rapasdepic, celui-ci lâcha mon sac. Je poussai une exclamation en voyant mon bien le plus précieux dégringoler depuis les hauteurs, en route pour une collision des plus brutales avec le sol. Le Roucarnage plongea, la petite silhouette sur son dos plaquée contre lui. Le Rapasdepic, débarrassé de ses poursuivants, opéra un demi-tour et revint droit vers nous, son bec étincelant au soleil tandis qu'il fendait l'air. Pendant un très court moment, je fus paralysée par la peur, propulsée quelques jours en arrière, face à l'Artikodin. Mais je me repris aussitôt : ce n'était pas un Pokémon légendaire que j'avais face à moi, mais un simple oiseau qui avait mal choisi sa proie.

- Plouf, Hydrocanon dès qu'il est à portée ; Salade, sers-toi de tes lianes pour l'empêcher de fuir ; Teigne, fais ce que tu peux, lançai-je rapidement en surveillant l'avancée du Rapasdepic.

Je jetai un rapide coup d'œil vers l'horizon pour jauger la situation de Zack et de son Roucarnage, et en définitive je restai à les regarder bien plus longtemps que quelques secondes car j'assistai à une acrobatie au cours de laquelle Zack rattrapa mon sac, avant que son Roucarnage ne redresse son vol, évitant le sommet d'un palmier de justesse.

- Léviatoooor ! gronda Plouf, m'avertissant de l'arrivée du Rapasdepic en même temps qu'il projetait un formidable jet d'eau concentré dans les airs.

L'oiseau chapardeur évita cette première attaque en piquant brusquement. Les lianes de Salade claquèrent à sa rencontre ; l'une d'entre elles le toucha à l'aile gauche alors qu'il tentait de les éviter. Son vol se fit plus instable, il faillit s'écraser mais réussit à reprendre de l'altitude. Un cri strident quitta son bec, empli de défi. Il fonça sur notre petit groupe.

Plouf ouvrit la gueule, les lianes de Salade montèrent à l'assaut, Teigne bondit...

...mais ce fut un jet de flammes qui terrassa le Rapasdepic. L'oiseau se crasha dans le sable et termina sa course à quelques mètres devant moi, les plumes fumant encore. Une certaine Goupix était dressée en travers de son chemin.

- Maraude ? interrogeai-je, ayant du mal à y croire.

Elle se retourna et m'adressa un regard dur, avant de s'éloigner d'une démarche royale. Je retins un soupir. Je sentais que la communication avec elle allait se révéler un vrai casse-tête...

- Salade, ligote notre ami ailé, indiquai-je à mon Florizarre.

Le Rapasdepic se retrouva cloué au sol par un réseau complexe de lianes. Teigne s'approcha de lui et lui planta son pied sur le bec afin d'être sûr qu'il ne puisse pas s'échapper. Une ombre nous cacha le soleil quelques secondes plus tard : Zack était de retour. Il sauta à terre agilement alors que son Roucarnage ne s'était même pas encore complètement posé et s'avança pour me tendre mon sac à dos.

- Je crois que tu as perdu ça, me dit-il, réussissant à adopter un ton à la fois amical et sarcastique.

- Merci, répondis-je, trop soulagée d'avoir récupéré mes affaires pour songer à faire une blague.

Je vérifiai que tout était là, effleurant les quatre Pokéballs grisées au passage, puis m'emparai d'une Pokéball vide.

- Un Rapasdepic ? s'étonna Zack. Tu préfères pas attendre de croiser un Pokémon plus fort ou plus rare ?

- J'ai trop besoin d'un Pokémon de type vol pour faire la difficile, et celui-là a l'air particulièrement fort, répliquai-je en lançant la ball sur le Rapasdepic.

Elle remua une fois, puis deux, avant de s'immobiliser. Un petit coup de Pokédex et j'appris que mon nouveau Pokémon était un mâle, juste avant que sa Pokéball ne disparaisse.

