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Entre infini et au-delà de Cyrlight



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Informations

» Auteur : Cyrlight - Voir le profil
» Créé le 24/02/2013 à 11:46
» Dernière mise à jour le 15/09/2020 à 09:30

» Mots-clés :   Action   Drame   Fantastique   Mythologie   Suspense

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Chapitre 42 : Hurt
« There's nothing I wouldn't do
To hear your voice again
Sometimes I wanna call you
But I know you won't be there »


Hurt - Christina Aguilera



— Je crois qu’elle se réveille ! s’exclama un timbre aigu. J’ai vu ses paupières bouger.
— Chut… Ne crie pas comme ça, tu risques de l’effrayer.

Cassy entendait des voix, mais qui lui paraissaient très lointaines. Elle se sentait comateuse, à galopa entre le rêve et la réalité. Elle n’était même pas sûre de savoir si elle était éveillée ou si elle dormait encore. Quelqu’un lui caressa doucement le front. La main était fraîche, elle offrait un contraste saisissant avec la touffeur ambiante.

— Essaye de lui faire boire un peu d’eau. C’est peut-être la déshydratation qui est à l’origine de son malaise.

Cassy sentit des doigts fins entrouvrir sa bouche pour verser un liquide désaltérant à l’intérieur. Elle eut des difficultés à avaler les premières gorgées, dans sa position allongée, mais cela lui fit le plus grand bien.

— Cynthia… Il y a un truc que je dois vous avouer. Elle a eu un comportement vraiment bizarre avant de s’évanouir. On aurait dit qu’elle était comme… hypnotisée, ou possédée. Ou qu’elle avait vu un fantôme. Vous pensez que ça peut être à cause des glyphes ?
— Que s’est-il passé, exactement ? interrogea l’autre voix, qui gagnait en netteté à mesure que Cassy revenait à elle.
— Elle a commencé par suggérer de vous rejoindre à l’hôtel, mais alors qu’on était en route, elle a soudain changé de cap. Elle était très pâle quand je l’ai rattrapée, et elle s’est presque effondrée tout de suite. Je n’ai pas eu le temps de réagir.
— Il y avait des pokémon dans les parages ?
— Non, sauf s’ils étaient invisibles. Il n’y avait que des passants, et encore, pas beaucoup. Ils ne nous ont prêté attention que quand je me suis mise à appeler à l’aide, parce que je ne savais pas quoi faire et que j’avais peur pour Cassy.

L’intéressée cligna mollement des yeux et fut presque aussitôt éblouie par la lumière qui brillait au-dessus de sa tête. Quelqu’un dut s’en rendre compte, car elle perçut du mouvement, puis le son d’un interrupteur que l’on actionne. Sous ses paupières qu’elle avait refermées, elle devina que l’ampoule venait d’être éteinte. Elle fit donc une nouvelle tentative.

La pièce dans laquelle elle se trouvait était désormais plongée dans la pénombre. Seule l’éclairait la lueur orangée du soleil couchant qui s’engouffrait par la fenêtre, dont les rideaux étaient à demi tirés. Les draps du lit moelleux sur lequel Cassy était étendue n’avaient pas été défaits.

— Tu nous as fait une sacrée frayeur, murmura Cynthia, assise sur le rebord du matelas.

Elle prit la main dans l’adolescente dans la sienne pendant que le regard de Cassy papillonnait à travers la chambre. Elle se remémora vaguement les rues de Vestigion, le musée, les sculptures érigées à l’entrée, et…

— Éric… souffla-t-elle.
— Quoi ?
— Je crois… J’ai vu Éric.
— C’est qui, Éric ? s’enquit Léa, tandis que les prunelles de Cynthia s’écarquillaient.
— Je… Je ne sais pas. Elle est sans doute encore en train de divaguer. Est-ce que tu peux descendre à l’accueil et demander à ce qu’on nous apporte de quoi nous restaurer ? Avec beaucoup de Soda Cool, si possible. Cassy va avoir besoin de sucre.