- Léo et son ami ont déjà réussi à réparer le système de stockage ? m'étonnai-je. Il avait dit...

- Singe ! m'interrompit Teigne. Singe, Colossinge !

Je baissai la tête vers elle.

- Singe, continua-t-elle tout en frappant ses deux poings l'un contre l'autre.

Elle désigna l'endroit où s'était tenu le Rapasdepic vaincu, puis les Pokéballs à ma ceinture, et secoua la tête.

- Je sais que tu n'aimes pas les oiseaux, Teigne, commençai-je patiemment, et je ne te forcerai pas à être dans l'équipe en même temps que lui si ce moment doit venir un jour... mais essaie de comprendre l'avantage que représente un Pokémon de type vol.

Elle croisa les bras.

- Singe, répéta-t-elle d'un ton buté.

- C'est décidé, lui opposai-je d'un ton tout aussi buté. Fulgure nous accompagnera si j'ai besoin de lui.

Si je ne parviens pas à amadouer Maraude, terminai-je en mon for intérieur.

La Colossinge s'éloigna sans rien ajouter de plus.

- Et toi, ajoutai-je à l'intention de Zack en voyant qu'il souriait, je t'interdis de dire quoi que ce soit sur le surnom de mon nouveau Rapasdepic.

- Je n'en avais pas l'intention, se défendit-il. Mais je te ferais remarquer qu'on a déjà perdu bien trop de temps avec cette pause déjeuner.

Il venait d'avancer un argument sans faille, je lui laissai donc le dernier mot. Il ne nous fallut que quelques minutes pour rassembler nos affaires, rappeler nos Pokémon et quitter la plage. L'Île 2 n'abritait qu'une petite dizaine de maisons et il fut aisé de repérer la salle de jeux : c'était à la fois la plus grande et la plus haute, occupant deux fois plus de place et possédant un second étage.

Nous avions à peine fait un pas à l'intérieur qu'un type au ventre bedonnant qui devait avoir la quarantaine au vu de ses cheveux poivre et sel nous interpella :

- J'peux vous aider, les jeunes ?

- Ciléo nous a chargé de vous apporter une météorite de sa part, lui dis-je en lui remettant l'objet en question. Pour vous dédommager des dégâts qu'il a causé à vos machines à sous.

- Hum ? Oh, effectivement, il m'avait parlé de ça...

Il fit rouler la pierre dans sa main, lui accordant à peine un coup d'œil. Pour quelqu'un qui était soit-disant un passionné, c'était un peu froid comme réaction.

- Bien, on a à faire ailleurs nous, lança Zack. Au revoir.

J'aurais dû le suivre. Nous nous étions acquittés de notre tâche et les Îles s'offraient à nous, ne demandant qu'à être explorées. Et pourtant, je ne pus m'empêcher de demander :

- Il y a quelque chose qui vous embête ?

- Léa... gronda Zack dans mon dos.

L'homme parut hésiter, avant d'avouer :

- C'est ma fille, je m'inquiète pour elle. Elle est partie ce matin pour l'Île 3 et aurait dû rentrer à midi, mais cela fait deux heures que je l'attends. Elle n'est jamais en retard d'habitude, je sais qu'il a dû se passer quelque chose...

- Allez la chercher vous-même si vous êtes si inquiet, rétorqua Zack.

- Je l'aurais fait si j'en étais capable, mais le système de stockage pour Pokémon est en panne sur toutes les Îles. Je suis coincé, je ne peux pas affronter les Pokémon du Bois Baies par moi-même ! Mais vous... vous avez des Pokémon, continua-t-il d'une voix pleine d'espoir, vous pouvez y aller et me ramener ma fille !

- Ne vous inquiétez pas, on va aller la chercher, décidai-je.

- Léa, tu... commença Zack.

- Rien ne t'oblige à m'accompagner, le coupai-je. Tu peux rester sur cette île si ça te chante, et l'explorer tout ton content. Mais moi, je vais sur l'Île 3.

Il se passa la main dans les cheveux avec un soupir d'exaspération.

- Sois pas stupide, tu tiendrais pas cinq minutes sans moi, rétorqua-t-il ensuite.

- Ma petite Lostelle a 10 ans, nous informa l'homme. Elle a les cheveux roux, ne va nulle part sans sa peluche Évoli, et si tout va bien elle devrait être accompagnée d'un Caninos...

- On va la retrouver, lui assurai-je.

Ce fut sur ces mots que nous repartîmes. L'Île 3 ne se trouvait qu'à quelques minutes de ferry de l'Île 2, un voyage que nous effectuâmes en silence. J'eus une forte impression de déjà vu lorsque nous nous aventurâmes au-delà du débarcadère : l'île abritait le même type de mini-village que la 2. À deux exceptions près cependant : ici, pas de salle de jeux, et il y avait beaucoup plus de monde dans les rues. En fait, il s'agissait même d'un véritable attroupement.

Zack et moi nous en approchâmes pour voir ce qu'il se passait. Au centre du rassemblement d'habitants, une bande de motards défiait la foule du regard. Ils n'étaient pas nombreux par rapport à leurs opposants, mais leur accoutrement semi-militaire les rendaient bien plus intimidants, et le rapport de force jouait en leur faveur : je distinguai des ceintures de six Pokéballs chez plusieurs d'entre eux alors que les habitants de l'île ne disposaient que d'un Pokémon de ci de là.

- Allez-vous en ! s'écria un vieil homme qui était accompagné d'un Boustiflor. Vous n'avez rien à faire ici, c'est notre île !

- Votre île ! s'esclaffa l'un des motards.

Un foulard à tête de mort ornait son crâne chauve, il arborait plusieurs boucles d'oreilles, et lorsqu'il sourit au vieil homme, je comptai au moins deux dents en or.

- Vous entendez ça, les gars ? continua-t-il d'une voix moqueuse.

Ses acolytes se mirent à rire de concert.

- Écoute-moi bien, papy, et vous aussi, vous autres ! Désormais, cette île nous appartient. On vous laisse vingt-quatre heures pour plier bagage et rentrer sur le continent, et si vous êtes trop lents, nos Pokémon se feront un plaisir de vous aider à déguerpir.

- Vous n'avez pas le droit ! protesta une femme qui portait un Miaouss dans ses bras.

- Ah non ? fit le motard qui semblait être le chef en se penchant vers elle. Et qu'est-ce qu'elle compte y faire, la fifille ? Elle va nous faire fuir avec son petit Miaouss ?

- Et qu'est-ce que tu dirais d'un Alakazam ?

Joignant le geste à la parole, Zack s'avança et libéra son Pokémon psy. La foule s'écarta dans un bruit de murmures. Le motard, lui, fronça les sourcils.

- Vous êtes qui, vous ? Le duo des demi-portions ? railla-t-il en nous jaugeant.

- Le duo qui va te faire regretter d'avoir mis le nez dehors aujourd'hui, répliqua Zack, le sourire aux lèvres.

Je me rapprochai de lui.

- Tu vois, si tu étais resté sur l'Île 2, tu aurais manqué cette belle occasion, argumentai-je.

- OK, j'admets que tu as un don pour t'attirer des ennuis. Ça te va ?

- Un petit "T'avais raison", c'est trop dur, hein ?

- Il en faudra plus que ça pour que ces mots-là sortent de ma bouche...

- Hé ! nous apostropha le chef. Ça suffit, les petits rigolos ! On va vous donner une bonne leçon et vous allez rentrer en pleurant chez vos parents !

Il fit signe à ses acolytes et ils libérèrent leurs Pokémon. En quelques secondes, l'endroit grouillait de Smogo et de Tadmorv. La foule des habitants recula plus encore, nous laissant le champ libre pour l'affrontement qui allait suivre. Je fis sortir Teigne en premier par habitude - quand je voulais de la puissance de feu, elle constituait le choix le plus logique -, et m'apprêtai à rajouter Salade, Plouf et Grignotte pour bonne mesure lorsque Zack m'arrêta d'un geste.