Soucieuse de se rendre utile et de venir en aide à son amie, Léa s’exécuta promptement. Comme Cassy essayait de se redresser, Cynthia l’assista en la saisissant par les aisselles pour l’adosser au mur, un oreiller glissé entre la paroi et les omoplates de la jeune fille afin que sa position soit plus confortable.

— Bois encore un peu, conseilla la Championne en lui tendant une bouteille d’eau entamée. Et raconte-moi tout.

Cassy étant assoiffée, elle se désaltéra longuement avant de s’essuyer la bouche avec la manche de sa chemise. Son bras tressautait nerveusement lorsqu’elle le ramena le long de sa jambe.

— Il y avait… un garçon. Enfin, plutôt un jeune homme. Il portait une blouse blanche. Et Éric portait presque toujours une blouse blanche. Comme Régis. Ses cheveux étaient aussi noirs que les miens, et son allure… Elle m’était familière. Très familière.
— Et tu penses réellement qu’il pourrait s’agir de ton frère ?
— Je…

Sur l’instant, Cassy l’avait cru, et elle voulait encore le croire, mais pas au point de l’affirmer catégoriquement. C’était tellement invraisemblable…

— En fait, non, je n’en suis pas sûre. Il faisait chaud, le soleil m’éblouissait… J’ai peut-être seulement vu ce que j’avais envie de voir.
— Peut-être. Tu te souviens de ce que tu m’as dit, le jour où nous avons découvert ses notes, dans sa chambre ? Que l’idée qu’il puisse être toujours vivant t’avait traversé l’esprit, avant que tu te ravises.

Cassy s’en rappelait, en effet. Si Éric était encore de ce monde, et surtout libre, jamais elle n’aurait trouvé ses travaux. Son premier réflexe aurait été de les récupérer. Puisqu’il ne l’avait pas fait, cela ne pouvait mener qu’à une conclusion sans appel.

Une bile acide afflua dans la gorge de l’adolescente, qui la ravala avec une grimace. Il y avait tant de raisons pour lesquelles elle aurait souhaité retrouver son aîné sain et sauf. Par affection, bien sûr, mais aussi – et surtout – parce qu’Éric aurait certainement su la sortir du brouillard dans lequel elle s’enfonçait un peu plus chaque jour.

Elle aurait pu l’interroger au sujet de ses recherches, obtenir des réponses à toutes les questions qu’elle se posait sur sa famille, lui soutirer des éclaircissements à propos des glyphes… Tout ce qui lui faisait défaut à l’heure actuelle, en somme.

— Vous avez raison, admit-elle à l’intention de Cynthia. C’est moi qui m’accroche à de faux espoirs.

Le Maître de Sinnoh passa un bras autour de ses épaules et invita Cassy à se blottir contre elle afin de la réconforter. La jeune fille s’imprégna de son parfum de citronnelle, savourant cette étreinte. Cynthia était ce qui se rapprochait le plus pour elle d’une figure maternelle depuis qu’elle avait perdu sa mère, tout comme Régis était devenu le substitut de son frère.

Le cœur de Cassy se serra lorsqu’elle songea qu’en réalité, Éric et lui étaient très différents. Le petit-fils du professeur Chen était son meilleur ami, son confident, celui qui la soutenait dans sa quête et lui remontait le moral quand il venait à lui faire défaut.

À l’inverse, Cassy – ou plutôt Kathy – ne s’était jamais vraiment entendue avec Éric. Même si elle s’efforçait de ne garder en mémoire que les bons souvenirs qu’ils avaient partagés, elle ne pouvait nier qu’il en existait également des mauvais. Beaucoup de mauvais. Ils se disputaient plus souvent qu’ils n’étaient d’accord, et leurs priorités étaient généralement incompatibles. À maintes reprises, la cadette avait reproché à son aîné de lui préférer ses expériences, tandis que lui-même l’accablait en raison de son goût pour ce qu’il appelait des futilités.