- Attends, j'ai une meilleure idée, me chuchota-t-il.

- Quoi ? répondis-je de la même manière.

Je m'attendais à une longue explication mais sa réponse tenait en un seul mot :

- Téléportation.

Il l'accompagna d'un regard significatif vers son Alakazam, puis Teigne. Je me mordillai la lèvre, indécise. Je voyais comment ça pouvait marcher, mais est-ce que Teigne accepterait un tel traitement ? Je cherchai les yeux de la Colossinge et y trouvai comme d'habitude une confiance totale.

Je lui ai expliqué le procédé, fit la voix mentale de l'Alakazam dans ma tête. Elle est d'accord.

- OK, essayons ça, renvoyai-je à Zack dans un murmure.

- Qu'est-ce que vous avez à chuchoter, les demi-portions ? s'impatienta le motard en chef. Vous avez trop la trouille de crier vos ordres normalement ? C'est trop tard pour reculer maintenant ! Allez, à l'attaque !

Cinq Smogo et autant de Tadmorv lancèrent leurs attaques poisseuses sur nos deux Pokémon. Il y eut un scintillement violet, et tout à coup ils se volatilisèrent. Teigne réapparut au-dessus d'un Tadmorv, en profitant pour l'écraser d'un coup de poing qui bénéficiait d'un ajout de la gravité. L'Alakazam, lui, avait choisi de se positionner derrière les motards, ne facilitant pas du tout la tâche à leurs Pokémon question visée. Évidemment, lui n'était pas encombré par ce problème-là. L'air vibra soudain sous la puissance de ses attaques mentales, et deux des Smogo partirent s'écraser au sol.

- Tous sur la Colossinge ! vociféra le chef des motards.

L'entendre donner un tel ordre me retourna l'estomac. Mais mon inquiétude n'avait pas lieu d'être : avec l'aide de son allié, Teigne se révélait insaisissable. Elle apparaissait et disparaissait tel un feu follet, distribuant baffes et coups de pieds à quiconque se trouvait à portée. Le nombre de Pokémon adverses se réduisait à vue d'œil.

- Ils forment une bonne équipe, constatai-je.

- On forme une bonne équipe, corrigea Zack.

Face à cette déroute, le chef changea de tactique.

- Oubliez la Colossinge, visez l'Alakazam !

Quatre jets d'un liquide noir partirent en direction du Pokémon psy. Ce dernier s'évanouit dans un flash violet. Alors que ses attaquants le cherchaient, Teigne surgit au milieu d'eux et les envoya valser. L'Alakazam réapparut près de Zack tandis que Teigne infligeait une correction au dernier Tadmorv. Lorsque son adversaire perdit connaissance, la Colossinge tournoya sur elle-même, les poings levés, puis sembla réaliser qu'il n'y avait plus personne à combattre et revint vers nous en sautillant, visiblement toute heureuse.

- Allez, barrez-vous avant qu'on se fâche, lança Zack à la bande de délinquants.

- Ça va pas se passer comme ça ! rugit leur chef.

Une Pokéball décorée d'une tête de mort tournoya dans les airs. Un Smogogo en sortit. Je me raidis, une fraction de seconde avant que je n'entende l'ordre donné par le motard :

- Destruction sur eux !

Il y avait environ dix mètres entre le Smogogo et nous. Une poignée de secondes pour agir, le temps que le Pokémon suicidaire nous atteigne.

Je m'emparai de la Pokéball qui contenait Pleind'Soupe et l'ouvris, les cris de la foule paniquée résonnant à mes oreilles...

Je vis l'Alakazam s'avancer, une énergie violette s'accumulant tout autour de lui...

Zack se plaça devant moi, les bras écartés...

...alors que la lumière de la rouge sortie de la Pokéball se matérialisait...

Et puis le choc.

Chaleur et lumière, insoutenables.

Le rempart imposant formé par le Ronflex nous épargna le plus gros de l'explosion, ne laissant passer que quelques faibles ondes de choc. Elles furent cependant suffisantes pour que j'ai brièvement l'impression de me retrouver au cœur d'un concert de rock. Le calme revint aussi rapidement qu'il avait été brisé, et je poussai un soupir, suivi d'un deuxième en entendant Pleind'Soupe prendre une inspiration sonore.

- Ça va ? demandai-je en posant une main sur l'épaule de Zack.

J'avais été doublement protégée : par lui et par mon Ronflex. Lui n'avait eu que Pleind'Soupe pour lui servir de bouclier.

- Ouais, acquiesça-t-il en recouvrant ma main de la sienne. Bon réflexe, ajouta-t-il.

- J'ai de l'entraînement, répondis-je quelque peu amèrement.

Il se retourna vers moi. Sa main n'avait pas lâché la mienne. Je vis sa pomme d'Adam se soulever quand il avala sa salive. Nos yeux se croisèrent. Il leva une main... Je restai sans bouger, le cœur battant toujours la chamade bien que le danger soit passé.

Qu'est-ce qu'il... ?

Des cris résonnèrent soudain tout autour de nous, nous rappelant brutalement que nous n'étions pas seuls. La main de Zack se referma en un poing et il se détourna.

- Ne traînons pas, dit-il sans me regarder. On a encore une petite fille à sauver.

Je fermai les yeux un court instant, le temps d'enterrer très très profond la minuscule note de déception qui n'aurait vraiment vraiment pas dû exister, puis emboîtai le pas à mon rival. Nous contournâmes Pleind'Soupe pour découvrir les habitants en train de maîtriser les motards qui avaient essayé de s'enfuir. Teigne et l'Alakazam se tenaient côte à côte pas très loin. Je pris le temps d'échanger un hochement de tête avec la Colossinge, puis tapotai le flanc de mon Ronflex.

- Pas trop secoué le gros ?

Un ronflement rauque me répondit, ce qui ne m'étonna même pas. Pleind'Soupe était capable de s'endormir dans les situations les plus improbables - si la fin du monde devait arriver, il la passerait sûrement en train de pioncer. Je le rappelai dans sa Pokéball en le remerciant de nous avoir sauvé la mise, même s'il ne pouvait pas m'entendre. Ensuite, je rejoignis Zack, qui était occupé à discuter avec le vieil homme au Boustiflor.

- Qui que vous soyez, vous avez toute notre gratitude pour votre intervention, était-il en train de dire. Grâce à vous, nous allons pouvoir remettre ces délinquants entre les mains de la police. Vous êtes vraiment arrivés au bon moment, avec nos PC bloqués nous n'aurions pas pu faire grand chose contre eux...

- Léo est en train de réparer tout ça, l'informai-je, le système devrait être à nouveau opérationnel d'ici ce soir.

- Une bonne nouvelle, se réjouit-il. Mais dites-moi, qu'est-ce que deux jeunes dresseurs comme vous viennent faire sur l'Île 3 ?

- Paraît qu'il y a des Pokémon rares dans le coin, déclara Zack, avant que je ne puisse aborder le sujet de Lostelle.

- Pas ici, non, le détrompa le vieil homme. Les Îles 2 et 3 sont majoritairement résidentielles, vous n'y trouverez pas de Pokémon de collection. Il vous faudra explorer les autres îles.

- Vous sauriez nous indiquer la direction du Bois Baies ? enchaînai-je alors que Zack ruminait cette nouvelle information.

Le vieil homme hocha la tête et nous expliqua la marche à suivre, puis nous remercia une nouvelle fois avant de retourner vers ses concitoyens. Nous suivîmes ses instructions, traversant un pont et longeant une plage avant de parcourir un chemin bordé des fameuses hautes herbes que l'on retrouvait partout dans le monde Pokémon.