Cassy regrettait toutes ces fois où ils s’étaient querellés pour des broutilles, et où ils avaient eu des mots très durs l’un envers l’autre, à seule fin de se blesser. Elle aurait dû savourer chaque instant passé avec Éric, au lieu de les gaspiller sottement. Comme une vague de mélancolie, provoquée par la pensée de son frère, menaçait de la submerger, l’adolescente s’empressa d’aborder un autre sujet.

— J’ai revu la femme, révéla-t-elle. Celle des Colonnes Lances. Elle a prétendu que j’attendais d’elle des informations. Comme elle restait évasive, je l’ai accusée d’être le fruit de mon imagination, mais…
— Mais ?
— Juste avant de disparaître, elle s’est arrangée pour me montrer sa gorge. Ce fut bref, mais je suis certaine d’avoir aperçu un glyphe.
— Lequel ?
— Une barre verticale avec une autre plus petite à sa droite, surmontée d’un trait horizontal. Le symbole du type spectre.
— Et tu es donc désormais convaincue qu’il ne s’agit pas d’un simple rêve.
— Pas vous ? Que mon inconscient me joue un mauvais tour une fois, je veux bien, mais deux… Cynthia, cette femme apparaît complètement nue dans mes visions. Pourquoi est-ce que mon cerveau inventerait ça ? S’il décidait de m’envoyer un guide onirique, selon toute logique, ce serait plutôt Éric, non ? Pas une parfaite inconnue.
— Elle ne t’évoque vraiment rien ? Rien du tout ?
— Non. Et elle ne manque pas de me le reprocher, d’ailleurs. Elle a encore fait une allusion à ça.
— Quel genre d’allusion ? interrogea Cynthia.
— Elle affirme que c’est parce que je ne la connais pas que je n’avance pas.
— Dans ce cas, il nous faut découvrir qui elle est.
— Comment ? se lamenta Cassy. Je ne sais rien d’elle, si ce n’est à quoi elle ressemble.

À la demande du Maître de Sinnoh, elle se lança dans une description détaillée de la femme. Elle évoqua ses longs cheveux roux, ses yeux noisette aux cils épais, son menton proéminent, son air un peu hautain, ses formes pulpeuses, son maintien élancé… Elle n’omit rien de ce dont elle se souvenait. Cynthia l’écouta patiemment, enregistrant mentalement chacune de ces informations.

— Je pense qu’il va falloir concentrer nos recherches sur elle, à partir de maintenant, conclut-elle. C’est la seule piste viable que nous ayons. Les autres ne conduisent nulle part.

Tout en prononçant ces mots, elle jeta un regard en coin à la petite table installée contre le mur, près de la fenêtre. Son plateau disparaissait presque entièrement sous une quinzaine de livres aussi épais que poussiéreux.

— J’ai fait un saut à la bibliothèque en attendant que tu reprennes connaissance. D’ordinaire, ils ne permettent pas aux ouvrages anciens de quitter l’enceinte du bâtiment, mais…
— Vous êtes le Maître de Sinnoh, compléta Cassy avec l’ombre d’un sourire. Personne ne peut rien vous refuser.

Cette remarque conclut leur conversation, car Léa revint au même moment en compagnie d’un groom qui poussait un chariot à roulette. Trois plateaux étaient posés dessus, et tous étaient remplis de délicieuses victuailles. Cynthia lui remit un pourboire, puis empila les livres éparpillés sur la table afin de dégager assez d’espace pour y installer la nourriture.

Elles dînèrent en silence, même Léa qui trouvait généralement toujours quelque chose à raconter. Sans doute pensait-elle que Cassy avait besoin de calme pour se remettre de son malaise, aussi s’efforçait-elle de réfréner son tempérament bavard. L’adolescente en fut touchée. Effectivement, elle savourait bien mieux l’absence de discussion.

Quand elles eurent terminé leur repas et qu’un autre employé de l’hôtel fut venu les débarrasser de leur vaisselle sale, Cynthia se replongea dans les quelques ouvrages qu’elle n’avait pas eu le temps d’étudier. Cassy l’imita, au contraire de Léa, écartée de cette tâche par le Maître de Sinnoh. Ces livres étaient précieux et nécessitaient beaucoup de précautions, or elle doutait que la fillette soit suffisamment délicate pour les manipuler. Celle-ci se rabattit donc sur un dessin animé qu’elle regarda à la télévision.

Elle s’écroula cependant de fatigue sur son lit peu de temps après, épuisée par les quatre jours de voyage qu’elles venaient d’effectuer. Cynthia, estimant qu’elles avaient toutes mérité un peu de repos, abandonna un lourd pavé à la reliure de cuir et conseilla à Cassy de s’apprêter pour la nuit.

Bien qu’elle soit restée inconsciente une grande partie de l’après-midi, la jeune fille était elle aussi exténuée, en dépit de quoi elle ne parvint pas à trouver le sommeil. Trop de pensées se bousculaient dans sa tête. Les mystères entourant sa famille, les glyphes, l’inconnue des limbes… Autant de choses qui échappaient à son entendement.

Dans l’espoir de se vider un peu l’esprit, Cassy décida de sortir marcher dans le couloir. La moquette étouffait le bruit de ses pas tandis qu’elle allait et venait devant la porte de la chambre. Comme cela ne suffisait pas à la détendre, elle s’arrêta à hauteur d’une large fenêtre et accola son front à la vitre fraîche.

La ville de Vestigion semblait paisible, endormie, à l’instar de ses habitants. Elle était recouverte d’un voile d’obscurité, dissipé à intervalles réguliers par la lumière jaunâtre que diffusaient les lampadaires. Cassy les contempla mélancoliquement. Si seulement ils pouvaient aussi éclairer ses propres ténèbres.

Elle enfonça sa main dans sa poche, où ses doigts se refermèrent autour de son chapelet. Elle pensa à toutes les prières qu’elle avait déjà formulées à l’intention d’Arceus afin qu’Il place des indices, voire des réponses, sur sa route. Faute d’avoir obtenu le moindre signe de Sa part, elle en était réduite à enquêter sur une mystérieuse femme rousse qui, malgré ses convictions, n’était peut-être rien d’autre que les prémices d’une folie dans laquelle Cassy serait en train de sombrer. À moins que…

Et si c’était l’Alpha Lui-même qui lui envoyait cette vision ? La main de l’adolescente se contracta plus fermement autour de son chapelet. Pouvait-Il avoir entendu ses suppliques ? Et la contacter par le biais d’un messager divin ? Cette femme était-elle… son ange gardien ?

Cassy se mordit la lèvre. Elle aurait aimé le croire, puiser du réconfort dans le fait qu’Arceus n’était pas resté insensible à ses malheurs, mais elle n’avait pas oublié le sentiment qui l’avait assaillie face à son interlocutrice onirique. Son instinct lui avait soufflé qu’elle devait se méfier d’elle, qu’il émanait de cette inconnue quelque chose de mauvais. Sans parler de la façon dont elle avait tenté de l’intimider. Ce n’était pas du tout l’image que Cassy se faisait d’une créature céleste…

Elle ferma les yeux et soupira, son haleine dessinant un petit cercle de buée à la surface de la vitre. Comme ce verre, elle était troublée. Troublée par la vérité qui lui semblait de plus en plus inaccessible. Même si cette femme possédait effectivement les réponses aux questions que Cassy se posait, elle paraissait si peu coopérative que cela ne la réconfortait en rien.

Jamais la jeune fille ne s’était sentie aussi abattue, aussi lasse de tout. Elle était fatiguée de courir après des explications, fatiguée de lutter pour garder la tête hors de l’eau alors que tous les mystères qui l’entouraient menaçaient de l’engloutir pour de bon.

Une goutte coula sur la joue de Cassy. En l’essuyant, elle réalisa que c’était une larme. Elle fixa pendant quelques secondes ses doigts humides, presque invisibles dans la pénombre du couloir, puis elle se détacha de la fenêtre. Le cœur lourd, elle regagna la chambre.