Un vol de Roucool surgit soudain sur notre gauche, s'envolant à quelques mètres devant nous.

- Ça compte, tu crois ? m'enquis-je.

- Ça compte, confirma Zack.

De toute façon, je n'avais plus besoin de Pokémon de type vol, raisonnai-je.

Nous fûmes bientôt sous les frondaisons, sans que la transition avec le chemin herbeux soit évidente. Fidèle à son nom, le bois abondait en gros buissons couvert de baies, dans des tons principalement vert et jaune. Il n'avait pas l'air d'être très grand - c'était une petite île, après tout -, mais le caractère touffu des buissons et le manque de lumière le transformait en une sorte de labyrinthe végétal.

- Lostelle ? m'écriai-je, mettant toute la puissance que je pouvais dans ma voix en espérant obtenir une réponse.

Mais il n'y eut que le silence.

- Alakazam, cherche une présence humaine, lui ordonna Zack.

Le Pokémon psy orienta ses cuillères dans quelques directions différentes, avant d'annoncer :

Suivez-moi.

J'indiquai d'un regard à Teigne de rester sur ses gardes. Nous suivîmes le Pokémon psy à travers le bois, les épines des buissons écorchant notre peau, le jus des baies tâchant nos vêtements alors même que nous faisions tout notre possible pour éviter l'un comme l'autre. De temps en temps, quelques Pokémon insecte ou plante venaient nous barrer la route et le duo Colossinge/Alakazam les renvoyait promptement d'où ils venaient. L'atmosphère était oppressante au cœur des sous-bois, comme le ciel lourd d'un soir d'été avant l'orage. Je jetais constamment des regards en arrière, avec l'impression désagréable d'être suivie.

Ce fut l'éclat de sa chevelure que je repérai en premier. La petite fille possédait une tignasse rousse impressionnante, tant en couleur qu'en volume, qui contrastait fortement avec le vert des alentours. Je passai devant Alakazam sur les derniers mètres, courant à la rencontre de la fillette. Quelque chose n'allait pas, je le sentais jusque dans mes tripes. Assise sous un arbre, Lostelle semblait perdue dans ses pensées. Je prononçai son prénom sans qu'elle ne réagisse.

- Lostelle ? répétai-je, m'accroupissant à sa hauteur.

Un détail anormal me frappa et je sentis une sueur froide descendre le long de mon dos. Ses yeux étaient vitreux. Je passai ma main devant et n'obtins aucune réaction.

- Qu'est-ce qu'on fait ? demandai-je en me tournant vers Zack. Tu te sens de...

La fin de ma phrase aurait dû être "la porter", mais ces mots ne franchirent jamais mes lèvres. Mes yeux avaient croisé ceux de Zack et les avaient trouvés vitreux également. Vides de toute expression. Mon rival était toujours debout, mais son corps semblait osciller légèrement, et il ne lui restait plus rien de l'assurance doublée d'arrogance qui émanait de lui en permanence.

Une boule de peur pure se matérialisa au creux de mon estomac.

Lentement, comme si ça allait retarder la vérité, je cherchai le regard de Teigne, puis de l'Alakazam. Eux aussi avaient succombé à cette étrange épidémie.

Qu'est-ce que c'est que ce truc... Et pourquoi je ne suis pas affectée ? Est-ce que ça a un rapport avec...

Une voix me coupa dans ma réflexion teintée de panique. Une voix bien connue :

- Tu m'as manqué, Léa...

Je me raidis.

Serrai les dents.

Et me levai pour faire face à mon frère.

***

En passant, je voudrais bien avoir votre avis sur les cliffhangers : vous en voulez plus/moins/pas du tout ? (Sachant que "pas du tout" est une fausse option parce que je pense pas en être physiquement capable. xD)


Équipe actuelle :
SaladeTeigneGrignottePloufPleind'SoupeMaraude

Cimetière :
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